altLors de sa réunion mensuelle, du 8 au 11 février 2016 à Londres, le Comité pour l’Evaluation des Risques en matière de Pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne des médicaments (EMA) a finalisé la revue des données concernant le risque de leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP) associé à TYSABRI (natalizumab) et a finalisé la réévaluation des médicaments contenant de la fusafungine. Il a également finalisé l’évaluation européenne de l’impact du risque d’acidocétose diabétique concernant les inhibiteurs du co-transporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2).

Finalisation de l’arbitrage concernant le médicament TYSABRI (natalizumab) : revue des données disponibles pour évaluer si les mesures mises en place sur le risque de leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP) do ivent être mises à jour

TYSABRI est autorisé selon une procédure centralisée depuis 2006 et indiqué en monothérapie comme traitement de fond des formes très actives de sclérose en plaques (SEP) rémittente-récurrente.

L’utilisation de TYSABRI est associée à un risque accru de survenue de leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP), infection opportuniste causée par le virus de John Cunningham (virus JC). La présence des facteurs de risque suivants augmente le risque de survenue de LEMP :

  • présence d’anticorps contre le virus JC,
  • durée du traitement, particulièrement au-delà de 2 ans,
  • traitement immunosuppresseur avant un traitement par TYSABRI.

TYSABRI fait déjà l’objet d’un plan de gestion des risques et de mesures de minimisation des risques (résumé des caractéristiques du produit [RCP], guide de prescription, formulaires à l’instauration et pour la poursuite de traitement…), notamment concernant le risque de LEMP. Cependant, les données scientifiques sur le sujet évoluant rapidement, le PRAC a débuté en mai dernier, à l’initiative de la Commission européenne, une revue des données disponibles sur le risque de LEMP afin d’évaluer si celles-ci ont un impact sur le rapport bénéfice/risque de TYSABRI, les recommandations actuellement mentionnées dans le RCP, le plan de gestion des risques (PGR) et/ou les mesures de minimisation des risques.

Le rapporteur et corapporteur pour cet arbitrage sont l’Allemagne et l’Italie.

Au vu des données disponibles, et après consultation d’un groupe d’experts et audition du laboratoire, le PRAC a conclu que les facteurs de risque de LEMP déjà identifiés sont confirmés. Cependant, un autre critère apparaît également important à prendre en compte : l’index reflétant le titre d’anticorps anti VJC. Les données actuelles suggèrent que le risque de LEMP est faible pour les index ≤ 0.9 et augmente de façon importante pour les index > 1.5 chez les patients traités depuis plus de 2 ans. Les patients à risque élevé de LEMP sont ceux :

  • présentant des anticorps anti-VJC, traités par TYSABRI depuis plus de 2 ans et préalablement traités par immunosuppresseurs ou
  • présentant un index élevé d’anticorps, traités depuis plus de 2 ans mais sans avoir reçu de traitement immunosuppresseur préalable

Enfin, les patients avec un index d’anticorps faible et ne présentant pas d’antécédent d’utilisation d’immunosuppresseur, doivent faire l’objet d’une surveillance biologique de l’index tous les 6 mois dès les 2 ans de traitement par TYSABRI atteints.

Considérant que plus précoce est la détection d’une LEMP (y compris à un stade asymptomatique), meilleurs sont sa progression clinique et son pronostic, une surveillance IRM plus fréquente (tous les 3 à 6 mois), en accord avec les recommandations nationales et locales et utilisant des protocoles simplifiés (par exemple en séquence FLAIR) doit être envisagée chez les patients à risque élevé de LEMP.

Le RCP, le PGR ainsi que les documents de minimisation des risques (guide prescription, formulaires…) seront sont mis à jour dans les prochaines semaines pour refléter ces nouvelles informations et recommandations. De même, une lettre aux professionnels de santé concernés sera envoyée dans le prochain mois.

TYSABRI étant autorisé selon une procédure d’enregistrement européenne centralisée, la recommandation sera discutée au CHMP qui adoptera une opinion, qui sera ensuite transmise à la Commission européenne pour décision finale.

Dans l’attente de la finalisation de la procédure, de la mise à jour des documents et de l’envoi de la lettre aux professionnels de santé, l’ANSM indique l’importance de suivre dès à présent les recommandations ci-dessus afin d’identifier au mieux les patients à risque élevé de LEMP et leur proposer la meilleure prise en charge et surveillance possibles.

