Conseil d'administration du CNRS, réunion du 1er juillet 2008 (v.080629)

"HORIZON 2020"

PLAN STRATEGIQUE DU CNRS

Sommaire

INTRODUCTION.............................................................................................................................. 3

1. LA RECHERCHE : COEUR DE MÉTIER DU CNRS............................................................................. 9

1.1. OBJECTIF 1 : FAIRE AVANCER LE FRONT DE LA CONNAISSANCE ........................................... 10

1.2. OBJECTIF 2 : RELEVER LES GRANDS DEFIS DE LA PLANETE.................................................. 14

1.3. OBJECTIF 3 : FAIRE DIALOGUER LES CONCEPTS ET LES TECHNOLOGIES DE POINTE..................... 15

1.4. OBJECTIF 4 : FEDERER LES DISCIPLINES ET LES COMPETENCES .......................................... 16

1.5. OBJECTIF 5 : PROMOUVOIR ET MUTUALISER LES EQUIPEMENTS INDISPENSABLES A LA RECHERCHE .... 21

2. LE CNRS ET LA SOCIÉTÉ DE LA CONNAISSANCE........................................................................ 23

2.1. OBJECTIF 6 : LE CNRS, ACTEUR DE LA CROISSANCE ECONOMIQUE ..................................... 23

2.2. OBJECTIF 7 : LE CNRS, ACTEUR DE LA FORMATION ET PARTENAIRE DES UNIVERSITES ................. 27

2.3. O
BJECTIF 8 : LE CNRS, ACTEUR DANS LA SOCIETE........................................................ 31

2.4. OBJECTIF 9 : LE CNRS, ACTEUR EUROPEEN ET INTERNATIONAL............................................ 36

3. UNE ORGANISATION MIEUX ADAPTÉE AUX DÉFIS POUR 2020................................................... 41

3.1. OBJECTIF 10 : LES FEMMES ET LES HOMMES ACTEURS DE LAVENIR DU CNRS...................... 41

3.2. OBJECTIF 11 : UNE ORGANISATION EN INSTITUTS ET EN RESEAUX ........................................ 46

3.3. OBJECTIF 12 : UNE EVALUATION EN COHERENCE AVEC LES OBJECTIFS STRATEGIQUES.................... 52

 

INTRODUCTION

Explorateur de la Science, acteur majeur de la recherche française et organisme de référence en Europe et au plan international, le CNRS a pour ambition d’être un élément moteur de l’adaptation du système national de recherche et d’innovation à la compétition mondiale.

Cette concurrence mondiale de l’intelligence nécessite des moyens financiers conséquents et une organisation optimisée. Un investissement massif ne produira, en effet, ses pleins effets que s’il s’accompagne d’une évolution adaptée de l’appareil de recherche français lui permettant de mieux s'intégrer au système international.

Fort de sa mission première d’avancement coordonné des connaissances et de sa pluridisciplinarité, l’organisme souhaite préciser son positionnement dans le nouveau paysage de la recherche française qui se construit depuis trois ans, complété à partir de 2007 par l’accession des universités à l’autonomie, ce qui permettra à chacune, dans ses domaines d’excellence, de contribuer en tant qu’acteur pleinement responsable à la politique scientifique de la France.

A travers ce plan stratégique, l’Etat, en confirmant les responsabilités nationales de l'oranisme, renouvelle sa confiance dans le CNRS et réaffirme son intégrité.

Dans le cadre d’une coopération renforcée avec ses partenaires, les disciplines présentes au CNRS demeureront en son sein, ainsi que les personnels qui les font vivre.

Ainsi le CNRS sera un acteur majeur de l’émergence, dans notre pays, d’une véritable Société et Economie de la Connaissance, fondée sur la Recherche.

Les grandes orientations stratégiques du CNRS dans le nouvel environnement européen et mondial.

En France, comme ailleurs, la recherche évolue dans ses structures et son mode de fonctionnement. Quatre tendances générales d’évolution mondiale se dessinent clairement :

Le dyptique « compétition – collaboration » s’étend, à tous les niveaux du fonctionnement de la recherche, pour la production des connaissances, l’innovation technologique et la formation. Il s’accompagne d’une intensification de la mise en réseaux des compétences mondiales.

Recherche fondamentale et recherche finalisée interagissent plus étroitement.

La recherche scientifique doit contribuer à la solution des grandes questions globales etcomplexe touchant à l’avenir de la planète  (changement climatique, biodiversité, nouvelles énergies, grandes mutations sociales, etc.), tout en apportant sa contribution audéveloppement économique des sociétés.

Les réponses passent par une approche transdisciplinaire et collaborative, indispensable pour faire face aux grands défis de la connaissance.La société attend du chercheur une responsabilisation accrue quant aux conséquences de ses avancées et innovations, ce qui rend nécessaire la transparence de ses actions et de leur évaluation.

Le CNRS possède une vision globale et pluridisciplinaire de la recherche. Dans ce nouvel environnement, il doit oeuvrer, avec ses partenaires (universités et autres organismes), à la meilleure synergie possible entre la coopération et la compétition pour la production des savoirs, la prise de risque scientifique sur le long terme et la mobilisation collective au service de grands défis, en particulier au travers de sa structuration en réseaux.

Un dispositif national plus cohérent

L’objectif des évolutions en cours vise à stimuler l’initiative, simplifier la vie des chercheurs dans les laboratoires et éviter la dispersion dans l’effort de recherche. Le paysage français se rapproche désormais d’un modèle commun à tous les grands pays industrialisés reposant sur trois types d’acteurs1 :

les universités. Elles deviennent autonomes pour pouvoir conduire une recherche de grande qualité en partenariat avec les organismes de recherche.

les organismes de recherche. Désormais dotés d’une nouvelle responsabilité, en fonction de leurs champs thématiques de compétences, ils doivent coordonner, au niveau national, les recherches menées dans leurs laboratoires propres ou mixtes avec celles des autres organismes oeuvrant dans les mêmes champs de compétences.

les agences de financement de la recherche. L’Agence Nationale de la Recherche (ANR) constitue la principale agence de financement.

À ces trois piliers du système français viennent s’ajouter :

des instruments structurants de coordination locale des acteurs de la recherche, de l’innovation et des partenariats publics/privés : PRES, RTRA, Instituts Carnot et pôles de compétitivité

l’Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement supérieur (AERES).

Dans ce contexte, le CNRS renouvelle son positionnement, réaffirme ses valeurs et assume ses responsabilités Opérateur de recherche, le CNRS renforce son rôle d’agence de moyens. Il a, en effet,pour mission "d’évaluer, d’effectuer ou de faire effectuer toutes recherches présentant un intérêt pour l’avancement de la science ainsi que pour le progrès économique, social et culturel de notre pays"

Pluridisciplinaire, le CNRS est, en France, l'organisme couvrant de la manière la plus large les champs de la connaissance scientifique. A lui, avec l’ensemble de ses partenaires, d’impulser ou de participer à l’avancement coordonné des connaissances.

Le CNRS est le premier partenaire scientifique des établissements d’enseignementsupérieur et de recherche dans de nombreux domaines. Il a une vision nationale et internationale de la recherche, complémentaire de celle des universités.

Par sa réflexion prospective, par le recrutement et l’évaluation sélective de ses chercheurs auxquelles contribue le Comité national de la recherche scientifique (CoNRS), il apporte la cohérence et la mutualisation nécessaires à une stratégie de recherche nationale, qu’elle soit disciplinaire ou pluri-disciplinaire.

Par sa capacité d’organisation à l’échelle nationale et européenne, le CNRS a une responsabilité forte dans la construction et la gestion de plateformes, de grands équipements et d’infrastructures de recherche internationales.

Les valeurs qui ont fait la compétence, la crédibilité et la réputation internationale du CNRS sont et doivent rester : l’élitisme du recrutement, l’attractivité, la liberté et la responsabilité au service de la créativité du chercheur, la prise de risque en matière de recherche, la conjugaison entre compétition et collaboration pour mener à bien un programme scientifique, l'ouverture aux disciplines nouvelles et la mise en oeuvre de l'interdisciplinarité sur le terrain. Ces valeurs sont les fondements sur lesquels, avec ses partenaires, le CNRS construira sa dynamique afin de répondre aux attentes de la société.

La dénomination suivante est celle utilisée par la Fondation européenne de la Science (ESF) et ll’ensemble des organismes européens réunis au sein de EuroHorcs.2 Décret organique du CNRS du 24 novembre 1982

Outre la participation et la cohérence nationale qu’il apportera aux actions cofinancées avec les établissements universitaires, les autres organismes de recherche et les agences, le CNRS soutiendra des recherches qu’il aura été amené à initier en raison de leur nature exploratoire, de leur durée importante ou de l’ampleur des moyens qu’elles nécessitent. Le CNRS a vocation à gérer des laboratoires et des plateformes stratégiques pour la Nation, de très grands équipements et à fournir à l’ensemble de la communauté scientifique des instruments de haut niveau. Il assure leur fonctionnement, notamment en y affectant des ingénieurs et des techniciens aux côtés des chercheurs.

La nouvelle rganisation du CNRS doit répondre à trois grands objectifs :

1. Assurer l’interdisciplinarité, garante de grandes découvertes. Cette interdisciplinarité ne pourra se développer qu’en s’appuyant sur des disciplines fortes.

2. S’adapter au nouvel environnement de la recherche en France, les universités devenant autonomes et les organismes nationaux devant mieux se coordonner entre eux.

3. Organiser l’expression des compétences et des talents et optimiser l’usage des ressources, en particulier des fonds publics.

Les disciplines sont l’ossature naturelle des universités et des écoles, aussi bien dans le domaine de la recherche que de la formation. Dans le cadre des partenariats rénovés avec l’enseignement supérieur, il importe de conserver une lisibilité du CNRS par discipline.

Toutes les disciplines actuellement représentées au CNRS ont vocation à y rester et à se structurer en instituts. Les Instituts du CNRS sont créés par l'organisme après avis de ses instances consultatives et délibératoires.

Responsables d'un champ de la connaissance et de la mise en synergie de diverses disciplines pour répondre à leurs enjeux propres, les Instituts seront :

opérateurs d'un noyau de laboratoires et d’unités stratégiques pour la réalisation de leur mission

agences de moyens pour des laboratoires qui, s’inscrivant dans le champ de leur mission, seront opérés par un autre Institut et/ou par un établissement tiers, principalement universitaire

Complémentaires l’une de l’autre, les fonctions d’opérateur et d’agence de moyens permettront d’entretenir le dialogue entre les Instituts du CNRS, sous la supervision de la direction générale de l’organisme.

Les directeurs des Instituts feront partie du comité de direction du CNRS. Cette responsabilité devra être assumée par des personnalités scientifiques reconnues internationalement. Ils seront nommés par le président du Centre sur proposition du directeur général, à l’issue d’un processus transparent et ouvert à l’international à l'image des «search committees» des plus grandes instances internationales de recherche. Les directeurs des instituts s’appuieront sur

des conseils, composés de membres élus et de membres nommés, dont une proportion de personnalités extérieures ou étrangères. Les conseils scientifiques d'Institut feront partie intégrante du Comité national.

Tous les instituts du CNRS ont vocation à assurer des missions nationales confiées par l'Etat. L'organisation et les compétences de l'INSU et de l'IN2P3 demeurent inchangées.

La direction du CNRS est renforcée

Pour élaborer les choix stratégiques du CNRS de façon collégiale avec l’ensemble des directeurs d’Instituts, pour garantir l’adhésion, pour superviser l’exécution et pour évaluer les résultats, la direction de l’organisme sera renforcée. Dans le cadre de la politique nationale définie par l’Etat, la direction du CNRS sera chargée de la stratégie scientifique du Centre et de son élaboration avec l’aide de ses Conseils, véritables émanations des communautés scientifiques. Elle sera garante de l’excellence scientifique, du dialogue entre les disciplines et de la prospective, conditions nécessaires aux ruptures scientifiques et technologiques.

La direction du CNRS aura, notamment, la responsabilité :

De l’élaboration du Plan stratégique de l’établissement et de la négociation, avec l’Etat, de son contrat pluriannuel d’objectifs.

de la répartition du budget de l'établissement que l’Etat attribue globalement à l’établissement (moyens humains et financiers), la politique de gestion des ressources humaines, la modernisation et la simplification de l’appui apporté aux laboratoires, la coordination et la consolidation de la politique partenariale nationale et internationale de l'organisme, la communication et l’administration du Centre.

Elle décidera des budgets et des moyens des Instituts, dans le cadre de contrats d’objectifs et de moyens pluriannuels. Chaque Institut disposera de deux enveloppes budgétaires non fongibles entre elles, correspondant aux deux rôles d’opérateur et d’agence de moyens.

Le CNRS s’organise pour répondre à l’enjeu interdisciplinaire

L’interdisciplinarité ne se décrète pas, mais se construit sur le terrain. A l'organisme et ses partenaires de créer les conditions de son émergence et de son développement.

Pour cela, la direction du CNRS déclinera, à tous les niveaux de l'établissement, les outils de l'interdisciplinarité :

 au niveau des laboratoires, avec la possibilité pour les unités de recherche d'être "d'interface", c'est-à-dire rattachées à plusieurs Instituts ; un seul étant mandaté pour la gestion ;

Au niveau des campus propres avec la création d'hôtels à projets interdisciplinaires au niveau des Instituts avec leur double fonction d'opérateur et d'agence, et la non fongibilité des budgets entre ces deux fonctions ;

Au niveau de la direction générale avec trois pôles, générateurs d’intégrationinterdisciplinaire transverse aux Instituts. Ces pôles d’intégration interdisciplinaire ont été définis à partir des six thèmes transverses du Plan stratégique du CNRS :

- Les Hommes dans le système Terre : environnement, sciences du vivant, développement durable, crises et sociétés

-  Origine et maîtrise de la matière : matériaux, nanosciences, convergence nano / bio / STIC, énergieLa société en réseau : cognition et cerveau, communication, STIC, calcul de haute performance, très grandes bases de données.

Le CNRS participe au nouveau dispositif de coopération et coordination conjointes

Dans certains champs disciplinaires pour lesquels il existe d'autres organismes nationaux, il importe que le CNRS et les organismes concernés construisent, ensemble, le meilleur dispositif de coordination pour que les chercheurs de chaque organisme puissent bâtir ensemble une politique ambitieuse de recherche dans leurs domaines de complémentarité.

Tous les Instituts du CNRS prendront leur part dans la nécessaire coordination lorsque les champs disciplinaires sont partagés. L’approche sera en particulier de terrain : les outils d'intervention des organismes dans les laboratoires, portant sur l’allocation de moyens humains et financiers (tels les contrats de type ATIPE pour le CNRS ou AVENIR pour l’INSERM, la reconnaissance de la performance, etc.), devront être harmonisés au bénéfice de la stratégie nationale de recherche.

"HORIZON 2020"

PLAN STRATEGIQUE3 DU CNRS

Le plan stratégique du CNRS « Horizon 2020 » comprend douze objectifs qui ont été définis à l’issue d’une réflexion collective impliquant les directions du CNRS, les sections du CoNRS, les conseils scientifiques de département, le conseil scientifique de l’organisme et son conseil d’administration

1. LA RECHERCHE : COEUR DE MÉTIER DU CNRS

À la fois explorateur de la science et fédérateur de compétences et de moyens, le CNRS a pour mission fondamentale l’accroissement des savoirs dans toutes les disciplines. Le CNRS doit pour cela allier excellence, prospective, créativité et réactivité. Mais il doit aussi faire des choix. Aussi la stratégie scientifique met-elle l’accent sur des grands thèmes fédérateurs abordant des questions scientifiques fondamentales et à fort impact culturel ou technologique.

Outre ces convergences thématiques, elle fait une priorité de la mise en commun des équipements nécessaires à la recherche et des très grands équipements. Le CNRS, fédérateur des compétences et des disciplines, encouragera et coordonnera ces deux mouvements.

La recherche privée, qui représente au niveau national la part majeure en termes d’investissement, est soumise à des impératifs économiques parfois à très court terme.

L’innovation vise à créer de nouvelles valeurs, au sens économique du terme, par la mise en oeuvre originale de connaissances parfois déjà acquises, de techniques déjà connues ou émergentes. Elle apporte de la créativité, utilise souvent les résultats de la recherche, les suscite parfois au travers de ses interrogations.

La recherche publique, si elle a le devoir d’épauler les entreprises et de susciter les innovations, a aussi et surtout celui d’anticiper sur l’avenir. Anticiper, c’est s’engager résolument dans une recherche à moyen et à long terme, et prendre le risque de lancer des opérations de recherche novatrices, qui peuvent parfois ne pas déboucher sur les résultats escomptés, suivant un processus inhérent aux progrès des connaissances, seul capable de produire des percées scientifiques.

Les ruptures de demain sont en effet imprévisibles. Le CNRS et ses partenaires, organismes et établissements d’enseignement supérieur, doivent permettre aux chercheurs de les provoquer en leur offrant un environnement adéquat.

Une recherche sur le long terme s’impose également pour faire face aux défis majeurs de la planète, qui ont trait notamment au climat, à la gestion durable des ressources, aux grands changements géopolitiques, à la protection des populations. Affirmés avec force dans les instances et dans les consultations internationales, ceux-ci sont du ressort de la recherche publique. Le CNRS, avec ses partenaires, doit réunir les compétences pour les traiter.

Avec les autres organismes nationaux, le CNRS a aussi pour mission de structurer, d’optimiser et de rendre plus cohérent l’effort public de recherche. Il doit effectuer un suivi spécifique des actions, et réorienter voire arrêter les opérations infructueuses. La prise de risque maîtrisée dans les choix scientifiques et organisée selon une perspective nationale, est une valeur fondamentale de son action de recherche, qui a cinq grands objectifs.

 

1.1. Objectif 1 : faire avancer le front de la connaissance

C’est sur la force des disciplines et sur leur capacité à s’associer, échanger et construire des concepts en commun que la recherche construit ses richesses. Maintenir ce socle et favoriser son développement, associer ces compétences, c’est investir dans les percées scientifiques de demain et garantir une plus grande réactivité en réponse à de nouveaux défis.

L’objectif de faire avancer sans cesse le front de la connaissance se décline à la fois au sein des disciplines et par des approches intégrées et pluridisciplinaires. Les approches transdisciplinaires, qui s’amorcent aujourd’hui, y contribueront demain de façon décisive.

1.1.1. La force d’un vaste socle disciplinaire

L’histoire montre que c’est sur la force des disciplines que la recherche a construit ses richesses, avec des percées majeures suivies de développements très importants résultant d’une maturation, l’ensemble impliquant en général des centres ou des groupes de recherche d’excellence. Les grandes découvertes ne se programment pas toujours, elles peuvent venir là où on ne les attend pas. C’est pourquoi il n’y a pas de dynamique du front de la connaissance sans un robuste socle, comprenant l’ensemble des disciplines. Maintenir ce socle et favoriser son développement, c’est investir dans les percées de demain et garantir une plus grande réactivité en réponse à de nouveaux défis. C’est enfin aborder des questions fondamentales se posant aux scientifiques comme par exemple la nature ou l’origine de l’Univers, le développement des êtres vivants ou la connaissance de l’homme et des sociétés.

Infiniment grand et infiniment petit

Infiniment petit et infiniment grand, particules élémentaires et Univers sont intimement liés.

Comment l’univers a-t-il commencé et quel est son avenir ? Quelle est la nature de ces mystérieuses « énergie noire » et « matière noire » qui constituent 96% de l’Univers ? Y a-t-il des états nouveaux de la matière aux densités et aux températures les plus élevées qui règnent ou ont régné dans l’univers ?

