Discours de Nora BERRA
Secrétaire d’Etat chargée de la Santé
A l’occasion des premières journées nationales de la Fédération Addiction qui s'est déroulé au Centre des Congrès de Lyon le Vendredi 20 mai 2011.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

Je suis heureuse et fière que ces premières journées nationales de la fédération Addiction se déroulent ici, dans ma ville de Lyon. Je voudrais souhaiter à tous ceux qui les ont organisées, et y participent, la plus chaleureuse des bienvenues.


Comme vous le savez, la lutte contre les addictions et leur traitement constitue l’une de mes grandes priorités au Ministère de la santé. Et le thème que vous avez choisi, « fautil avoir peur des addictions ? » me paraît être effectivement la bonne question à poser. Car cette question, les acteurs de la santé se la posent, comme l’ensemble de nos concitoyens, de tous âges, de tous horizons : qu’ils soient touchés par l’addiction d’un enfant, d’un proche, ou qu’ils se sentent eux mêmes menacés par un danger diffus d’addiction lié à l’évolution des modes de vie dans notre société.

Comme vous le dites si justement, Monsieur le Président COUTERON, l’addiction ne saurait être réduite à une affaire de licite ou d’illicite, quitte à bousculer bien des certitudes établies.
Car l’addiction, il y a encore peu d’années, était encore perçue par rapport à un produit : les drogues notamment, mais aussi l’usage abusif d’alcool, le tabagisme, qui touchent de plus en plus de gens qui ne se sentent pas « addicts », mais qui sont pourtant menacés. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, au cours de ces dernières semaines, je me suis mobilisée pour lancer différentes campagnes de sensibilisation contre l’intrusion sournoise de l’addiction par l’alcool ou contre le tabagisme dans le quotidien des gens.

Comme vous l’avez justement relevé, l’addiction est donc de plus en plus liée à un comportement, à une attitude et non à un produit: et c’est là sans doute la source de cette peur individuelle et collective que vous avez choisi d’aborder aujourd’hui.

La création de la Fédération Addiction le 1er janvier 2011, issue de la volonté de fusionner les compétences et les moyens de l’ANITÉA (Association nationale des intervenants en toxicomanie et addictologie) et de la F3A (Fédération des acteurs de l’alcoologie et de l’addictologie) est pour moi l’illustration de cette prise de conscience. Elle va non seulement permettre de donner davantage d’écho à vos actions, mais aussi de mettre en place des chantiers communs sur les pratiques professionnelles : qu’il s’agisse de mettre en regard santé et justice, addiction et monde du travail, ou encore traitements de substitution et opiacées.

Ce que vous avez réussi témoigne de la maturité du secteur associatif dans le champ des addictions, et je tiens à vous en féliciter.
Toutefois, au-delà de la fédération Addiction et du succès incontestable qu’elle représente, je voudrais rendre ici un hommage sincère aux professionnels des addictions, et plus largement à tous ceux qui interviennent dans les champs de la justice, de la santé et de l’action sociale car vous avez pris conscience de cette évolution rapide des addictions et de leur ressenti dans notre société au cours de ces 15 dernières années. Vous avez maintenu votre implication professionnelle, en continuant à apporter aux patients les soins, l’aide et l’écoute, dont ils ont besoin. Vous avez ainsi accompli un immense travail de décloisonnement entre les différentes addictions autrefois trop sectorisées, en constituant des pôles ressources, des réseaux. Vous avez élaboré un nouveau corpus de pratiques professionnelles.

Parallèlement à vos efforts, la filière hospitalière d’addictologie s’est organisée, des dispositifs nouveaux d’accompagnement et de soins ont été expérimentés avec, notamment, la substitution, la réduction des  risques, l’intervention précoce. Le constat auquel nous arrivons, et vous y avez largement contribué, met ainsi clairement en évidence que la réponse sociale a été accélérée, et qu’une dynamique nouvelle a été enclenchée.

Pour arriver à ce changement, un grand chemin a été parcouru depuis les années 70 :
- L’apparition des Centres d’hygiène et d’alcoologie (CHAA), premières structures dédiées à la prévention ;
- Les CHAA seront remplacées à la fin des années 90 par les Centres de consultation en alcoologie ambulatoire (CCAA), ainsi que par les premiers centres d’accueil ou de post cure pour toxicomanes ;
- Ces différents centres évolueront un peu plus tard en Centres spécialisés de soins pour toxicomanes (CSST).

C’est ensuite dans le cadre de la réforme du secteur social et médico-social de 2002 que vont être créés les CSAPA (centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie). Le financement de ces centres par l’assurance maladie n’interviendra ensuite qu’en 2008.

