20 Mars 2017
|L’utilisation de mesures telles que l’isolement ou la contention constitue une restriction majeure à la liberté individuelle. Recourir à ces pratiques doit donc rester exceptionnel et limité dans le temps. Leur mise en œuvre implique le respect de la dignité, de la sécurité, du confort du patient et nécessite une surveillance clinique attentive. Explications de Cédric Paindavoine*, service des bonnes pratiques professionnelles à la HAS.
La HAS a publié une recommandation de bonne pratique sur l’isolement et la contention en psychiatrie générale, quels sont les objectifs de celle-ci ?
La recommandation vise à déterminer la place de ces pratiques dans les services de psychiatrie générale. Il s’agit d’aider les professionnels amenés à y recourir, à harmoniser leurs pratiques, en répondant aux exigences cliniques, éthiques, légales et organisationnelles. La finalité étant la sécurité et l’amélioration de la qualité de la prise en charge des patients.
Concrètement, qu’est-ce qu’une mesure d’isolement et/ou de contention ?
L’isolement consiste à séparer un patient des autres et à l’enfermer dans un espace dédié et adapté.
Il existe plusieurs types de contentions, physique et mécanique... Seule la contention mécanique est abordée dans la recommandation de bonne pratique publiée par la HAS. La contention mécanique est définie par l’utilisation de tous moyens, méthodes, matériels ou vêtements empêchant ou restreignant les capacités de mouvements volontaires de tout ou partie du corps du patient.
Seuls les patients faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement peuvent être isolés. Et le recours à la contention mécanique est uniquement possible dans le cadre d’une mesure d’isolement.
Dans quels cas ces mesures peuvent-elles être mises en œuvre ?
L’isolement et la contention sont envisagés uniquement lorsque des mesures alternatives, moins restrictives, ont été inefficaces. Le recours à ces pratiques est justifié par des arguments cliniques. Elles sont mises en œuvre pour répondre ou anticiper une violence impossible à maîtriser lorsque la situation peut engendrer un risque grave pour l’intégrité du patient ou celle d’autrui. Elles sont utilisées pour une durée limitée, et de manière adaptée et proportionnée au risque, après une évaluation du patient.
Ces deux mesures sont prises sur décision d’un psychiatre, après concertation pluriprofessionnelle, dans le cadre d’une démarche thérapeutique qui exige la prescription d’une surveillance et d’un accompagnement intensifs.
L’isolement ou la contention ne sont, bien évidemment, jamais utilisés pour punir, ni pour résoudre un problème administratif, institutionnel ou organisationnel.
Existe-t-il des contre-indications à l’application de ces mesures ?
Une vigilance particulière sur l’état clinique du patient est essentielle avant la mise en œuvre de ces pratiques. Une réflexion sur les bénéfices-risques est primordiale, dans tous les cas, et tout particulièrement lorsqu’il existe des craintes concernant l’état somatique du patient ou une affection organique dont le diagnostic ou le pronostic peuvent être graves (affection organique non stabilisée, insuffisance cardiaque, état infectieux, trouble de la thermorégulation, trouble métabolique, atteinte orthopédique, atteinte neurologique, etc.).
Quel est le suivi, dès lors que ces mesures sont mises en place ?
Il est essentiel, lors de la mise en place de ces mesures, de donner au patient des explications sur les raisons qui les ont motivées et sur les critères qui permettraient leur levée. Il est aussi primordial de l’informer sur ce qui va se passer durant la période d’isolement ou de contention (surveillance, examens médicaux, traitement, toilettes, repas, boisson). Enfin, le patient est avisé qu’il a la possibilité de prévenir sa personne de confiance ou un proche. S’il donne suite, on recherchera les moyens les mieux adaptés pour transmettre cette information.
Lorsque ces mesures sont appliquées, une fiche spécifique de prescription du suivi de la décision est insérée dans le dossier du patient.
L’état clinique somatique du patient est systématiquement évalué. Une vigilance particulière sera apportée pour repérer d’éventuels signes de défaillance cardiaque ou respiratoire.
Tout incident sera tracé dans le dossier du patient.
Quelle prise en charge adopter à l’issue de ces mesures ?
L’isolement et la contention mécanique sont levés, sur décision médicale, dès que leur maintien n’est plus cliniquement justifié. Une réflexion est alors menée, avec le patient et avec l’équipe pluriprofessionnelle, afin, notamment, de déterminer les raisons qui les ont motivés.
Il s’agit, pour améliorer la qualité des soins délivrés au patient et sa prise en charge, de trouver des alternatives pour éviter à l’avenir le recours à ces pratiques.
Quelles stratégies de désescalade en amont ?
La prévention des moments de violence reste de loin la meilleure réponse. Les équipes doivent être formées aux techniques de désescalade. L’aménagement d’espaces d’apaisement peut représenter une alternative dans ce cadre.
Dans cet espace la porte n’est pas fermée à clé. Il est adapté pour générer une diminution de la tension subie par le patient. Il est utilisé de façon volontaire, le plus souvent sur demande du patient ou sur suggestion de l’équipe soignante. Le patient peut choisir de le quitter quand il le désire.
Cet espace peut contenir des matelas et des fauteuils, du matériel pour écouter de la musique, des livres et être éclairé avec des lumières douces...
Avec l’accord du patient, sa chambre peut être utilisée dans un accompagnement soignant de désescalade. Comme dans l’espace d’apaisement, le patient pourra en sortir librement.
* Propos recueillis par Arielle Fontaine – HAS
Isolement & contention, le cadre légal
L’isolement et la contention sont des restrictions aux libertés individuelles. L’article L.3211-3 du code de la santé publique encadre de manière générale la prise en charge des personnes hospitalisées en soins psychiatriques. Il précise que les restrictions à l'exercice des libertés individuelles doivent être «adaptées, nécessaires et proportionnées » à l’état mental du patient et à la mise en œuvre du traitement requis. «En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée».
L’article L. 3222-5-1 du même code, créé par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, donne un cadre juridique spécifique aux recours à l'isolement et à la contention. Définies comme des «pratiques de dernier recours», elles sont uniquement destinées à «prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d’un psychiatre, prise pour une durée limitée».
Ces mesures sont recensées dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie et désigné par le directeur général de l'agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement.
L’établissement de santé tient un registre garantissant leur traçabilité. Il mentionne «le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date et son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé l'ayant surveillée». Il est «présenté, sur leur demande, à la commission départementale des soins psychiatriques, au contrôleur général des lieux de privation de liberté ou à ses délégués et aux parlementaires».
Les établissements réalisent systématiquement un rapport annuel qui recense les pratiques d'admission en isolement et de contention, la politique définie pour limiter le recours à ces pratiques et l'évaluation de sa mise en œuvre.
Ce rapport est transmis pour avis à la commission des usagers et au conseil de surveillance de ces établissements.