Conférence nationale de santé : "Droits des usagers, relation partenariale et formation des professionnels de santé" - rapport 2015
11 Février 2016
|Sommaire
Synthèse
Introduction
I. Droits des usagers, relation partenariale et formation des professionnels de santé
Constat
A. Droits des usagers
B. Relation partenariale
C. Formation des professionnels de santé
D. Une préoccupation ancienne de la Conférence nationale de santé et des Conférences régionales de la santé et de l’autonomie
E. Des recommandations à intégrer dans une dynamique collective au service des citoyens
II. Recommandations portant sur la formation des professionnels de santé concernant le respect des droits des usagers et la relation partenariale
A. Recommandations d’ordre politique et stratégique
B. Recommandations d’ordre formatif et pédagogique
C. Recommandations dans le champ de la recherche
Bibliographie
III. Synthèse des rapports 2014 des C.R.S.A. sur le respect des droits des usagers et recommandations de la C.N.S. sur l’observation du droit des usagers
Orientation 1 : promouvoir et faire respecter les droits des usagers
A. La mise en œuvre des droits des usagers
1. Former les professionnels de la santé sur le respect des droits des usagers
2. Rendre effectif le processus d’évaluation du respect des droits des usagers
B. Droit au respect de la dignité de personne
1. Promouvoir la bientraitance
2. Prendre en charge la douleur
3. Encourager les usagers à rédiger des directives anticipées
4. Droit à l’information : permettre l’accès au dossier médical
C. Le respect des droits spécifiques des usagers
1. Assurer la scolarisation des enfants en situation de handicap en milieu ordinaire ou adapté 28
2. Droit des personnes détenues : assurer la confidentialité des données médicales et l’accès des personnes à leur dossier médical
3. Santé mentale : veiller au bon fonctionnement des commissions départementales de soins psychiatriques
Orientation 2 : Renforcer et préserver l’accès à la santé pour tous
A. Assurer l’égal accès aux professionnels de santé et à la prise en charge médicale et médico-sociale
1. Assurer l’accès aux professionnels de santé libéraux
2. Faire diminuer le refus de soins
B. Assurer l’accès aux structures de prévention et réduire les inégalités d’accès à la prévention, aux soins et à la prise en charge médico-sociale
1. Assurer l’accès aux structures de prévention
2. Réduire les inégalités d’accès à la prévention, aux soins et à la prise en charge médico-sociale sur tous les territoires
Orientation 3. Conforter la représentation des usagers du système de santé
Orientation 4. Renforcer la démocratie sanitaire
IV. Contribuer à renforcer la démocratie en santé
Recommandations en lien avec le projet de loi de santé et ses textes d’application
Annexes
Annexe 1 : Charte de la personne dans son parcours personnalisé de santé et des professionnels l’accompagnant
Annexe 2 : Domaines de compétences pour un exercice collaboratif interprofessionnels
Annexe 3 : Domaines de compétences interculturelles
Annexe 4 : Projets labellisés en région et ou lauréats du concours droits des usagers de la santé éd. 2013 et 2014
Remerciements
Cadre réglementaire
Lien vers l’intégralité des rapports 2014 des C.R.S.A. sur le respect des droits des usagers
Synthèse :
 Constat
• les droits des usagers du système de santé recouvrent la protection de la santé, l’équité dans la répartition et l’accessibilité des biens et services de santé, la démocratie en santé et les relations, sur un plan individuel et collectif, entre l’usager et le professionnel de santé ;
• tout au long du parcours de santé et du temps de la prise en charge, la relation entre l’usager et le(s) professionnel(le)s s’inscrit dans un cadre partenarial. L’usager est toujours reconnu comme un sujet de droit ou un citoyen et ne fait l’objet d’aucune discrimination. Il agit selon les mêmes principes à l’égard des professionnels.
