Journée internationale de la Femme

«  Les femmes à l’épreuve du VIH dans les pays du Sud »

Une publication de l’ANRS

« Des progrès dans l’accès aux soins, une « normalisation » relative, mais une reconnaissance encore insuffisante de leurs spécificités et de leur expérience »

A l’occasion de la Journée internationale de la Femme, l’ANRS rend public sur ses sites du Sénégal, Cameroun et Burkina Faso, un ouvrage « Les femmes à l’épreuve du VIH dans les pays du Sud : Genre et accès universel à la prise en charge ». Edité dans sa collection « Sciences sociales et Sida », il rassemble une quinzaine de travaux de chercheurs qui analysent l’égalité de l’accès aux soins, le rapport des femmes et des hommes aux systèmes de soins, ou encore le rôle des femmes dans la prise en charge de l’infection dans la sphère familiale. Cette publication permet de porter un regard nouveau sur les femmes vivant avec le VIH en Afrique : Elles semblent tirer davantage profit que les hommes des systèmes de santé et, plus globalement, des services proposés aux personnes vivant avec le VIH. Cependant, elles restent peu soutenues dans certains domaines comme la contraception, la prise en charge des pathologies féminines liées au VIH ou la gestion des soins au sein de leurs familles dont elles assument souvent seules la responsabilité : leurs spécificités de femmes (et non pas uniquement de mères) et leur expérience restent encore insuffisamment reconnues. Enfin, l’ouvrage remet en question une vision de la vulnérabilité généralement perçue comme exclusivement féminine : les hommes sont eux aussi soumis à une forme de vulnérabilité sociale, limitant ou retardant le recours au dépistage et aux soins.

Les programmes en faveur de l’accès universel à la prévention, au traitement et à la prise en charge ont permis des avancées majeures dans les pays du Sud : le nombre de personnes nécessitant un traitement antirétroviral et le recevant est passé de 4 millions en 2008 à 5,2 millions fin 2009. Du fait de la conjugaison de facteurs biologiques et sociaux, les femmes sont plus touchées que les hommes par le VIH, particulièrement en Afrique où 60% des personnes vivant avec le VIH sont des femmes. Il est donc important de disposer de données actuelles sur l’accessibilité, l’acceptabilité, et les effets sociaux du dépistage et des soins des femmes afin d’orienter les stratégies de santé publique dans un objectif d’équité.

Des démographes, sociologues, épidémiologistes, anthropologues et spécialistes de santé publique rassemblés par l’ANRS dans l’ouvrage « Les Femmes à l’épreuve du VIH dans les pays du Sud » ont mené leurs travaux en majorité en Afrique francophone de l’Ouest et du Centre. Ils tentent de répondre aux questions suivantes : Les femmes bénéficient-elles des progrès dans la prévention et la prise en charge du VIH/sida à égalité avec les hommes ? Quelle expérience les femmes ont-elles des services de soins en tant que personnes atteintes par le VIH, futures mères et mères d’enfants exposés ? Les rôles sociaux qui leur attribuent la responsabilité de la prévention et la charge des soins au sein des couples et des familles, sont-ils sources de difficultés ? Les politiques de santé accroissent-elles leur vulnérabilité sociale dans les sociétés patriarcales, ou à l’inverse, les pratiques de soins, les interventions « sensibles au genre » développées depuis une décennie, et les usages qu’en font les femmes, ont-ils établi un certain niveau d’équité ?

Publié dans la collection « Sciences sociales et Sida », et diffusé gratuitement, l’ouvrage est coordonné par Alice Desclaux (Université Paul Cézanne d’Aix-Marseille/IRD, UMI 233, Centre de Recherche et de Formation à la prise en charge de Fann, Dakar, Sénégal), Philippe Msellati (IRD, UMI 233, Yaoundé, Cameroun) et Khoudia Sow (IRD, UMI 233, Centre de Recherche et de Formation à la prise en charge de Fann, Dakar, Sénégal). Il est préfacé par les Prs Jean-François Delfraissy (Directeur de l’ANRS), Françoise Barré-Sinoussi (Prix Nobel de Médecine, Institut Pasteur) et Michel Sidibé (Directeur exécutif de l’Onusida). Il est rendu public, à Dakar, sur le site de l’Anrs, à la veille de la Journée internationale de la Femme, au cours d’une réunion co-organisée par l’Anrs, l’Onusida et l’IRD rassemblant une centaine de chercheurs, représentants d’institutions internationales, responsables de santé et représentants de la société civile. Le livre est également présenté le 7 mars sur les sites Anrs du Cameroun et du Burkina Faso. L’Onusida s’est associé à l’ANRS pour en assurer une large diffusion dans les pays du Sud.

