03 Mai 2017
|Dans le cadre des investigations menées après la survenue de cas d’entérocolites d’issue fatale de patientes atteintes d’un cancer du sein opérable traitées par docétaxel, l’INCa (Institut national du cancer), les professionnels de santé (oncologues, pharmaciens, réseau UNICANCER) et l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), se sont réunis le 28 avril 2017 afin de partager l’ensemble des informations disponibles à date en France et en Europe sur le docétaxel.
Pour rappel, interpellée par plusieurs signalements de cas d’entérocolites d’issue fatale en août 2016, l’ANSM a immédiatement contrôlé la qualité pharmaceutique des lots concernés. D’après les résultats de ces analyses, la qualité de ces lots était conforme.
L’Agence a ensuite élargi ce contrôle qualité à l’ensemble des spécialités de docétaxel commercialisées en France[2] . Les analyses ont été réalisées selon des procédures validées permettant de garantir la représentativité des résultats pour un lot donné. Les analyses ont notamment porté sur le dosage du principe actif et la recherche d’impuretés. Tous les résultats sont conformes et aucune différence de qualité n’apparaît entre les différents produits à base de docétaxel disponibles sur le marché français (princeps et génériques).
Enquête nationale de pharmacovigilance
L’ANSM rappelle que cette enquête, présentée le 28 mars 2017[1] , montre notamment que les cas d’effets indésirables de type colite ou choc septique sont rares dans toutes les indications du docétaxel. Le nombre de cas «graves» déclarés rapportés au nombre estimé de patients exposés a augmenté au cours de deux périodes : une première période en 2010 puis récemment de 2015 à 2016, sans qu’aucune cause de cette augmentation n’ait pu être identifiée et sans qu’aucun signal spécifique à une spécialité ou à une indication n’ait pu être mis en évidence.
Sur la période couverte par l’enquête (1996 – 7 février 2017, soit plus de 20 ans) plus de 600 000 patients ont été traités par docétaxel dans toutes ses indications.
187 cas de colites ou de chocs septiques ont été rapportés. 47[3] cas ont conduit à un décès. Parmi ceux-ci, 16 cas concernaient un traitement adjuvant ou néo-adjuvant de cancer du sein.
Les décès restent rares, de l’ordre de 1 pour 10 000 patients exposés au docétaxel, médicament qui a permis d’allonger l’espérance de vie dans des cancers avancés et de sauver plusieurs milliers de vies dans des cancers du sein au stade précoce.
L’enquête nationale de pharmacovigilance se poursuit afin d’étudier l’ensemble des effets indésirables, de mieux connaître le profil de risque du docétaxel et de vérifier le signal observé depuis 2010. Elle est par ailleurs étendue aux spécialités à base de paclitaxel, alternative au docétaxel. Les résultats contribueront aux travaux menés par l’INCa en vue d’élaborer une recommandation de bonnes pratiques.
Demande d’une évaluation européenne du profil de tolérance
La France a demandé qu’une évaluation européenne du profil de tolérance de l’ensemble des spécialités à base de docétaxel soit conduite en parallèle de l’enquête de pharmacovigilance et des investigations complémentaires menées au niveau national.
En mars, le PRAC[4] a souligné que les effets indésirables sont des effets connus avec le docétaxel dont la fréquence ne parait pas avoir augmenté au cours des deux dernières années. En avril, l’EMA rappelle à nouveau que le docétaxel est une option thérapeutique importante ayant démontré un effet sur l’augmentation de la durée de vie chez les patients atteints de cancer et maintient que ce produit peut être utilisé conformément aux recommandations de l’AMM. Le PRAC poursuit cependant l’évaluation du signal issu des déclarations de cas d’effets indésirables. Le sujet sera à nouveau discuté au cours de la réunion du PRAC du mois de juin.
Analyse clinique des 47 cas de décès conduite par l’INCa
L’Institut national du cancer a évalué les complications fatales survenues après utilisation du docétaxel. Celles-ci, relativement stéréotypées, prennent la forme d’une colite compliquée de choc septique en période de cytopénie profonde. Les signes apparaissent entre le quatrième et le dixième jour, et peuvent sembler suffisamment anodins pour n’entraîner que de façon retardée une demande de consultation. Un nombre important de complications survient dès la première cure, ce qui pose la question d’une susceptibilité individuelle (immuno-allergique ou influant sur la pharmacocinétique). Aucun élément n’a permis d’incriminer une spécialité particulière de docétaxel.