La « charte de la personne dans son parcours de santé personnalisé et des professionnels l’accompagnant » adoptée, dans sa version n° 1 en assemblée plénière le 02.07.14, par la C.N.S., s’inscrit dans cette perspective ;
• la formation des professionnels de santé (formation initiale et continue) aux droits des usagers et à leur respect est nécessaire à l’exercice effectif et quotidien de ces droits.
Evolution de la représentation de la relation entre le professionnel de santé et l’usager (Université de Montréal).
Recommandations pour améliorer la formation des professionnels de santé au regard du respect des droits des usagers et de la relation partenariale
• Les recommandations d’ordre politique et stratégique visent à intégrer le respect des droits des usagers dans les parcours de formation des professionnels de santé :
- introduire « les droits des usagers et la relation partenariale » comme un axe structurant et commun aux référentiels et parcours de formation mis en oeuvre au sein des organismes ou instituts de formation, notamment dans le cadre de la formation initiale ;
- intégrer le « respect des droits des usagers » comme un axe de la « responsabilité sociétale des organismes de formation » ;
- articuler explicitement le dispositif de professionnalisation (sous tendu par le cursus de formation) et le contrat social qui existe entre les professionnels de santé et la collectivité ;
- rééquilibrer au sein des cursus et référentiels de formation l’approche curative et l’approche préventive ;
- Promouvoir systématiquement les pratiques de prise en charge et d’accompagnement prenant en compte les données issues de la recherche scientifique ;
- Implication des usagers et des représentants des usagers (RU) dans la formation des professionnels de santé notamment à l’occasion d’enseignements organisés et à travers la participation à la politique de formation.
• Les recommandations d’ordre formatif et pédagogique visent à promouvoir l’acquisition des compétences nécessaires au respect du droit des usagers dans la formation des professionnels :
- favoriser l’acquisition de compétences relationnelles et communicationnelles vis-à-vis des usagers au cours des formations, notamment à travers l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (télémédecine, objets connectés,…) ;
- favoriser la capacité à travailler en équipe, avec les autres professionnels de santé, pairs et surtout professionnels d’autres disciplines (sanitaires et sociales) favorisant la continuité des soins ;
- développer les capacités des professionnels de santé à participer à un processus éducatif en santé qui accroît son autonomie en santé ;
- favoriser dans les cursus de formation la prise en compte et l’analyse des dimensions éthiques des situations de prise en charge. Ils doivent permettre d’aborder les situations de prise en charge à la lumière du respect de la dignité humaine tout autant que celui de la confidentialité et du consentement libre et éclairé ;
- favoriser l’implication et la participation des usagers et des patients dans la formation.
• Les recommandations dans le champ de la recherche visent à impliquer davantage les représentants et associations d’usagers dans les travaux :
- favoriser la recherche sur l’influence des nouveaux outils d’information et de la communication sur les des droits des usagers ;
- favoriser les travaux de recherche collaboratifs à impliquant les associations d’usagers et les représentants des usagers.
[Synthèse des rapports 2014 des C.R.S.A. sur le respect des droits des usagers et recommandations de la CNS sur l’observation du droit des usagers]
Contribuer à renforcer la démocratie en santé
Dans le contexte présent d’adoption de la future loi de modernisation de notre système de santé (P.L.M.S.S.), la C.N.S. tient à reprendre certaines de ses recommandations antérieures qui lui semblent plus particulièrement d’actualité pour contribuer à développer la démocratie en santé :
• introduire l’observation du respect des droits des usagers comme une composante du service public d’information en santé ;
• renforcer la contribution des C.R.S.A. et de la C.N.S. dans l’évaluation du respect des droits des usagers ;
• refondre le circuit des plaintes et réclamations dans le secteur de la santé : diffuser un outil schématique simple pour l’usager tout au long de son parcours de santé ;
• mettre en place une cartographie territorialisée de l’accès aux droits et à la santé, (prévention, aux soins, etc.) ;
• mettre en place un réseau sentinelle associant professionnels et associations de terrain, pour identifier et signaler plus rapidement les situations de personnes rencontrant des difficultés d’accès aux droits et à la santé (notamment, contribution à l’observatoire des refus de soins) ;
• faciliter la remontée d’information en provenance des établissements de santé (sanitaires ou médico-sociaux). L’Agence régionale de santé doit s’assurer que chaque établissement adresse le rapport annuel de la future Commission des usagers - ex. Commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (C.R.U.Q.P.C.)