Finalisation de l’arbitrage européen concernant la réévaluation du rapport bénéfice/risque des médicaments contenant de la fusafungine

La fusafungine est un antibactérien utilisé depuis les années 60 sous forme locale (buccale ou nasale) comme traitement antibactérien et anti-inflammatoire local des pathologies respiratoires hautes. Dans le contexte d’une revue cumulative évaluée par l’Italie, il est apparu que des cas de réactions allergiques et respiratoires ont été rapportés avec ces médicaments. La majorité des cas d’allergie rapporte des réactions bronchospastiques (laryngospasme, dyspnée, asthme, bronchospasme) et des réactions anaphylactiques. Les réactions bronchospastiques ont été rapportées plus fréquemment chez les patients présentant des antécédents allergiques. Par ailleurs, des cas ont été rapportés chez les enfants.

Au vu de ces données, et compte-tenu des incertitudes sur le niveau de démonstration de l’efficacité de la fusafungine et de sa capacité potentielle à induire des résistances antibiotiques, l’Italie a souhaité que le rapport bénéfice/risque des médicaments contenant de la fusafungine soit réévalué dans toutes les indications et toutes les tranches d’âge par le biais d’une procédure européenne d’arbitrage selon un article 31. Les rapporteurs désignés pour cette procédure sont la Hongrie et la République Tchèque.

Les données disponibles confirment le risque de survenue de cas d’allergie potentiellement graves, incluant des cas de réactions anaphylactiques. Par ailleurs, les données montrent une efficacité clinique limitée ou peu démontrée et un bénéfice de la fusafungine très incertain compte-tenu que les pathologies traitées sont le plus souvent bénignes, d’origine virale (un traitement antibiotique étant ainsi inadapté) et spontanément résolutives en quelques jours.

Par conséquent, après consultation d’experts infectiologues ou pédiatriques et une audition du laboratoire, le PRAC a jugé que les données de sécurité confirment le risque de survenue de réactions allergiques potentiellement graves et que les données d’efficacité sont limitées et par conséquent de nature à remettre en cause le rapport bénéfice/risque et la place de la fusafungine dans l’arsenal thérapeutique actuel. Tenant compte de ces éléments et dans l’incertitude concernant la capacité de la fusafungine à induire des résistances antibiotiques, le PRAC a jugé à la majorité que l’AMM des médicaments à base de fusafungine devait être révoquée.

Les médicaments contenant de la fusafungine étant tous autorisés selon une procédure d’enregistrement nationale, la recommandation du PRAC sera discutée par le CMDh (groupe de Coordination des procédures de Reconnaissance Mutuelle et Décentralisée pour les médicaments à usage humain (CMD(h)). En l’absence de consensus au CMD(h) sur cette recommandation du PRAC, la position de la majorité des membres sera transmise à la Commission européenne qui rendra sa décision sur la base de cet avis.

A noter qu’en France une large revue du rapport bénéfice/risque des antibiotiques locaux en ORL a conclu en 2005, dans un contexte de maîtrise de la résistance bactérienne, que le rapport bénéfice/risque de tous ces médicaments était négatif et que leur retrait du marché devait intervenir au plus tard le 30 septembre 2005. Par conséquent, plus aucun médicament ORL à base de fusafungine n’est disponible en France. Cependant, le médicament LOCABIOTAL reste autorisé après avoir changé de formulation (il contient maintenant de la menthe poivrée).

Finalisation de l’évaluation européenne de l’impact du risque d’acidocétose diabétique sur le rapport bénéfice/risque des inhibiteurs du co-transporteur sodium – glucose de type 2 (SGLT2) [canaglifozine, dapaglifozine, empaglifozine, et leur association à la metformine – INVOKANA – FORXIGA – JARDIANCE – VOKANAMET – XIGDUO – SYNJARDY]

Pour mémoire, la canaglifozine, la dapaglifozine et l’empaglifozine sont des inhibiteurs du co-transporteur sodium – glucose de type 2 (SGLT2). Ils sont indiqués par voie orale, seuls ou en association, chez les adultes atteints de diabète de type 2 lorsqu'un régime alimentaire et l'exercice physique seuls ne permettent pas d'obtenir un contrôle glycémique adéquat.  Ces médicaments sont autorisés en Europe depuis 2012.

