09 Mars 2009
|9 mars 2009 - Site ANRS d’Asie du Sud-Est
Des recherches pour améliorer la prise en charge des personnes vivant avec le VIH
Le 5ème conseil scientifique du site « Asie du Sud-Est » de l’ANRS se déroule du 9 au 12 Mars 2009 à Ho Chi Minh Ville (Vietnam). Il accueillera les chercheurs et médecins de cette région engagés dans la lutte contre le sida ainsi que leurs collègues français avec lesquels ils collaborent. Pour la première fois, les responsables et chercheurs des 6 autres sites ANRS d’Afrique sub-saharienne, d’Egypte et du Brésil participeront à cette réunion et échangeront leurs expériences. Les associations de patients y sont également associées. Depuis sa création, en 2000, le site ANRS « Asie du Sud-Est », qui est implanté au Vietnam et au Cambodge, connaît un développement important. Il contribue, par les recherches qui y sont menées, à améliorer la prévention, l’accès aux soins et la prise en charge des personnes infectées par le VIH. La réunion du conseil scientifique se tient en présence des coordinateurs du site Asie du Sud-Est ou de leurs représentants : le Dr Truong Xuan Lien (Vice-directrice de l’Institut Pasteur - Vietnam), le Dr Kea Chettra (Centre national pour le VIH/sida, les infections dermatologiques et sexuellement transmissibles du Nchads - Cambodge) et le Pr Françoise Barré-Sinoussi (Institut Pasteur - Paris), Prix Nobel de Médecine 2008. Le directeur de l’ANRS, le Pr Jean-François Delfraissy, préside cette rencontre.
Compte tenu de la prévalence de l’infection par le VIH dans les pays du Sud, où vivent 95 % des personnes atteintes, la recherche dans ces pays constitue une des grandes priorités de l’ANRS. Ainsi, en 2008, l’agence y a consacré 12 millions d’euros, soit près de 26% de son budget. Le site « Asie du Sud-Est » a été créé en 2000, formalisant plusieurs années de collaborations entre équipes françaises et équipes asiatiques. Il regroupe les activités de recherche menées au Vietnam et au Cambodge et s’intègre dans un réseau international de sites ANRS situés en Afrique (Sénégal, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Cameroun), au Brésil et en Egypte.
Tous les sites ANRS sont placés sous la responsabilité d’un coordinateur du pays et d’un coordinateur en France. Les responsables du site Asie du Sud-Est sont pour le Vietnam, le Dr Truong Xuan Lien (Directrice adjointe de l’Institut Pasteur), pour le Cambodge, le Dr Saphon Vonthanak (Vice-Directeur de l’Institut national de la santé publique) et pour la France, le Pr Françoise Barré-Sinoussi (Institut Pasteur, Paris), dont les travaux, qui ont permis la découverte du virus du Sida en 1983, ont été récompensés par l’attribution du Prix Nobel de médecine en 2008.
Les recherches sont menées en partenariat avec l’Institut Pasteur de Ho Chi Minh Ville et l'Institut Pasteur du Cambodge, ainsi qu’avec les principaux hôpitaux et en étroite relation avec les autorités de santé des deux pays. Elles s’appuient, pour la France, sur des équipes des principaux organismes de recherche (Institut Pasteur à Paris, Inserm, IRD, Cnrs, universités …), des médecins de centres hospitaliers et avec la participation du programme Esther[1]. Les associations de patients du Vietnam et du Cambodge sont associées à la vie du site de recherche : le dialogue se construit entre chercheurs, médecins et associations en particulier dans le cadre des études impliquant la participation volontaire des personnes à la recherche (pour les essais thérapeutiques, par exemple).
L’objectif principal de cette mobilisation est de :
- Améliorer la prise en charge des personnes vivant avec le VIH et lutter contre les doubles infections (les « co-infections »), comme VIH-tuberculose ou VIH-hépatites.
- Réduire la transmission du VIH de la mère à l’enfant et améliorer le dépistage chez le nourrisson.
