08 Septembre 2016
|L’obésité est un facteur de risque de développer un cancer et notamment un cancer du rein. Mais une analyse publiée dans le Journal of Clinical Oncology démontre que des patients obèses ou en surpoids atteints d’un cancer du rein métastatique présentent une survie plus longue et un risque de décès inférieur à des patients minces ou de corpulence normale. Les chercheurs ont attribué cette différence à l’expression d’une enzyme, l’acide gras synthase impliquée dans la production cellulaire des acides gras. Elle est moins exprimée chez les patients obèses.
«ÂÂ En démontrant le rôle essentiel de la lipogenèse dans le pronostic des cancers du rein, nos travaux ouvrent une nouvelle piste de recherche utilisant la voie d’activation de l’enzyme acide gras synthase (FAS) comme cible thérapeutique » commente le Dr Laurence Albiges, urologue, responsable du comité de cancérologie Genito-Urinaire à Gustave Roussy et premier auteur de la publication.
Il est reconnu qu’un indice de masse corporel (IMC) élevé est un facteur de risque et un facteur aggravant en cancérologie. En 2002, le Centre international de recherche sur le cancer recommandait d’éviter de prendre du poids en prévention de cinq types de cancers dont les cancers du rein. Il a récemment classé huit cancers supplémentaires comme étant associés au surpoids et à l’obésité.
Paradoxalement, l’étude à paraitre dans le Journal of Clinical Oncology (publication avancée en ligne du 4 septembre http://jco.ascopubs.org/content/early/recent) démontre sur plusieurs milliers de patients que lorsque des malades obèses ou en surpoids ont développé un cancer du rein, la maladie à un stade métastatique progresse moins vite et les patients vivent plus longtemps que ceux dont l’IMC est normal ou faible.
Sur une cohorte de près de 2 000 patients, ceux dont l’IMC est élevé (supérieur ou égal à 25) présentent une médiane de survie globale de 25,6 mois contre 17,1 mois pour les patients dont l’IMC est normal ou bas (inférieur à 25).
Les données analysées proviennent d’un large consortium académique, l’IMDC (International Metastatic Renal Cell Carcinoma Database Consortium). Cette base a fourni des informations sur 1 975 patients traités par thérapies ciblées. Leur poids et leur taille étaient mesurés en début du traitement. Pour confirmer cette observation, le Docteur Albiges et le Docteur Choueiri, directeur du Lank Center for Genitourinary Oncology à l’institut Dana-Farber (Boston, USA), ont croisé leurs premiers résultats avec ceux obtenus sur des données recueillies dans le cadre d’essais cliniques entre 2003 et 2013 de 4 657 patients traités pour un cancer du rein.
Les chercheurs se sont attachés à comprendre à un niveau moléculaire pourquoi ils observaient cette différence entre haut et faible IMC. Pour cela, les auteurs ont porté leur analyse sur deux cohortes clinico-biologiques : les données cliniques et génomiques de 324 patients atteints d’un cancer du rein ont été obtenues à partir de l’atlas génomique des cancers (TCGA, The Cancer Genome Atlas) et également les données obtenues à partir d’échantillons de tissus de 146 patients traités à Boston/Harvard Cancer Center pour un cancer du rein métastatique par thérapies ciblées.
Au niveau de l’ADN tumoral, les chercheurs n’ont pas observé de différence, pas de mutation génétique qui puisse expliquer leur observation. Mais lorsqu’ils ont examiné l’expression des gènes ils ont remarqué que celle du gène de l’acide gras synthase était diminuée chez les patients obèses. Cette enzyme joue un rôle essentiel dans le métabolisme cellulaire des acides gras et sa surexpression, qui a déjà été observée dans de nombreux cancers, est associée à un mauvais pronostic, notamment dans le cancer du rein.
À partir de ces résultats, les auteurs concluent qu’évaluer, en fonction de l’IMC des patients, l’effet d’un inhibiteur de l’expression de l’acide gras synthase serait une piste de recherche intéressante chez des malades atteints d’un cancer du rein.
Source :
Article publié dans la revue Journal of Clinical Oncology - http://jco.ascopubs.org/content/early/recent.
Body Mass Index and Metastatic Renal Cell Carcinoma: Clinical and Biological Correlations
Laurence Albiges, A. Ari Hakimi, Wanling Xie, Rana R. McKay, Ronit Simantov, Xun Lin, Jae-Lyun Lee, Brian I. Rini, Sandy Srinivas, Georg A. Bjarnason, Scott Ernst, Lori A. Wood, Ulka N. Vaishamayan, Sun-Young Rha, Neeraj Agarwal, Takeshi Yuasa, Sumanta K. Pal, Aristotelis Bamias, Emily C. Zabor, Anders J. Skanderup, Helena Furberg, Andre P. Fay, Guillermo de Velasco, Mark A. Preston, Kathryn M. Wilson, Eunyoung Cho, David F. McDermott, Sabina Signoretti, Daniel Y.C. Heng, and Toni K. Choueiri
A propos de Gustave Roussy
Gustave Roussy, premier centre de lutte contre le cancer en Europe, constitue un pôle d’expertise global contre le cancer entièrement dédié aux patients. Il réunit 3 000 professionnels dont les missions sont le soin, la recherche et l’enseignement. – www.gustaveroussy.fr – www.manifeste-innovationcancer.fr