Le PRAC a débuté en juin 2015, à l’initiative de la Commission européenne, l’évaluation européenne de l’impact du risque d’acidocétose diabétique sur le rapport bénéfice/risque des médicaments contenant un inhibiteur du co-transporteur sodium – glucose de type 2.

Les rapporteurs et co-rapporteur pour cet arbitrage sont respectivement les Pays-Bas et l’Allemagne et la Suède. Les conclusions de cette évaluation ont été présentées lors du PRAC de février 2016.

De rares cas d’acidocétose diabétique, mais dont la gravité a conduit à la mise en jeu du pronostic vital voire au décès, ont été rapportés chez des patients diabétiques de type 2 traités par inhibiteurs du

co-transporteur sodium-glucose de type 2.  Pour certains d’entre eux, le tableau clinique était atypique du fait d’une glycémie modérément augmentée (<14 mmol/l) voire dans un cas une hypoglycémie a été constatée. Cette acidocétose diabétique atypique dans sa présentation peut entraîner un retard au diagnostic et à la prise en charge des patients.

A ce jour, de nombreux cas sont survenus dans les deux premiers mois après instauration du traitement. Cependant, certains cas sont survenus peu après l’arrêt du traitement par inhibiteurs du co-transporteur sodium – glucose de type 2. Dans certains des cas décrits, un facteur déclenchant a pu être identifié dans les jours précédents ou au moment de la survenue de l’acidocétose diabétique : déshydratation, moindre prise alimentaire, perte de poids, infection, intervention chirurgicale, vomissements, diminution de dose d’insuline ou contrôle insuffisant du diabète.

Le mécanisme de survenue de cet effet n’est pas élucidé à ce jour.

En conséquence, le PRAC a conclu qu’il est nécessaire de modifier l’information produit (résumé des caractéristiques du produit et notice destinée au patient) en y ajoutant ces informations et d’alerter les professionnels de santé par une lettre d’information de sécurité.

Les modifications préconisées sont les suivantes :

Le risque d’apparition d’une acidocétose diabétique doit être envisagé lors de la survenue de certains symptômes aspécifiques tels que des nausées, vomissements, douleur abdominale, soif intense, dyspnée, confusion, fatigue inhabituelle, somnolence. Les professionnels de santé doivent informer leur patient et leur conseiller de rechercher immédiatement un avis médical.

Les facteurs prédisposant suivants doivent inciter à la prudence : faible réserve de cellules béta fonctionnelles ; réduction de la prise d’aliments ou déshydratation ; diminution de la prise d’insuline ; augmentation des besoins en insuline pour raison médicale (pathologie sous-jacente) ; intervention chirurgicale ; consommation excessive d’alcool.

Le traitement par inhibiteurs du co-transporteur sodium-glucose de type 2 doit être arrêté dès connaissance ou suspicion de l’acidocétose diabétique.

La reprise du traitement par inhibiteurs du co-transporteur sodium-glucose de type 2 chez un patient ayant déjà eu un épisode d’acidocétose diabétique est déconseillée sauf dans le cas où un autre facteur déclenchant a pu être clairement identifié et corrigé.

Le traitement par inhibiteurs du co-transporteur sodium-glucose de type 2 doit être interrompu chez tout patient hospitalisé en vue d’une intervention chirurgicale ou de la prise en charge d’une pathologie aigüe. Au cours de ces deux situations, la reprise du traitement peut être envisagée après une stabilisation de l’état de santé du patient.

Enfin, des cas ont concerné des patients diabétiques de type 1 alors que cette indication n’est pas autorisée. Il est donc rappelé aux prescripteurs que les inhibiteurs du co-transporteur sodium-glucose de type 2 ne sont pas indiqués chez le patient diabétique de type 1.

 

A ce jour, aucun médicament de cette classe n’est commercialisé en France. Toutefois, si des patients sont traités par ces médicaments (dans les régions frontalières notamment), l’ANSM porte à la connaissance des professionnels de santé et des patients le risque de survenue d’acidocétose diabétique atypique sous traitement par inhibiteurs du co-transporteur sodium-glucose de type 2 et les facteurs de risque de survenue pour une meilleure prise en charge.
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