Pourquoi l’univers est-il remarquablement homogène sur des distances non reliées causalement, et pourquoi sa géométrie est-elle euclidienne ? Quelle est l’origine des infimes fluctuations de densité initiales qui sont à l’origine de toutes les structures de l’univers actuel ? Pourquoi les particules ont-elles une masse ?

Pourquoi la matière plutôt que l’antimatière… Autant de questions mêlant les deux infinis, véhiculées par ces messagers de l’univers que sont les photons et les astroparticules, et dont les réponses verront sans doute la naissance d’une nouvelle physique. L’un des grands défis de la science contemporaine est de suivre les traces mêlées de la simplicité et de la complexité, de la régularité et de l’aléatoire, de l’ordre et du désordre, en montant par degrés de l’élémentaire (la physique des particules) aux premières émergences de la complexité (le proton et les noyaux) jusqu’aux planètes, aux étoiles et aux galaxies. Il est probable que nous vivrons au XXI
e siècle le même type de révolution que celle qui a vu au XXe siècle la naissance de la mécanique quantique et de la relativité en réponse à des questionnements de la fin du siècle précédent.

Le CNRS a déjà joué un rôle d’avant-garde dans ce domaine avec la mise en priorité du thème des astroparticules dès 2000, avant que d’autres agences européennes et américaines ne prennent le relais. L’organisme possède de réels atouts pour être au tout premier plan dans cette aventure scientifique, car il dispose de l’ensemble des communautés scientifiques concernées : astrophysiciens, physiciens nucléaires, physiciens des particules, physiciens

théoriciens. Sa force réside également dans sa forte implication dans les outils de simulation lourde et les outils de détection et d’observation (neutrinos, ondes gravitationnelles, rayonnements g, matière noire, fond cosmologique…).

Le développement des êtres vivants

Pour appréhender le développement des êtres vivants, il est nécessaire de comprendre comment son programme est déterminé génétiquement, comment les cellules prolifèrent, comment elles acquièrent et maintiennent leur identité, comment est organisé le plan des organes et finalement comment ces derniers sont construits dans le temps et dans l’espace, jusqu’à l’organisme final. Pour étudier comment à partir d’une cellule unique on arrive à la formation d’un être vivant, il est donc nécessaire d’intégrer les données génétiques avec celles de la biologie moléculaire et cellulaire, de la morphologie, de la physiologie générale, de l’embryologie expérimentale. Cette approche intégrée a conduit à une accélération importante des résultats obtenus en biologie du développement et son rythme devrait encore augmenter au cours des prochaines années. De nouveaux aspects biologiques du développement sont activement étudiés, tels que les mécanismes épigénétiques et le rôle des microARN Les retombées des découvertes en biologie du développement sont tout aussi importantes.

Ainsi, la fécondation in vitro est pratiquée dans certains cas pour l’espèce humaine, et pour des nombreuses espèces animales. Les bases génétiques de certaines anomalies du développement ont été identifiées ainsi que celles déterminées par des facteurs de l’environnement, ouvrant la possibilité à des réponses adéquates.

L’étude des cellules souches embryonnaires et adultes ouvre des nouvelles perspectives dans le traitement de nombreuses pathologies. De même, de nombreux gènes impliqués dans le développement normal sont mutés dans de nombreux cancers.

La connaissance de l’homme et des sociétés

Dans le dernier tiers du vingtième siècle, on a assisté à une véritable explosion de données, théories et méthodologies nouvelles relatives à l’homme, issues de disciplines très diverses. L’élaboration de méthodes d’analyse rigoureuse des phénomènes complexes sera mise au service de l’étude des capacités cognitives de l’homme, des environnements humains, des systèmes sociaux et économiques. Le CNRS stimulera les recherches sur l’émergence de la pensée, de la conscience, du langage et du comportement social.

La connaissance de l’homme vise aussi à étudier les aspects les plus caractéristiques des mutations que connaissent aujourd’hui les sociétés : urbanisation croissante (par concentration géographique, mais aussi par adoption de modes de vie urbains dans tous les habitats) ; menaces pesant sur la diversité linguistique et culturelle ; modifications rapides et massives de la pyramide des âges ; mondialisation des échanges économiques et culturels ; émergence concomitante de nouvelles pathologies et de nouvelles formes de violence et de déviance.

1.1.2. La dynamique de l’interdisciplinarité

De grandes avancées se font aux frontières des disciplines. L’interdisciplinarité procède alors de deux formes. Dans la première, une percée majeure dans une discipline doit pouvoir inspirer ou diffuser vers d’autres disciplines et vers les acteurs économiques. À titre d’exemple, les microscopies à champs proches électronique et optique sont de purs produits de la physique, dont l’appropriation par d’autres disciplines et l’utilisation par les centres de recherche de l’industrie permettent des avancées importantes dans de nombreux domaines scientifiques et technologiques. La seconde forme procède d’une dynamique bien différente de décloisonnement disciplinaire.

Ainsi, la compréhension du fonctionnement et de la dynamique des écosystèmes naturels et anthropisés doit intégrer le passage de la molécule aux systèmes naturels complexes et à l’écosystème complet, intégrant la place des sociétés humaines dans leur évolution. Dans les dix années à venir, une frontière majeure sera l’exploration de la transdisciplinarité entendue comme la construction en commun de l’objet d’étude et non plus comme la seule rencontre d’approches disciplinaires spécifiques. Dans chacun des cas, le développement de nouveaux concepts sous-tend l’émergence de nouvelles méthodes issues du partage des savoirs disciplinaires.

L’interdisciplinarité est enfin une des clés de l’innovation, de la conception de produits et de procédés nouveaux. Elle est inscrite dans la démarche fondatrice des sciences de l’ingénieur, oeuvrant pour le progrès industriel et le bien-être des usagers. Le CNRS favorisera ces diverses formes d’interdisciplinarité, en s’appuyant notamment sur les capacités de programmation de sa nouvelle structuration en Instituts (Objectif 11), et sur ses grands équipements et infrastructures partagées (Objectif 5).

Quatre axes de recherche traversant l’ensemble de ses Instituts seront à cet égard privilégiés.

Les systèmes complexes

La « complexité » part de l’idée et du constat qu’un système articulant des éléments divers constitue un tout qui est différent de la somme de ses parties. Les propriétés spécifiques d’un système complexe ne sont pas déductibles de la connaissance de chacun des éléments, aussi faut-il développer de nouvelles méthodes de pensée et de nouveaux modèles permettant de saisir des phénomènes de rétroaction, des logiques récursives, des situations d’autonomie relative. Différents niveaux de complexité sont à distinguer :

Les systèmes interactifs dont les paramètres sont nombreux et mêlés, et qui nécessitent des approches systémiques, multi-échelles. C’est le cas des milieux environnementaux

ou des systèmes socio-écologiques, mais aussi du développement de nouveaux procédés, par exemple des bio-procédés. La complexité concerne aussi l’économie et la gestion ou la finance comportementale qui s’intéresse aux anomalies récurrentes observées sur les marchés financiers mais aussi à leur instabilité et à leur volatilité. Lamondialisation actuelle des cultures savantes et populaires est un autre champ d’études privilégié.

La transmission de l’information et la multiplicité des réseaux qui en découlent. On peut citer ici l’analyse et la supervision des systèmes et processus continus ou à évènements discrets, les sciences de la perception, les relations homme-machine, mais aussi la modélisation des systèmes vivants à toutes les échelles.

L’extraction de données pertinentes pour la compréhension des systèmes. C’est le cas des procédés de fabrication, des matériaux, de leur vieillissement, du contrôle de leurs propriétés durant leur cycle de vie et en environnement extrême, mais aussi de l’exploration de la chimio-diversité associée aux substances naturelles et aux besoins de criblage de structures biologiques.

Les masses de données

La sémantisation, la fusion de données hétérogènes et l’interaction texte–iconographie, le traitement des langues, sont nécessaires pour faire face à la croissance exponentielle de la quantité de données à acquérir, issue des avancées scientifiques et technologiques. Face à une telle profusion de signes, seuls les filtres informatiques, les concepts et les grilles de lecture créés par les chercheurs permettent de sélectionner, classer et comprendre ces signes. Or, au centre de cette démarche, il y a l’élaboration de données fiables et validées, l’élaboration d’algorithmes de recherche efficaces et la constitution des corpus.

Le CNRS a un important rôle d’explorateur à jouer dans la transmission, la pérennisation et la sécurisation des données, dans leur choix et leur contrôle scientifique (étape décisive), ainsi que dans la traçabilité de leur construction. Le développement d’outils d’analyse à haut débit et de nouvelles formes de raisonnement doit enfin s’appuyer sur des méthodes novatrices en mathématiques et des architectures informatiques performantes.

En concertation avec les autres grandes institutions (universités, archives, musées, bibliothèques), le CNRS contribuera, dans une perspective scientifique, à assurer le stockage et garantir la publicité des données, car elles sont une mémoire et un trésor communs aussi bien pour l’intelligence du passé que pour l’invention de l’avenir. Les événements de l’histoire de l’univers et de la planète, les traces biologiques (ossements, sang, ADN, etc.), les sites et objets archéologiques, les archives des découvertes scientifiques et de la création, les monuments, le patrimoine écrit et le patrimoine numérique dont l’accumulation a commencé à la fin du 20e siècle, voilà autant d’« informations » dont la production, la gestion, la distribution et le traitement vont de plus en plus se trouver au coeur de l’activité des Instituts du CNRS et en partage entre eux.

Modélisation et simulation

La simulation à toutes les échelles est devenue un nouvel outil pour la science, qu’il s’agisse de l’histoire des systèmes galactiques, stellaires ou planétaires, du climat, des systèmes économiques et sociaux, de la progression des épidémies, de la compréhension des propriétés de la matière en physique et en chimie, des systèmes mécaniques ou du comportement des macromolécules biologiques. En économie et gestion, la simulation concerne tout spécialement les interactions entre les agents et implique une ouverture transdisciplinaire. Il en va ainsi, par exemple, de l’étude du comportement des consommateurs, des stratégies de recherche d’emploi, des phénomènes d’apprentissage.

Mais la simulation repose sur des modèles conceptuels alimentés eux-mêmes par l’explosion des capacités de simulation. Dans le futur, la modélisation et son emploi pour la simulation proposeront un continuum d’outils impliquant des changements d’échelle et des alliances de méthodes semi-empiriques pour passer de la compréhension à la prévision et à l’expérimentation virtuelle. Dans ce contexte, le dialogue avec l’expérimentation en laboratoire, l’observation ainsi que l’assimilation de données pour augmenter la pertinence des modèles figurent parmi les priorités.

Ce développement de la simulation et de la modélisation, indissociable des autres piliers que sont l’expérimentation et l’observation, s’appuiera sur deux volets : 1) une politique de regroupement des compétences et de développement coordonné de codes mutualisés fiables, optimisés et ambitieux, pouvant être utilisés par des communautés suffisamment nombreuses, et 2) le développement d’une infrastructure de calcul compétitive, concertée au niveau européen, et articulée à trois niveaux clés, un niveau de proximité des centres de compétences locaux ou régionaux, un niveau national coordonné entre les organismes de recherche, et un niveau européen pour les supercalculateurs les plus puissants.

L’instrumentation

Dans un grand nombre de domaines scientifiques, il est essentiel de pouvoir préparer puis détecter, traiter, mesurer, calculer et transmettre des grandeurs physiques, mécaniques, chimiques, biologiques. Que ce soit dans le domaine de l’optique et de l’électronique, de la mécanique et des matériaux, de la chimie, de la biologie et du génie des procédés, que ce soit pour la métrologie des dispositifs expérimentaux, pour l’observation des systèmes naturels ou pour la mesure des performances des réseaux, les recherches nécessitent le développement d’une instrumentation toujours plus innovante. Ces besoins se traduisent par la mise en oeuvre d’appareils et d’architectures de plus en plus complexes, présentant plus de fonctionnalités, toujours plus de sensibilité, pouvant être placés dans des environnements très diversifiés et pouvant présenter des caractéristiques de performance ultime, d’intelligence, de mobilité, de sécurité et d’autonomie. Ils bénéficieront des progrès dans les sources de rayonnement, l’utilisation des très basses températures, des champs magnétiques intenses et du rayonnement synchrotron, des techniques d’imagerie multi et hyperspectrale, des capteurs et de l’électronique d’acquisition et de traitement, mais aussi des technologies d’intégration et de miniaturisation des composants et des méthodologies logicielles pour le signal et l’image, qui sont au coeur d’instruments éclairant de larges pans de la recherche scientifique.

Les contributions du CNRS se déploieront préférentiellement sur le climat, la biodiversité, l’environnement et le développement durable, les risques naturels, la santé, les ressources naturelles, l’énergie, la sécurité et les nouvelles formes de vulnérabilité, les grandes mutations sociales.

Les défis majeurs ont trait à la gestion durable des ressources, aux grands changements géopolitiques et à la protection des populations. Affirmés avec force dans les instances et dans les consultations internationales, ils doivent constituer des priorités pour la recherche scientifique et technologique française, mobilisant souvent d’autres organismes de recherche.

Le CNRS privilégiera cinq axes à forte potentialité interdisciplinaire :

Environnement : mesure, modélisation et gestion du changement climatique, dans ses aspects physique et chimique, météorologique, écologique et biotique, géographique, économique et sociologique aux échelles régionales comme planétaires ;

gestion des déchets radioactifs ;

contrôle et amélioration des composants chimiques dans le but de préserver l’environnement physique, biotique, et humain ;

maîtrise de la qualité des sols et des ressources en eau ;

meilleure connaissance du fonctionnement des systèmes écologiques en rapport avec l’homme, et du « super écosystème humain » ;

interactions entre les aspects naturels et culturels des problèmes environnementaux.

Développement durable : nouvelles sources d’énergie ; exploration et meilleure gestion des ressources, exploitation des matières premières renouvelables « vertes » ; gestion durable des milieux naturels et anthropiques ; valorisation et gestion de la biodiversité, en rapport avec les besoins matériels et symboliques des sociétés et des économies modernes ; interactions procédés industriel, environnement et sources de pollution.

Santé : prévision et contrôle des maladies infectieuses dans leurs aspects écologiques, physiologiques et populationnels (meilleure connaissance des mécanismes des agents pathogènes et des mécanismes de défense contre ceux-ci) ; chimie pour le diagnostic et la création de nouveaux médicaments ; compréhension des maladies liées aux évolutions des sociétés ; meilleure connaissance des perturbations fonctionnelles des systèmes vivants dues aux changements de l’environnement physique, biotique et social.

Sécurité : systèmes informatiques complexes interconnectés, fiabilité des systèmes embarqués ; cryptologie et transmission des informations ; face au raccourcissement du cycle de vie et de conception des produits, maîtrise de la sûreté de fonctionnement ; protection des populations et des infrastructures, prévision des risques naturels et sécurité environnementale; identification de nouveaux risques et de nouvelles formes de vulnérabilité sociale.

 Grandes mutations sociales :

Compréhension et prévision des flux migratoires et des grands changements géopolitiques ; effets du vieillissement des populations et de la longévité des individus ; analyse des représentations sociales, défensives ou novatrices, associées aux grandes mutations, ainsi que de leur exploitation politique et médiatique ; identification des formes contemporaines du religieux et évaluation de leurs effets sociaux, politiques et économiques ; analyse des formes extrêmes de violence individuelle et collective, et évaluation des réponses à y apporter ; enjeux des formes nouvelles de parenté et de parentalité ; développement de nouvelles formes de mobilité : aspects technologiques, économiques et sociologiques.

Il est d’ores et déjà clair que la réponse à tous ces grands défis passe en partie par une modification des comportements individuels et collectifs dans le monde entier. Le CNRS développera des programmes de recherche sur ce thème, notoirement critique.

1.3. Objectif 3 : faire dialoguer les concepts et les technologies de pointe

La découverte et la validation de grandes théories nécessitent de développer des technologies sophistiquées. Ces dernières peuvent être à leur tour source d’applications originales dans des domaines auxquels elles n’étaient pas destinées initialement. Le CNRS favorisera ce dialogue porteur de progrès pour la science et la technologie.

Le souci de valider les grandes théories ou de répondre aux grandes questions de la science nécessite de développer des outils et des instruments de mesure très sophistiqués, utilisant et engendrant des technologies de pointe. Ces dernières peuvent être à leur tour source d’applications originales dans des domaines auxquels elles n’étaient pas destinées initialement, avec à la clé la possibilité de nouvelles découvertes et la naissance de nouveaux concepts. Il s’agit ainsi de consolider un cercle vertueux à la fois pour la recherche, pour l’économie et pour la société.

L’utilisation du « laboratoire univers » et plus généralement la physique des deux infinis (l’infiniment grand et l’infiniment petit) pour valider les grandes théories sur la matière, et également l’exploration des profondeurs de l’océan et de la terre solide, nécessitent de réaliser des performances techniques exceptionnelles dans les domaines de l’ingénierie, des lasers, de l’optique, du stockage et du traitement des données.

Ces développements impliquent souvent des partenariats industriels très étroits. En retour, toutes ces nouvelles technologies et les compétences engendrées peuvent être utilisées au service de domaines scientifiques aussi divers que l’environnement, les sciences de la vie, les matériaux du futur et la chimie.De même, répondre aux grandes questions situées au centre des motivations profondes de l’humanité, telles que comprendre la logique du vivant, l’émergence de la complexité, ou aborder la dynamique du « système terre » à toutes les échelles de temps et d’espace, impliquent, dans une approche totalement pluridisciplinaire, de développer des outils analytiques (par exemple, des capteurs sur puces pour l’analyse de traces et des capteurs en milieux complexes) et des systèmes d’observation et d’analyses terrestres ou embarqués se situant en permanence aux frontières de la technologie.

La généralisation des technologies de l’information et de la modélisation mathématique induira des mutations épistémologiques dans bon nombre de domaines. Les progrès évoqués plus haut dans l’accumulation et la maîtrise de quantités indéfiniment croissantes de données induiront de nouvelles méthodes et de nouveaux cadres de pensée qu’il faut encourager, susciter puis évaluer.

Les nanosciences et les nanotechnologies sont avant tout issues d’une convergence multiple entre une évolution programmée de la microélectronique (loi de Moore), une percée majeure en instrumentation avec l’observation et la manipulation d’atomes individuels, un changement d’échelle d’analyse et de synthèse en chimie et des avancées spectaculaires en physique de la matière condensée et en biologie. Miniaturiser à l’extrême permettra des analyses sur des quantités infimes, une économie de matière et d’énergie, et des interactions non invasives dans des milieux jusqu’à présent inaccessibles.

Toute nouvelle technologie, surtout à fort potentiel applicatif, nécessite des recherches sur son impact sociétal.

Le CNRS suscitera et soutiendra des programmes de recherches pluridisciplinaires sur les répercussions sociétales et cognitives des nouvelles technologies.

1.4. Objectif 4 : fédérer les disciplines et les compétences

Le CNRS affiche des choix à la dimension de l’étendue de son activité avec plusieurs grands thèmes fédérateurs abordant des questions scientifiques fondamentales et à fort impact culturel ou technologique. Ces thèmes fédérateurs définissent des convergences qu’un organisme pluridisciplinaire comme le CNRS est particulièrement à même de susciter.

Faisant dialoguer toutes les disciplines autour d’un objectif commun, les thèmes fédérateurs illustrent la synergie du CNRS. Avec des objectifs ambitieux, les thèmes fédérateurs se situent au front de la connaissance et nécessitent généralement de développer des outils et des méthodes sophistiqués à la pointe de la technologie, dont le développement peut à son tour bénéficier à d’autres thématiques et avoir des applications nouvelles. Une autre caractéristique, importante, des grands thèmes fédérateurs tient au rôle qu’ils peuvent jouer dans la communication auprès du grand public et des jeunes générations, qui formeront les chercheurs de demain.

