14 Mars 2017
|Refus de rémunération des maîtres de stage, ReAGJIR alerte sur une pratique qui prend de l’ampleur
Paris, le 13 mars 2017. ReAGJIR, le syndicat qui rassemble et représente les jeunes médecins généralistes (remplaçants, jeunes installés et chefs de clinique), tire la sonnette d’alarme : cela fait plusieurs années que des facultés de médecine refusent de rémunérer des maîtres de stage des universités (MSU) de médecine générale. Une illégalité probante que devait régler rapidement une circulaire. Pourtant le secrétariat d’Etat dirigé par Thierry Mandon bloque aujourd’hui la situation.
Une interprétation partisane de la loi
Quand ils décident de former des étudiants en les accueillant dans leur cabinet, c’est-à-dire d’être maîtres de stage, les médecins généralistes libéraux reçoivent des honoraires pédagogiques de la part de l’Agence Régionale de Santé (ARS) en dédommagement de la disponibilité qu’ils prennent sur leur temps de travail. Ce fonctionnement existe depuis des années[1] et n’avait jamais posé problème. Pourtant, en 2011, une première université refuse de payer un médecin généraliste pour son activité de maîtrise de stage.
Comment l’Université peut-elle justifier un tel comportement à l’encontre de la loi[2] ? Elle se défend en arguant que les médecins concernés se voient refuser ce paiement du fait de leur statut de chef de clinique. Un chef de clinique est à mi-temps médecin installé, en exercice libéral ou salarié, et à mi-temps à l’Université pour des activités d’enseignement et de recherche. C’est dans le cadre de son activité de soins qu’il choisit de devenir ou non maître de stage en accueillant des étudiants. Mais l’Université a décidé d’interpréter le décret du 28 juillet 2008[3] relatif au personnel enseignant des universités de manière partielle, sans tenir compte du reste de la loi : le chef de clinique ne doit recevoir aucune rémunération supplémentaire dans le cadre de ses tâches que sont l’enseignement, la recherche, les soins et la participation aux fonctions de gestion. Le Dr. Sophie AUGROS, Présidente de ReAGJIR, explique : «Cette interprétation est vraie mais seulement dans le cadre de son activité universitaire, pas dans celui de son activité de soins. Si l’on va au bout de l’interprétation faite par l’Université, doit-on en conclure que le chef de clinique devrait délivrer gratuitement des soins ? On marche sur la tête. »
Dès que ReAGJIR a été alerté de cette première illégalité en 2011, le syndicat qui représente les chefs de clinique universitaires en médecine générale s’est saisi de l’affaire et a adressé un courrier au Doyen de l’Université. Sans obtenir réparation de cette injustice, il s’est avéré que le cas s’est reproduit. ReAGJIR a alors décidé de porter le problème plus haut pour que ça ne devienne pas une généralité. Le syndicat a alerté le ministère des Affaires sociales et de la Santé, qui l’a assuré de son soutien. «Depuis, la situation est bloquée alors qu’on nous a donné raison et assurés de la rapide parution d’une circulaire pour mettre fin à cette interprétation fallacieuse des textes de loi.», s’insurge le Dr. AUGROS.
«Actuellement, c’est le secrétariat d’Etat dirigé par Thierry Mandon qui décide de jouer la montre en bloquant la circulaire. Nous ne comprenons pas pourquoi.»
Un problème qui va plus loin
Car si le problème peut sembler anecdotique pour certains, il va bien plus loin : «Cette attitude illégale et irrespectueuse de la maîtrise de stage semble maintenant s’étendre à la majorité des facultés de médecine. », s’inquiète le Dr. Sophie AUGROS. «Sans doute sont-elles encouragées par l’absence de clarification ou de pénalités. Après les premiers cas rapportés il y a six ans, le phénomène prend une ampleur inquiétante. Il est impossible que nous laissions passer de telles pratiques ! »
Faut-il rappeler à quel point la maîtrise de stage est vitale pour l’installation des futurs médecins ? «C’est un fait : la maîtrise de stage est le meilleur levier pour l’installation des jeunes médecins généralistes sur le territoire et contre la désertification médicale.», rappelle Sophie AUGROS. «Quel message envoie-t-on ? On dévalorise cet accompagnement essentiel à nos futurs médecins. On dégoûte les chefs de clinique qui souhaiteraient être maîtres de stage alors que nous en manquons cruellement. On leur dit que c’est normal de ne pas être payé pour un travail. » La médecine générale est déjà en sous-effectifs ce qui entraîne d’importantes difficultés au niveau de la formation. La non reconnaissance du travail fourni par les maîtres de stage démotive les jeunes médecins et les étudiants de la profession. Cela fragilise les territoires, favorisant la création de zones sous-dotées, plus communément appelées déserts médicaux.
«Les honoraires pédagogiques des MSU sont financés sur le budget de l’Assurance maladie et suivent un parcours dont la faculté n’est que la dernière étape. Il s’agit d’une enveloppe distribuée par l’ARS, pas par l’Université. Les services administratifs des universités françaises n’ont pas à décider s’ils souhaitent ou non rémunérer les médecins enseignants maîtres de stage. Jusqu’à preuve du contraire c’est un droit qui a d’ailleurs été intégré à la politique de santé nationale avec le Pacte territoire santé 2. Au-delà du droit, c’est aussi et avant tout un besoin pour tous les citoyens d’avoir des généralistes bien et régulièrement formés, dont le choix d'installation est primordial dans la lutte contre la désertification médicale. Aujourd’hui, nous demandons simplement que les services dirigés par Thierry Mandon publient une circulaire pour mettre fin à ces agissements illégaux dans les plus brefs délais. Dans le cas contraire, ReAGJIR soutiendra toute démarche juridique nécessaire au respect de la loi. », conclut Sophie AUGROS.
A propos de ReAGJIR – www.reagjir.com
ReAGJIR est le Regroupement Autonome des Généralistes Jeunes Installés et Remplaçants en France. Créé en janvier 2008, ce syndicat regroupe et représente les remplaçants en médecine générale, les médecins généralistes installés depuis moins de 5 ans et les chefs de clinique en médecine générale. Fédération de syndicats régionaux, la structure accompagne et défend l’exercice du métier par ces trois types de professionnels et milite pour la construction d’un système de santé à l’image des jeunes généralistes : innovant, collaboratif, humain et solidaire.