A l'occasion des 200 ans de la première description de la maladie de Parkinson : les avancées du programme DHUNE et les perspectives de stratégies thérapeutiques
21 Février 2017
|La maladie de Parkinson touche entre 150 000 et 200 000 personnes en France et figure au second rang des maladies neurodégénératives après la maladie d'Alzheimer. Environ 25 000 nouveaux cas sont recensés chaque année*.
La maladie de Parkinson, dont l'âge moyen au diagnostic est de 58 ans, est une affection neurodégénérative caractérisée par la perte progressive des neurones produisant de la dopamine, ce neurotransmetteur nécessaire au contrôle du mouvement. La perte de ces neurones dans la substance noire, située à la base du cerveau, va progressivement entrainer une lenteur du mouvement, la raideur des membres et des tremblements, ainsi que des symptômes psychiques (dépression, anxiété, démotivation) émotionnels et cognitifs (perte de mémoire…).
A la recherche des mécanismes à l'origine de ces symptômes, les équipes de DHUNE dirigées par les Dr Lydia Kerkerian-Le Goff, directeur de recherche CNRS à l'IBDM** et Marianne Amalric, directeur de recherche CNRS au LNC*** et présidente du comité scientifique de l'association France Parkinson, annoncent une avancée dans la compréhension du fonctionnement des réseaux de neurones impliqués dans la maladie et de nouvelles stratégies thérapeutiques.
1. Bloquer les canaux SK par une neurotoxine présente dans le venin d'abeille
Les canaux SK (canaux potassiques calcium dépendants) fortement représentés dans le système nerveux central contrôlent l'activité des neurones dopaminergiques et contribuent aux phénomènes de neuroplasticité (capacité des neurones du système nerveux à se modifier et s'adapter aux changements de l'environnement ou en réponse à une lésion). Lorsque les neurones dopaminergiques dégénèrent dans la maladie de Parkinson, l'expression de ces canaux est modifiée, ce qui peut perturber l'activité neuronale.
Les études menées par le Dr Christiane Mourre, directeur de recherche CNRS au LNC et Nicolas Maurice, chargé de recherche CNRS à l'IBDM, avec la collaboration du Dr A. Hartmann, clinicien à l'ICM**** constatent que le blocage de ces canaux grâce à l'apamine, neurotoxine présente dans le venin d'abeille, intensifie l'excitabilité des neurones dopaminergiques encore présents en début de la pathologie et augmente la sécrétion de dopamine (1). Dans un modèle de stades tardifs de la maladie où les neurones dopaminergiques disparaissent totalement, l'apamine agirait sur d'autres systèmes neuronaux pour réguler leur activité et contrecarrer les troubles moteurs (2).
La diminution des symptômes moteurs
Selon ces études, l'apamine restaure les troubles comportementaux cognitifs et émotionnels et améliore partiellement les déficits moteurs.
L'étude clinique (3), menée en parallèle, montre que le venin d'abeille n'induit pas de toxicité, améliore légèrement les scores moteurs. Il sera testé à des doses plus importantes dans une nouvelle cohorte.
L'administration du venin sur des points d'acupuncture précis, réalisée par une équipe clinique coréenne, apparait comme un traitement d'appoint des patients parkinsoniens idiopathiques.
Un effet neuroprotecteur
L'inactivation des canaux SK par l'apamine ou le venin d'abeille a également un effet neuroprotecteur sur les neurones dopaminergiques. Elle freine la dégénérescence lente et progressive des neurones à dopamine du système nerveux.
L'ensemble de ces données suggère que l'inhibition pharmacologique de l'activité des canaux SK par l'apamine dérivée du venin d'abeille pourrait in fine représenter une nouvelle stratégie thérapeutique dans le traitement des symptômes moteurs, cognitifs et émotionnels de la maladie de Parkinson en exerçant une double action neuroprotectrice et symptomatique.
