31 Mai 2008
|Sons binauraux des cybers drogues ? ou un mythe du web ?
Depuis peu un logiciel montre son nez sur le web, c’est un logiciel qui permet de « jouer » des fichiers audio portant de curieux noms : Absinthe… Cocaine… Marijuana… Ecstasy… Crystal_Meth… Heroin… Plus d’une centaine de ces fichiers aux noms évocateurs à usage unique (le diffuseur parle ouvertement de « dose ») sont vendus par la société qui les diffuse sur le web. Pas de trafic occulte, puisque le scientifique allemand H.W Dove les observa pour la première fois en 1839, mais simplement une application commerciale des signaux binauraux.
Le docteur Gérald Oster en 1973, fut le premier à mettre en évidence, dans le contexte d'une recherche sur l'acuité auditive, l'effet de ce type de sons sur les ondes corticales et leur donna le nom de «sons binauraux».
Les sons binauraux sont des sons sinusoïdaux (sans harmoniques) de fréquences différentes d'une oreille à l'autre lorsqu'on les écoute à l'aide d'un casque stéréophonique.La différence de fréquences induit deux effets. Tout d'abord cette différence de fréquences est traitée au niveau des noyaux olivaires supérieurs de chaque hémisphère qui produisent alors des ondes cérébrales de même fréquence que la différence ; ces nouvelles ondes se propagent à partir de ces noyaux progressivement dans tout le cortex. Ainsi, par exemple pour faire produire des ondes alpha on fera écouter des sons qui diffèrent de 8 à 13 Hz, ce qui correspond à la fréquence des ondes alpha ; ce phénomène a été nommé par Atwater (1975) « réponse d'adoption de fréquence » (FFR, Frequency Following Response). Le deuxième effet de ces sons permet de synchroniser les deux hémisphères cérébraux (Foster, 1990), synchronisation qui induirait un état de bien-être, une amélioration de l'humeur, de meilleures performances attentionnelles et mnésiques, un traitement des émotions et une diminution de l'anxiété.
Brigitte Forgeot (Université Paris 8) : «Pour que cela fonctionne, il faut que les sons aient une fréquence d’environ 1000 à 1500 Hz maximums et que la différence de fréquence entre droite et gauche soit au maximum de 30Hz. L’électro-encéphalogramme montre que les ondes cérébrales tendent à se synchroniser avec la différence de fréquence des deux sons. Le Docteur Schwarz (ORL), et Taylor, en 2005, comparent les réponses du système auditif humain aux sons mono et binauraux. »
Bien qu'ils ne soient pas perçus, les sons binauraux induisent des potentiels évoqués et excitent alternativement et très rapidement chaque hémisphère cérébral. Les sons binauraux d'une différence de fréquence de 8 à 13 Hz induisent la production d'ondes alpha par le cerveau (Foster, 1990), lesquels sont mis en évidence par enregistrement EEG, les yeux restant ouverts. De nombreuses recherches associent les ondes alpha à un état de détente, à l'augmentation de certaines performances et à l'amélioration de l'humeur et de l'anxiété. Ces effets seraient expliqués par la synchronisation hémisphérique induite par les ondes alpha (Hoovey, 1972). Les sons binauraux d'une différence de fréquence de 16 à 24 Hz induisent la production d'ondes Bêta. En conséquence, ils tendent à augmenter la concentration et l'état d'alerte (Monroe, 1985). Ils améliorent également les performances mnésiques (Kennerly, 1994). L'entraînement cérébral augmentant les ondes bêta est couramment utilisé depuis de nombreuses années dans le traitement du trouble de déficit de l'attention ainsi que dans la remédiation de l'attention chez les traumatisés crâniens.
Ces protocoles ont fait l'objet de nombreuses publications dont nous parlerons plus en détail lors de nos recherches ultérieures. Les sons binauraux dont la différence de fréquence est de 4 à 8 Hz induisent des ondes thêta dont Schacter (1977) a dressé la liste des effets dans une méta analyse. Elles sont associées à des états subjectifs de relaxation profonde, de méditation et de créativité (Hiew, 1995). Les ondes thêta favorisent l'apprentissage en améliorant la concentration et la focalisation détendue sur une tâche (Pawelek, 1985). Les sons binauraux d'une différence de fréquence de 1 à 4 Hz provoquent l'apparition d'ondes delta qui induisent le sommeil ainsi que des phénomènes de rêve éveillé (Davis, 1938).Brigitte Forgeot (Université Paris 8)
A présent vous l’aurez certainement compris une société prétend avoir élaboré des sons capables d’induire un état particulier comme ceux obtenus après consommation de stupéfiants, d’alcool, et de substances chimiques artificielles en pilules… Mettons aussi au crédit de cette société des sons produisant le sommeil et la détente… Mais notons que la plupart des effets soit disant développés copient ceux obtenus avec des substances illégales… et qui plus est sont vendus par « doses sons » à usage unique.Pour une simple raison éthique nous ne désirons pas promouvoir cette société ainsi que ses produits très « spéciaux » en mentionnant son nom, mais nous restons à la disposition des chercheurs désireux de pratiquer une étude sérieuse sur les effets obtenus par ces sons et toutes les implications sanitaires et sociales que ces tendances comportementales ne manqueront pas de produire dans un futur proche… Pour ce écrivez nous, et nous vous enverrons (si nous le jugeons pertinent) l’adresse Internet de cette société qui pour l’instant reste relativement difficile à trouver.
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