altResponsable de lésions cérébrales graves, parfois fatales, le syndrome du bébé secoué (SBS) concerne plusieurs centaines d’enfants chaque année en France. La HAS et la Sofmer ont actualisé les recommandations concernant le SBS pour aider les professionnels à en établir le diagnostic.

Le syndrome du bébé secoué (SBS) est une forme de maltraitance méconnue dont les conséquences peuvent être dramatiques. Il touche en majorité des nourrissons, de sexe masculin, de moins de 1 an et le plus souvent de moins de 6 mois. Il s’agit d’un sous-ensemble de traumatismes crâniens non accidentels (TCNA), dans lequel c’est le secouement qui provoque le traumatisme crânio-cérébral.

Le taux de récidive du secouement est élevé : plus de la moitié des enfants victimes du syndrome ont été secoués de façon répétée. Il faut donc détecter le plus tôt possible les premiers signes de violence. La méconnaissance du diagnostic est fréquente et expose au risque de séquelles sévères persistantes ou de décès. Dans les cas les plus graves, l’enfant est retrouvé mort.

Les progrès de l’imagerie

De premières recommandations ont été publiées en 2011 par la HAS et la Société française de médecine physique et de réadaptation (Sofmer) pour aider les professionnels à repérer cette maltraitance. Elles viennent d’être actualisées pour tenir compte des nouvelles connaissances sur les lésions apportées par l’imagerie médicale. «Concrètement, le diagnostic de secouement est davantage documenté devant des symptômes neurologiques tels que certains types précis d’hématomes sous-duraux et d’hémorragies rétiniennes : une imagerie cérébrale (scanner en urgence, puis IRM) et un examen du fond d’œil permettent de poser un diagnostic clair », précise Alexandre Pitard, chef de projet du service des bonnes pratiques à la HAS.

Un diagnostic complexe

Les critères diagnostiques ont été affinés. Concrètement, une atteinte neurologique peut être évoquée d’emblée si l’on trouve associés à des degrés divers : un malaise grave, des troubles aigus de la vigilance et de la conscience allant jusqu’au coma, des apnées sévères, voire un arrêt cardio-respiratoire, des convulsions répétées, voire un état de mal convulsif, des signes d’hypertension intracrânienne aiguë (plafonnement du regard, vomissements), une hypotonie axiale, un déficit moteur brutal, une pâleur… D’autres signes peuvent aussi orienter vers une atteinte neurologique (errance du regard, signes d’hypertension intracrânienne…).

Les recommandations listent également les lésions susceptibles de survenir : intracrâniennes (méninges et parenchyme cérébral) et/ou spinales (moelle épinière et enveloppes) et/ou oculaires… Sont précisées, par ailleurs, les autres types de lésions qui peuvent être associées (lésions des parties molles de la nuque, fractures des membres ou du rachis, cage thoracique en particulier des côtes, du crâne, lésions cutanées ou muqueuses à type d’ecchymose ou hématome).

Ces lésions peuvent être ténues. Pris isolément, certains signes ne sont pas spécifiques d’un traumatisme crânien non accidentel, leur association présente donc un intérêt majeur pour poser le diagnostic : troubles de la vigilance, hypotonie, vomissements, convulsions, modification anormale de la courbe du périmètre crânien (PC), lésions cutanées, voire fractures…

Si un traumatisme est suspecté

En cas de suspicion de syndrome du bébé secoué, l’enfant doit être immédiatement hospitalisé en soins intensifs pédiatriques en vue d’un bilan lésionnel complet (imagerie cérébrale et examen du fond d’œil sans délai) et à la recherche d’autres signes de maltraitance. S’il s’agit d’une fratrie de jumeaux, les deux enfants doivent être hospitalisés.

Il convient auparavant de compléter en urgence le bilan clinique, en particulier sur le plan neurologique. Il comprend la palpation de la fontanelle à la recherche d’un bombement, la mesure du périmètre crânien qu’il faut reporter sur la courbe de croissance en cherchant un changement de couloir vers le haut, la recherche d’ecchymoses sur tout le corps…

Le professionnel de santé a l’obligation légale d’effectuer un signalement auprès du procureur de la République afin de protéger l’enfant. Dans ses recommandations, la HAS rappelle la procédure à suivre et délivre des conseils pour respecter le cadre juridique.

Depuis la loi du 5 novembre 2015, l'auteur d'un signalement ne s'expose à aucun risque, lorsque celui-ci est fait dans les règles. Le dernier alinéa de l’article 226-14 du Code pénal précise désormais que « le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s’il est établi qu’il n’a pas agi de bonne foi ».

Enfin, les professionnels de santé ont également un rôle clé en matière de prévention en informant systématiquement les parents au moment de la naissance sur la gravité du secouement et sur les moyens de l’éviter.

Ce qu’en pensent les professionnels

Lors d’un colloque qui s’est tenu au ministère en charge de la Santé le 29 septembre 2017 à l’initiative de France traumatisme crânien, des professionnels de tous horizons – justice, police, médecine – ont témoigné de leur expérience face au phénomène du bébé secoué.

«La formation initiale et continue des professionnels de santé est insuffisante sur le syndrome du bébé secoué. Ses conséquences sont encore insuffisamment repérées. Il est important d’encourager le signalement dès le moindre doute. De façon générale, notre société ne peut plus tolérer les violences subies par les enfants. Il faut un engagement et du courage politique pour lutter contre toutes les maltraitances infantiles
Dr Gilles Lazimi, généraliste au CMS de Romainville (93) et membre du Collège de la médecine générale

«Crée en décembre 2016, le Conseil national de protection de l'enfance réunit l'ensemble des acteurs de la protection de l'enfance : représentants des magistrats, des avocats, des médecins, des conseils départementaux, des associations…
Nous souhaitons améliorer la robustesse du diagnostic initial du syndrome du bébé secoué avec le soutien des acteurs des champs socio-éducatifs, de la prévention et du milieu judiciaire».
Michèle Créoff, vice-présidente du Conseil national de protection de l’enfance

«J'ai été confronté à mon premier cas de bébé secoué en 2002 sur mon premier poste de magistrat, à l'époque où le sujet était moins bien connu. Aujourd'hui, la thématique du bébé secoué est abordée en formation initiale pour une grande partie des magistrats, c'est-à-dire ceux qui vont devenir juges pour enfants, juges d'instruction, et parquetiers. Cela représente 55 % de chaque promotion qui sort de l'École de la magistrature.
Nous essayons de faire de la sensibilisation par différents biais, pour toucher des publics qui n'ont pas forcément envie d'écouter ou qui ne se sentent pas concernés. L'enjeu en terme judiciaire est un meilleur repérage des victimes de secouement. Nous faisons venir régulièrement des experts à nos formations».
Fanny Bussac, coordonnatrice de formation et animatrice du pôle justice pénale à l’École nationale de la magistrature

«Nous traitons une douzaine de dossiers de bébés secoués par an, c'est un chiffre assez considérable. Nos techniques d'enquête ont été revues depuis trois ou quatre ans, en nous rapprochant notamment des acteurs du monde médical. La brigade de protection des mineurs bénéficie d'une expérience spécifique dans les enquêtes liées à une suspicion de bébé secoué. Nous sommes en train de réaliser un guide qui servira de tutoriel à tous les policiers et gendarmes de France. »
Wilfrid Fremont, commissaire de police, adjoint au chef de service de la brigade de protection des mineurs à la préfecture de police

Article rédigé par Citizen press

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