2. Moduler l'activité des neurones cholinergiques par optogénétique ou pharmacologie
La deuxième étude menée par les Dr Corinne Beurrier et Nicolas Maurice, chargés de recherche CNRS à l'IBDM, Samira Ztaou, doctorant AMU***** et Martine Liberge, maître de conférence AMU au LNC porte sur la modulation par optogénétique d'une petite population de neurones jouant un rôle crucial dans la pathophysiologie de la maladie de Parkinson: les interneurones cholinergiques striataux. L'optogénétique consiste à activer par la lumière des protéines photosensibles exprimées génétiquement dans une population ciblée de neurones pour contrôler leur activité.
Réduction des déficits moteurs
L'étude démontre que l'inhibition des interneurones cholinergiques striataux par optogénétique réduit les déficits tels que l'akinésie (diminution des mouvements volontaires) et identifie les circuits neuronaux impliqués (4). Ces effets sont reproduits par un blocage pharmacologique des récepteurs cholinergiques (muscariniques M1 ou M4) avec des molécules sélectives (5).
Par une approche multidisciplinaire couplant optogénétique, pharmacologie, électrophysiologie et tests comportementaux, leurs travaux ont permis d'identifier de nouvelles cibles thérapeutiques pouvant améliorer les symptômes moteurs de la maladie de Parkinson.
Développer de nouvelles approches diagnostiques et thérapeutiques susceptibles de changer le devenir des patients atteints de la maladie de Parkinson est l'objectif de l'axe dirigé par le Professeur Jean-Philippe AZULAY, Chef du Service de Neurologie, et Pathologie du Mouvement à l'AP-HM et le Dr Lydia Kerkerian-Le Goff, directeur de recherche CNRS à l'IBDM** dans le cadre du programme DHUNE, coordonné par le Professeur Olivier Blin.
Des journées spéciales sur la Maladie de Parkinson sont organisées tout le mois d'avril par France Parkinson à l'occasion des 200 ans de la Maladie et la Journée mondiale, notamment à :
Paris : le 1er avril 2017
Marseille : le 8 avril 2017
Aix en Provence et Lyon : le 22 avril 2017
Plus d'informations sur le site de France Parkinson : http://www.franceparkinson.fr
* Source : France Parkinson
** Institut de Biologie du Développement de Marseille, CNRS-AMU, Marseille
***Laboratoire de Neurosciences Cognitives CNRS-AMU, Marseille
****Institut du Cerveau et de la Moëlle Epinière, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris
***** Aix Marseille Université
A propos de DHUNE :
DHUNE est un programme de recherche ambitieux sur les maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson, Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA) dite Charcot, Sclérose en Plaques, Huntington) avec une approche pluridisciplinaire inédite, porteur de beaucoup d'espoirs pour les malades et leur entourage. Abordant la maladie différemment, établissant des passerelles entre la recherche clinique et pré clinique, impliquant à la fois les différents pôles hospitaliers (gérontologie, neurologie, psychiatrie, imagerie, biologie) et les équipes de recherche académique (plus de 100 chercheurs), les patients, les industriels du secteur, et l'éducation, DHUNE a pour objectif d'aboutir à des découvertes sur la motricité, la cognition, la vie quotidienne des patients atteints de maladies neurodégénératives et d'obtenir des avancées plus rapides sur ces maladies d'ici 5 ans. Le centre DHUNE fait partie des 7 centres français à avoir été labellisés par AVIESAN (Alliance Nationale pour les Sciences de la Vie et de la Santé), comme centre d'excellence au sein du réseau «Centres of Excellence in Neurodegeneration » (CoEN) en Europe et au Canada. DHUNE est par ailleurs labellisé comme FHU (Fédération Hospitalo Universitaire) dans le cadre du plan 2014-2019 sur les maladies neurodégénératives. Plus d'informations sur www.dhune.org
Le programme DHUNE a bénéficié d'une aide du gouvernement français, gérée par l'Agence Nationale de la Recherche au titre du projet Investissements d'Avenir A*MIDEX portant la référence n°ANR-11-IDEX-0001-02