En nombre limité, ces thèmes fédérateurs feront l’objet d’une évaluation globale périodique, d’une redéfinition ou d’un renouvellement si cela devient nécessaire. Six thèmes fédérateurs ont été identifiés aujourd’hui.

1.4.1. Énergies

L’énergie est un des enjeux majeurs des sociétés modernes, avec deux défis pour la recherche à l’horizon 2020 et au-delà. D’une part nous sommes confrontés à une augmentation constante de la demande énergétique alors que les réserves de combustibles fossiles vont inévitablement se tarir. D’autre part cette croissance de consommation de combustibles fossiles entraînera le doublement du dégagement annuel de gaz à effet de serre en 2020, avec les graves conséquences que l’on connaît sur l’évolution climatique. Sur le plan scientifique, le problème de l’énergie souffre d’un éclatement entre organismes différents, entre financements différents et entre disciplines scientifiques différentes, avec un manque de coordination et de vision intégrée. Il y a donc urgence à fédérer les compétences et les moyens sur cet enjeu majeur.

Ne pouvant nous passer pendant longtemps encore d’une énergie à base de carbone, un premier axe est de mieux produire et mieux consommer de l’énergie, ce qui impliquera une réflexion sur l’organisation de nos sociétés vis-à-vis de la consommation d’énergie, l’aménagement et le développement des territoires, accompagnée d’un effort particulier de

recherche sur l’efficacité énergétique notamment dans le domaine des transports aériens terrestres et maritimes, dans celui de l’habitat et dans celui des unités de production industrielles. Les objectifs concernent l’utilisation rationnelle de l’énergie, l’émission réduite Conseil d'administration du CNRS, réunion du 1er juillet 2008 (v.080629)de CO2, l’optimisation de l’utilisation de la biomasse et l’amélioration des taux de récupération des ressources fossiles, tout en rendant plus efficaces les processus de combustion, en capturant et piégeant le CO2, et en reconsidérant l’utilisation du charbon. Ce dernier restera au final la dernière grande ressource combustible fossile après épuisement du pétrole et du gaz (avec environ 200 ans de ressource potentielle).

Un deuxième axe est de maintenir les sciences et les technologies du nucléaire au plus haut niveau, en synergie avec les autres organismes impliqués. Le CNRS jouit d’une grande confiance aux yeux de l’opinion dans ces domaines tant sur le plan des compétences que sur celui de la crédibilité. L’horizon 2015-2020 est, rappelons-le, celui du renouvellement du parc nucléaire français. Les recherches portent sur une meilleure sécurité, une consommation accrue du combustible et sur l’aval du cycle nucléaire. Pour la décennie suivante, il faut aussi travailler sur une nouvelle génération de réacteurs, à neutrons rapides, pouvant extraire 100 fois plus d’énergie à partir du combustible fissile ou/et pouvant transmuter les déchets et sur les réacteurs à haute températures, en abordant, par exemple, des questionnements relatifs aux matériaux dans des conditions extrêmes.

Cette prochaine génération de réacteurs nucléaires pourrait aussi être utilisée pour fabriquer de l’hydrogène qui à son tour pourrait être mêlé aux biocarburants pour en augmenter le rendement. Enfin, à plus long terme encore, les réacteurs de fusion thermonucléaire pourraient fournir une énergie quasi inépuisable. La décision de construire ITER à Cadarache et le LMJ à Bordeaux a des implications profondes, tant sur l’organisation de la communauté académique que sur l’évolution de ses thématiques. De nouvelles synergies sont à créer entre les différentes disciplines de la communauté scientifique elle-même et entre les divers organismes de recherche.

Un troisième axe est de développer les sources d’énergies « propres ». La France accuse un certain retard dans les domaines du photovoltaïque, du solaire thermique, de la thermoélectricité, de la géothermie profonde… En raison du caractère intermittent de certaines sources d’énergies renouvelables et de l’énergie embarquée pour les transports, un quatrième axe à privilégier est celui du stockage et de la vectorisation de l’énergie.

La richesse du CNRS réside à la fois dans la multiplicité de ses disciplines scientifiques et de ses partenariats (organismes, universités, international), et dans sa capacité à y intégrer les aspects socio-économiques et politiques. Cet ensemble sera mobilisé pour contribuer aux avancées scientifiques et technologiques indispensables au développement de nouvelles sources d’énergie et à leur utilisation.

1.4.2. Système Terre : fonctionnement, crises et société

Les deux dernières décennies ont été marquées par la prise de conscience des perturbations du "système Terre" dues aux actions humaines et à l’impact croissant des évènements telluriques sur des populations en augmentation rapide. Le CNRS, avec son potentiel pluridisciplinaire, a contribué activement à l’étude des phénomènes naturels sur le long terme et dans leur interaction avec les sociétés humaines, par des programmes nationaux ou au sein de programmes internationaux. Ses capacités de mobilisation et d’intégration des disciplines sont un atout essentiel pour surmonter les crises actuelles (épuisement des ressources en eau, réduction de la biodiversité, climat), en développant des recherches capables de proposer et de soutenir des stratégies de développement durable. Les sciences humaines et sociales ont un rôle essentiel à jouer, car la clef de tous les problèmes d’environnement et de développement durable est sociétale, qu’il s’agisse des causes ou des remèdes. Etre capable de réduire les frontières entre disciplines scientifiques, entre expérimentation, observation et modélisation, puis de les faire converger sur ce thème fédérateur qui touche l’ensemble de l’humanité devient ainsi un défi stratégique.

L’un des enjeux importants est de réduire les incertitudes des modèles actuels du système « Terre », et en particulier des modèles climatiques, en privilégiant des recherches aux interfaces entre les compartiments constitués par les surfaces continentales, l’atmosphère et l’océan. Les très grands équipements d’observation et de mesures (terrestres, maritimes, aéronautiques ou spatiaux) sont et seront mobilisés. Au niveau régional et local, il s’agira également d’analyser le fonctionnement des divers systèmes, notamment les écosystèmes, en prenant en compte toute la complexité qui provient des interactions multi-échelles.

Savoir communiquer sur ce sujet générateur de craintes, parfois dues à une absence de rationalité, à des connaissances insuffisantes ou à des formulations erronées, est un autre enjeu pour le CNRS, dont une des missions est d’identifier les questions, d’en préciser les termes et d’apporter à l’opinion et aux décideurs un éclairage scientifique complet, qui ne doit d’ailleurs pas s’interdire d’être complexe et contradictoire.

1.4.3. Origine des planètes et des systèmes vivants

La quête des « origines » est l’une des interrogations les plus constantes de l’Humanité. Elle n’est vraiment entrée dans le domaine des connaissances objectives qu’avec l’avènement de la science moderne. La question des origines de la vie a pris un tour décisif au XIXème siècle, avec Pasteur et Richter. Celle de l’origine, de la formation et de l’évolution des planètes, intrinsèquement liée à l’émergence de la vie, est apparue durant la deuxième moitié du XXème siècle, avec l’exploration spatiale du Système Solaire, et la découverte récente des planètes extra solaires. Dès aujourd’hui, le nombre de planètes connues et la variété de leur nature et de leur environnement permettent de parler d’un « fait planétaire » global, à l’intérieur duquel certaines conditions pourraient permettre l’irruption de la vie.

L’étude des conditions et du fonctionnement de la Terre primitive, ainsi que celle des milieux extrêmes de la Terre actuelle et des espèces extrémophiles constituent des références importantes pour la compréhension de l’émergence de la vie. Le métabolisme singulier et les comportements des espèces adaptées aux milieux extrêmes renseignent sur les conditions de la vie primitive. En même temps, la chimie et la biologie explorent la question de la définition de la vie, comme « système de systèmes » auto-organisés, auto-réplicatifs et adaptatifs. Cela nécessite d’explorer des hypothèses ambitieuses comme celle du « Monde-ARN », intermédiaire entre la « soupe prébiotique » originelle et le « Monde-ADN » dans lequel nous vivons.

Les mécanismes à l’origine de la prodigieuse expansion de la vie et ceux par lesquels elle a influé sur l’évolution de la planète Terre ont non seulement un intérêt théorique, mais peuvent renfermer des réponses possibles aux changements globaux. Les questions portant sur la diversification, la sélection et les transformations du monde vivant restent parmi les thématiques scientifiques les plus stimulantes. L’approche de l’évolution biologique s’intéresse à tous les niveaux d’organisations, des gènes aux génomes et aux organismes, et des individus aux populations et aux communautés.

Ces questions rencontrent un très fort intérêt de la part du grand public et des étudiants. Elles représentent un vecteur pédagogique de choix pour développer l’attractivité vis-à-vis des métiers scientifiques. Le CNRS possède la taille critique, la diversité scientifique et la capacité d’organisation, nécessaires à l’exploration interdisciplinaire de ces questions complexes. Au-delà, il dispose également de l’envergure nécessaire à la diffusion des connaissances qui découlent de ces travaux fondamentaux.

1.4.4. Cognition, socialité, cerveau

La compréhension des capacités cognitives et sociales les plus distinctives des êtres humains constitue un formidable défi pour la science contemporaine. Trois lignes de recherche méritent d’être développées, en raison de leur intérêt théorique et pratique, et des collaborations interdisciplinaires qu’elles requièrent.

La première concerne l’ontogenèse, l’architecture, et le fonctionnement des réseaux neuronaux qui sous-tendent les processus perceptifs, cognitifs et comportementaux. Le progrès des connaissances sur ces questions viendra d’une collaboration étroite entre diverses méthodologies des sciences de la vie (génomique structurale et fonctionnelle, embryologie, neuroanatomie et neurophysiologie, imagerie cérébrale fonctionnelle) et celles de la psychologie cognitive et expérimentale. Les sciences physiques et les sciences de l’ingénieur contribueront à la conception et à l’exploitation de techniques d’imagerie cérébrale plus fines que celles aujourd’hui disponibles.

L’étude de l’émergence et de la différenciation des capacités cognitives et sociales constitue une seconde ligne de recherche interdisciplinaire. Elle exige d’intégrer les données comparatives que fournissent l’éthologie, la psychologie différentielle et l’anthropologie culturelle. L’émergence de la socialité est aussi éclairée par la modélisation et la simulation que peuvent apporter les mathématiques appliquées, l’économie théorique ou la biologie.

Ce thème fédérateur fera enfin une large place aux dysfonctionnements. L’étude des dysfonctionnements spécifiques aux maladies neurologiques, domaine aujourd’hui en pleine expansion, comporte encore de grandes inconnues. Le progrès des connaissances et des thérapeutiques passe aujourd’hui par une interpénétration des méthodes des sciences du comportement et de la cognition avec celles de la neurophysiologie, de l’imagerie cérébrale fonctionnelle, et de la pharmacologie. Les maladies mentales soulèvent quant à elles plus que jamais de grandes interrogations quant à l’articulation de leurs composantes sociales, psychogénétiques et biologiques. Les dysfonctionnements sociaux posent par ailleurs des problèmes spécifiques.

Il revient aux sciences humaines et sociales d’examiner si le concept même de « pathologie sociale » (i.e. définie à l’échelle des collectifs) est légitime, comment il convient de le catégoriser, et comment y remédier. Enfin les frontières entre pathologies neurologiques, mentales et sociales ne sont nullement étanches, ce qui renforce le caractère nécessairement pluri– et interdisciplinaire de ce thème fédérateur.

1.4.5. Information, images, communication

Les sciences de l’information sont au coeur de tous les systèmes modernes et ont une influence importante sur les transformations de la société. Les recherches sur l’acquisition, le traitement, la restitution de l’information sous une forme pertinente pour l’observateur et son usage appellent une convergence des disciplines scientifiques et révèlent de nouveaux défis :

• À un premier niveau, il s’agit de repousser les limites d’utilisation de propriétés physiques, dans le but soit de miniaturiser les composants des matériels informatiques, soit d’extraire des signaux (électro-magnétiques, acoustiques, etc.) d’un phénomène ou d’un objet physique. Les micro et nano sciences repoussent les limites de la miniaturisation des capteurs avec de nouvelles interactions entre la chimie, la physique, la biologie et l’ingénierie.

Avec l’augmentation permanente des capacités des réseaux, associée à la miniaturisation et la diversité des supports de stockage, les données et les informations à transmettre, à classer et à distribuer sont de plus en plus nombreuses, multiformes, multi sources et multi échelles. Gérer ces données en toute sécurité de façon fiable et pertinente et repousser les limites de l’exploitation intelligente de l’information sont des enjeux de ce thème fédérateurs renvoyant aux défis scientifiques soulevés par les masses de données.

 La communication constitue enfin une clef de voûte de ce thème fédérateur. En effet, les sciences de l’information et de l’imagerie et les divers types d’usages qui en sont faits en vue de divers types de fins soulèvent de vastes problèmes quant à la nature des échanges entre les hommes et les dispositifs, et entre les hommes eux-mêmes. Ces problèmes demandent à être examinés en prenant en compte les contenus qui sont à digitaliser, structurer et communiquer. Ils exigent aussi une réflexion critique sur la communication engageant virtuellement toutes les sciences.

Les sciences de l’environnement, les sciences de la vie, les sciences humaines et sociales s’attacheront à développer des approches interdisciplinaires et aussi intégrées que possible des systèmes perceptifs et communicationnels.

1.4.6. Nanosciences et nanotechnologies

Avec la progression rapide de l’observation et de la manipulation d’objets dont la taille est de quelques millièmes de microns, c’est-à-dire quelques nanomètres, les nanosciences et les nanotechnologies sont devenues un nouveau champ de recherche et de développement. On fabrique de nouveaux matériaux aux propriétés nouvelles en les structurant à l’échelle du nanomètre, on construit des molécules de médicaments « sur mesure » à cette même échelle.

De nouveaux enjeux se dessinent pour l’avenir. Réduire encore la taille des dispositifs électroniques, avec éventuellement la fabrication de circuits intégrés à trois dimensions, est un défi à la fois technologique et scientifique, qui doit renouveler les méthodes de fabrication et prendre en compte un fonctionnement complètement différent, régi par les lois de la mécanique quantique. Par ailleurs, en complémentarité de la démarche « descendante », qui consiste à réduire la taille des dispositifs fabriqués sur des plans précis, il s’agit d’explorer la démarche « montante », par laquelle les nano-objets sont fabriqués ou structurés grâce à un assemblage ou un auto-assemblage d’atomes ou de molécules. Explorer les concepts d’électronique moléculaire, de systèmes auto-assemblés, de chimie supra-moléculaire, de moteurs moléculaires, et leurs utilisations fait appel à la physique et la chimie aussi bien qu’aux sciences pour l’ingénieur. Appliquer ces concepts à la biologie, ou au contraire étudier des systèmes nanométriques fondé sur la biologie ou inspirés par elle, offre de nouvelles perspectives et de nouvelles applications, notamment dans le domaine de la santé.

S’appuyant sur son large spectre de disciplines et sur ses interactions avec les universités et d'autres organismes concernés, le CNRS peut rassembler des experts en mathématiques, physique, chimie, biologie, sciences de l’ingénieur et de l’information pour être un acteur majeur dans ce champ où est attendue une véritable révolution scientifique et technologique.

En même temps, le CNRS abordera les problèmes et les risques éventuels que représentent les nanosciences et les nanotechnologies pour la société et l’environnement, et mettra en place l’ouverture, la communication et la participation du grand public qui assureront le respect de l’éthique dans ce domaine.

1.5. Objectif 5 : promouvoir et mutualiser les équipements

indispensables à la recherche

La mise en place d’équipements et d’infrastructures à dimension nationale et internationale est nécessaire aux progrès de la plupart des champs disciplinaires. Le CNRS poursuivra une politique ambitieuse d’investissement, dans les très grandes infrastructures et les plates-formes mutualisées, pour créer et maintenir ces équipements au meilleur niveau international.

La mise en place d’équipements et d’infrastructures à dimension nationale et internationale est nécessaire aux progrès de la plupart des champs disciplinaires. L’ampleur des besoins et la compétition internationale nécessitent aussi de piloter efficacement les implantations, de créer des structures favorisant une mutualisation réelle et efficace au sein de la communauté scientifique, de travailler en réseau avec d’autres partenaires. Ces missions ne peuvent se concevoir que dans des perspectives à long terme ou à très long terme, que seuls des organismes de recherche comme le CNRS sont capables de maintenir.

Le CNRS s’impliquera dans les choix stratégiques concernant les nouveaux instruments en France et en Europe, notamment dans le cadre du Forum européen pour les infrastructures de recherche (ESFRI). Le CNRS identifiera ainsi très en amont les priorités sur lesquels il maintiendra un niveau de financement soutenu dans la durée.

En s’appuyant sur ses forces dans l’ingénierie et l’innovation, en liaison avec le tissu industriel français, il investira dans le développement des technologies de pointe et des plateaux techniques qui les accompagnent. Ceci permettra la mise en place de nouveaux instruments et assurera le maintien à très haut niveau des ingénieurs et des chercheurs dans ces domaines avancés.

Le CNRS poursuivra, en partenariat avec les autres organismes et les établissements d’enseignement supérieur, une politique ambitieuse et coordonnée d’investissement sur le long terme, en moyens humains et financiers, dans les très grandes infrastructures, tant au niveau national qu’au niveau européen et mondial, en coordination avec les organisations

internationales existantes. Le CNRS possède en effet, au sein de ses deux Instituts actuels, l’IN2P3 et l’INSU, et dans d’autres structures, la culture de projet nécessaire pour mener à bien de telles actions. Il renforcera cette culture pour procurer aux scientifiques des instruments de pointe dans tous les domaines.

Avec l’IN2P3 il assurera sa mission dans un cadre européen pour la physique nucléaire et pour la physique des astroparticules, et dans un cadre mondial pour la physique des particules avec le CERN. Le CNRS, avec l’INSU, continuera ses investissements dans les grands instruments pour l’astronomie, les sciences de l’univers et les recherches spatiales, en coordination avec l’ESO (European Southern Observatory) et l’ESA (European SpaceAgency). Il est aussi de la compétence du CNRS d’investir dans les instruments les plus audacieux, dont on espère des avancées majeures sur les grandes questions scientifiques, comme Virgo, grand interféromètre pour la détection des ondes gravitationnelles ou HESS (High Energy Stereoscopic System), ensemble de téléscopes pour la détection des rayons cosmiques.Comme il l’a fait avec les synchrotrons SOLEIL et ESRF

(European Synchrotron Radiation Facility), les générateurs de neutrons comme l’ILL (Institut Laue Langevin), les lasers intenses au LULI (Laboratoire pour l’Utilisation des Lasers Intenses) ou à l’ILP (Institut Laser Plasma), le CNRS poursuivra sa mission de procurer aux scientifiques issus de domaines très variés les grands instruments les plus modernes pour l’exploration de la matière.

S’agissant du développement des nouvelles sources d’énergie, le CNRS s’impliquera aussi bien dans les très grands équipements (comme ITER) que dans les instruments de recherche et de développement fondés sur les technologies les plus prometteuses.

Le CNRS poursuivra sa politique d’investissement dans le calcul scientifique, à la fois avec les grands calculateurs, indispensables pour mener les calculs les plus complexes, par exemple sur le climat ou l’hydrodynamique, et avec les grilles de calcul distribué, notamment pour la physique des particules. Sur le premier volet, il contribuera notamment à l’activité du Grand Equipement National de Calcul Intensif (GENCI) avec le CEA et les universités.

L’évolution rapide des technologies matérielles et logicielles nécessite une attention toute particulière pour maintenir en France des capacités de calcul et de traitement des données, en s’appuyant sur un cadre européen.