Améliorer la prise en charge et lutter contre les co-infectionsAu Vietnam, on estime à 290 000 le nombre de personnes infectées par le virus du Sida ; 17000 d’entre elles reçoivent un traitement. Au Cambodge, ces chiffres sont respectivement de 62000 et 28000. Mieux prendre en charge les patients implique qu’on connaisse les formes de virus circulant dans cette région, qu’on décrypte les mécanismes biologiques des « résistances » aux traitements (le virus s’adapte, les traitements finissent par perdre de leur efficacité), ou encore qu’on comprenne quelle est la réponse sociale et communautaire à l’épidémie. Plusieurs programmes de recherche fondamentale, clinique et en sciences humaines et sociales sont actuellement en cours sur ces questions.
La tuberculose, un problème majeur de santé publique
Au Cambodge, pays où la prévalence de la tuberculose est une des plus élevées au monde, la co-infection VIH et tuberculose pose un problème majeur de santé publique puisque la mortalité chez ces patients, en l’absence de traitements, est particulièrement élevée. Les recherches sur ce thème sont donc une priorité. Le démarrage simultané des traitements contre la tuberculose (habituellement à base de Rifampicine) et contre le VIH (les antirétroviraux) pose plusieurs problèmes. Les antirétroviraux, en améliorant les défenses de l’organisme, peuvent aggraver la tuberculose (« réaction paradoxale »). Les différents médicaments peuvent également interférer entre eux provoquant ainsi des effets indésirables plus ou moins sévères. La question du calendrier du démarrage des traitements est donc importante : Vaut-il mieux commencer les deux traitements au même moment ou commencer le traitement anti-tuberculeux plusieurs semaines avant d’introduire les antirétroviraux ? Un grand essai thérapeutique est actuellement en cours (ANRS 1295 Camelia)[2] pour tenter de répondre à cette question cruciale. Plus de 600 patients co-infectés sont impliqués dans les hôpitaux de Phnom Penh, Siem Reap, Takeo et Svay Rieng. Cet essai thérapeutique très original et dont les premiers résultats sont attendus début 2010, est financé et placé sous la responsabilité conjointe de l’ANRS et des NIH (National Institutes of Health) américains.
Un autre essai va démarrer au Vietnam (ANRS 12 150 RAP)[3] pour évaluer un autre traitement contre la tuberculose (à base de rifabutine) dont on pense qu’il serait plus compatible avec les antirétroviraux. Cet essai, dont l’ANRS est promoteur, est co-financé par la Fondation Total. Il implique l’hôpital Pham Ngoc Thach, l’Institut Pasteur à HCMV et l’«International Union Against Tuberculosis and Lung Disease ».
Dans ces deux études, les dosages de médicaments présents dans l’organisme seront analysés en collaboration avec le Laboratoire de la Fondation Mérieux, de la Faculté de Pharmacie de l’Université des Sciences de la Santé du Cambodge.
En parallèle à ces essais thérapeutiques, plusieurs équipes scientifiques tentent de comprendre les mécanismes immunologiques en jeu dans l’apparition des « réactions paradoxales » (ANRS 12 153 Capri NK[4], ANRS 12 164Capri T[5]) lors des traitements des co-infections VIH et tuberculose.
Réduire la transmission du virus de la mère à l’enfant et améliorer le dépistage chez le nourrisson
La transmission du VIH de la mère à son enfant au cours de la grossesse et de l’accouchement est hélas encore trop souvent répandue dans les pays en développement. Le traitement préventif le plus communément utilisé dans ces pays repose sur quelques antirétroviraux, dont la Névirapine. Utilisée seule, cette dernière est peu coûteuse et efficace pour diminuer le risque de transmission. Elle peut en revanche induire le développement de virus « résistants » chez la mère et l’enfant, compromettant ainsi l’efficacité de futurs traitements.
Les chercheurs dans le monde recherchent de nouvelles alternatives à ce médicament, qui soient le moins toxiques possibles, tout en préservant l’enfant de l’infection. Menée au Cambodge, en Afrique du Sud et en Côte d’Ivoire, l’étude ANRS 12109 TEmAA[6] a pour objectif de valider l’administration de Ténofovir (associé à l’Emtricitabine) comme alternative à la névirapine. L’étude a concerné 38 femmes enceintes. Elle a conclu que le traitement alternatif était bien assimilé et bien toléré par la mère et n’entraînait pas d’effets indésirables chez l’enfant. Une deuxième étape d’analyse est en cours pour étudier l’effet de ce traitement si on le donne en plus à l’enfant.
Un autre enjeu important pour les pays où l’infection de l’enfant reste importante est de faciliter le dépistage du VIH le plus tôt possible afin d’assurer une prise en charge optimale du nourrisson si celui-ci s’avérait infecté. On sait en effet qu’en cas d’infection, le pronostic sera largement amélioré si l’enfant reçoit très tôt un traitement antirétroviral. Les chercheurs du site « Asie du Sud Est », en collaboration avec le groupe Virologie de l’ANRS (qui regroupe des experts de la recherche fondamentale sur le VIH, du Nord et du Sud) ont participé au développement d’ une approche originale qui pourrait représenter à l’avenir une alternative aux méthodes de diagnostic actuelles : la technologie d’analyse des échantillons de sang utilisée pour détecter le virus (la « PCR en temps réel ») se révèle rapide, fiable et peu coûteuse. L’implication des équipes cambodgiennes dans cet ambitieux projet a permis par ailleurs de valider l’utilisation du « papier buvard » comme support de prélèvement : un peu de sang prélevé au talon du nourrisson y est déposé. Le papier buvard est facile à transporter, résiste à la chaleur, et d’un faible coût : l’ensemble « PCR en temps réel » et « Papier buvard » représente une innovation importante pour les pays du Sud et se révèle particulièrement adapté à leur contexte économique et médical.
Enfin, un nouveau projet va prochainement démarrer au Vietnam. Il tentera de décrire la situation sociale des enfants vivant avec le VIH, et d’identifier les raisons du retard au dépistage de leur infection et de leur prise en charge.
« Le site Asie du Sud-Est est d’une très grande importance pour l’ANRS, souligne le Pr Jean-François Delfraissy. Il s’appuie sur une collaboration engagée de longue date entre équipes vietnamiennes, cambodgiennes et françaises, dont on voit de plus en plus le bénéfice réciproque : nous nous sommes enrichis mutuellement de nos savoirs et de nos expériences, dans le respect de nos différences, et nous avons indéniablement progressé. Le conseil scientifique qui s’y déroule accueille pour la première fois en Asie les représentants des autres sites ANRS, d’Afrique, d’Egypte et du Brésil. Plus que jamais, nous avons besoin d’une réponse globale contre l’épidémie qui mobilise toutes les forces afin de répondre aux nouveaux enjeux médicaux, sociaux et économiques qu’elle nous impose ».
L’ANRS est l’agence française de recherches sur le VIH/sida et les hépatites virales. Elle a pour objectif d’acquérir de nouvelles connaissances afin d’aider, au Nord comme au Sud, à améliorer la prévention de ces infections et la prise en charge des personnes atteintes. L’ANRS fédère, autour de grandes priorités scientifiques, des chercheurs de toutes les disciplines et des médecins appartenant aux organismes de recherche français (INSERM, CNRS, Institut Pasteur, IRD, universités) et aux hôpitaux. L’Agence réunit, dans des « Sites ANRS », chercheurs du Nord et du Sud autour de projets de recherche qui s’inscrivent dans les priorités de santé des pays en développement. Son budget annuel, environ 48 millions d’Euros, lui est attribué par les ministères français en charge de la recherche, des affaires étrangères et de la santé.
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[1] Ensemble pour une Solidarité Thérapeutique Hospitalière En Réseau
[2] Essai placé sous la responsabilité conjointe des Drs François Xavier-Blanc, Hôpital du Kremlin Bicetre, France, et Sok Thim, Cambodian Health Committee, Phnom Penh
[3] Sous la responsabilité conjointe des Drs Alexander Pim, Afrique du Sud, et Anthony Harries, Union internationale contre la tuberculose, France
[4] Responsables : Daniel Scott Algarra, Institut Pasteur, Paris, et Eric Nerrienet, Institut Pasteur du Cambodge
[5] Responsables : Anne Goldfeld, IDI, Boston, et Polidy Pean, Institut Pasteur du Cambodge
[6] Responsables : François Dabis, Inserm U 897, Université de Bordeaux 2, et Koumavi Didier Ekouevi, CHU de Treichville, Abidjan, Cote d’Ivoire