altLa HAS publie des recommandations sur la « Place des tests ADN libre circulant dans le sang maternel dans le dépistage de la trisomie 21 fœtale ». Ce travail confirme que ces tests représentent une innovation technologique indéniable. La HAS préconise leur introduction dans la procédure de dépistage actuelle de la trisomie 21 fœtale. Explications des Drs Olivier Scemama et Roselyne Delaveyne*, du service d’évaluation économique et de santé publique à la HAS..

Quelle est la prévalence de la trisomie 21 et quels sont les facteurs de risque ?

La trisomie 21 (T21) est une aneuploïdie autosomique définie par la présence, en partie ou en totalité, d’un 3e exemplaire du chromosome 21.
Elle est observée en moyenne lors de 27 grossesses sur 10 000. Sa fréquence augmente avec l’âge maternel (principal facteur de risque de la T21).
Parmi les autres facteurs de risque, on retrouve le fait d’avoir eu une grossesse antérieure avec un fœtus porteur d’une trisomie 21 ou le fait que l’un des parents soit porteur d’un remaniement de la structure chromosomique.

Quelles sont les modalités de dépistage actuellement proposées aux femmes enceintes et aux couples ?

La procédure préconisée jusqu’à aujourd’hui est le dépistage combiné du 1er trimestre reposant sur la mesure échographique de la clarté nucale et le dosage des marqueurs sériques du 1er trimestre.
Le dépistage peut également être réalisé plus tard au cours de la grossesse par un dépistage séquentiel intégré (marqueurs sériques du 2e trimestre de grossesse + mesure échographique de la clarté nucale au 1er trimestre) ou un dépistage par les marqueurs sériques seuls du 2e trimestre de grossesse.

A l’issue de ce dépistage, lorsque le niveau de risque estimé est ≥ 1/250, une confirmation diagnostique par caryotype fœtal est proposée. Elle est réalisée après un examen invasif (amniocentèse ou choriocentèse). Cet examen invasif comporte un risque de perte fœtale. Ainsi, selon les données 2014 de l’Agence de la biomédecine, environ 18 500 examens invasifs à visée diagnostique ont été réalisés chez des femmes ayant un niveau de risque de trisomie 21 fœtale ≥ 1/250. Le diagnostic de trisomie 21 fœtale a été confirmé par caryotype fœtal chez environ 750 d’entre elles (soit 1 cas confirmé pour 25 examens invasifs).

Les pertes fœtales liées à ces examens invasifs n’ont pas été estimées dans les pratiques françaises, mais les données les plus récentes de la littérature évaluent ce risque autour de 0,1 % (alors que les plus anciennes l’estimaient autour de 1 %).

Quels étaient les objectifs de l’évaluation des tests ADN libre circulant de la T21 (ADNlcT21) menée par la HAS ?

La HAS avait pour objectif d’évaluer l’impact de l’introduction des tests ADNlcT21 dans le dispositif de dépistage. Pour réaliser ce travail, la HAS a opté pour une évaluation en deux volets :

Quels sont les bénéfices de l’intégration du test ADNlcT21 dans le dépistage ?

Les tests ADN libre circulant de la T21 sont fondés sur la recherche d’une surreprésentation du nombre de copies du chromosome 21 dans l’ADN libre circulant dans le sang maternel.

Ces tests, dont la performance est élevée, sont une innovation indéniable et ils pourraient contribuer à :

  • améliorer les performances du dépistage de la T21 fœtale, notamment en augmentant le taux de détection et en permettant de poser un diagnostic plus précocement ;
  • diminuer le nombre de faux positifs des procédures actuelles de dépistage et le nombre d’indications pour examen invasif à visée diagnostique et par conséquent le nombre de pertes fœtales associées à ces derniers.

En contrepartie, l’intégration des tests ADNlcT21 impliquera, compte tenu de leur prix actuel et des problématiques organisationnelles générées par la modification de la procédure de dépistage, d’allouer des ressources supplémentaires par rapport à la procédure de dépistage standard proposée.

Quelles sont les principales recommandations de la HAS quant à l’intégration des tests ADNlcT21 dans les stratégies de dépistage de la trisomie 21 ?