Les équipes de recherche impliquées

Les travaux publiés ont été réalisés par des chercheurs de l’IRD, de l’INSERM, des universités d’Aix-Marseille, Dakar, Yaoundé, Paris, Bordeaux, Montpellier, Ouagadougou, de l’EHESS, de l’INED, du Centre Pasteur du Cameroun et de l’Institut Pasteur du Cambodge, de l’OMS, de l’IMEA, et d’organismes partenaires.

L’accès aux soins : un problème… pour les hommes en premier lieu

Contrairement à ce que l’on pourrait attendre, les femmes ont souvent accès plus précocement aux traitements antirétroviraux que les hommes. Ceci tient notamment à ce qu’elles sont dépistées dans le cadre des programmes de prévention de la transmission mère-enfant (PTME). Mais pas uniquement. Malgré la dépendance sociale des femmes et leur assujettissement aux décisions des hommes, elles font passer leur responsabilité maternelle avant la crainte d’être vues dans des lieux de traitement spécifiques d’une pathologie toujours stigmatisante. Les femmes ont des demandes plus directes de soins et d’appui notamment dans l’objectif de traiter leurs enfants, et elles en tirent profit pour accéder elles-mêmes aux traitements.

A contrario, l’exacerbation de valeurs telles que la dignité suscite chez les hommes un sentiment de honte d’être identifiés comme infectés limitant ou retardant leur recours au dépistage et aux soins. Il existe aussi des différences entre hommes et femmes dans leur manière de « socialiser » le traitement antirétroviral, au travers des personnes auxquelles ils/elles choisissent d’en parler et du contenu de ces échanges. Les hommes cachent plus souvent leur traitement que les femmes et ont plus de réticences à en parler, y compris avec les soignants.

« Partager » son statut sérologique avec son conjoint

Le dépistage du VIH en consultation prénatale crée une opportunité pour parler dans le couple des risques sexuels. Ces questions sont abordées par les femmes notamment à la fin de la grossesse, au sevrage de l’enfant, et à la reprise des rapports sexuels. Pour les mères infectées, les séances de conseils donnés dans le cadre de la prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant (PTME) sont des moments clé pour parler de santé sexuelle. Lorsque l’accès aux traitements est généralisé, comme au Cameroun, les femmes peuvent être très nombreuses à annoncer leur statut sérologique à leur conjoint, ce qui a des conséquences favorables en termes d’adoption de pratiques de prévention.

Etre mère au temps du VIH

Le développement de la PTME et la réduction des risques de transmission sexuelle du VIH sous traitement facilitent les projets de procréation. Les chercheurs ont identifié d’autres facteurs ayant un impact sur les représentations de la maternité et sur la procréation elle-même. Ainsi, l’exemple de naissances médiatisées dans le milieu associatif et qui ont pris valeur de modèles, ou encore un changement d’attitude des équipes soignantes vis-à-vis du désir d’enfant chez les personnes séropositives. D’un autre côté, le nombre élevé d’enfants atteints par le VIH représente une lourde charge au quotidien pour leurs mères, mais aussi leurs tantes, sœurs et tutrices. Ce travail de soins reste peu reconnu et elles sont peu soutenues pour assumer ce rôle. Elles restent assez peu appuyées par les programmes sanitaires dans des domaines importants, tels que l’information sur les risques généraux de transmission du VIH et les autres risques liés à leur santé ou celle de leur enfant, l’accès à la contraception, ou la gestion des soins domestiques. Le soin aux enfants reste une charge souvent portée par les mères dans une grande solitude du fait du maintien du secret sur le statut sérologique.

