18 Avril 2017
|Une équipe de recherche du CEA, dirigée par Denis Le Bihan, vient de mettre en évidence grâce à l’IRM de diffusion* le lien entre le niveau d’activité neuronale de régions impliquées dans les états de veille/sommeil chez des rats anesthésiés et le niveau de gonflement neuronal dans ces régions. Ces travaux renforcent l’intérêt de l’IRM de diffusion dans la compréhension du fonctionnement du cerveau et font progresser la connaissance des mécanismes cérébraux sous-tendant l’anesthésie et les états de conscience. Ces résultats sont à paraître dans PLOS Biology le 14 avril 2017.
L’IRM de diffusion est une technique d’imagerie médicale qui permet d’obtenir des images dont le contraste dépend du coefficient de diffusion de l’eau. La diffusion de l’eau étant entravée par les éléments constituant le tissu cérébral, toute modification dans l’organisation de ces tissus se traduit par une altération de cette diffusion. Selon les chercheurs du CEA, la diffusion de l’eau et l’activité neuronale sont étroitement liées. Cette hypothèse est aujourd'hui confortée par des résultats qui montrent que la diffusion de l’eau est modulée par l’activité des régions du cerveau impliquées dans le cycle veille/sommeil chez des rats sous anesthésie. Cette observation se fait uniquement par la méthode d’IRM fonctionnelle par diffusion. L’IRM fonctionnelle standard, quant à elle, n’a montré que des changements globaux, non spécifiques, sur l’ensemble du cerveau, ne reflétant que les effets systémiques de l’anesthésie sur la circulation sanguine cérébrale.
L’équipe de recherche a fait varier les états d’anesthésie chez les rats et a observé par IRM que la diffusion de l’eau était altérée dans des régions cérébrales spécifiques impliquées dans le cycle veille/sommeil. Elle a d’abord procédé à une stimulation électrique du noyau central médian du thalamus qui a entraîné un réveil transitoire des animaux bien que sous anesthésie. Les chercheurs ont ensuite induit le blocage du gonflement neuronal dans ce noyau par injection de furosémide (utilisé en médecine comme diurétique) qui a rendu le réveil plus difficile (l’anesthésie devenant plus profonde) et conduit à une augmentation supplémentaire de la diffusion de l’eau. Inversement, l’induction d’un gonflement cellulaire via la simple infusion locale de liquide céphalo-rachidien dilué abaisse la diffusion de l’eau et s’oppose aux effets de l’anesthésie, provoquant un réveil facilité des animaux.
Ces résultats confirment que le gonflement cellulaire est étroitement associé au fonctionnement des neurones, auquel est sensible l’IRM de diffusion. Ils vont dans le sens de l’hypothèse posée par les chercheurs que l’IRM de diffusion révèle directement l’activité neuronale, via le gonflement des neurones en activité (couplage neuromécanique), un mécanisme radicalement différent de celui utilisé jusqu’ici pour l’IRM fonctionnel standard.
Cette découverte pourrait avoir, à plus long terme, des répercutions majeures, non seulement pour la neuroimagerie fonctionnelle, mais pour la compréhension des mécanismes cérébraux sous-tendant l’anesthésie et les états de conscience.
*L’IRM de diffusion permet d’obtenir des images quantitatives du déplacement microscopique des molécules (principalement de l’eau) dans les tissus alors que les images restent à une résolution millimétrique. Le mouvement de diffusion des molécules d’eau nous renseigne sur les obstacles qu’elles rencontrent, et donc la structure microscopique des tissus biologiques, donnant en quelque sorte une « biopsie virtuelle ». Quand les cellules gonflent les molécules d’eau diffusent plus lentement et leurs déplacements se réduisent, et inversement. L’hypothèse sous-jacente au travail publié est que l’activité neuronale s’accompagne d’un gonflement des structures neuronales (épines dendritiques) et l’inactivité induite par l’anesthésie à leur rétraction, ce que révèle les mesures de diffusion par IRM.
*L’IRM fonctionnelle standard (BOLD = Blood Oxygen Level Dependant) permet de visualiser les zones du cerveau activées par un stimulus présenté ou appliqué au sujet. Par exemple, lorsque l’on demande à la personne de regarder une image, les zones activées dans le cerveau vont bénéficier d’une augmentation locale du débit sanguin avec un apport d’oxygène plus important qu’en l’absence du stimulus. Le changement d’état d’oxygénation du sang modifie le signal IRM. Les images IRM dont le signal est rehaussé correspondent à la zone du cerveau impliquée dans la réponse au stimulus. L’IRMf BOLD est largement utilisée mais souffre de limitations : lien indirect (via la circulation sanguine) et retardé avec l’activité neuronale, localisation spatiale limitée, spécificité médiocre.