Le CNRS sera également moteur dans l’investissement visant à créer et maintenir à niveau des infrastructures distribuées, par la mise en réseau optimisée d’ensembles de plates-formes régionales, dans le cadre d’une structuration nationale. Sont concernés ici les réseaux de RMN, les centrales de nanotechnologies, les réseaux d’équipements mi-lourds qui requièrent un suivi efficace par des groupes de spécialistes et le réseau des maisons des sciences de l’homme. Les plates-formes dédiées aux sciences de la vie, qui nécessitent des ensembles d’appareils innovants et de haute performance, avec une technologie à l’évolution rapide, feront l’objet d’un suivi spécifique, en partenariat avec les autres organismes de recherche concernés.

L’organisme renforcera son implication dans les technologies de l’information, les réseaux haut débit, les bases de données, la numérisation des données et les archives ouvertes, de manière à mettre à la disposition de la communauté scientifique l’accès aux connaissances, archives, textes et documents anciens, aussi bien que les données récentes de la recherche.

Le CNRS accompagnera la construction, le développement, la maintenance et la jouvence de tous ces instruments, comme il le fait actuellement, par une affectation prioritaire d’ingénieurs et de techniciens, ainsi que de chercheurs, dans le cadre d’une synergie qui permet de conserver les équipements au meilleur niveau international. Par cette politique d’investissement, le CNRS continuera à procurer à la communauté scientifique toute entière, publique et privée, universitaire aussi bien qu’industrielle, des infrastructures de haut niveau à l’avant-garde des technologies existantes, ouvertes et permettant à tous les usagers de travailler à la pointe de leur domaine scientifique. Cette stratégie est primordiale car elle assure le soutien à l’émergence de nouveaux concepts scientifiques et de nouveaux développements technologiques.

2. LE CNRS ET LA SOCIÉTÉ DE LA

CONNAISSANCE

Le CNRS a la détermination d’inscrire l’ensemble de ses actions de recherche et de son organisation dans le double cadre d’une économie et d’une société de la connaissance. La notion d’économie de la connaissance repose sur l’idée que, dans les sociétés contemporaines, les facteurs-clés qui confèrent un avantage compétitif aux acteurs économiques ne sont pas seulement de l’ordre du matériel (démographie, matières premières, sources d’énergie), mais d’abord et avant tout de nature immatérielle (information, savoir faire, compétences scientifiques et organisationnelles). La notion de société de la connaissance, trop souvent entendue en un sens exclusivement économique, est plus large : c’est l’idée d’une société qui, à tous ses niveaux d’organisation, valorise la production, l’utilisation, la diffusion et le juste partage des connaissances. Le CNRS oeuvrera à l’accroissement des connaissances dans quatre dimensions essentielles d’une authentique société de la connaissance : l’économie, la formation, l’appropriation de la connaissance par le public, l’espace européen et international.

2.1. Objectif 6 : le CNRS, acteur de la croissance économique

Le CNRS doit devenir un des grands outils de la croissance économique. Le dialogue entre le CNRS et l’entreprise sera favorisé par une mobilité accrue des personnes. Le CNRS développera une gestion stratégique de son portefeuille de brevets et soutiendra en complément la création d’entreprises.

En affirmant son rôle dans la vie économique du pays, le CNRS participera à l’effort national visant à accompagner le développement des entreprises, à freiner les délocalisations, à compenser les faiblesses de certains secteurs industriels en déclin ou en difficulté, et à permettre l’émergence de nouvelles entreprises sur des technologies nouvelles. Principal acteur national de la recherche fondamentale, le CNRS devra également être capable d’anticiper les applications industrielles futures issues d’avancées scientifiques majeures, afin d’éviter que les connaissances acquises ne bénéficient en priorité à des pays qui n’auraient pas financé ces recherches. Il profitera pour cela de la dynamique vertueuse issue des labels CARNOT et de la création, en régions, de structures de valorisation mutualisées avec les établissements d’enseignement supérieur et de recherche.

2.1.1. Renforcer les relations avec le monde industriel

Dans les relations avec les entreprises, le CNRS doit avant tout miser sur ses atouts : la transversalité et l’universalité de ses domaines de recherche, son caractère national et international, la maîtrise des grands instruments, et la qualité de ses partenariats. La multiplicité des disciplines ne permet pas un repérage facile des compétences utilisables ou valorisables par les entreprises, et en particulier par les PME. Avant tout confrontées à des questions précises, les entreprises ont plutôt tendance à se tourner vers des organismes spécialisés par domaines d’applications (ONERA, INRIA, CEA, …) plutôt que vers le CNRS, qui n’a pas de visibilité pour des applications particulières. Le renforcement des relations entre le CNRS et le monde de l’entreprise reposera sur quatre principes.

2.1.1.1. Entre proximité et excellence : trouver le point d’équilibre

La qualité du dialogue entre le monde industriel et le CNRS passe nécessairement par une meilleure adaptation des acteurs de la recherche au nouvel environnement, et par une réelle prise de conscience par les entreprises de l’importance de la recherche fondamentale pour l’innovation technologique. Les interactions entre le CNRS et les entreprises doivent cependant prendre en compte la distinction entre grands groupes et PME, qui n’ont pas la même relation avec le temps et l’espace.

3 mois 1 an 3 ans Temps

Espace

territorial

Monde

Europe

France

Région

PME

Grandes

entreprises

Excellence mondiale

Relation de proximité

Les grandes entreprises multinationales sont souvent à la recherche d’une relation durable basée avant tout sur l’excellence scientifique. Elles n’hésitent plus à mettre les laboratoires français en concurrence avec leurs homologues étrangers. C’est donc la qualité intrinsèque de la recherche qui est en jeu et pas forcément sa finalité précise.

Les grandes entreprises trouvent avant tout des ressources sur les moyens et longs termes qui leur permettent d’anticiper les futures évolutions ou ruptures technologiques.

Avec ses accords signés avec les grands groupes industriels, le CNRS dispose d’un cadre dans lequel il peut développer des collaborations durables, et en faire profiter ses partenaires universitaires et les autres organismes. Il dispose d’un réel outil pour progresser à l’horizon 2020 en profitant de ces accords pour placer le dialogue au niveau stratégique mais aussi au niveau le plus concret. Une coopération optimisée ne naîtra que d’une connaissance et une reconnaissance partagées, basées sur :

- une démultiplication des contacts issus des réunions d’état-major au niveau des laboratoires dès lors que des pistes de collaboration sont identifiées ;

- la prévision, au niveau des accords, d’échanges de personnels entre CNRS et entreprises, en mettant plus particulièrement l’accent sur une mobilité à durée limitée de personnels du CNRS vers les entreprises et en rendant cette mobilité attractive ;

- le développement de la consultance, forme de mobilité vers l’entreprise largement développée au niveau international mais peu exploitée en France.

Les PME ont des attentes plus diverses : une externalisation de leur recherche à moyen ou court terme, car elles ne disposent pas forcément des ressources nécessaires ; le souci de rester à la pointe de l’innovation pour préserver un avantage technologique dans une compétition internationale ; le besoin d’une collaboration de proximité. Ces spécificités demandent une rapidité, une réactivité et une pertinence d’intervention de la part des unités de recherche. Assister les PME dans leur développement technologique est stratégique pour la croissance économique. De par la diversité des attentes, les difficultés relationnelles sont plus importantes car, outre le fait que l’horizon temporel de la PME est peu compatible avec celui de la thèse et parfois avec les procédures du CNRS, les petites entreprises éprouvent de nombreuses difficultés à s’orienter dans le monde de la recherche publique et à exprimer leurs besoins.

Il importe donc que le CNRS contribue avec tous les acteurs de la recherche à la création de pôles de valorisation régionaux, lieux de focalisation d’un dialogue de proximité avec les entreprises et principalement les PME.

En faisant mieux connaître son répertoire de compétences, chaque pôle contribuerait à créer les conditions d’un dialogue adapté à la multitude des entreprises et à leurs contraintes spécifiques.

Dans ses relations avec l’industrie, le CNRS sera donc soumis à la fois à une obligation d’excellence scientifique sur le moyen et le long terme, et à une contrainte de proximité et de réactivité sur des temps plus courts. Dans ce dernier cas, les exigences de simplicité, de flexibilité et de réactivité pourraient être mieux prises en compte par une simplification administrative accrue.

2.1.1.2. La mobilité, une étape-clé du dialogue avec les entreprises

Les relations CNRS-entreprises ne deviendront naturelles que si un nombre significatif de chercheurs vivent durant une ou plusieurs périodes de leur carrière les spécificités du monde industriel et réciproquement. Ainsi, travailler un an ou deux dans un centre de recherche d’une entreprise, comprendre ses problèmes et les rythmes propres de sa recherche, ne peut qu’enrichir la qualité des relations futures entre la recherche publique et le monde de l’entreprise. Une telle mobilité nécessite, pour être attractive, des mesures incitatives fortes :

- une reconnaissance effective dans l’évaluation et la promotion du chercheur ;

- un complément de salaire fourni par l’entreprise. Mais la mobilité la plus efficace sera probablement celle issue du recrutement des docteurs par les entreprises car elle ancrera les pratiques de dialogue entre les laboratoires d’origine des docteurs et les entreprises employeuses.

2.1.1.3. Équilibrer et augmenter les échanges CNRS-entreprises

Le rôle de partenaire économique ne se limite cependant pas à une contribution directe du  CNRS à la recherche des entreprises. Par son mode de fonctionnement, la recherche fondamentale nécessite un effort continu en terme d’équipements de pointe, de produits et de matériels spécifiques, que seules des entreprises spécialisées sont généralement susceptibles de lui fournir. Ainsi, une recherche plus réactive, se maintenant sans cesse à la pointe de la connaissance et de la technologie sera plus demandeuse de produits, de matériels, de technologies de pointe. On peut prévoir qu’un accroissement des ressources propres du CNRS par une augmentation de ses contrats industriels et publics accroîtra mécaniquement, par l’augmentation de l’activité de recherche qui en résulte, les retours financiers des entreprises fournissant les laboratoires.

2.1.1.4. Participer à la gouvernance des pôles de compétitivité

La création récente de 71 pôles de compétitivité sur l’ensemble du territoire national, chacun dans un domaine économique bien défini, a pour objectif de structurer localement un réseau d’entreprises et de laboratoires de recherche possédant dans ce domaine une masse critique suffisante.

Il s’agit d’accélérer le processus d’innovation et de créer des centres d’excellence technologique de visibilité internationale. Avec un tiers de ses unités mixtes impliquées directement dans 56 pôles de compétitivité, tous les secteurs disciplinaires étant concernés, le CNRS renforce sa présence dans l’économie des régions.

Le CNRS doit donc s’appuyer sur les structures de pôles, dont la force découle de leur vocation régionale. Lorsque cela est nécessaire, le CNRS doit affirmer son rôle dans la gouvernance scientifique des pôles de compétitivité, afin d’en être un acteur dans la définition des besoins de recherche. Sur le moyen et long terme, des besoins nouveaux peuvent être identifiés, qui vont au-delà de la stratégie à plus court terme des industriels. Le rôle du CNRS, à côté des autres établissements publics de recherche, sera de rendre cette information plus accessible.

2.1.2. Une gestion stratégique de la propriété intellectuelle

Favoriser et accélérer le processus de transfert de connaissances créées dans les laboratoires vers des partenaires industriels, les plus aptes à développer et vendre les produits ou les services issus de ces connaissances, est un objectif stratégique pour le CNRS.

Le brevet constitue la principale forme de protection institutionnelle des résultats de la recherche. Afin qu’il présente un intérêt, le dépôt d’un brevet doit faire l’objet d’une valorisation aussi systématique que possible. Il faut donc passer d’une politique de dépôt de brevets au fil de l’eau à une politique de gestion stratégique et économique d’un portefeuille de brevets. Cette politique doit être coordonnée et partenariale, chacun assumant la charge de la valorisation d’un bouquet de brevets cohérent et pouvant ainsi offrir à ses partenaires l’opportunité d’une meilleure valorisation d’un simple brevet dans le contexte d’un portefeuille atteignant une masse critique.

Ainsi, le CNRS a pour mission la gestion d’un portefeuille constitué actuellement de 3000 brevets actifs dont un tiers donne lieu à des licences. Les clés de cette stratégie sont des brevets se soutenant mutuellement, une recherche systématique de licences permettant des retours financiers pour le CNRS, et enfin le suivi juridique de la protection de la propriété industrielle. En sensibilisant les chercheurs à la nécessité de déposer des brevets et en leur proposant des outils performants pour cela, en se constituant un important portefeuille de brevets assorti de prises de licences d’exploitation par des entreprises, le CNRS devrait pouvoir à terme atteindre des retours financiers à hauteur de 4 à 5 % de son budget.

Une politique de propriété intellectuelle « tous azimuts » du CNRS est coûteuse et présente un aspect dissuasif pour les entreprises, la propriété intellectuelle revenant systématiquement au CNRS tandis que l’industriel obtient une concession de licence. Cela freine le processus de licences concédées par l’entreprise à des tiers, ainsi que les procédures de brevets d’amélioration. Dans les domaines où le CNRS trouvera des partenaires stables qui n’ont pas pour objectif de bloquer le développement de nouvelles technologies pour protéger leurs anciens investissement, un progrès significatif pourrait être réalisé en assouplissant la procédure pour certains types de brevets, en n’hésitant pas à en confier la propriété aux entreprises partenaires, moyennant paiements de droits, tout en conservant les droits de redevances pour le CNRS.

2.1.3. Créer des emplois dans le secteur productif

En aval de la recherche, la création d’entreprises par les chercheurs, facilitée depuis la loi de 1999, constitue un vecteur important de la valorisation. Elle intervient en particulier lorsque des brevets ne peuvent trouver preneur de licences dans les entreprises en activité. Le CNRS est résolument entré dans cette démarche, avec une moyenne de trente entreprises créées chaque année. Près de 1900 emplois ont été créés en moins de dix ans, mais force est de constater que les jeunes entreprises ont plus de difficultés à croître en France qu’aux USA, en Allemagne ou en Italie. Il est cependant possible d’améliorer la situation :

- en développant la formation de tandems chercheur-manager.

Le chercheur n’est pas toujours le mieux armé pour diriger l’entreprise ainsi créée. Il est souhaitable dans certains cas de confier la gestion de l’entreprise à une personne formée pour cette fonction, voire disposant d’une expérience réussie dans ce domaine.

- en cherchant des partenaires financiers ou en aidant à en créer. En effet, c’est principalement dans le développement financier que les « jeunes pousses » créées rencontrent le plus de difficultés pour grossir et pour rivaliser avec leurs homologues créées dans d’autres pays.

2.2. Objectif 7 : le CNRS, acteur de la formation et partenaire des universités

Le CNRS veut développer la perception de l’importance des sciences dans la pratique professionnelle. L’organisme se mobilisera pour accompagner les universités et les grandes écoles dans la compétition mondiale de l’enseignement supérieur et de la recherche et pour répondre à la demande croissante de formation continue que nécessite une recherche industrielle de pointe.

2.2.1. Contribuer à accroître l’attractivité des sciences et des métiers de la science

Depuis une dizaine d’années, l’Europe est confrontée à un mouvement de désintérêt pour les filières scientifiques fondamentales, auquel les États-Unis ont su faire face avant nous. Ceuxci y ont répondu principalement en attirant les meilleurs chercheurs et en faisant valoir, auprès des jeunes et du public, le prestige de leurs institutions dans un environnement où la science est un facteur de progrès collectif et personnel. Ce mécanisme ne suffit plus dans notre société où l’information, parfois contradictoire, est disponible pour tous, et qui doit faire valoir d’autres arguments. Pour constituer un vivier riche, non seulement de futurs scientifiques, mais également de futurs ingénieurs et créateurs, la recherche et le CNRS doivent prendre part à un effort d’accroissement de l’attractivité des sciences auprès des scientifiques de demain.

Cela passe par des initiatives connues et évoquées dans les précédents plans stratégiques du CNRS, par exemple des collaborations entre chercheurs et formateurs dans l’enseignement secondaire, par l’accroissement des actions de diffusion dans les collèges pour redonner aux sciences leur part de rêve, mais surtout par une contribution aux réflexions sur ce qui fera le contenu des enseignements de demain à tous les niveaux. Alors que les jeunes étudiants soucieux de leur avenir sont attirés par des formations « professionnalisantes », à Bac+3 ou Bac+5, l’objectif stratégique est non seulement de développer la perception de l’importance des sciences dans la pratique professionnelle, mais aussi de développer les possibilités d’insertion professionnelles en accord avec les niveaux atteints. Comme l’enseignement, la recherche doit participer à l’anticipation de ce que seront les compétences nécessaires demain pour chacun, en y ajoutant une part d’inattendu et de curiosité.

2.2.2. Participer à la compétition internationale et s’impliquer dans la formation universitaire

L’enseignement supérieur est devenu une partie intégrante de la croissance économique. La plupart des grands pays scientifiques, notamment européens, en font un des fondamentaux de leur économie et dans ce contexte, la compétition internationale est de plus en plus vive. Les classements internationaux, quels que soient leurs fondements, sont scrutés par tous et exacerbent la compétition entre établissements universitaires, fondée sur la qualité de leur recherche, mais aussi sur leur capacité à rayonner pour attirer les meilleurs étudiants. C’est au lien entre excellence et rayonnement pour une meilleure attractivité que le CNRS peut apporter une nouvelle contribution. Or le CNRS sait être attractif comme le montre le pourcentage élevé de recrutements de chercheurs étrangers. Dès lors que ceux-ci participent à la formation, ils doivent pouvoir communiquer cette attractivité aux étudiants de leur pays d’origine.

Les mouvements qui redessinent les cartes de formation universitaire en France impliquent donc le CNRS. Il est essentiel que l’organisme apporte en particulier sa contribution scientifique dans le domaine de la formation doctorale. Dans la mesure où des UMR sont associées à des écoles doctorales, elles ont un rôle capital à jouer dans la politique scientifique de celles-ci et dans l’accueil des doctorants. Les formations au niveau du Master s’appuyant aussi sur des unités de recherche reconnues, le CNRS mobilisera ses ressources pour contribuer à l’évolution des formations universitaires, à partir d’une réflexion sur les débouchés, mais aussi sur les contenus. Organisme généraliste, le CNRS a une capacité à associer science et technologie et à assouplir les frontières disciplinaires. Le regroupement d’établissements d’enseignement supérieur parfois très spécialisés tendra à restaurer une certaine « universalité » de la formation sur un site. Il faut transformer cette caractéristique en autant d’opportunités de croisements de disciplines lorsque cela est pertinent.

Cette participation du CNRS au continuum formation-recherche sera accompagnée par une plus grande fluidité du passage temporaire d’enseignant-chercheur à chercheur à plein temps ; réciproquement, l’organisme incitera les chercheurs à participer à l’enseignement.

2.2.3. Valoriser la formation par la recherche et par les chercheurs

Une des causes, typiquement française, de la difficulté des relations entre la recherche académique et le monde de l’industrie est le faible pourcentage de docteurs parmi les cadres dirigeants des entreprises. C’est pourtant la formation par la recherche et non pas seulement l’enseignement académique qui enrichit les qualités d’un cadre comme celles d’un futur chercheur : le sens de l’observation et le sens de la décision face à des choix multiples, la créativité, la capacité de réagir devant les difficultés, le sens du travail en équipe, la maîtrise d’un projet cadré dans le temps.

Le potentiel d’encadrement doctoral est élevé dans les unités du CNRS et de ses partenaires. L’organisme doit donc affirmer son rôle dans la formation et l’employabilité des docteurs.

L’impact des actions fédératives, par exemple des groupements de recherche, sur la qualité de la formation doctorale est reconnu. Ces structures d’échange mettent les jeunes au contact des chercheurs les plus compétents, complètent leur formation et créent parfois de nouvelles filières d’insertion professionnelle. Cette pratique d’échange en réseaux au niveau national sera généralisée.