Compte-tenu des faits observés, il est probablement utile d’accorder une attention particulière aux comorbidités au moment de la décision de recourir à cette classe médicamenteuse, de lui associer systématiquement des facteurs de croissance de la lignée granuleuse, et de s’interroger sur la dose de corticoïdes réellement indispensable à la réduction du risque oedémateux.
Ces réflexions – préliminaires à ce stade - pourraient conduire à une forte incitation des malades à prendre contact dès les premiers signes digestifs auprès de l’oncologue qui les a soignés, et à rappeler à la communauté médicale que ces troubles digestifs après docétaxel sont beaucoup moins anodins qu’après la prise de la majorité des autres médicaments anticancéreux.
Des recommandations de bonnes pratiques seront proposées sur la place des taxanes (docétaxel et paclitaxel) à l’avenir, sur leurs critères d’indication et de contre-indication, ainsi que sur les conduites à tenir pour prévenir et gérer leurs effets indésirables potentiels.
En conclusion
Les résultats des investigations menées par l’ANSM confirment la qualité de l’ensemble des spécialités de docétaxel commercialisées (princeps et génériques) en France.
L’analyse clinique, conduite par l’INCa, des 47 cas de décès survenus par entérocolites ou choc septique au cours des vingt années de commercialisation (données issues de l’enquête nationale de pharmacovigilance qui a porté sur plus de 600ÂÂ 000 patients traités) ne permet pas d’incriminer une spécialité particulière de docétaxel.
Sur la base des données européennes, le PRAC souligne que la fréquence des effets rapportés ne parait pas avoir augmenté au cours des deux dernières années et rappelle que ces effets sont connus avec le docétaxel (mentionnés dans les documents d’information destinés aux praticiens et aux patients). Des données supplémentaires sont attendues. Elles seront discutées au cours de la réunion du PRAC du mois de juin.
L’enquête nationale de pharmacovigilance se poursuit pour étudier l’ensemble des effets indésirables du docétaxel et mieux caractériser son profil de risque. L’enquête est par ailleurs étendue aux spécialités à base de paclitaxel, alternative au docétaxel, notamment dans la prise en charge du cancer du sein.
L’INCa émettra dans les prochains mois des recommandations de bonnes pratiques sur la place des taxanes (docétaxel et paclitaxel).
Dans l’attente de l’ensemble de ces éléments, l’ANSM et l’INCa considèrent que la recommandation d’éviter temporairement l’utilisation du docétaxel dans les cancers du sein infiltrants non métastatiques, prise à titre de précaution en février 2017, ne peut être levée.
Lire aussi
- Docétaxel : information suite au Comité technique de pharmacovigilance (CTPV) du 28 mars 2017 - Communiqué (29/03/2017)
- Docétaxel : point d’étape sur les investigations en cours - Communiqué (27/03/2017)
- Docétaxel - cas d’entérocolites d’issue fatale : l’INCa en lien avec l’ANSM recommande à titre de précaution d’éviter temporairement l’utilisation du docetaxel dans les cancers du sein localisés, opérables - Point d'Information (17/02/2017)
- Docetaxel - Cas d’entérocolites d’issue fatale - Lettre aux professionnels de santé (15/02/2017)
- [1] Communiqué de presse ANSM du 29 mars 2017 : Docétaxel : information suite au Comité technique de pharmacovigilance (CTPV) du 28 mars 2017 - Communiqué (30/03/2017)
- [2] Princeps (Taxotère, Sanofi), Génériques (Docétaxel Accord, Docétaxel Arrow, Docétaxel Kabi, Docétaxel Hospira)
- [3] L’analyse clinique de l’INCa a permis d’identifier une double notification faisant passer de 48 à 47 le nombre de cas de décès
- [4] Comité pour l’Evaluation des Risques en matière de Pharmacovigilance (PRAC)