La HAS préconise qu’un test ADNlcT21 soit proposé à toutes les femmes enceintes dont le niveau de risque de trisomie 21 fœtale estimé est compris entre 1/1000 et 1/51 après un dépistage combiné du 1er trimestre (ou à défaut un dépistage par les marqueurs sériques seuls du 2e trimestre). 
Elle recommande aussi qu’un caryotype fœtal soit proposé d’emblée à toutes les femmes enceintes dont le niveau de risque de trisomie 21 fœtale estimé est ≥ 1/50 ; le test ADNlcT21 restant possible avant cet éventuel caryotype fœtal si la femme enceinte le souhaite.

Le test ADNlcT21 est-il destiné à remplacer l’actuelle procédure de dépistage de la trisomie 21 ?

Non, le test ADNlcT21 ne remplace pas la procédure de dépistage proposée actuellement mais s’intègre dans cette dernière pour en augmenter la performance.

Lorsque la clarté nucale du fœtus est ≥ 3,5 mm (ou > 99e percentile) ou si des signes d’appels échographiques sont détectés, un caryotype fœtal demeure proposé en première intention (certaines équipes proposent une analyse chromosomique sur puce à ADN, mais cette technique n’est pas prise en charge par l’Assurance maladie).

Quelles sont les conditions idéales d’intégration des tests ADNlcT21 pour un dépistage de qualité ?

Il est essentiel que l’intégration des tests ADNlcT21 soit mise en œuvre en respectant toutes les modalités qui permettront de garantir, d’une part, le libre choix éclairé des femmes enceintes et des couples, d’autre part, la qualité de la procédure de dépistage.

La HAS recommande que la réalisation des tests ADNlcT21 soit intégrée dans le système d’assurance qualité existant actuellement. Il conviendra en particulier de préciser les critères de performance et de qualité minimales de ces tests, d’harmoniser le format de rendu des résultats et de clarifier l’encadrement juridique concernant le type de données à conserver et leur durée de conservation.

Quelles sont les mesures qui permettront une évaluation de l’impact de l’intégration des tests ADNlcT21 dans la procédure de dépistage de la trisomie 21 ?

La HAS recommande que l’impact de l’intégration des tests ADNlcT21 dans la procédure de dépistage de la trisomie 21 fœtale soit évalué :

  • par un suivi en vie réelle de l’utilisation des tests ADNlcT21 et des performances de la procédure mise en place ;
  • par une évaluation en pratique de l’impact de l’introduction de ces tests notamment en termes de pertes fœtales évitées et d’anxiété des femmes enceintes ;
  • par une réévaluation dans les 3 ans suivant la mise en œuvre de ces recommandations au regard des avancées technologiques.

Zoom sur l’information des femmes et des couples

Quelles informations les professionnels de santé devront-ils transmettre aux femmes quant aux modalités de dépistage de la trisomie 21 ?

L’information est un enjeu crucial du dépistage. Il est primordial de garantir aux femmes enceintes un accès équitable à une information adaptée et à un accompagnement de qualité.

La première consultation au cours de la grossesse revêt une importance capitale. Elle doit donc être suffisamment longue pour permettre cette information complète et appropriée. Il est en effet essentiel, dès la première consultation, d’évoquer l’ensemble des étapes possibles du dépistage afin de limiter l’anxiété et de laisser un temps de réflexion suffisant pour la prise de décision de la femme enceinte (ou du couple).

L’information délivrée par les professionnels de santé a pour but de permettre à chacune et à chacun de comprendre ce qu’est la trisomie 21. Cette information a pour objectifs de préciser les modalités de dépistage existantes, les avantages et inconvénients des tests proposés, la notion de risque et la distinction entre risque et diagnostic de certitude. Elle doit aussi viser à faire connaître les modalités de prise en charge des personnes porteuses de trisomie 21 et les aides susceptibles d’être apportées aux familles (prise en charge coordonnée, médicale, sociale, éducative et psychologique).

 

Quelles sont les possibilités de formations offertes aux professionnels de santé en matière d’information sur les modalités de dépistage ?

Le respect des différents temps d’information permet le libre choix des femmes enceintes quant à la mise en œuvre ou non de la procédure de dépistage. Cet accompagnement implique la délivrance d’une information appropriée et harmonisée par des professionnels compétents. La formation des différents professionnels impliqués dans le dépistage prénatal de la trisomie 21 est ainsi essentielle.

Les réseaux de santé en périnatalité, en lien avec les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN) et les sociétés savantes ont un rôle primordial dans l’élaboration et la mise en œuvre des modalités de formation et d’information les plus adaptées en direction des professionnels de santé.


* Propos recueillis par Arielle Fontaine – HAS

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