Les chercheurs, ingénieurs et techniciens doivent faire bénéficier l’industrie de leur expertise.

Avec la nécessité de se maintenir en permanence à la pointe de la technologie dans des domaines qui ignorent souvent les frontières disciplinaires, l’industrie exprime des besoins en formation différents de ceux impliqués dans la formation initiale universitaire. Au CNRS d’y répondre en proposant des stages de formation continue adaptés aux besoins, encadrés par des équipes de recherche à la pointe de leur domaine, en mettant en place des écoles thématiques dans lesquelles se côtoient doctorants, chercheurs, enseignants-chercheurs et ingénieurs de l’industrie.

Le CNRS contribuera à renforcer les liens entre la recherche fondamentale et la recherche technologique, créant ainsi une communauté de pensée, source de plus grande réactivité dans les partenariats CNRS-industrie. Ce contact plus étroit fera en retour bénéficier les laboratoires, par le brassage et les échanges d’idées, d’informations directes sur des problèmes scientifiques spécifiques de l’industrie, dont la résolution rapide procure des avantages compétitifs cruciaux. En ce sens, la participation active du CNRS à la formation des chercheurs de l’industrie est à encourager. Elle est par ailleurs tout à fait complémentaire du partenariat scientifique traditionnel intervenant dans les contrats de recherche entre industrie et laboratoires. On peut donc attendre de la diversité de ces échanges basés sur le continuum recherche-formation un meilleur dialogue et une plus grande réactivité du monde académique aux besoins scientifiques de l’industrie.

2.2.4. Le partenariat global : un nouveau cadre à mettre en oeuvre pour les relations avec les universités et les écoles, en coordination avec les autres organismes

Avec aujourd’hui près de mille unités de recherche mixtes avec l’enseignement supérieur, le CNRS est le premier partenaire des établissements d’enseignement supérieur et de recherche.

Ce partenariat doit évoluer vers un format mieux adapté à l'autonomie des établissements dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi relative aux Libertés et Responsabilités des Universités (LRU). Dans le cas où d’autres organismes sont concernés, une coordination plus étroite devra être instaurée avec eux.

 Avec le renforcement et l’autonomie des universités, les partenariats entre le CNRS et les établissements d’enseignement supérieur et de recherche devront être refondés sur la base

d’objectifs stratégiques et de responsabilités partagés, centrés sur l’excellence, la pertinence vis-à-vis des enjeux nationaux et internationaux, et la formation. Au travers de ces partenariats, le CNRS favorisera l’émergence, le développement et le soutien de recherches au meilleur niveau sur des projets scientifiques communs. Les conventions que le CNRS établira progressivement avec les établissements d’enseignement supérieur et de recherche autonomes structureront ce dialogue renforcé.

• Ce dialogue entre le CNRS et chaque établissement conduira à une stratégie scientifique commune portant sur le pilotage scientifique, la répartition des moyens, le support à la recherche, la gestion des ressources humaines, et aussi sur la formation par la recherche à travers les Ecoles doctorales. Il s’établira dans une temporalité cohérente avec les contrats quadriennaux des Universités, et débouchera sur une convention de partenariat global, assortie d’une structuration adaptée aux objectifs qu’il aura établi.

Chaque partenaire mettra des moyens humains et financiers à disposition des projets et restera employeur de ses personnels. Le partenariat impliquera un partage d’information et la formalisation d’une stratégie partagée en termes d’objectifs scientifiques et de ressources humaines.

• Dans le cadre des Unités Mixtes de Recherche (UMR), ou d’autres types de structures partenariales, le CNRS apportera une vision nationale des thématiques et des moyens, développés en coordination avec les établissements d’enseignement supérieur et de recherche. La simplification du partenariat impliquant en général deux tutelles autour d’une unité de recherche bénéficiera aussi du regroupement des établissements universitaires et des écoles au sein de pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES). Il est donc important que ceux-ci deviennent opérationnels et puissent jouer localement un rôle structurant.

L'harmonisation des règles administratives et l’amélioration de leur mise en oeuvre seront  poursuivies de manière à simplifier et faciliter la gestion des laboratoires. Cette harmonisation suppose en particulier que chacune des tutelles puisse disposer d’un niveau de compétences équivalent et d’une vision consolidée de l'ensemble des moyens mis en oeuvre dans le cadre de ses partenariats.

Le principe du mandat unique de gestion confié à l’hébergeur sera progressivement mis en place.

Ces partenariats refondés s’appuieront sur une politique conjointe de ressources humaines basée sur une analyse partagée de l’évolution des compétences et des métiers de larecherche et sur le partage d’objectifs de recrutement. Des "Chaires Junior" permettront à des jeunes universitaires de consacrer le début de leur carrière principalement à un projetde recherche tout en garantissant leur poste universitaire.

Des "Chaires Senior" permettront à des professeurs d'université confirmés de bénéficier de conditions similaires, renforçant ainsi l’attractivité de l’organisme et de la recherche universitaire pour les chercheurs de haut niveau. Cette politique conjointe des ressources humaines pourra notamment se décliner par des recrutements planifiés sur une base pluriannuelle afin de renforcer des structures de recherche partagées sur certains sites.

 La recherche et l’innovation au service du développement économique doivent s’organiser dans le cadre de partenariats modernisés avec les universités, les écoles et les entreprises.

La valorisation de la recherche sera prise en charge au plus près des unités, mutualisée dans le cadre des relations entre le CNRS, les établissements d’enseignement supérieur et les PRES pour former des structures régionales de valorisation. Ces dernières auront pour objectifs essentiels de simplifier le fonctionnement de la recherche partenariale et d’en accroître l’efficacité. Elles participeront au développement économique régional en s’impliquant aux côtés des instituts Carnot et des pôles de compétitivité. Le CNRS y contribuera par sa vision nationale, plus globale, basée sur ses contrats cadres avec de nombreux grands groupes et sur une stratégie nationale de gestion de son portefeuille de brevets, et par l'expérience acquise par ses personnels.

2.3. Objectif 8 : le CNRS, acteur dans la société

Dans un contexte mondial nouveau marqué par l’expansion des connaissances et de la communication, par certaines tendances à une privatisation croissante des résultats de la recherche, par une demande sociale d’efficacité, d’ouverture sociale, de transparence politique et de responsabilité éthique, le CNRS sera à l’image des évolutions de la société. Il s’impliquera de façon significative en créant plus d’espaces de débat, d’échange et d’information scientifique.

2.3.1. Science et société : la nouvelle donne

La « science » et la « société » ne constituent plus aujourd’hui deux entités distinctes, l’une incluse dans l’autre, mais fonctionnant comme un lieu autonome de production de connaissances. La croissance ininterrompue du rôle de la connaissance dans les économies du vingtième siècle a fini par ébranler cette vision du rapport entre la science et la société.

2.3.1.1. Deux tendances fortes

Deux évolutions de grande ampleur et de sens contraire modifient la perception traditionnelle de la science. La première est l’accroissement des droits de propriété sur les données scientifiques, qui limite le libre accès aux connaissances, et incite les chercheurs à se conduire comme des propriétaires de connaissance et pas seulement comme des producteurs de connaissance. On peut parler ainsi d’une certaine « privatisation de la connaissance ».

Simultanément, la société civile admet de moins en moins la vision idéalisée de la science comme connaissance désintéressée et demande un contrôle démocratique de sa production.

Ces deux évolutions sont solidaires. D’un côté, les sociétés contemporaines attendent beaucoup d’une innovation fondée sur la recherche scientifique ; de l’autre, elles exigent une gouvernance démocratique et responsable de l’économie fondée sur la connaissance.

2.3.1.2. Science et société en Europe

Depuis les années 1980, l’Union européenne s’est dotée de puissants moyens d’évaluation de la perception et des attentes du public en matière de recherche scientifique. L’enquête réalisée en 2005 par la Commission européenne5 montre que la population européenne dans son  ensemble a une perception très positive des effets de la science et de la technologie, tout particulièrement dans les domaines de la santé (88 %), de l’amélioration de la qualité de vie (78 %), et des perspectives offertes aux générations futures (77 %). Elle montre que le niveau des connaissances a significativement progressé dans tous les pays depuis l’enquête semblable réalisée en 2001. Par ailleurs, les Européens souhaitent à une écrasante majorité que la recherche scientifique soit soutenue par les gouvernements, même si elle n’apporte aucun bénéfice immédiat (Europe : 76 % ; France : 86 %).

Ils pensent aussi en majorité que les scientifiques de profession sont les mieux qualifiés pour expliquer l’impact de la science et de la technologie sur la société et souhaitent que les décideurs politiques prennent davantage en compte l’expertise scientifique (79 %).

Cette vision européenne de la science contraste avec celle, plus alarmiste, que renvoient les médias, les politiques et les scientifiques. Elle est néanmoins tempérée par des griefs et des demandes insistantes.

D’abord l’intérêt des Européens pour la science est modulé selon le sexe, l’âge et le niveau d’éducation. La demande d’une meilleure intégration des femmes dans la recherche est importante (74 %). Par ailleurs, les Européens s’estiment insuffisamment informés sur les sciences et les techniques ; ils reprochent aux scientifiques de faire peu d’efforts pour être compris par le public (59 % ; France : 61 %). Ils demandent aussi que l’intérêt des jeunes pour la science, essentiel pour notre prospérité future (82 %), soit efficacement stimulé. Enfin, ils souhaitent que les politiques scientifiques prennent en considération des valeurs éthiques, mais ils souhaitent aussi que les scientifiques ne soient pas entravés dans leur travail par une peur excessive des risques potentiels de leur recherche scientifiques.

Europeans, Science and Technology, Special Eurobarometer, European Commission, June 2005

(http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_224_report_en.pdf)

La thématique « Science et société », qui a toujours été importante pour le CNRS, prend dans ce contexte une signification nouvelle. Il ne s’agit plus seulement de faire pénétrer la science dans la société, mais de répondre à la pénétration multiforme de la science par la société. Le CNRS doit se situer dans un contexte mondial marqué par la privatisation de la connaissance et par la demande de participation civile. Dans ce but, il adaptera ses missions traditionnelles de promotion de la culture scientifique et technique, d’expertise et d’évaluation, de diffusion de l’information scientifique et technique, et de communication.

2.3.2. Les rôles sociétaux du CNRS

2.3.2.1. Promotion de la culture scientifique et technique

La promotion de la culture scientifique et technique dans la société est l’une des valeurs fondatrices du CNRS. Elle a été aussi un enjeu permanent pour de nombreux pays et pour les organisations internationales depuis la Seconde Guerre mondiale. Le bilan en est aujourd’hui bien connu. La sensibilisation des individus et des collectivités à la connaissance scientifique est fonction de la probabilité d’un contact avec la science, qui lui-même dépend avant tout du degré de scolarisation. Seule une fraction de la population, la plus scolarisée, acquiert les compétences de base qui rendent possible le rapprochement espéré. Une fois ce constat fait, il est clair que la promotion de la culture scientifique et technique dans une société démocratique dépend de deux paramètres : l’école et, pour la fraction (majoritaire) de la population qui n’a qu’un accès modeste à la connaissance scientifique, les médias. Le problème dépasse donc la capacité d’action d’un organisme de recherche, même si le CNRS n’est pas dépourvu de moyens d’action.

Le CNRS peut et doit notamment traiter de la place des femmes dans la science, qui malgré des évolutions récentes, porte encore la marque d’une tradition millénaire de séparation des tâches entre les hommes et les femmes. Il se doit de répondre à la demande sociale d’une meilleure intégration des femmes dans la recherche scientifique. L’organisme favorisera un meilleur équilibre de la répartition des sexes en fonction du niveau de compétence. Il le fera en prenant en compte les spécificités des carrières des femmes, et en réalisant régulièrement des bilans démographiques verticaux (répartition des sexes selon la qualification) et horizontaux (répartition disciplinaire).

En second lieu, l’organisme valorisera la diffusion des connaissances et les activités de médiation scientifique parmi les chercheurs. L’organisme incitera les chercheurs à prendre en considération la diffusion des connaissances dans leur stratégie de publication, en valorisant davantage cette activité dans les carrières. La formation des chercheurs et des ingénieurs aux pratiques de médiation scientifique sera assurée.

En troisième lieu, le CNRS adoptera un autre régime d’échange avec le public. Il est essentiel que le public comprenne la complexité des processus d’élaboration et de justification des connaissances, et ne soit plus traité comme un pur récepteur passif. Une bonne appropriation de la connaissance suppose que les individus soient à même de la critiquer.

Dans les sociétés
du futur, la critique de la connaissance scientifique par le public deviendra une composante à part entière de leur construction sociale.Le CNRS développera des partenariats permettant de répondre à ce genre de défi : partenariats avec des établissements locaux, nationaux ou internationaux de culture scientifique et technique, avec des établissements scolaires et avec des structures associatives.

En quatrième lieu, il n’est pas inutile de rappeler que dans un pays comme le nôtre, marqué par l’esprit de l’Encyclopédie, la culture scientifique inclut non seulement les sciences formelles et expérimentales, mais encore l’approche scientifique des faits sociaux et culturels.

Le CNRS valorisera cette dimension importante de la culture scientifique, dont les enquêtes d’opinion montrent de manière répétée qu’elle est perçue comme telle par le public. Enfin le CNRS développera des moyens d’analyse de participation de la société civile à l’élaboration des politiques de recherche. À l’heure actuelle, la capacité scientifique de l’organisme d’analyse de la participation civile fonctionne pour l’essentiel soit en interne, soit à la demande des décideurs politiques ou économiques. Elle sera désormais aussi conçue comme une expertise susceptible de soutenir la participation civile à l’élaboration des politiques de recherche.

2.3.2.2. Expertise scientifique

Dans une perspective sociétale, l’expertise est une fonction fondamentale d’un organisme de recherche qui ne peut que s’accroître dans une économie et dans une société fondées sur la connaissance. Or plus la demande d’expertise s’accroît, plus il y a de chances qu’elle soit contestée dans l’arène publique. Le CNRS doit donc avoir une vision d’ensemble des finalités et des conditions dans laquelle il produit des expertises, en direction d’acteurs spécifiés.

Envisagée comme producteur et consommateur de recherche, la société dans son ensemble peut être représentée comme un réseau d’interactions entre quatre systèmes : un système social, un système économique, un système politique et un système d’expertise. Dans un organisme national de recherche, la relation entre système d’expertise et système politique est la plus familière : l’organisme fournit à sa tutelle l’information permettant d’orienter ses décisions. La relation entre système d’expertise et système économique est elle aussi entrée dans les moeurs : l’organisme fournit un service à un partenaire économique public ou privé. Le défi pour le CNRS est de devenir capable de mettre aussi son expertise à la disposition du système social. La relation d’expertise ne doit pas être confondue avec les interactions diverses entre le système économique, le système politique et le système social.

Le CNRS ne peut offrir qu’une évaluation cognitive (une expertise scientifique). Mais, s’il veut affirmer sa fonction sociétale, il doit au moins contribuer à démocratiser l’expertise. Il y a pour le CNRS et pour ses personnels un devoir d’écoute sociale, un devoir d’alerte et de prospective, un devoir de mettre en place l’organisation appropriée à un tel rapport à la société.

Le CNRS affirmera donc sa capacité d’expertise dans des zones de connaissance émergentes, y compris dans les aspects les plus médiatisés que l’actualité met au-devant de la scène. Il recherchera un équilibre entre l’expertise individuelle, avec sa part de subjectivité, et l’expertise collégiale, qu’il convient de privilégier. Les chercheurs et les ingénieurs du CNRS devront pouvoir s’appuyer sur des procédures leur permettant d’évaluer leurs propres comportements et d’assumer leur responsabilité scientifique devant la société. L’organisme s’engage donc à élaborer un code de déontologie de l’expertise et un cadre méthodologique pour celle-ci. Le Comité d’éthique du CNRS pilotera ce processus essentiel qui demandera des révisions périodiques. Ce code de déontologie de l’expertise précisera en particulier la manière dont le CNRS prendra en compte les demandes de recherche des divers groupes sociaux : syndicats, groupe de citoyens, associations de malades, etc. Il devra sans doute garantir que des lieux et des temps d’échange soient ménagés.

2.3.2.3. Éthique de la recherche

L’éthique de la recherche est une forme particulière de l’éthique appliquée. Elle n’a pas pour vocation d’imposer des standards moraux prédéfinis, mais de ménager des espaces de négociation sociale sur les normes et les valeurs, en cherchant à atteindre le meilleur équilibre rationnel possible sur des questions que les règles juridiques existantes ne suffisent pas à trancher. Une éthique de la recherche accorde une importance particulière aux valeurs de la connaissance (vérité des assertions, méthode de confirmation, doute, liberté de pensée et d’expression), mais elle a pour objet de concilier l’acceptabilité cognitive des pratiques de recherche avec leur acceptabilité sociale.

L’engagement du CNRS sur le terrain éthique ne se limitera donc pas à l’application des avis de son Comité d’éthique. Sous l’autorité morale du comité, il valorisera la dimension éthique de la recherche scientifique :

- en familiarisant les chercheurs qui le souhaitent avec les principes et les procédures de l’éthique par des sessions de formation appropriée ;

- en s’assurant que ses contrats et projets de recherche comportent une clause éthique qui, selon les circonstances, demandera ou non à être précisément documentée ;

- en facilitant les échanges entre le Comité d’éthique du CNRS et d’autres structures de consultation éthique, à l’échelle nationale et internationale, dans et hors des organismes de recherche.

2.3.2.4. Développement des études sur les rapports entre science et société

Les communautés scientifiques, la société civile et les décideurs politiques et économiques ont besoin d’outils rigoureux pour faire face aux questions complexes soulevées par le rapport entre science et société. Le CNRS favorisera le développement de recherches philosophiques, historiques, sociologiques, économiques, politiques et éthiques sur la science et la technologie. Le succès de telles recherches a trois conditions : que des communautés de spécialistes (philosophes, historiens, sociologues) soient repérées et structurées ; deuxièmement, que les études sur la science soient développées et appropriées par les disciplines scientifiques elles-mêmes ; enfin, que ces réflexions soient nourries par des échanges réels avec le public et les décideurs. Le CNRS favorisera le développement de telles études, en garantissant un vivier de compétences aujourd’hui déficitaire dans notre pays, en garantissant leur excellence scientifique, et en structurant les réseaux de collaboration interdisciplinaire et de communication externe qui leur sont indispensables.

2.3.2.5. Information scientifique et technique

Le CNRS joue depuis longtemps un rôle essentiel dans la conservation, la mise à disposition et le traitement des résultats de la recherche mondiale. Cette fonction doit être soutenue et adaptée, dans le contexte d’un marché mondial de la publication scientifique qui a considérablement changé.

De 1975 à 1995, le prix des publications scientifiques a augmenté de 200 % (éditeurs académiques) à 300 % (éditeurs privés), hors inflation. Or les enquêtes fondées sur le nombre de citations montrent une forte corrélation entre la valeur scientifique des articles et leur prix.

C’est l’indice d’une tarification fondée sur la valeur plutôt que sur le coût de production. C’est un signe de la puissance du marché, que corrobore un mouvement de concentration sans
précédent des éditeurs privés. Simultanément, la révolution Internet a produit deux changements importants :

- Nous sommes passés de la facturation par journal à une facturation par paquets de journaux, ce qui a conduit à la constitution de consortiums d’acheteurs institutionnels (universités, organismes de recherche). La taille de ces consortiums demeure cependant très modeste face à la concentration des éditeurs.

- Simultanément, le développement d’Internet et des archives ouvertes a accru la libre circulation des savoirs et leur accessibilité.

