Grâce à la cristallographie neutronique, une enzyme associée au cancer de l’estomac et à l’ostéoporose a été observée en détail pour la première fois, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour le développement de médicaments

· L’enzyme PKG II est associée au cancer de l’estomac, qui cause 754 000 décès par an dans le monde[1]

· Le processus d’activation de l’enzyme a pu être examiné de façon très détaillée grâce à la cristallographie neutronique

· La compréhension de ces mécanismes permettra à l’avenir de développer des médicaments contre le cancer de l’estomac et l’ostéoporose

L’enzyme PKG II (pour protéine kinase G II, une kinase dépendante de la guanosine monophosphate cyclique) joue un rôle important dans la santé humaine, mais elle peut augmenter le risque de maladies comme le cancer de l’estomac et l’ostéoporose si elle n’est pas activée. Chaque année, le cancer de l’estomac fait 754 000 victimes à l’échelle mondiale[2], et l’ostéoporose, qui fragilise les os, touche plus de 200 millions de personnes à travers le monde[3]. Les chercheurs souhaitent ainsi comprendre comment cette enzyme interagit avec des activateurs connus afin d’orienter le développement de médicaments et de traitements futurs.

Dans ce cadre, des chercheurs ont montré que la cristallographie neutronique est une technique viable permettant de mieux comprendre ce processus, en l’utilisant pour la première fois afin d’observer l’enzyme PKG II en action.

Lors d’une étude résultant d’une collaboration à l’échelle mondiale et publiée dans la revue Biochemistry, des cristaux ont été obtenus par des chercheurs de l’Oak Ridge National Laboratory (ORNL) du ministère de l’Énergie des États-Unis, situé dans le Tennessee, à partir de protéine PKG II fournie par le Baylor College of Medicine au Texas (États-Unis), puis ont été analysés à l’Institut Laue-Langevin (ILL) de Grenoble.

L’instrument LADI-III de l’ILL, qui peut collecter des données de diffraction à haute résolution sur de très petits cristaux, et l’instrument IMAGINE de l’ORNL, ont permis aux chercheurs d’évaluer de façon critique les interactions par liaisons hydrogène pendant l’activation de la PKG II, révélant en détail les mécanismes d’activation de l’enzyme. Ceci aidera les scientifiques à identifier de nouvelles voies pour la conception rationnelle de médicaments contre le cancer de l’estomac et l’ostéoporose.

Les résultats de cette étude sont d’autant plus intéressants que la cristallographie neutronique permet d’étudier la fonction de la PKG II à température ambiante. Il est habituellement nécessaire de refroidir les échantillons à des températures cryogéniques (généralement à 100 kelvins, c.-à-d. -173 degrés Celsius) lors de l’utilisation de cristallographie aux rayons X, ce qui peut modifier la structure des enzymes ; il est ainsi plus difficile de décrire avec certitude les mécanismes d’activation et la catalyse, soit le processus qui accélère les réactions chimiques dans le corps.

Cette collaboration a également levé le voile sur les facteurs qui influencent l’activation enzymatique, ce qui est important non seulement pour la PKG II, mais aussi pour d’autres protéines kinases telles que la protéine kinase A (PKA), qui est associée à l’incidence du cancer. L’analyse comparative de la base des mécanismes d’échange du squelette hydrogène/deutérium de la PKG II et des structures rapportées précédemment de la PKG I (voir Biochemistry 2014[4]) semble indiquer que la puissance de l’activateur dépend de sa capacité à diminuer efficacement la dynamique globale de ces protéines. Bien que des études supplémentaires soient nécessaires afin de déterminer la puissance requise par les activateurs pour atteindre une force de liaison maximale, les résultats, s’ils sont confirmés, seront d’une importance capitale pour le développement de médicaments futurs permettant de traiter de nombreuses maladies. Ce postulat prévaut tout particulièrement lorsque l’on considère que, chez l’Homme, environ 2 % des gènes codent pour les protéines kinases, et que plus de la moitié de celles-ci sont liées à diverses maladies telles que le cancer et le diabète.

Matthew Blakeley, scientifique responsable de l’instrument LADI-III à l’Institut Laue-Langevin (ILL) et coauteur de l’étude, a déclaré que : «La cristallographie neutronique nous permet de déterminer les positions des atomes d’hydrogène, ce qui nous fournit des informations cruciales sur les interactions par liaisons hydrogène entre les petites molécules, ou inhibiteur, et leurs cibles protéiques. En outre, la capacité de distinguer entre l’hydrogène et le deutérium grâce aux neutrons nous fournit des informations sur la dynamique de l’interaction du complexe protéine-inhibiteur, qui pourraient être essentielles à l’efficacité des activateurs de la PKG I et de la PKG II.»