Une visibilité des femmes récente et « à double tranchant » ?

Les femmes vivant avec le VIH en Afrique ou en Asie et les femmes séropositives d’origine africaine vivant en France ont collectivement dépassé leur invisibilité initiale. C’est également le cas dans le domaine de la recherche : elles sont ainsi maintenant davantage présentes que les hommes dans les essais cliniques réalisés au Sénégal. Ceci soulève de nouvelles questions, notamment en matière d’éthique, en particulier lorsque leur participation « communautaire », après avoir été promue, n’est pas suffisamment reconnue.

Pistes pour les politiques de santé à venir

L’ouvrage « Les femmes à l’épreuve du VIH dans les pays du Sud » montre que grâce à l’expérience qu’elles ont élaborée, les femmes progressent vers une « normalisation » de l’infection à VIH qu’elles vivent comme une maladie chronique. Mais les avancées dans la prise en charge thérapeutique ne réduisent pas le poids de la prévention et des soins porté principalement par les femmes dans leurs familles. La reconnaissance de leurs particularités, leurs demandes et leurs besoins, et surtout de leur contribution aux soins et à la prévention, reste insuffisante. L’ouvrage nous amène également à dépasser une approche univoque de la vulnérabilité considérée comme exclusivement féminine : les hommes sont aussi soumis à une forme de vulnérabilité sociale, certes différente, mais que les programmes nationaux de lutte contre le sida devront à l’avenir considérer.


La recherche sur les Femmes à l’ANRS

23 projets de recherche sur le VIH, au Nord et au Sud, concernent les femmes (consulter le détail de ces études sur http://www.anrs.fr/VIH-SIDA/Sante-publique-Sciences-sociales/Actualites/Le-7-mars-l-ANRS-rend-public-un-ouvrage-Les-femmes-a-l-epreuve-du-VIH-dans-les-pays-du-Sud

Dans les pays du Sud :

> Parmi les 8 études actuellement menées, deux grands essais de prévention pendant la grossesse et l’allaitement. Deux grands programmes d’évaluation multidisciplinaires de programmes d’intervention et de prévention se déroulent en Afrique et à Madagascar.

Quatre études en sciences sociales évaluent la prise en charge et l’accès aux soins dans plusieurs pays d’Afrique.

En France et dans les territoires d’outre-mer :

> Parmi les 15 études en cours, l’essai ANRS 135 PRIMEVA a évalué une stratégie thérapeutique de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant dans l’objectif de limiter les effets secondaires des traitements chez l’enfant. La cohorte ANRS CO1 EPF suit depuis 1984 des femmes infectées par le VIH et leurs jeunes enfants et est, de fait, la plus importante et la plus ancienne des cohortes existantes sur ce sujet au monde.

La cohorte ANRS CO17 VIHGY étudie l’infection par papillomavirus chez les femmes séropositives.

> Dans le domaine des sciences sociales, plusieurs grandes études sont menées sur le territoire et dans les territoires d’outre-mer : « Connaissances, attitudes, croyances et comportements face au VIH/Sida » et « Conditions de vie des personnes vivant avec le VIH ». Une vaste étude va débuter fin 2011 en Ile-de-France sur les parcours de vie et de soins des personnes migrantes d’Afrique. Toutes trois aborderont des questions spécifiques sur les femmes.

Le pourcentage de femmes parmi les patients inclus dans les essais et cohortes de l’ANRS se situe autour de 20%, ce qui est légèrement inférieur au pourcentage de femmes infectées par le VIH en France (environ 33%). Ce chiffre s’explique en partie en raison de critères d’exclusion des essais qui concernent particulièrement les femmes, par exemple les projets de maternité.

► Pour en savoir plus

« Les femmes à l’épreuve du VIH dans les pays du Sud. Genre et accès universel à la prise en charge » édité par l’ANRS, collection Sciences sociales et sida. Alice Desclaux, Philippe Msellati, Khoudia Sow eds. (Mars 2011, 256 pages, gratuit) Téléchargeable sur http://www.anrs.fr


Ajouter un Commentaire


Code de sécurité
Rafraîchir

Vitrines Sociétés

Voir toutes les vitrines