Dans un tel contexte, un grand organisme scientifique doit contribuer à la régulation de la diffusion scientifique. Une bonne partie de l’activité scientifique repose sur des fonds publics, les services d’évaluation sont aussi fournis gratuitement, et enfin les journaux scientifiques sont principalement achetés par des chercheurs ou par des institutions fonctionnant sur fonds publics. Le CNRS s’attachera donc à :

• Développer l’accès public aux résultats de la recherche réalisée sur fonds publics, dans un délai raisonnablement court après publication.Il poursuivra l’effort actuel entrepris pour développer les archives ouvertes, cet archivage étant posé comme condition dufinancement de l’achat de bouquets de revues. La base HAL6, créée par le CNRS en

2001, confère à la France une avance au sein de l’Europe. L’organisme confortera en France sa position de leader, et renforcera l’interconnexion avec des bases similaires en Europe et dans le monde (comme ArXiv ou PubMedCentral), tout en veillant à la coordination avec les partenaires nationaux.

Garantir un accès pérenne et généralisé aux archives digitales des périodiques scientifiques.Mutualiser et mettre en réseau les ressources documentaires des laboratoires. Un effort particulier sera réalisé dans le sens d’un partage pluridisciplinaire des ressources, si important pour le succès des actions de recherche interdisciplinaires.

 Établir de nouvelles règles d’évaluation des périodiques scientifiques, fondée non seulement sur leur qualité scientifique intrinsèque, mais aussi sur la qualité de la dissémination de la connaissance qu’ils assurent.Les éditeurs devraient sans doute être évalués du même point de vue par les organismes de recherche. Dans la mesure où ils exercent des charges d’éditeurs scientifiques, les chercheurs CNRS ont sans doute un rôle à jouer à cet égard.

Le CNRS mènera ces actions, en collaboration avec ses partenaires publics nationaux, européens ou internationaux, et avec les nouveaux partenaires du monde de l’édition et des banques de données.

2.3.2.6. Communication

Le CNRS aura soin de distinguer deux dimensions de sa politique de communication : une communication institutionnelle, destinée à faire connaître largement sa démarche stratégique, et une communication grand public.

Communication institutionnelle Organisme public, le CNRS doit de faire connaître largement ses orientations scientifiques par une communication partenariale cohérente. À cet effet, des actions ciblées seront régulièrement organisées en direction des décideurs politiques (tutelles administratives, Parlement, instances européennes) et des acteurs économiques et sociaux directement

6 Hyper article en ligne : http://hal.archives-ouvertes.fr.

concernés par les orientations stratégiques de l’organisme et porteurs d’une demande de recherche. Dans la sphère économique, le CNRS confirmera et développera sa participation aux divers lieux d’échange mis en place par le monde économique et social. Dans la sphère médiatique et éducative, il mènera des actions de partenariat avec les écoles et filières universitaires de journalisme, de documentation et de communication.

Le CNRS développera aussi sa communication interne, afin de relayer les axes prioritaires de sa stratégie auprès de ses personnels propres, mais aussi auprès de l’ensemble des personnels travaillant dans les unités de recherche qui lui sont liées.

Communication grand public

La France s’est dotée de grands systèmes de communication scientifique : Palais de la Découverte, Cité des Sciences et de l’Industrie, musées scientifiques. Elle a aussi introduit l’obligation de diffusion des connaissances comme part légitime du métier de chercheur.

Cependant, l’efficacité de ces dispositifs doit être améliorée. Une « communication » authentique doit prendre en compte ces deux sens de l’échange entre science et société.

Avec ses compétences pluridisciplinaires, son implantation géographique, son réseau de correspondants en communication (600 en 2006), et ses partenariats multiples, le CNRS a la capacité de créer des espaces de débat entre la (les) communauté(s) scientifique(s) et la société en grand, lieux réels et espaces virtuels sur Internet. Cinq grands axes se prêtant à des actions ciblées ont été identifiés : l’éducation, l’économie, la politique, les médias, les milieux culturels. À l’horizon 2020, le CNRS s’engage à avoir mis en place de tels espaces de débat et à en avoir évalué le fonctionnement.

2.4. Objectif 9 : le CNRS, acteur européen et international

La construction de l’Espace européen de la Recherche (EER) dynamisera la communauté scientifique européenne. Avec ses partenaires universitaires, les actions du CNRS, qui développera et exportera son modèle d’organisation original et performant, s’inscriront dans cette perspective. L’action internationale visera principalement à consolider l’excellence avec les grands pays industrialisés et à positionner le CNRS dans les grands pays émergents.

La disparition des distances par le développement des communications dans les vingt dernières années, a eu un fort impact sur la recherche, analogue à la mondialisation de l’économie. Elle a permis le développement de la mise en réseau, un nouveau mode opératoire qui permet de rassembler virtuellement les personnes sur des thématiques scientifiques stratégiques. La mise en réseau est avantageuse pour chacun, car les scientifiques continuent à participer à la vie scientifique de leur pays d’origine, tout en l’enrichissant continûment par la fécondation croisée due au projet commun, évitant la fuite des cerveaux préjudiciable pour l’un des deux pays et produisant un net gain de talents dans les deux pays.

Cette mise en réseau est nécessaire car un grand nombre de domaines de recherche ne connaissent pas de frontières : le « laboratoire » où se déroulent les études peut s’étendre sur une partie importante de la planète ; il peut aussi être nécessaire d’atteindre une masse critique de collaborations pour avoir accès aux compétences complémentaires nécessaires à l’originalité, à la qualité et au succès des projets de recherche ; enfin, la recherche menée par les grands groupes internationaux est, elle-même, internationale. Elle entraîne inévitablement une concurrence mondiale à laquelle notre pays, par l’intermédiaire des acteurs de la recherche, du CNRS notamment et de ses partenaires, répondra de façon coordonnée par des alliances européennes et internationales sur la base de l’excellence scientifique.

2.4.1. Exporter un modèle d’organisation partenarial et performant

Avec ses unités de recherche, leur mise en réseaux et ses groupements de recherche, le CNRS développe, avec les universités, les écoles et les autres organismes, un modèle de structuration de l’espace français de la recherche basé sur des partenariats opérationnels forts. Il a déjà commencé à l’exporter, essentiellement en Sciences humaines et sociales, au travers d’un réseau d’unités françaises à l’étranger, fruit d’un partenariat ancien et fécond avec le ministère des Affaires étrangères, avec les grands établissements à l’étranger (Écoles françaises de Rome et d’Athènes, Institut français d’Archéologie orientale du Caire, Institut Français d’Extrême-Orient), et avec les organismes de recherche et les universités étrangères. Ces centres, au nombre d’une trentaine, sont devenus non seulement les interfaces de la recherche en sciences humaines et sociales, mais surtout les fers de lance d’un réseau structuré et innovant de la recherche transdisciplinaire.

Ce modèle d’organisation transversale mutualisant les ressources de chacun et motivé par des enjeux scientifiques a déjà servi d’exemple en Europe Son développement hors de nos frontières, comme à l’intérieur de celles-ci est un objectif. Il procèdera de trois principes : promouvoir le rayonnement culturel de la France, contribuer à structurer l’EER, chercher à soutenir l’excellence scientifique dès lors qu’elle a trait à des enjeux scientifiques stratégiques pour l’établissement. L’organisme suscitera la création d’unités opérationnelles de recherche permettant la collaboration à distance et intégrées dans les réseaux qu’il entend promouvoir à l’horizon 2020.

2.4.2. Animer et structurer l’espace européen de la recherche

La construction d’un « marché unique de la recherche », l’Espace européen de la Recherche (EER), dynamisera la communauté scientifique européenne et assurera un progrès rapide dans les différents domaines scientifiques. Les objectifs stratégiques du CNRS en Europe s’inscrivent dans cette perspective : promouvoir ses priorités scientifiques dans tous les domaines et se rallier à une dynamique de recherche collective lorsqu’elle est pertinente au plan scientifique

2.4.2.1. L’action communautaire

La recherche soutenue par l’Union dans le cadre de collaborations européennes représente une partie importante de l’activité du CNRS et de ses partenaires français, tant par son volume que par sa qualité7. L’action communautaire du CNRS consistera en une implication forte, d’une  part, de l’organisme dans un dialogue avec les instances de l’Union européenne et, d’autre part, de ses chercheurs dans les différents instruments collaboratifs de la Commission :

 Les initiatives mises en place par le Conseil européen de la recherche (ERC) constituent une nouvelle opportunité pour la stratégie scientifique du CNRS, s’inscrivant dans le prolongement des initiatives françaises favorisant l’émergence de jeunes talents et le soutien à l’excellence scientifique.

7 Les contrats européens représentent en 2006 28 % des ressources contractuelles du CNRS et 10 à 15 % de son activité totale.

 Les réseaux collaboratifs favorisant l’intégration des communautés thématiques, la formation et la mobilité amplifieront la politique de mise en réseau au niveau national du CNRS et donneront une visibilité plus forte à sa politique de formation par la recherche.

Le CNRS continuera à promouvoir, avec ses partenaires, l’implication de ses unités dans les projets destinés à structurer les liens entre la recherche publique, la recherche privée et le développement technologique à l’échelle de l’Europe, démultipliant ainsi les initiatives menées au sein des agences françaises.

2.4.2.2. L’action bilatérale et multilatérale

Les actions de la Commission servent à initier les rapprochements. L’action bilatérale et multilatérale servira à les pérenniser. Cette initiative étend à l’Europe l’organisation en réseau que le CNRS souhaite amplifier en France, pour la promotion de l’excellence au sein de l’EER. Elle s’articule selon trois axes.

 Le premier axe est celui de la structuration progressive des collaborations des chercheurs par les outils de support à la recherche développés en France et adaptés au contexte européen. Fort de son expérience française, le CNRS mettra en place un réseau de partenariats européen, constitué des noeuds forts que sont les unités de recherche partagées

avec d’autres établissements européens. Ces réseaux inscriront aussi dans une dynamique commune les universités et les écoles en France et en Europe.

Le second axe est celui du partage avec nos partenaires européens et avec la Fondation Européenne pour la Science (European Science Foundation – ESF) : partage de la prospective afin de dégager une vision commune des grands objectifs stratégiques de l’Europe de la Recherche, construction d’un espace européen d’expertise et d’information scientifique en libre accès, réflexions sur les relations entre Science et Société.

Le troisième axe est celui du rapprochement institutionnel. Le CNRS poursuivra une politique active de resserrement de ses liens avec des organismes tels que les sociétés allemandes Max Planck et Helmholtz, le CSIC espagnol ou le CNR italien, en mettant en place des actions communes en Europe et hors Europe. Il continuera aussi à prendre une part active au sein de réseaux inter-organismes, tels que les réseaux « Eranet » impulsés par la Commission européenne.

2.4.3. Promouvoir, renforcer et consolider la recherche internationale

L’action internationale du CNRS couvre le reste du monde, y compris les pays européens hors Union, tels que la Russie ou les pays des Balkans. Cependant, les activités internationales associées avec les priorités scientifiques du CNRS ne seront pas réparties uniformément dans le monde, mais seront ciblées sur quelques pays, là où les domaines scientifiques correspondants présentent un intérêt particulier. De par son rôle de coordination nationale, le CNRS s’engagera dans une structuration et une mise en cohérence de la politique scientifique internationale de la France, en concertation avec ses partenaires, établissements d’enseignement supérieur et autres organismes. La stratégie scientifique de l’organisme se déclinera au niveau international selon trois modalités.

2.4.3.1. Consolider l’excellence avec les grands pays industrialisés

La puissance scientifique et technologique de l’Amérique du Nord fait d’elle le partenaire privilégié du CNRS, après l’Europe. Toutefois, les collaborations avec l’Amérique du Nord, bien que très nombreuses et de très haut niveau scientifique, ont très rarement le caractère de partenariat étroit des collaborations européennes. L’importance stratégique des collaborations avec des équipes nord-américaines appelle le renforcement et l’extension de nos accords avec les grandes universités américaines, ainsi qu’avec les agences de moyens américaines et canadiennes.

La Russie continue à être une grande puissance scientifique avec des grands domaines traditionnels d’excellence, tels que les mathématiques, la physique théorique, l’espace. Le CNRS a noué de nombreuses collaborations dans ces domaines, qu’il convient de consolider et d’approfondir. L’intensité de ces liens est une conséquence du voisinage immédiat de la Russie avec l’EER et de la volonté du CNRS et des autres organismes européens d’élargir progressivement la notion de l’EER à toute l’Europe géographique.

La puissance scientifique du Japon, de la Corée, de Taiwan et de Singapour et le fort potentiel de développement technologique qu’ils représentent, appellent des partenariats forts. Vu le large spectre de la science japonaise, des collaborations se sont développées et se renforceront dans des domaines aussi variés que la physique des particules ou les sciences humaines et sociales. La volonté de la Corée, de Taiwan et de Singapour de développer des relations vers l’Europe conduit à augmenter significativement les collaborations avec le CNRS. Pour le CNRS, c’est aussi l’attractivité du système de formation par la recherche européen qui est en jeu. Les domaines d’excellence que sont dans ces pays les hautes technologies (nanotechnologies, STIC), les Sciences de la Terre et de l’océan présentent également un intérêt particulier.

Les collaborations avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande restent limitées à quelques actions notables dans le domaine de l’environnement, du développement durable et dans le domaine des sciences de la planète. Vu leur affinité culturelle avec l’Europe, il sera important de mettre en place des partenariats institutionnels pour intensifier la collaboration dans d’autres domaines de recherche.

2.4.3.2. Positionner le CNRS dans les grands pays émergents

Les collaborations avec les pays émergents étant appelées à s’accroître fortement, l’objectif du CNRS est de se positionner rapidement en nouant des collaborations stratégiques afin de pouvoir se déployer davantage dans l’avenir.

La Chine est devenue depuis quelques années un partenaire incontournable du fait de son exceptionnel développement scientifique et technologique. L’identification des meilleurs partenaires et la structuration des collaborations en vue d’atteindre une certaine visibilité sont un véritable challenge. De plus, la Chine offre l’accès à des questions de recherche spécifiques dans les domaines des Sciences de la planète et des Sciences humaines et sociales.

Un domaine de collaboration avec la Chine apparaît comme particulièrement porteur pour l’avenir : les recherches sur l’Environnement et le développement durable.

Les collaborations du CNRS avec l’Inde demeurent limitées en regard du potentiel considérable de ce pays en matière de science et technologie, sans doute en raison du tropisme vers les pays anglo-saxons. Un véritable effort doit être fait pour développer notre réseau de collaborations et identifier les thématiques et les partenaires les plus porteurs.

Le CNRS est, actuellement, le plus grand partenaire scientifique de l’Afrique du Sud. Les thématiques sont très diverses, avec des couplages originaux entre disciplines. Un programme de mobilité à tous les stades de la carrière scientifique sera envisagé pour resserrer les liens avec ce pays dans la durée. Les relations avec l’Afrique du Sud sont stratégiques car elles
rayonnent dans l’ensemble du continent africain, par exemple dans le domaine de la bioinformatique.

Le Cône de l’Amérique du Sud est une région privilégiée pour l’accès à des terrains spécifiques dans différents domaines : astronomie, géologie, ressources minières et biologiques. Des collaborations étroites et bien structurées sont déjà en place dans des domaines tels que les mathématiques ou l’astronomie. Ces collaborations pourront s’amplifier et s’étendre dans d’autres domaines par des conventions avec les organismes locaux. Au-delà des collaborations thématiques, il est important de maintenir, sur cette zone, l’investissement humain en ce qui concerne les échanges et la formation, et de soutenir la politique industrielle de la France en associant les grands groupes industriels aux coopérations scientifiques.

2.4.3.3. Promouvoir les relations par des collaborations ciblées

En dehors des pays industrialisés et des pays émergents, le CNRS mettra en place des collaborations ciblées avec un certain nombre de pays, selon les thématiques et l’intérêt particulier que présentera le pays partenaire.

Deux grands groupes régionaux présentent des intérêts particuliers et historiques : les trois pays du Maghreb et les pays d’Asie du Sud-Est. Avec le premier, le CNRS est maintenant en position de pérenniser et d’élargir ses collaborations thématiques en intégrant les coopérations bilatérales dans les programmes européens. Le soutien à la formation des jeunes chercheurs est également crucial, car c’est un gage de coopération continue entre les deux bords de la Méditerranée. Avec les pays d’Asie du Sud-Est, les collaborations prennent souvent la forme d’Ecoles, de formation par la recherche ou de transferts technologiques dont l’élargissement à l’ensemble des pays de la zone est à promouvoir. Cependant, la plupart des pays de cette zone connaissent une forte croissance et investissent dans la recherche scientifique et technologique pour appuyer leur développement. L’Asie du Sud-Est offre un grand potentiel pour développer des collaborations dans le domaine de la biodiversité, de la chimie et constitue une zone d’intérêt en Sciences humaines et sociales.

3. UNE ORGANISATION MIEUX ADAPTÉE

AUX DÉFIS POUR 2020

Le CNRS est un opérateur de recherche pluridisciplinaire et une agence de moyens. Il inscrira son action dans le cadre d’une stratégie nationale où les organismes de recherche pourront assurer des missions de coordination nationale thématique, en interaction avec les universités et en liaison avec l’Agence Nationale de la Recherche. Il renforcera ses capacités d’analyse de la conjoncture et de la prospective scientifique pour mieux identifier et partager ses priorités et ses choix stratégiques. L’évaluation effectuée par l’AERES, le label de qualité qui s’ensuivra et la prospective scientifique permettront au CNRS, avec l’aide de ses conseils, de s’engager dans de nouveaux partenariats et de nouveaux projets. Pour jouer pleinement son rôle, l’organisme doit mobiliser au mieux ses ressources et il doit rénover son organisation.

Une stratégie à long terme implique aussi une mise en oeuvre, un suivi et une remise à jour périodique. Le plan stratégique du CNRS sera mis en oeuvre dans le cadre de contrats d’objectifs et de moyens pluriannuels successifs établis entre le Centre et sa tutelle. Ces contrats ont pour vocation de définir des étapes opérationnelles, avec des moyens correspondants en regard. L’évaluation et la mise à jour périodique du plan stratégique viendront jalonner la préparation de chaque contrat.

3.1. Objectif 10 : les femmes et les hommes – acteurs de l’avenir du CNRS

Le CNRS construira une stratégie sur le long terme, concertée avec ses partenaires et misant sur une évolution des métiers et des compétences de tous les acteurs, qu’il faudra définir, planifier et accompagner dans le respect des carrières. Celle-ci sera organisée autour de trois idées : anticiper les évolutions, responsabiliser et motiver tous les acteurs et agir de telle sorte que chacun s’approprie les options stratégiques.

La mobilisation des ressources humaines nécessaires à la science est un enjeu majeur de l’avenir du CNRS et de tous les acteurs de la recherche. Les risques constitués par la rupture démographique (avec les pertes de compétences et les conflits générationnels que celle-ci peut engendrer), par la compétition croissante entre les différents acteurs français et étrangers pour attirer les meilleurs, par la désaffection des jeunes pour les métiers scientifiques, et enfin par l’évolution rapide des technologies, sont autant de défis pour la science contemporaine, et donc pour le CNRS.

Le CNRS dispose de nombreux atouts mais il doit construire une véritable politique de ressources humaines sur le long terme. Celle-ci s’articule autour de trois idées principales :

anticiper pour s’approprier les évolutions, rendre les personnels acteurs de leur parcours, partager et faire partager les options stratégiques pour que chacun y contribue. Cette stratégie s’inscrit dans une analyse de l’emploi scientifique et de son évolution, déployée au niveau national. Sa mise en oeuvre suppose une convergence des politiques de ressources humaines des organismes, des universités et des écoles partenaires du CNRS tant au niveau des recrutements que des déroulements de carrières.

