23 Novembre 2016
|ReAGJIR partage son diagnostic mais refuse sa potion amère
Paris, le 23 novembre 2016. Le constat est unanime : les déserts médicaux se font de plus en plus nombreux en France. Certains hommes politiques cherchent des solutions à ce problème et c'est ainsi que l’Assemblée nationale discutera en réunion plénière le 24 novembre la proposition de loi déposée par le député Philippe Vigier visant «à garantir un accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire». ReAGJIR, le syndicat qui regroupe et représente les jeunes médecins généralistes français (remplaçants, jeunes installés et chefs de clinique), s’insurge contre ce projet qu’il juge dangereux et éloigné des problématiques auxquelles les professionnels et patients sont confrontés quotidiennement.
Qu’il s’agisse de l’augmentation du numerus clausus (nombre d'étudiants en médecine autorisé à poursuivre leurs études après la 1ère année), de l’obligation pour les internes d’effectuer un an de stage en désert médical ou de la régionalisation des ECN (Epreuves Classantes Nationales), la proposition de loi ne tient pas compte des capacités de formation des universités françaises. « La priorité pour pallier la désertification médicale est de développer la capacité de formation des universités » explique le Dr. Sophie Augros, Présidente de ReAGJIR. «Pour ce faire, il faudrait «délocaliser» les lieux de stage et de formation universitaire (en les disséminant dans les villes alentour au lieu de les concentrer dans la ville universitaire) et augmenter le nombre de maîtres de stage des facultés sur l’ensemble du territoire.» Chaque année, les ECN permettent aux étudiants de valider leurs compétences en fin de 6ème année : en fonction de leurs résultats, ils choisissent leur spécialité et leur région. Réduire les ECN à une échelle régionale freinerait la mobilité des médecins (quand on demande de la mobilité dans les autres métiers) et créerait des inégalités : leur nationalisation a permis d’uniformiser les cursus de formations de tous les étudiants en médecine, assurant ainsi une formation équivalente quel que soit le territoire. Par ailleurs, cela ne règlerait aucun problème : les déserts médicaux se trouvent souvent dans les facultés dont les capacités de formation sont déjà saturées.»
Cette proposition de loi nie également l’environnement du médecin, sa qualité de vie et l’égalité des soins pour les patients. Elle cherche à réguler l’installation des futurs médecins en France mais ReAGJIR dénonce des mesures d’installation coercitives aux effets indésirables. Le texte prévoit en effet que tout médecin, à l’issue de sa formation, s’installe pour 3 ans minimum dans un secteur géographique souffrant d’un déficit de médecins. «Nous sommes tous contre ce genre de mesures. Premièrement, le médecin ne s’installe pas seul : il faut prendre en compte sa famille, les professionnels avec qui il veut travailler et son projet professionnel. Deuxièmement, les pays voisins ayant mis en place des mesures coercitives (Belgique, Allemagne) ont constaté la fuite d’étudiants en médecine et de médecins formés. Et troisièmement, on sait qu’un médecin qui n’a pas pleinement «choisi» sa zone d’implantation est un médecin qui partira alors que ses patients sont attachés à lui et ne pensent pas qu’il puisse être là de manière temporaire.», explique Sophie Augros. Par ailleurs, plusieurs articles rendent obligatoire l’octroi d’une autorisation d’installation pour le remboursement des actes médicaux et paramédicaux, une contrainte pour les médecins intéressés par une zone non déficitaire.
Sophie Augros tape du poing : «Ces articles suggèrent une mesure de conventionnement sélectif. Cela ressemble beaucoup au système anglais instauré par le NHS (National Health Service) dont on connaît bien la dérive : impossible d’avoir accès rapidement à un médecin sauf si l’on fait appel à la médecine privée. On créerait donc une plus grande inégalité sociale entre les patients.»
Sur les 15 articles proposés, deux sont prometteurs pour ReAGJIR. Première idée, entre autre pour doter de médecins certaines zones en demande, l’article 5 propose que les internes ayant fini leurs études mais pas encore soutenu leur thèse puissent exercer en tant que collaborateurs : «Ce statut existe déjà et s’appelle médecin adjoint. », rappelle Sophie Augros. «ReAGJIR défend ce statut encore peu connu qui permet à des jeunes de s’implanter dans un territoire tout de suite après l’internat sans attendre l’obtention de leur thèse. L’Ordre des médecins s’est déjà saisi de ce dossier. Nous sommes par contre particulièrement opposés à l’alinéa 4 de cet article car nous ne voyons pas ce que serait le «contrat de performance» signé entre l’ARS (Agence Régionale de Santé) et l’interne en médecine générale.» Deuxième idée qui séduit ReAGJIR : évaluer la mise œuvre des dispositions évoquées dans cette proposition de loi (article 14) en constituant un comité d’évaluation rassemblant des parlementaires, des représentants de l’administration et des professions de santé. «Cette idée mériterait d’être développée», juge Sophie Augros. «En effet il serait intéressant de créer un comité qui évalue concrètement les effets des mesures de régulation de la démographie médicale. »
ReAGJIR constate que les solutions proposées dans ce projet de loi sont bien éloignées des problèmes sur le terrain et ne tiennent que rarement compte de l’ensemble des données. «Bien que nous fassions le même constat que Monsieur Vigier sur le problème de la démographie médicale, nous sommes en désaccord sur les solutions à apporter. Nous nous réjouissons que la Commission des affaires sociales ait émis un avis consultatif défavorable mais il sera tout de même examiné demain. S’il est primordial d’apporter des solutions à la désertification médicale, il faut le faire en concertation avec les professionnels de santé.», conclut Sophie Augros. «Nous avons d’ailleurs défini 10 solutions concrètes allant dans ce sens comme faciliter un exercice mixte par exemple.»
A propos de ReAGJIR – www.reagjir.com
ReAGJIR est le Regroupement Autonome des Généralistes Jeunes Installés et Remplaçants en France. Créé en janvier 2008, ce syndicat regroupe et représente les remplaçants en médecine générale, les médecins généralistes installés depuis moins de 5 ans et les chefs de clinique en médecine générale. Fédération de syndicats régionaux, la structure accompagne et défend l’exercice du métier par ces trois types de professionnels et milite pour la construction d’un système de santé à l’image des jeunes généralistes : innovant, collaboratif, humain et solidaire.