Intervention de Marisol Touraine Réunion de la commission en charge du suivi de l’application de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires
06 Juillet 2016
|Monsieur le président de la Polynésie française, Monsieur Edouard FRITCH, Monsieur le président de l’Assemblée de la Polynésie française, Mesdames et messieurs les parlementaires, Mesdames et messieurs les représentants des ministres, Messieurs les présidents d’associations, Mesdames et messieurs les membres de la Commission, Monsieur le président du comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN), Denis PRIEUR, Mesdames et Messieurs,
C’est la deuxième fois que nous nous réunissons depuis la réforme de la gouvernance du dispositif d’indemnisation des victimes des essais nucléaires. A l’occasion de la première réunion, le 13 octobre dernier, je vous faisais part de mes objectifs pour améliorer le dispositif d’indemnisation. Depuis, mes services ont travaillé en lien étroit avec ceux des ministères de la Défense et de l’Outre-mer.
Depuis cette première rencontre, vous le savez, le Président de la République s’est déplacé en Polynésie française les 28 et 29 février dernier et il y a fait le point sur la situation, 50 ans après les premiers essais nucléaires. Il est revenu sur l’historique des évènements et a exprimé ses orientations pour l’avenir. Il a fait part de sa reconnaissance pour les territoires sans lesquels la France ne se serait pas dotée de l’arme de dissuasion. Il a également reconnu les impacts environnementaux et sanitaires des essais nucléaires mais également les impacts sociaux provoqués lorsqu’ils ont cessé.
Je me suis de mon côté rendue en Algérie, aux côtés du Premier ministre, ce qui m’a permis d’évoquer la situation de cet autre site concerné par les essais nucléaires et le dispositif d’indemnisation de la loi MORIN.
Vous le voyez donc, le Gouvernement est mobilisé, et je veux aujourd’hui vous présenter l’avancée de nos travaux.
Lors de notre dernière réunion, j’avais présenté deux objectifs pour améliorer le taux d’indemnisation des victimes. Depuis, je n’ai pas changé de ligne et nous avançons dans la bonne direction.
Ensemble, nous avions fait le point sur le faible taux d’indemnisation et je partageais alors vos interrogations légitimes.
Le premier objectif était donc d’améliorer le dispositif d’indemnisation actuel.
Pour y parvenir, deux conditions étaient indispensables.
La première condition, c’était le respect de la transparence. Sur un sujet si sensible, j’ai voulu que les critères d’évaluation du risque négligeable et d’indemnisation soient écrits et rendus publics. C’est aujourd’hui chose faite.
Il nous faut aller plus loin pour rendre ces critères plus accessibles. Il s’agit d’un sujet très technique et la méthode est aujourd’hui peu compréhensible pour les victimes. C’est pourquoi mes services et le CIVEN travaillent à une version plus synthétique et plus accessible. Nous vous la soumettons aujourd’hui, vous nous formulerez ainsi vos remarques et vos questions avant qu’un nouveau document soit rendu public.
La deuxième condition pour améliorer le dispositif d’indemnisation, c’était l’exigence du débat. J’avais pris un engagement : celui de pouvoir émettre des recommandations d’évolution si nous l’estimions nécessaire. Je vous présenterai dans quelques instants un projet de décret qui s’inscrit dans la ligne de ce qu’a souhaité le Président de la République. Ici encore, l’enjeu est de tenir compte de vos avis et de vos remarques. Je reviendrai sur ce sujet dans le détail dans un instant.
Le deuxième objectif que j’avais formulé devant vous était de renforcer l’information relative au dispositif d’indemnisation.
En septembre 2015, moins de 1000 demandes d’indemnisations avaient été formulées depuis la mise en place du dispositif. Nous en connaissons les causes : un manque de confiance vis-à-vis d’un dispositif reformé, un manque d’information disponible, aussi, notamment pour les personnes les plus éloignées de l’accès aux droits.
Pour répondre à cette situation, je souhaite que les professionnels de santé en Polynésie française soient mieux informés. Ils devront pouvoir repérer les personnes dont l’état de santé pourrait avoir un lien avec les essais nucléaires et les accompagner. Le directeur général de la santé vous présentera dans quelques instants les démarches engagées en ce sens.
Je veux maintenant revenir plus en détail sur le projet de décret que j’évoquais il y a un instant.
Ce projet de décret que le Gouvernement vous propose permet de préciser la notion de risque négligeable. C’était l’un des engagements déterminants du Président de la République, il est aujourd’hui tenu.
D’abord, ce texte fixe le seuil de probabilité au-delà duquel le risque ne peut être considéré comme négligeable. Actuellement, ce seuil est fixé à 1% par le CIVEN. Avec ce projet de décret, le Gouvernement entend prendre la responsabilité de le ramener à 0,3%. Mais le CIVEN, dont la composition permet une expertise fine au cas par cas, pourra également ajouter d’autres éléments pour favoriser l’indemnisation des victimes, en tenant compte notamment d’un autre critère majeur : celui de l’incertitude liée à la sensibilité de chaque individu aux radiations et à la qualité des relevés dosimétriques.
Ensuite, ce texte prévoit que la présomption ne peut être écartée au titre du « risque négligeable » lorsqu’il n’existe pas de données dosimétriques pouvant être prises en compte et que des mesures de surveillance qui auraient été nécessaires n’ont pas été mises en place.
Ces deux précisions du « risque négligeable » permettront aux victimes qui n’auraient pas pu être indemnisées, du fait de l’appréciation actuelle du risque négligeable, de pouvoir déposer une nouvelle demande. Cela permettra de nouvelles indemnisations, et je l’espère, d’inciter au dépôt de nouveaux dossiers.
En dehors de la question du risque négligeable, ce texte prévoit que les demandeurs puissent s’exprimer au cours de l’examen par le CIVEN de leur demande d’indemnisation. Il s’agit d’un droit déjà prévu par les textes mais la distance entre la Polynésie française et même l’Algérie et la métropole ne permet pas de le rendre effectif. Le déplacement représente en effet un coût important que les victimes ne peuvent supporter. Je demande donc au CIVEN d’organiser des séances en visioconférence. Les moyens nécessaires à une telle organisation seront assurés par l’Etat. Au-delà des démarches administratives et procédurales, les victimes ont le droit d’être écoutées. C’est un droit, un besoin, qui participe par ailleurs à la reconnaissance qui leur est due.
Mesdames et messieurs,
Comme je l’avais déjà dit lors de notre dernière réunion, je sais combien l’indemnisation des victimes des essais nucléaires est un sujet sensible, combien les attentes des victimes et des associations sont fortes et légitimes.
Un chemin a été parcouru depuis notre dernière réunion, nous devons aller plus loin et amplifier nos efforts.
Je souhaite que cette réunion nous permette collectivement d’avancer. L’enjeu est d’améliorer encore le dispositif d’indemnisation et de pouvoir en ce sens publier très rapidement un décret modificatif qui permette à de nouvelles victimes d’être indemnisées.
Je vous remercie.