Il en aura fallu du temps pour trouver le cadre adéquat permettant la prise en charge tant des personnes en difficulté, avec leur consommation de substances psychoactives licites ou non, y compris tabac et médicaments détournés de leur usage que de personnes souffrant d’addictions sans substance (en particulier le jeu pathologique).
Et pour tenir compte de l’organisation du dispositif jusqu’alors structurée autour de l’alcool, d’un côté, et des drogues illicites, de l’autre, les CSAPA peuvent, si cela s’avère pertinent, conserver une spécialisation (alcool ou drogues illicites), alors que d’autres deviennent des CSAPA « généralistes », qui prennent en charge tous les types d’addictions.
Les enjeux de la réforme des CSAPA sont donc triples:

- augmenter l’accessibilité du dispositif, du fait de l’obligation qui incombe aux CSAPA d’accueillir, d’évaluer et d’orienter toute personne ayant une consommation à risque, un usage nocif, ou présentant une dépendance aux substances psychoactives, ainsi que son entourage,

- améliorer la lisibilité du dispositif à l’échelle des territoires,

- et enfin s’adapter à l’évolution des modes de consommation, comme le développement des polyconsommations .

Car, ne l’oublions par, l’objectif poursuivi, à travers cette réforme, reste l’amélioration du service rendu aux usagers, en permettant une meilleure adéquation entre les moyens et les besoins spécifiques d’un territoire. Ainsi les centres peuvent développer des programmes spécifiques en fonction de la population visée (femmes, jeunes, précaires, sortants de prison, …), ou en fonction de consommations déterminées (crack, drogues de synthèse …).
Nous sommes aujourd’hui bien avancés dans cette réforme des CSAPA avec environ 500 CSAPA, ce qui représente la fusion de 270 CSST et 230 CCAA. L’ensemble de ce dispositif constitue un progrès important pour lutter non pas contre une forme d’addiction mais contre toutes les addictions en général.
Afin d’être complète, j’évoquerai également les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques (CAARUD), créés par la loi de 2004. Financé par l’assurance maladie, ces centres permettent la mise en oeuvre de la réduction des risques, en s’adressant à des personnes qui ne sont pas dans une stratégie de soins, et qui ont besoin d’un soutien médico-social. 130 CAARUD existent à ce jour.

C’est pourquoi je tiens à saluer le travail accompli par tous les acteurs intervenant dans le domaine de la prise en charge des addictions. Car ils ont tous permis ces avancées significatives.
Toutefois, au-delà de votre engagement, je sais que vous avez quelques inquiétudes sur le financement et sur votre représentation, que je voudrais évoquer devant vous.

Tout d’abord, je sais qu’il existe au sujet des financements de prévention pour les CSAPA une certaine inquiétude. En effet, si ces actions de prévention sont reconnues dans leurs missions, les budgets d’assurance maladie qui assurent leur financement ont vocation eux à financer le soin. Les missions de prévention étaient jusqu’alors financées sur des crédits des Groupement régionaux de santé publique (GRSP).Or, aujourd’hui ces crédits sont affectés au budget des ARS, ce qui peut effectivement entraîner des disparités d’une région à une autre. Ce point doit être remis à plat, car si les politiques régionales doivent être adaptées aux besoins de la population, cela ne signifie pas pour autant qu’elles doivent être source d’inégalité inter régionale : l’égalité d’accès aux soins de l’ensemble des citoyens, et sur l’ensemble des territoires est un principe qui doit être respecté. Il fonde notre pacte social.

Pour autant, je dois compléter mon propos en signalant que le budget de l’Etat en 2011 est contraint compte tenu de la situation de nos finances publiques. Par conséquent, l’Etat, les établissements publics comme les agences participent tous à l’effort de réduction des déficits. En définitive, les programmes de santé publique comme les autres programmes ont été impactés, entraînant au niveau régional des budgets en baisse.

Je veux aujourd’hui vous assurer que je serai attentive à ce que le budget pour la prévention sollicité par la DGS pour 2012 soit arbitrée favorablement.
Ensuite s’agissant de votre représentation, je sais qu’en 2006, Xavier Bertrand avait instauré la commission addictions.

Celle-ci n’a plus aujourd’hui d’existence, depuis l'expiration du mandat de ses membres en 2010.
Or, les missions de cette commission, qui portent sur l’évaluation et l’amélioration des réponses aux besoins de prise en charge et d’accompagnement dans le champ des pratiques addictives, sont importantes.

C’est pourquoi j’ai demandé à la DGS de relancer la procédure, qui permettra l'adoption d'un nouveau décret et de l'arrêté établissant sa composition.
Le projet de décret devrait me parvenir sous peu, ce qui permettra de relancer les travaux de cette commission, dont je souhaite qu’elle conserve les mêmes missions.

Tel est le message que je tiens à vous adresser aujourd’hui, en saluant votre engagement exemplaire et vos compétences auprès d’une partie de nos concitoyens qui, étant fragilisés par les addictions, méritent d’autant plus notre attention et notre solidarité. Merci d’être leur relais, et d’oeuvrer constamment pour eux, afin qu’ils ne se sentent pas exclus de notre société.


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