3.1.1. Anticiper sur les compétences et les métiers

Le CNRS doit se doter des moyens d’anticiper les évolutions des métiers de la recherche, pour adapter ses ressources humaines aux enjeux scientifiques de demain et à une organisation de la recherche en mouvement. Cette démarche d’anticipation sera matérialisée  par un plan de gestion prévisionnelle des emplois mis à jour périodiquement en même temps que le plan stratégique. 30 % des chercheurs et des ITA vont partir à la retraite d’ici 2016,  soit plus de 7 000 personnes. Il est vital d’anticiper ces départs, d’identifier les compétences qui risquent de disparaître et les besoins futurs, de disposer d’un vivier de recrutement attractif et enfin de mettre en oeuvre des synergies avec nos partenaires dans le cadre d’une stratégie globale de l’emploi scientifique.

Construire une gestion prévisionnelle des compétences et des métiers au CNRS en cohérence avec les grandes priorités de recherche

Dans le cadre d’une gestion prévisionnelle des emplois et des recrutements, il est vital d’identifier les besoins futurs et les compétences qui risquent de disparaître. Pour cela, le CNRS s’appuiera sur le travail de prospective et d’analyse de la conjoncture du comité national de la recherche scientifique, sur l’observatoire des métiers et de l’emploi scientifique et sur les organes mis en place par sa tutelle comme par exemple l’observatoire de l’emploi scientifique. Le travail d’analyse sur le métier de chercheur, l’existence d’un système d’information performant, l’évaluation des ITA en cours de mise en place permettront d’avoir une connaissance plus fine de la réalité des compétences disponibles dans les laboratoires et les services, y compris les personnels non CNRS.

Organiser le transfert de compétences et la formation

Cette « cartographie » permettra de définir une meilleure structuration du potentiel de ressources humaines du CNRS et des jalons à atteindre dans le cadre d’un contrat d’objectifs.

Il convient ici de souligner le rôle important des ITA du CNRS dans la mise en oeuvre de ses projets scientifiques en partenariat avec d’autres acteurs, et la proportion d’ITA nécessaire à ces projets en fonction de leurs contraintes propres. Les objectifs à atteindre ne s’appuieront pas uniquement sur un renouvellement lié aux départs à la retraite ou sur la création de nouveaux emplois. L’organisme construira une stratégie de mobilité thématique interne, qui lui permettra d’organiser le transfert de compétences, et comportera un volet de formation adapté aux priorités scientifiques.

En amont, renforcer l’attractivité du CNRS

Les candidats au recrutement en 2020 sont actuellement dans l’enseignement secondaire. LeCNRS doit être partie prenante de la sensibilisation des jeunes aux métiers scientifiques dès le cursus scolaire. Il se doit également d’être présent dans ce qui est devenu une compétition mondiale pour attirer les meilleurs. La proportion d’étrangers recrutés au CNRS augmente régulièrement ces dernières années, mais il faut veiller à ce que cette tendance ne s’inverse pas. Dans ce but, le CNRS peut agir par différents canaux renforçant son image au plan international : les réseaux internationaux de scientifiques dans les différentes disciplines, les actions des bureaux du CNRS à l’étranger, la présence dans les forums et les salons… En particulier, il est important que la politique de ressources humaines du CNRS se place résolument dans une optique européenne, celle de la construction de l’EER et des incitations mises en place dans les programmes cadres.

Traduire ce plan dans les partenariats

Cette stratégie globale sera articulée avec celle des partenaires du CNRS, conjuguant ainsi ses moyens avec ceux des universités, des écoles et des autres organismes, autour d’une gestion des ressources humaines basée notamment sur une plus grande mobilité des chercheurs et enseignants-chercheurs entre l’université et le CNRS, autorisant l’accueil mutuel de longue durée et donnant une meilleure visibilité pour des carrières plus attractives et plus flexibles.

Ce dialogue partenarial avec les universités s’inscrit dans l’objectif 7 du plan stratégique. La gestion prévisionnelle des emplois permettra à chaque directeur d’unité de recherche d’avoir une vision pluriannuelle de l’ensemble des moyens humains de toutes origines mobilisés pour sa structure, incluant en particulier une planification de recrutements de jeunes chercheurs et de personnels d'accompagnement aux fonctions supports.

3.1.2. Responsabiliser, accompagner et motiver

Dans le fonctionnement en réseau qui est désormais celui de la recherche publique, il est important de donner à chacun le moyen d’être acteur de son parcours, de fournir des repères et des éléments de compréhension du système et d’accompagner ceux qui prendront des initiatives pour servir la collectivité.

Permettre à chacun d’être acteur de son parcours

Pour les chercheurs comme pour les ITA, le CNRS aura comme objectif de développer un dispositif d’accompagnement qui jalonne les étapes de leur parcours professionnel (étapesclés, entretiens, séances collectives d’échanges de pratiques — réseaux métiers — ou de professionnalisation…). Cette démarche s’appuie naturellement sur les instances d’évaluation des personnels de l’organisme, comme pour l’élaboration du plan de gestion prévisionnelle des emplois, qui viennent épauler une gestion des carrières plus proche et plus attentive aux projets de chacun par l’ensemble de la filière ressources humaines.

Concernant les chercheurs, des actions spécifiques complémentaires devront être apportées.

L’un des objectifs de la gestion des carrières doit être de susciter et d’accompagner la prise de responsabilités par les chercheurs, notamment les plus jeunes, dans la recherche au sens strict mais aussi dans son environnement au sens large, dans l’université, dans les entreprises ou dans l’administration lorsque leur expérience les y a préparés. Pour cela, la fluidité des parcours professionnels, basée par exemple sur les délégations ou les mises à disposition, est à promouvoir dans le cadre de démarches attractives, nécessairement « gagnant-gagnant » pour les individus et les établissements.

Accompagner l’encadrement, dont le rôle est encore plus central dans un mode de fonctionnement en réseau

En mettant en place cette politique d’accompagnement, le CNRS se donnera les moyens de repérer en interne et en externe les meilleurs éléments, que leur future fonction soit scientifique, technique ou administrative. Il devra ensuite être en mesure de suivre ces cadres à haut potentiel tout au long de leur carrière. Un dispositif complet sera élaboré, allant du repérage et de la sélection des candidats, à l’accompagnement individualisé vers les postes à responsabilités (définition d’un plan de carrière, formation, évaluation) et à l’appui aux cadres dirigeants (aide à la prise de fonction, appui au management, suivi de la reconversion éventuelle). Ainsi, l’accompagnement et la formation des directeurs d’unité prennent un relief particulier dans un environnement de la recherche en constante mutation. Le rôle des responsables administratifs dans les laboratoires est primordial. Leur recrutement et leur formation doivent continuer à faire l’objet d’une attention particulière.

Préciser les rôles et définir les processus

Dans une organisation de la recherche toujours plus évolutive, il est important de préciser les rôles et les responsabilités de chacun. Les lettres de mission pour les principaux postes à responsabilités seront généralisées, définissant les grands objectifs sur lesquels les responsables seront ensuite évalués. De même il est important, dans ce contexte, de définir clairement les processus, dont la qualité doit être assurée et garantie, et d’en assurer une bonne communication.

Intégrer la politique d’accueil temporaire au CNRS dans cette réflexion d’ensemble

Bien que le recrutement sur un emploi à durée indéterminée reste la norme pour le CNRS, l’accueil de personnels temporaires constitue une caractéristique incontournable de la nouvelle organisation de la recherche, qu’elle soit issue des actions incitatives européennes ou des projets financés par l’Agence Nationale de la Recherche ou qu’elle soit le fruit d’accords de mise en délégation des enseignants-chercheurs.

Cette politique permet d’accueillir de nombreux jeunes chercheurs européens ou étrangers, désireux de compléter leur formation en France, à l’instar de ce qui ce se passe aux États-Unis ou dans d’autres pays d’Europe. Pour ces personnels, ingénieurs, doctorants et postdoctorants, leur passage au CNRS ne peut être considéré comme une position d’attente en vue d’une situation plus pérenne. Il doit systématiquement conduire à un accroissement de leurs compétences et à une valorisation dans la suite dans leur carrière professionnelle. Appelés en majorité à exercer dans le secteur privé en France et à l’étranger, ils seront aussi porteurs de l’image du CNRS et de la recherche française. Il importe donc que leur intégration dans l’établissement soit amplifiée et organisée, qu’une aide soit apportée pour préparer leur insertion professionnelle à l’issue de leur séjour au CNRS et enfin que le CNRS continue à suivre leur carrière ultérieure autant que possible. En ce qui concerne les doctorants, cette initiative ne peut se conduire qu’en étroite collaboration avec les écoles doctorales, mais également avec le monde de l’entreprise.

L’accueil des enseignants-chercheurs en délégation au CNRS, à temps plein ou partiel, procède des mêmes objectifs. Il conduit à terme à un accroissement des compétences et des moyens de l’individu concerné et des deux partenaires, le CNRS et l’établissement d’enseignement supérieur auquel appartient la personne placée en délégation. Il continuera à

s’inscrire parmi les outils d’une gestion concertée des ressources humaines du CNRS et de ses partenaires, en sus des “chaires junior” et ”chaires senior” mentionnées dans l’objectif 7. Ces gains et la diversification du déroulement des carrières induite par ce processus en font un instrument qui doit devenir encore plus attractif pour l’individu en influant de façon positive sur sa carrière personnelle.

Revaloriser les carrières et mettre en place une politique de rémunération attractive

A tous les niveaux, il y a nécessité de disposer d’un cadre professionnel motivant pour les personnels du centre, qui permette notamment une valorisation de la prise de risques et soit aussi attractif pour les plus brillants. Une revalorisation d’ampleur des carrières des chercheurs, des ingénieurs et personnels techniques, dans un cadre statutaire amélioré tenant compte de l’allongement des carrières, rendant les métiers de la recherche attractifs et compétitifs constitue un enjeu majeur. Il s’agit d’une des principales conditions de réussite du plan stratégique du CNRS, condition qui ne peut être réunie que par un élan collectif. Cette réflexion sera donc l’une des premières étapes de la mise en oeuvre du plan stratégique. De même, une politique indemnitaire cohérente et motivante doit être développée avec des règles du jeu claires et objectives.

3.1.3. Partager par le dialogue et la communication

La politique en matière de développement des ressources humaines, et plus largement en ce qui concerne les ambitions du CNRS à l’horizon 2020, doit être lisible. Son partage est un élément de cohésion et de réussite collective et individuelle.

Veiller à la qualité du dialogue social

Les organisations syndicales et les représentants du personnel sont des partenaires privilégiés pour construire et mettre en oeuvre une stratégie prenant en compte la réalité des aspirations des personnels. Un dialogue social de qualité et un bon fonctionnement des instances paritaires sont indispensables pour s’assurer de la cohésion de l’organisme et mener une politique associant la stratégie de la direction, ainsi que les attentes et les motivations des personnels.

Développer le sentiment d’appartenance au CNRS par une communication interne adaptée

Le développement d’une organisation en réseau de la recherche implique que chacun dispose des informations nécessaires pour comprendre son environnement et tirer parti des opportunités. Ce sera l’objectif principal d’une communication interne rénovée. Mais s’agissant d’un organisme de recherche public, il importe aussi que chacun inscrive son action dans un cadre collectif, donnant tout son sens à la notion de service public, et que le sentiment d’appartenance au CNRS soit renforcé pour maintenir la cohésion de l’établissement. Les démarches sont de divers ordres :

- donner à tous les personnels toutes les informations utiles pour leur vie professionnelle, de manière lisible et cohérente, et mettre en valeur leurs carrières et leurs projets professionnels ;

- renforcer le lien entre les agents, assurer la cohésion générale par des types variés de manifestations et de rencontres aux différents échelons du CNRS ;

- informer tous les agents, spécialement sur la place du CNRS dans le système de recherche, sur la stratégie du CNRS et mettre en valeur sa réactivité.

Renforcer la gestion de proximité

La qualité de la gestion de proximité est la condition de la crédibilité de la politique affichée dans ce domaine. Elle doit être maintenue et développée et doit pouvoir s’inscrire dans une cohérence politique claire.

3.2. Objectif 11 : une organisation en instituts et en réseaux

Pour une meilleure synergie des opérateurs de terrain, le CNRS se réorganisera selon une logique d’Instituts avec une double fonction d'agence et d'opérateur, et de réseaux pluridisciplinaires et délocalisés, capables de se mobiliser pour faire face aux grands enjeux scientifiques. Par une conduite de projet de qualité, des conditions d’efficacité comparables à celles de nos homologues étrangers les plus compétitifs seront visées à tous les niveaux.

La nouvelle organisation du CNRS doit répondre à trois grands objectifs :

1. Assurer l’interdisciplinarité, garante de grandes découvertes et modèle mondialement reconnu d’organisation de la recherche la plus innovante. Cette interdisciplinarité ne pourra se développer qu’en s’appuyant sur des disciplines fortes.

2. S’adapter au nouvel environnement de la recherche en France, les universités devenant autonomes et les organismes nationaux devant mieux se coordonner

3. Organiser l’expression des compétences et des talents et optimiser l’usage des ressources, en particulier des fonds publics.

Pour répondre à ces objectifs et aux enjeux sous-jacents, le CNRS privilégiera une dynamique de réseaux, dont les noeuds fixes seront les équipes et les laboratoires.

Par la mise en oeuvre de projets collaboratifs déployés avec nos partenaires, par exemple sous l’égide de groupements de recherche coordonnés, de fédérations de recherche ou de programmes interdisciplinaires, et en adoptant une réelle culture de conduite de projet, ces réseaux seront les emblèmes d’une agilité renouvelée de la recherche, mieux adaptée à l’évolution de notre monde et à l’importance des grands enjeux. Ces réseaux, divers dans leurs fonctions, seront la matérialisation de la mise en oeuvre de la stratégie scientifique du CNRS :

- En réunissant plusieurs unités ou équipes autour d’un enjeu scientifique ou le développement d’une technologie de pointe, les réseaux seront l’outil privilégié pour l’interaction des disciplines scientifiques et la transdisciplinarité, pour la réunion des meilleures compétences disciplinaires en France et en Europe et pour rassembler les meilleurs experts afin de répondre rapidement à un problème.

- En mobilisant des ressources autour d’une plate-forme technologique, d’un grand équipement ou d’un ensemble d’équipements mi-lourds, les réseaux correspondants seront aussi un élément de cohérence et de coordination nationale du développement d’outils performants pour la recherche.

Dans ce contexte, le CNRS veut promouvoir les modalités d’une meilleure qualité de conduite de projets veillant à l’adéquation entre les moyens mis en oeuvre et les objectifs et définissant les modes de pilotage et les engagements de chacun. Ce souci d’efficacité dans la conduite de projets s’appliquera aussi aux unités de recherche, qu’elles soient propres au CNRS ou en partenariats avec d’autres établissements, ces unités étant les noeuds de ces futurs réseaux aux multiples finalités.

3.2.1. Une organisation pour renforcer les unités de recherche

Le CNRS fonde son organisation scientifique sur des unités de recherche, résultat du regroupement d’équipes autour d’une vision scientifique commune, d’une école de pensée. En cela il se distingue d’autres d’organisations de la recherche, la plus connue étant les départements des grandes universités dans le monde anglo-saxon. Nos unités de recherche sont une exception souvent enviée par nos partenaires étrangers : elles sont le lieu de consolidation, de maintien et du renouvellement des compétences scientifiques et techniques.

Moins éparpillés dans leurs thématiques scientifiques que certains départements, il s’y créera plus facilement une dynamique interne, tout en bénéficiant en même temps de la logique de réseaux que le CNRS contribuera à développer, seul ou avec ses partenaires.

Basé sur la compétitivité des équipes et l’excellence des chercheurs, le fonctionnement de la recherche par projets pourrait remettre en cause l’existence d’une politique scientifique propre à chaque unité. Aussi le CNRS veillera-t-il, avec ses partenaires, à ce que la nouvelle dynamique induite par un fonctionnement par appel à projets, en équipe ou en réseau d’équipes, s’intègre à la stratégie scientifique de chaque unité. Il en va, à l’horizon 2020, du renforcement d’une dynamique nationale et européenne de réponse à des appels à projets de plus en plus nombreux, qui ne peut se développer durablement que par la permanence d’une créativité scientifique. Or celle-ci ne peut s’épanouir au sein d’une équipe sans les échanges et l’émulation qui a lieu dans un cadre plus élargi, et au premier rang au sein des unités et des fédérations de recherche.

L’unité restera la brique de base du dispositif de recherche. Au travers de ses partenariats, le CNRS favorisera l’émergence, le développement et le soutien de recherches au meilleur niveau sur des projets scientifiques partagés. Une unité mixte de recherche (UMR) exprimera la convergence des objectifs scientifiques des partenaires, qui contribueront significativement aux moyens qui lui sont affectés. Le directeur de la structure (UMR ou autre type de structure) assurera la maîtrise d’oeuvre des projets soutenus par les tutelles, maîtres d’ouvrage.

L'harmonisation des règles administratives et l’amélioration de leur mise en oeuvre seront poursuivies de manière à simplifier et faciliter la gestion des laboratoires (Objectif 7). La mise en place et le renouvellement des UMR et des autres structures partenariales s’appuieront sur une évaluation par l’AERES de la qualité des activités de recherche. Corrélativement, le CNRS favorisera le regroupement géographique de ses unités sur des sites dédiés ou “campus” CNRS et la mise en place d’hôtels à projets destinés à soutenir les opérations de recherche pluridisciplinaires.

3.2.2. Le CNRS adapte son organisation aux nouveaux enjeux

Dans un pays où les forces en matière de recherche sont souvent disséminées entre une multitude d'acteurs – organismes de recherche, universités, autres établissements d'enseignement supérieur, éventuelles agences dédiées... – il est impératif de trouver la meilleure organisation pour que, dans un champ disciplinaire donné, puisse se mettre en oeuvre une politique nationale ambitieuse et coordonnée entre ces différents acteurs.

L’Etat a souhaité que les universités puissent être autonomes pour conduire en particulier une recherche de grande qualité. Mais pour éviter les redondances et pour assurer une cohésion de notre dispositif de recherche, il souhaite que les organismes de recherche évoluent pour coordonner au niveau national les recherches menées dans les laboratoires qu’ils partagent avec les universités. Pour répondre à ces objectifs et aux enjeux sous-jacents de simplification de la vie des personnels dans les laboratoires, le CNRS transforme son organisation.

Les disciplines sont l’ossature naturelle des universités et des écoles, aussi bien dans le domaine de la recherche que de la formation. Les partenariats rénovés avec l’enseignement supérieur reposant sur un dialogue approfondi, sur des projets scientifiques et aussi sur des compétences disciplinaires, il importe de conserver une lisibilité du CNRS par discipline.

3.2.3. Des départements scientifiques aux Instituts Toutes les disciplines actuellement représentées au CNRS ont vocation à y rester et à se structurer en instituts.

Les Instituts du CNRS sont créés par l'organisme après avis de ses instances consultatives et délibératoires.

Responsables d'un champ de la connaissance et de la mise en synergie de diverses disciplines pour répondre à leurs enjeux propres, les Instituts seront :

opérateurs d'un noyau de laboratoires et d’unités stratégiques pour la réalisation de leur mission

agences de moyens pour des laboratoires qui, s’inscrivant dans le champ de leur mission, seront opérés par un autre Institut et/ou par un établissement tiers, principalement universitaire.

Complémentaires l’une de l’autre, les fonctions d’opérateur et d’agence de moyens permettront d’entretenir le dialogue entre les Instituts du CNRS, sous la supervision de la direction générale de l’organisme qui en déterminera les poids relatifs dans le cadre des contrats d’objectifs pluriannuels passés entre ces structures et la direction de l’organisme, chaque Institut disposant de deux enveloppes budgétaires non fongibles entre elles, correspondant à ces deux rôles.

