Devenir adulte avec le VIH quand on est infecté depuis l’enfance : les premiers enseignements d’une cohorte
30 Juillet 2012
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On connait peu de choses sur le devenir des enfants infectés pendant la grossesse de leur mère ou dans la petite enfance et qui sont devenus adultes. C’est l’objet de la très originale cohorte Anrs CO19 Coverte qui étudie près de 200 jeunes garçons et filles âgés de 18 à 25 ans et vivant avec le VIH depuis l’enfance, au plan médical, social, comportemental. Les premiers résultats de cette cohorte sont rendus publics à la XIXe conférence internationale sur le sida (Washington) : ils mettent en lumière la difficulté de maintenir la prévention après le premier rapport sexuel.
La transition vers l’âge adulte d’adolescents infectés par le VIH au moment de la naissance est souvent une période de vulnérabilité particulière vis-à-vis de la prise en charge de l’infection, pouvant conduire au rejet des traitements et du suivi médical. Cet état de fragilité peut être accentué par le fait qu’ils quittent le service pédiatrique dans lequel ils étaient suivis pour un service de médecine d’adultes. En outre ces jeunes sont souvent marqués par une histoire familiale difficile, avec le décès de la mère et/ou du père. Enfin, ils vont initier leur vie sexuelle et amoureuse avec le risque de transmettre le VIH à leur(s) partenaire(s).
Très peu d’études ont exploré cette période de transition au plan médical, social, comportemental. C’est toute l’originalité de la cohorte Anrs CO19 Coverte qui a été mise en place en France en 2010. A ce jour, 193 jeunes hommes et femmes vivant en France, tous infectés par voie périnatale ou pendant la petite enfance ont été inclus dans la cohorte. Ils sont âgés aujourd’hui de 18 à 25 ans, et étaient suivis pour un tiers d’entre eux depuis l’enfance dans le cadre de la cohorte Anrs CO10 « Enquête Périnatale Française ». La cohorte Coverte est, à ce jour, la cohorte active la plus importante en Europe sur cette population. Le suivi des patients associe des auto-questionnaires, portant sur les habitudes de vie, remplis par les patients, et des questionnaires annuels médicaux, remplis par les médecins. Ces données sont complétées par des prélèvements biologiques.
Les premiers résultats présentés le 26 juillet à la XIXe Conférence internationale sur le sida à Washington portent sur l’entrée dans la sexualité. Elle a été réalisée auprès de 125 personnes (60 % sont des femmes) de la cohorte Anrs CO19 Coverte. L’âge médian est de 21 ans à l’inclusion, 87 % d’entre eux sont de nationalité française et 55 % titulaires d’un diplôme supérieur ou égal au baccalauréat. Presque tous (119) sont traités par multithérapie d’antirétroviraux, dont un quart par des traitements associant des nouvelles molécules : inhibiteurs de CCR5 et anti-intégrases. La charge virale est détectable chez 30 % d’entre eux (un chiffre plus élevé que dans les cohortes d’adultes), alors que plus de la moitié d’entre eux ont un nombre de CD4 > 500 c/mm3 et ont donc une reconstitution immunitaire.
Selon les réponses apportées par les jeunes eux-mêmes dans l’auto-questionnaire, il apparait que près de 80 % d’entre eux avaient déjà eu un rapport sexuel au moment de l’inclusion, l’âge médian au premier rapport étant de 17 ans, âge similaire à celui retrouvé dans la population générale (étude Anrs KABP 2010). Un préservatif, seul ou en combinaison avec un autre moyen de contraception, a été utilisé par 98 % des jeunes lors du premier rapport sexuel, et par 90 % d’entre eux au dernier rapport. En revanche, 53 % des femmes et 16 % des hommes rapportaient avoir eu au moins un rapport sexuel sans préservatif au cours des 12 derniers mois. Ces proportions sont nettement plus faibles (respectivement 9 % et 12 %) lorsqu’on analyse les questionnaires remplis par les médecins qui tendent à sous-estimer ces pratiques à risque particulièrement chez leurs patients de sexe féminin et/ou de niveau d’études inférieur ou égal au baccalauréat. La non utilisation de préservatif apparaît peu corrélée avec le niveau de charge virale.
Ces premiers résultats mettent en lumière les difficultés que peuvent rencontrer les jeunes, vivant de longue date avec le VIH dans le maintien de la prévention. Ils nécessitent qu’on comprenne maintenant quels sont les obstacles rencontrés ou ressentis par les jeunes et qu’on souligne auprès des soignants la nécessité d’initier ou de maintenir l’information sur le préservatif.
La cohorte ANRS CO19 Coverte est coordonnée au sein de l’équipe « Epidémiologie du VIH et des IST » Inserm U1018, CESP sous la responsabilité de Nelly Briand. Les investigateurs principaux sont Josiane Warszawski, Inserm U1018, et Jean-Paul Viard, Hôtel Dieu, Paris.
Pour en savoir plus :
Briand N.1, Viard JP.2,, Le Chenadec J.1, Dolfus C.3, Firtion G.4, Arvieux C.5,, Funck-Brentano I.6, Reliquet V.7, Jeantils V.8, Boufassa L.1, Chrétien F.1, Ferey C.1, Ramos E.1, Blanche S.6,9, Meyer L.1,10,11, Warszawski J.1,10,11, Anrs CO19 Coverte group.
Clinicians underestimate sexual risk behavior in female patients with perinatally acquired human immunodeficiency virus infection. Anrs CO19 Coverte cohort.
1 – Inserm U1018, CESP, Le Kremlin-Bicêtre. 2 – Hôtel Dieu, Paris. 3 – Hôpital Trousseau, Paris. 4 – Hôpital Cochin, Paris. 5 – CHU de Rennes. 6 – Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris. 7 – CHU Hôtel Dieu , Nantes. 8 – Hôpital Jean Verdier, Bondy. 9 – Université Paris 5, Paris. 10 – Université Paris-Sud, Le Kremlin-Bicêtre. 11 – Hôpital de Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre.