14 Janvier 2009
|Paris, le 13 janvier 2009
Une avancée vient d’être effectuée dans la recherche sur le sida grâce au séquençage d’une partie du génome de patients infectés par le VIH-1. Plusieurs équipes de recherche (Faculté de médecine Paris Sud, CHU Pitié-Salpêtrière, Necker, Kremlin-Bicêtre, Hôpital Paul Brousse, Inserm U882, 802, 543) ont identifié pour la première fois trois régions du génome impliquées dans la réplication du VIH et dans la constitution du réservoir viral. Ces résultats apportent de nouvelles pistes de recherche pour mieux comprendre les mécanismes de progression vers le SIDA et trouver, à terme, de nouvelles cibles thérapeutiques ou vaccinales. Ces travaux sont issus du programme de recherche « génomique » de l’ANRS et sont financés par l’Agence. Les résultats sont issus des cohortes de patients ANRS Primo CO 06 (patients récemment infectés) et de la cohorte de patients « contrôleurs du VIH » (ANRS EP 36). Ils ont été publiés dans la revue PLoS ONE du 24 décembre 2008 (http://dx.plos.org/10.1371/journal.pone.0003907).
De précédentes études ont montré que certains gènes influencent la progression de la maladie dans l’organisme. Par exemple, une mutation sur un gène codant pour un récepteur au virus à la surface des cellules de l’hôte, CCR-5, peut ralentir l’évolution de la maladie. Mais ces études se limitaient jusque-là à l’étude de quelques gènes très ciblés. Depuis 2007, les possibilités de séquençage du génome humain se sont accrues. Une plate-forme de génotypage à haut débit permet désormais d’avoir accès à des centaines de milliers de séquences du génome d’un grand nombre de personnes. Elle est le fruit d’une collaboration entre l’ANRS, l’Inserm et les Universités Paris VI et Paris XI. Cette plate-forme permet de déterminer, sur une large échelle, des caractéristiques génétiques possiblement associées à l’évolution de la maladie et à la réponse aux traitements. Les chercheurs ont ainsi utilisé cette plate-forme afin d’établir, pour la première fois, les liens existants entre certaines régions du génome et le contrôle de la réplication virale. Leurs travaux ont été réalisés dans le cadre du programme de recherche « Génomique » de l’ANRS et ont été financés par l’Agence.
Les chercheurs ont analysé le profil génétique de 605 personnes récemment infectées par le VIH au sein de la cohorte ANRS Primo CO 06 et ont suivi l’évolution de leur maladie grâce à deux indicateurs : l’ARN viral plasmatique et l’ADN viral présent dans les lymphocytes. L’ARN viral correspond au nombre de virus circulants, c’est à dire à la charge virale. Le fait de mesurer sa quantité permet d’évaluer l’activité de réplication du virus et son contrôle par l’organisme humain. Quant à l’ADN viral, il indique le niveau du réservoir viral, c’est à dire du stock de virus demeurant à l’intérieur des cellules du malade. Le virus s’intègre en effet dans le génome des cellules de l’hôte sous forme d’ADN et peut y rester des années à l’état latent avant de se réactiver. Ce réservoir persiste au cours du temps, même sous trithérapie active. « Il est important d’apprendre à mieux connaître ces deux mécanismes car ils peuvent être indépendants chez les patients et provoquer, l’un ou l’autre, l’aggravation de la maladie. C’est pourquoi nous avons voulu déceler les séquences génétiques susceptibles de réguler la réplication virale d’une part et la constitution du réservoir d’autre part », précise Ioannis Theodorou (CHU Pitié-Salpétrière, Inserm U543).
Les chercheurs ont analysé les liens pouvant exister entre les variations génétiques trouvées chez les patients de la cohorte ANRS Primo CO 06 et les quantités d’ARN viral et d’ADN viral correspondantes.
Trois régions du génome humain ont été identifiées comme ayant une influence sur l’un des deux mécanismes étudiés : une région située sur le chromosome 6 (en particulier le complexe majeur d’histocompatibilité1), et deux régions situées sur les chromosomes 8 et 17. La première région est associée à un faible taux d’ARN viral lors de la primo-infection, traduisant un bon contrôle de la réplication virale par l’organisme. Les deux autres régions situées sur les chromosomes 8 et 17 sont, elles, associées à un taux d’ADN viral bas, c’est à dire à une constitution lente du réservoir. C’est la première fois qu’une étude de ce type identifie des nouvelles régions génomiques influençant l’intégration du virus dans les cellules humaines.
Des résultats similaires sont rapportés chez les patients dits «contrôleurs du VIH», étudiés dans la cohorte ANRS EP36. Ces patients sont infectés depuis plus de dix ans mais ne développent pas la maladie. Ils contrôlent spontanément leur charge virale, sans traitement, et leur quantité d’ADN viral est très faible.
Ces 3 régions du génome contiennent des gènes polymorphes qui diffèrent d’un individu à l’autre et dont les mutations peuvent entraîner des changements soit dans l’expression soit dans la structure des protéines qui sont à l’origine du contrôle de la réplication et de l’intégration virale. « L’objectif est maintenant d’identifier les gènes en cause, leurs fonctions et d’éventuelles mutations, explique le Pr Jean-François Delfraissy, Directeur de l’ANRS.
_______________________________
1. Le rôle de certaines régions du complexe majeur d’histocompatibilité dans le contrôle de la maladie chez les patients infectés non-progresseurs vient d’être confirmé dans une autre publication. (J Infect Dis. 2009 ;199 :419-426 – Publication en ligne le 10 janvier 2009).
Sources
Distinct Genetic Loci Control Plasma HIV-RNA and Cellular HIV-DNA Levels in HIV-1 Infection: the ANRS Genome Wide Association 01 Study. PLoS ONE : (http://dx.plos.org/10.1371/journal.pone.0003907
Cyril Dalmasso1, Wassila Carpentier2, Laurence Meyer3, Christine Rouzioux4, Cécile Goujard5, Marie-Laure Chaix4, Olivier Lambotte5, Véronique Avettand-Fenoel4, Sigrid Le Clerc6, Laure Denis de Senneville2, Christiane Deveau3, Faroudy Boufassa3, Patrice Debré2, Jean-François Delfraissy5, Philippe Broet1,7 and Ioannis Theodorou2.
1. JE2492, Faculty of Medicine Paris-Sud, Univ Paris-Sud, Villejuif, F-94807, France
2. CHU Pitié Salpetrière (AP-HP), INSERM U 543, Université Pierre et Marie Curie. Paris France.
3. INSERM, U822, Le Kremlin-Bicêtre, F-94276 France; Univ Paris-Sud, Faculté de Médecine Paris-Sud, Le Kremlin-Bicêtre, F-94276; AP-HP, Hopital Bicêtre, Epidemiology and Public Health Service, F-94276.
4. CHU Necker (AP-HP) EA 3620 Université Paris Descartes. Paris Franc
5. CHU Kremlin Bicêtre (AP-HP); INSERM, U802, Le Kremlin-Bicêtre; Univ Paris-Sud, Faculté de Médecine Paris-Sud, Le Kremlin-Bicêtre, F-94276.
6. Chaire de Bioinformatique, Conservatoire National des Arts et Métiers, F-75003 Paris, France.
7. Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Hôpital Paul Brousse, Service de Santé Publique, Univ Paris-Sud, Villejuif, F-94807, France.
Genomewide Association Study of an AIDS-Nonprogression Cohort Emphasizes the Role Played by HLA Genes (ANRS Genomewide Association Study 02). J Infect Dis. 2009;199:419-426.
Sophie Limou1,2,4,5, Sigrid Le Clerc1,2,4, Cédric Coulonges1,2, Wassila Carpentier2, Christian Dina6, Olivier Delaneau1, Taoufik Labib1,4, Lieng Taing1, Rob Sladek8, ANRS Genomic Group2, Christiane Deveau2, Rojo Ratsimandresy1, Matthieu Montes1, Jean-Louis Spadoni1, Jean-Daniel Lelièvre4, Yves Lévy4, Amu Therwath3, François Schächter1, Fumihiko Matsuda9, Ivo Gut5, Philippe Froguel6,10, Jean-François Delfraissy2, Serge Hercberg7, and Jean-François Zagury1,2,4
1. Chaire de Bioinformatique, Conservatoire National des Arts et Métiers
2. Agence nationale de recherches sur la sida et les hépatites virales (ANRS) Genomic Group
3. Laboratoire d’Oncologie Moléculaire, Université Paris 7
4. Henri Mondor Hospital, Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) U841, Créteil
5. Commissariat à l’Energie Atomique/Institut de génomique, Centre national de génotypage, Evry
6. Unité mixte de recherche (UMR) Centre national de la recherche scientifique (CNRS) 8090, Institut Pasteur de Lille
7. UMR U557 Inserm/U1125 Institut national de la recherche agronomique (INRA)/Conservatoire national des Arts et Métiers/Université Paris 13, Centre de recherche en nutrition humaine Ile-de-France, Santé-Médecine-Biologie humaine Paris 13, Bobigny
8. Department of Human Genetics, Faculty of Medicine, McGill University and Génome Québec Innovation Centre, Montreal, Canada
9. Inserm U852, Center for Genomic Medicine, Kyoto University Graduate School of Medicine, Kyoto, Japan
10. Genomic Medicine, Hammersmith Hospital, Imperial College London, London, United Kingdom.