Les directeurs des Instituts feront partie du comité de direction du CNRS. Cette responsabilité devra être assumée par des personnalités scientifiques reconnues internationalement. Ils seront nommés par le président du Centre sur proposition du directeur général, à l’issue d’un processus transparent et ouvert à l’international à l'image des «search committees» des plus grandes instances internationales de recherche. Les directeurs des instituts s’appuieront sur des conseils, composés de membres élus et de membres nommés, dont une proportion de personnalités scientifiques étrangères. Les conseils scientifiques d'Institut feront partie intégrante du Comité national.

Tous les instituts du CNRS ont vocation à assurer des missions nationales confiées par l'Etat.

L'organisation et les compétences de l'INSU et de l'IN2P3 demeurent inchangées.

3.2.4. La direction du CNRS est renforcée

Pour élaborer les choix stratégiques du CNRS de façon collégiale avec l’ensemble des directeurs d’Instituts, pour garantir l’adhésion, pour superviser l’exécution et pour évaluer les résultats, la direction de l’organisme sera renforcée. Dans le cadre de la politique nationale définie par l’Etat, la direction du CNRS sera chargée de la stratégie scientifique du Centre et de son élaboration avec l’aide de ses Conseils, véritables émanations des communautés scientifiques. Elle sera garante de l’excellence scientifique, du dialogue entre les disciplines et de la prospective, conditions nécessaires aux ruptures scientifiques et technologiques, La direction du CNRS aura, notamment, la responsabilité :

 de l’élaboration du Plan stratégique de l’établissement et de la négociation, avec l’Etat, de son contrat pluriannuel d’objectifs.

 de la répartition du budget de l'établissement que l’Etat attribue globalement à l’établissement (moyens humains et financiers), la politique de gestion des ressources humaines, la modernisation et la simplification de l’appui apporté aux laboratoires, la coordination et consolidation de la politique partenariale nationale et internationale de l'organisme, la communication et l’administration du Centre.

Elle décidera des budgets et des moyens des Instituts, dans le cadre de contrats d’objectifs et de moyens pluriannuels. Chaque Institut disposera de deux enveloppes budgétaires non fongibles entre elles, correspondant aux deux rôles d’opérateur et d’agence de moyens.

3.2.5. Une direction garante de l’excellence et de la pluridisciplinarité de l’organisme

La direction aura tout particulièrement en charge la conception finale et le suivi des programmes relatifs aux grands enjeux pluridisciplinaires fédérateurs pour l’organisme.

Les outils de l'interdisciplinarité se déclineront à tous les niveaux de l'établissement :

- au niveau des laboratoires, avec la possibilité pour les Unités de recherche d'être "d'interface", c'est-à-dire rattachées à plusieurs Instituts du CNRS, un des Instituts étant mandaté pour la gestion.- au niveau des campus propres avec la création d'hôtels à projets interdisciplinaires

- au niveau des Instituts avec leur double fonction d'opérateur et d'agence et la non fongibilité des budgets entre ces deux fonctions

- au niveau de la direction générale avec les pôles, générateurs et superviseurs transverses aux Instituts.

Pour organiser cette direction renforcée, trois pôles d’intégration interdisciplinaires, qui répondront aux enjeux pluridisciplinaires et interdisciplinaires, ont été définis à partir des six thèmes transverses du plan stratégique :

1. Les Hommes dans le système Terre : environnement, sciences du vivant, développement durable, crises et sociétés2. Origine et maîtrise de la matière : matériaux, nanosciences, convergence nano / bio / STIC, énergie3. La société en réseau : cognition et cerveau, communication, STIC, calcul de haute performance, très grandes bases de données.

La gouvernance du CNRS se structurera pour donner tout son poids à la politique des ressources humaines. Les perspectives prévisionnelles de recrutement seront établies par enjeu thématique et par discipline au sein des Instituts. L’ensemble sera consolidé au niveau de la direction de l’organisme afin de veiller à l’adéquation entre sa politique de recrutement et ses priorités stratégiques de recherche. Les éléments de cette politique de gestion des ressources humaines proviendront aussi de l’analyse de l’évolution des compétences et des métiers de la recherche et des objectifs de recrutement que le CNRS se fixera pour ses besoins propres et dans le cadre de ses partenariats.

Enfin, le CNRS adaptera son organisation régionale afin d’assurer un ancrage territorial renforcé et optimisé, garants de la mise en oeuvre des politiques de l’établissement et apportant aux unités et aux Instituts un support fonctionnel dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités.

3.2.6. La valeur ajoutée des services d’appui à la recherche

L’efficacité de cette nouvelle organisation repose sur une dynamique d’action des services d’appui à la recherche et sur leur coopération. Ces services auront pour mission d’organiser les processus de support et de gestion afin de :

- permettre aux chercheurs et enseignants-chercheurs, aux porteurs de projets et aux réseaux d’agir dans des conditions d’efficacité comparables à celles de leurs homologues étrangers les plus compétitifs ;

- permettre aux différents niveaux de management de l’établissement de disposer en temps réel des informations nécessaires au pilotage ;

- garantir la mise en oeuvre des décisions stratégiques de l’établissement par chacune de ses composantes.

A tous les niveaux de l’organisme, les services d’appui à la recherche doivent constituer un réel facteur de compétitivité. Au niveau des unités mixtes, qui constituent la très grande majorité des unités du CNRS, la mise en oeuvre progressives des recommandations du rapport de François d'Aubert "vers un partenariat renouvelé entre organismes de recherche, universités et grandes écoles", devrait permettre de mieux mutualiser les services avec les partenaires et de partager l’information afin d’aboutir à des simplifications de gestion et des convergences de procédures.

Pour cela, les services d’appui à la recherche doivent partager un certain nombre de valeurs fondamentales :

- le souci de l’efficacité et de la réactivité qui implique le respect du principe de subsidiarité ;

- la transparence des modes d’intervention ;

- l’impartialité ;

- le devoir d’assurer, à contexte équivalent, l’égalité des traitements grâce à l’explicitation des engagements vis-à-vis des « clients » ;

- le devoir de rendre des comptes. La valeur ajoutée par ces services aux unités de recherche proviendra non seulement de l’excellence de chaque acteur, mais avant tout de leur capacité à apporter une réponse coordonnée aux besoins des chercheurs et des enseignants-chercheurs, en veillant à exercer la subsidiarité entre les établissements éventuellement co-tutelles. Notamment, face aux besoins d’une unité de recherche en matière de GRH, d’achat scientifique, de réponse à des appels à projets, etc., la bonne réponse ne peut venir que du croisement des logiques scientifiques et administratives.

L’administration du CNRS lancera une série de chantiers, dont les recommandations prendront la forme d’une feuille de route pour la période 2009-2013. Ces chantiers concerneront le contrat cadre de service, le juste contrôle des risques, le développement des ressources propres, le suivi des filiales et des engagements dans les structures externes, le schéma directeur des systèmes d’information. Un processus de management visant à anticiper les risques potentiels susceptibles d’affecter les actifs de l’établissement et à atteindre les objectifs du Plan stratégique sera mis en place.

3.2.7. Des partenariats stratégiques pour une cohérence nationale de la recherche

Le souci de pertinence de l’effort de recherche, qui se traduit par une « démarche projet »

– association des compétences, responsabilité, cohérence entre moyens et objectifs, qualité – implique naturellement la mise en oeuvre de partenariats avec plusieurs objectifs stratégiques :

Avec les établissements d’enseignement supérieur ou les autres organismes de recherche, les partenariats correspondront à une convergence de politique scientifique associée à une exigence de qualité. Ils représenteront l’avenir pour une dynamique commune avec des pôles universitaires forts et autonomes (cf. Objectif 7).

Avec les collectivités locales et territoriales, les partenariats répondront au renforcement d’une recherche ancrée sur un territoire, plus proche du monde économique, des PME en particulier. Avec sa vocation fondamentalement transuniversitaire et trans-disciplinaire, il incombe au CNRS d’être porteur d’une vision nationale et internationale de la recherche dans un tissu scientifique décentralisé fonctionnant en réseau. Il lui incombe ainsi d’être présent en région avec les établissements d’enseignement supérieur auprès des collectivités qui sont appelées à jouer un rôle moteur dans l’essor de la recherche pour le développement culturel et économique territorial.

Avec les organismes de recherche, les partenariats permettront d’organiser la complémentarité des compétences, rendue nécessaire, d’une part par l’engagement dans une logique de projet, d’autre part par l’emploi efficace de la ressource publique.

Dans certains champs disciplinaires pour lesquels il existe d'autres organismes nationaux, il importe que le CNRS et les organismes concernés construisent, ensemble, le meilleur dispositif de coordination pour que les chercheurs de chaque organisme puissent bâtir ensemble une politique ambitieuse de recherche dans leurs domaines de complémentarité. L’approche sera en particulier de terrain : les outils d'intervention des organismes dans les laboratoires, portant sur l’allocation de moyens humains et financiers (tels les contrats de type ATIPE pour le CNRS ou AVENIR pour l’INSERM, la reconnaissance de la performance, etc.), devront être harmonisés au bénéfice de la stratégie nationale de recherche.

Dans cet environnement, le rôle du CNRS est important à plusieurs titres : il doit d’abord continuer à affirmer un rôle d’intégrateur de forces et de talents, rester porteur d’une cohérence et, dans un environnement dynamique, promoteur d’évolutions. Ces atouts ne peuvent se révéler que dans une politique de partenariat accompagnant les dynamiques de recherche par une organisation agile et plus fluide.

3.2.8. De nouveaux outils complémentaires à l’action du CNRS

Au CNRS, comme à tous les acteurs de la recherche en France, de s’approprier, dans le cadre de son plan stratégique, les nouveaux outils qui sont à sa disposition. Ce mouvement va créer de nouvelles opportunités pour l’émergence de réseaux et de partenariats. Le CNRS a pour vocation d’y participer et d’en coordonner certains.

Par sa vision nationale et son réseau international, le CNRS doit aussi promouvoir, synthétiser et organiser les demandes de la communauté scientifique et de la société pour l’élaboration de nouveaux programmes. Il sera une force de proposition croissante pour l’ANR.

Les réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA) constituent l’amorce de futurs grands pôles nationaux de recherche. Aux côtés des établissements d’enseignement supérieur, des collectivités et des organismes de recherche, le CNRS s’engage dans ce nouvel effort. Il prendra aussi le risque de s’investir dans le développement de réseaux, du même niveau d’excellence mais plus modestes dans leur taille, ne répondant pas en ce sens aux exigences des RTRA. Dans le cadre de ses partenariats avec les universités et les grandes écoles, le CNRS favorisera enfin autant que possible le développement des relations partenariales avec les PRES, contribuant ainsi à la diminution du nombre de tutelles de ses unités mixtes de recherche et à la simplification de leur fonctionnement.

3.3. Objectif 12 : une évaluation en cohérence avec les objectifs stratégiques

En s’appuyant sur l’évaluation des structures par l’Agence d’Evaluation et de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur, le Comité National de la Recherche Scientifique renforcera ses capacités d’analyse de la conjoncture et de prospective scientifique pour alimenter la réflexion stratégique et accroître la force de proposition de l’organisme. L’évaluation individuelle ou collective accompagnera l’investissement de tous sur les objectifs du plan stratégique en couvrant l’ensemble des réseaux, dans les régions, en France, en Europe et à l’international, auxquels le CNRS participera.

L’élaboration d’un plan stratégique à l’horizon 2020 résulte, pour le CNRS, d’une volonté d’inscrire son action dans la durée. De cette réflexion émergent onze objectifs touchant à la stratégie scientifique de l’organisme, à son insertion dans la société et à son organisation dans un environnement en pleine évolution. L’analyse de la conjoncture et la prospective scientifique, qui doivent s’appuyer sur une évaluation cohérente des forces et des faiblesses, sont indispensables pour suivre la mise en oeuvre du plan stratégique, être une force de proposition pour l’ANR, fournir les tableaux de bords et les indicateurs de pilotage correspondants, et remettre à jour périodiquement la stratégie du CNRS.

Jusqu’à présent, l’évaluation s’appuyait sur le travail du Comité National de la Recherche Scientifique (CoNRS), instance de conseil et d’évaluation, composé d’une part des sections, des commissions interdisciplinaires (CID), des conseils scientifiques de département (CSD) et d’autre part du conseil scientifique (CS). Le CoNRS compte environ mille deux cents membres, dont un nombre significatif n’appartiennent pas à l’organisme. Par sa taille et sa composition, il possède des points forts qui sont l’évaluation par des pairs, collégiale et contradictoire, la régularité, la transparence, l’existence d’une représentativité élective de tous les acteurs de la recherche (tous les collèges) et l’indépendance vis-à-vis des organes de décision. Le CNRS a besoin d’une telle instance collégiale représentative où s’articulent évaluation, conjoncture et prospective pour alimenter sa réflexion stratégique. Cette instance sera adaptée à la nouvelle structure en Instituts, en prenant en compte la dualité des missions de ceux-ci : fonction d’opérateur gérant des laboratoires et fonction d’agence responsable de programmes.

3.3.1. Le chercheur, l’équipe, l’unité de recherche.

La mission d’évaluation des unités sera désormais prise en charge dans un cadre national plus unifié, celui de l’Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur. Il conviendra cependant de définir les attentes du CNRS vis-à-vis de l’évaluation et veiller à ce que ses modalités garantissent un processus transparent, de qualité au moins équivalente à celui existant. Le CNRS pour sa part continuera à procéder au suivi des unités en regard de leur évaluation et des décisions prises à l’issue de celle-ci.

Mais l’évaluation des unités de recherche et des équipes qui la composent produit une image partielle du dispositif de recherche, qui doit être complétée à la base par l’évaluation des chercheurs pour leur recrutement et leur promotion, et au sommet par l’évaluation globale de la recherche pour alimenter la prospective scientifique. Cette mission restera l’une des tâches dévolues au CoNRS. En exploitant l’évaluation a posteriori des structures de recherche par l’AERES, en évaluant les forces et les faiblesses des différentes thématiques scientifiques, en rendant des avis sur les projets et programmes des unités de recherche et des autres structures et sur les partenariats, le Comité National de la Recherche Scientifique renforcera son rôle dans la prospective scientifique et l’analyse de la conjoncture, pour faire de l’organisme une force de proposition indispensable pour de grands programmes publics.

Au plan scientifique, renouer avec la prise de risque présuppose que l’évaluation ne soitpas elle-même un frein à cette prise de risque. Un chercheur, une équipe qui se lancent dans une aventure scientifique ne doivent pas être pénalisés en raison d’une baisse momentanée de productivité scientifique pendant deux ou trois ans. Un chercheur qui a pris le risque de quitter son milieu disciplinaire d’origine pour s’immerger dans un laboratoire d’une autre discipline ne doit pas être « oublié » par ses pairs et ses instances d’évaluation.

Un chercheur qui se lance dans l’aventure d’une mobilité pendant une période limitée vers le monde de l’entreprise doit être jugé sur l’enrichissement des compétences acquises. De la même façon les ITA prenant le risque de faire évoluer leurs compétences et leur métier pour mieux intégrer les besoins de leurs unités et s’éloignant ainsi de la grille des emploi-types dont ils relevaient ne doivent pas voir leur carrière pénalisée.

L’évaluation, qu’elle concerne des chercheurs ou des unités de recherche, s’accompagnera d’un cahier des charges et d’une mise en garde contre l’utilisation exclusive de critères quantitatifs. Si le taux de publication est un indicateur qui est pris en compte « raisonnablement » dans le fonctionnement actuel, il ne peut être le seul critère de qualité.

Les dérives visant à donner à la bibliométrie un rôle prépondérant, voire exclusif, s’accompagneraient d’un certain formatage des carrières et d’effets pervers pour l’activité de recherche : minimisation de la prise de risque scientifique, minimisation de la mobilité thématique, frein aux échanges public – privé, stratégies de citations. Ce sont autant d’effets qui vont à l’encontre des objectifs du plan stratégique du CNRS.

3.3.2. Les ITA et les services d’appui à la recherche

L’évaluation des ingénieurs et des techniciens va de pair avec l’évaluation des chercheurs et  des unités de recherche. Une procédure d’évaluation régulière des compétences des ingénieurs et techniciens en poste au CNRS, visant à compléter le processus annuel d’appréciation hiérarchique est actuellement en cours d’expérimentation. Celle-ci devrait permettre de finaliser les modalités d’une procédure d’évaluation transparente, équitable et dont les critères seront connus de tous les intéressés.

La compétition croissante dans laquelle se développent les activités de recherche impose une  grande réactivité des procédures administratives et leur évaluation. La qualité et l’efficacité de la relation entre les acteurs de la recherche et leurs services d’appui reposent sur une formalisation claire des engagements de ces derniers et sur le suivi de la qualité de leurs prestations. La démarche prendra la forme d’un contrat cadre de service qui liera et engagera les parties. Les engagements pris dans le contrat cadre de service seront déclinés localement pour garantir la qualité des prestations sur des processus identifiés et permettront leur évaluation par la mise en place d’indicateurs. Un observatoire des engagements de service sera mis en place pour évaluer et piloter l’ensemble.

3.3.3. Les réseaux et l’action internationale

Certains projets de recherche développés dans les unités de recherche du CNRS bénéficient d’un soutien important dans le cadre de réseaux, de programmes interdisciplinaires, de l’ANR, de nouvelles structures résultant du pacte pour la recherche (RTRA, Instituts Carnot,…) ou du soutien accru des collectivités. L’intervention significative du CNRS devrait s’accompagner d’une évaluation régulière veillant à la mise en oeuvre de la stratégie de l’organisme.

Il en va de même de l’action européenne et internationale avec une difficulté supplémentaire.

L’évaluation des structures du CNRS hors de nos frontières impose au minimum une compréhension, puis une convergence des pratiques de l’évaluation dans chaque pays concerné. En Europe particulièrement, cette convergence est un élément fondamental du développement de l’espace européen de la recherche qui va de pair avec la mise en oeuvre de projets de recherche communs. Que ce soit en Europe ou à l’international, l’implication d’experts étrangers dans nos procédures d’évaluation (et réciproquement) fait partie de cette compréhension et de cette convergence future des pratiques de chacun, mais ce n’est qu’un point de départ. L’évaluation régulière des structures de recherche créées hors de nos frontières, est un objectif à atteindre d’ici 2020.

3.3.4. Les dimensions économiques et sociales de la recherche

Avec l’accroissement d’un financement de la recherche par projets, il faudra désormais évaluer non seulement la qualité intrinsèque des résultats en termes de publications dans les grandes revues scientifiques, de citations ultérieures et de brevets, mais aussi la conduite des projets eux-mêmes : l’adéquation entre l’objectif et les moyens déployés, l’atteinte de ces objectifs, le niveau technique du travail, la formation par la recherche. Dans les relations avec les entreprises, la qualité de l’accueil et du dialogue, l’ouverture internationale du laboratoire, la politique en matière de santé, sécurité, environnement, la communication des résultats font souvent aussi partie des attentes, au même titre que la création de valeurs par l’innovation.

Ainsi, la qualité du management, la pertinence et le réalisme de la conduite de projets sont autant de critères dont la prise en compte devrait améliorer la qualité des rapports entre recherche académique, entreprises et société, avec à terme une plus grande efficacité de la recherche par projets, qu’elle soit financée par les agences, l’Europe ou l’industrie.

La place de la recherche dans nos sociétés à l’horizon 2020 impose à ses acteurs une écoute, une participation aux débats, une éthique et le partage d’une expertise. Avec la production de connaissances, ce sont autant de facettes des métiers de la recherche qui doivent désormais être intégrées dans l’évaluation afin de mieux les promouvoir pour renforcer la perception du rôle de la recherche dans notre société.

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