D’après Andrey Kovalevsky, scientifique chargé de l’instrument IMAGINE à l’Oak Ridge National Laboratory et co-auteur principal de l’étude, «il est très prometteur que nous ayons pu observer la transmission d’informations à travers la protéine PKG II pendant le processus d’activation et commencer à déterminer les facteurs qui permettent à certaines petites molécules d’activer l’enzyme mieux que d’autres. Ces connaissances auront un impact important sur notre compréhension actuelle de diverses maladies, et nous aideront à développer les médicaments et les traitements du futur.»

Le professeur Choel Kim, professeur au Baylor College of Medicine et coauteur de l’étude, a déclaré : «La compréhension de la signalisation PKG et des fonctions cellulaires nécessite des inhibiteurs et des activateurs ayant une sélectivité et une efficacité élevées, mais de tels outils chimiques ne sont pas disponibles actuellement. Pour résoudre ce problème, une stratégie évidente serait d’améliorer la sélectivité et l’efficacité des composés connus et d’identifier de nouvelles molécules actives, mais cela exige de comprendre au niveau moléculaire comment ces composés interagissent avec différents domaines fonctionnels du PKG. La structure neutronique présentée ici montre l’interaction entre la PKG II et l’activateur avec un degré de précision atomique inédit, créant ainsi un point de départ solide pour la conception rationnelle d’activateurs sélectifs de la PKG II.»

Neutron crystallography detects differences in protein dynamics: Structure of PKG II cyclic nucleotide binding domain in complex with an activator, Oksana O. Gerlits, James C Campbell, Matthew P. Blakeley, Choel Kim, and Andrey Y. Kovalevsky [doi:10.1021/acs.biochem.8b00010]

Après avoir recueilli des données d’essai préliminaires à l’aide de l’instrument IMAGINE à l’Oak Ridge National Laboratory (ORNL), les données de diffraction neutronique ont été obtenues à l’aide de l’instrument LADI-III à l’Institut Laue-Langevin (ILL).

o LADI-III est un diffractomètre neutronique quasi-Laue utilisé dans le cadre d’études de monocristaux de macromolécules biologiques à haute résolution (1,3 -2,5) pour identifier des atomes d’hydrogène ou de deutérium d’intérêt particulier, des structures de l’eau ou d’autres petites molécules pouvant être marquées au deutérium afin de les rendre particulièrement visibles. La collecte de données est possible pour les échantillons dont les paramètres de maille sont compris entre 50 et 150 Å, en utilisant des cristaux dont le volume est d’environ 0,05 à 0,5mm3 respectivement. Vous trouverez de plus amples informations sur le site https://www.ill.eu/fr/users-en/instruments/instruments-list/ladi-iii/description/instrument-layout/

o IMAGINE est un diffractomètre de pointe, équipé d’un détecteur de type ‘image plate’ , qui fournit des informations à résolution atomique sur les monocristaux de composés inorganiques, organiques, métallo-organiques et de macromolécules permettant de comprendre leur structure et leur fonction chimique, physique et biologique. L’instrument IMAGINE est à la disposition des communautés scientifiques pour des recherches dans les domaines des produits pharmaceutiques, des minéraux et des matériaux, des petites molécules, des complexes et polymères organométalliques. Il permet de déterminer la structure cristalline neutronique des oligonucléotides et des protéines à des résolutions atomiques ou quasi atomiques (1,4 Å). Vous trouverez de plus amples informations sur le site https://neutrons.ornl.gov/imagine

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[1] http://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/cancer

2 http://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/cancer

3 https://www.iofbonehealth.org/epidemiology

4 https://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/bi501012v

À propos de l’ILL : L’Institut Laue-Langevin (ILL) est un centre de recherche international basé à Grenoble, en France. À la pointe de la science et de la technologie neutroniques depuis plus de 40 ans, des expériences y sont réalisées depuis 1972. L’ILL possède une des sources de neutrons les plus puissantes au monde, capable d’émettre des faisceaux de neutrons vers 40 instruments de haute performance, qui sont en constante amélioration. Chaque année, 1 200 chercheurs originaires de plus de 40 pays se rendent à l’ILL pour effectuer des recherches sur la physique de la matière condensée, la chimie (verte), la biologie, la physique nucléaire et la science des matériaux. Le Royaume-Uni, ainsi que la France et l’Allemagne, est un associé et un donateur principal de l’ILL.

À propos de l’ORNL : L’Oak Ridge National Laboratory (ORNL) exploite deux sources de neutrons : un réacteur à haut flux pour la production d’isotopes et une source neutronique par spallation. Construites et financées par l’Office of Basic Energy Sciences (BES) du ministère de l’Énergie des États-Unis (Department of Energy, DOE), les deux installations sont équipées de 30 instruments de diffusion des neutrons au total, offrant aux chercheurs des capacités inégalées pour comprendre la structure et les propriétés des matériaux, les systèmes macromoléculaires et biologiques, ainsi que la physique fondamentale des neutrons. Plus de 1 200 utilisateurs uniques venus du monde entier utilisent chaque année les sources neutroniques de l’ORNL. L’ORNL est géré et exploité par UT-Battelle pour le compte du DOE. Pour de plus amples informations, rendez-vous sur le site http://science.energy.gov.

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