Introduction :
Le premier rapport de la Conférence nationale de santé sur le respect des droits des usagers de la mandature 2015-2018 (et le 8ème depuis le renouvellement de l’instance en 2006) ne s’intéressera pas qu’aux usagers. Le coeur de sujet sera même les professionnels de santé. Paradoxe ? Non-sens ? En aucune façon. En effet, depuis plusieurs années, la C.N.S. insiste sur le fait que le respect des droits des usagers implique nécessairement une formation adéquate des professionnels de santé sur ce sujet. Plus encore, l’évolution de notre système de santé vers des parcours de santé de qualité ne pourra se faire qu’à la condition que s’établisse une véritable relation partenariale entre l’usager et le(s) professionnel(s)1 l’accompagnant. La C.N.S. est convaincue que relation partenariale et respect des droits de l’usager vont de pair, ne pouvant à aucun moment être dissociés.
Plusieurs raisons motivent le choix du fil conducteur de ce rapport 2015 :
• tout d’abord, la tenue de la Grande conférence de santé (G.C.S.) qui a pour but de réformer de manière sensible la formation des professionnels sous tous ses aspects. En s’emparant des sujets de la formation des professionnels aux droits des usagers et de l’établissement d’une relation partenariale, la C.N.S. souhaite apporter sa contribution aux travaux entrepris par la G.C.S. ;
• par ailleurs, la Ministre des affaires sociales et de la santé, Mme Marisol TOURAINE, a saisi le 20.11.13 la C.N.S. pour l’élaboration d’une charte de la personne dans son parcours personnalisé de santé et des professionnels l’accompagnant. Après de multiples et fructueuses consultations, cette charte est en cours de finalisation et sa version finale sera très bientôt soumise à l’adoption définitive de l’instance. Ce rapport 2015 de la C.N.S. est donc à mettre en résonnance avec l’élaboration de cette charte, qui, elle aussi, vise à établir une relation partenariale entre les usagers et les professionnels –c’est d’ailleurs un de ses 3 grands principes ;
• enfin, il est à noter que la formation des professionnels de santé est une préoccupation ancienne de la C.N.S. En effet, notre instance a formulé dans ses rapports des années 2011 et 2013 des propositions destinées à intégrer la dimension des droits des usagers dans la formation initiale et continue des professionnels. Il s’agissait par exemple de faire intervenir des représentants d’usagers au sein des Unités de formation et de recherche (U.F.R.) de santé afin d’insérer le point de vue du patient dans le cursus de formation. Une autre recommandation était de prévoir systématiquement la réalisation, par les étudiants des métiers ou professions de santé, d’un stage au sein de structures accueillant des populations vulnérables comme les Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (E.H.P.A.D.), les établissements pour personnes en situation de handicap, les structures accueillant des personnes en situation de précarité. Les C.R.S.A. ne furent pas en reste. Plusieurs régions comme l’Auvergne, la Bretagne, les Pays de la Loire, Rhône-Alpes et Poitou-Charentes ont recommandé de faire participer des usagers aux actions de formation des professionnels ainsi qu’à leur conception, soit directement, soit par l’intermédiaire des représentants d’usagers.
1 N.B. : la forme masculine utilisée comme « générique » dans la totalité du texte du rapport désigne aussi bien les femmes que les hommes.
Nombreux sont déjà les professionnels de santé à accorder une grande attention aux droits des usagers et à intégrer l’exercice de ces droits dans leur pratique. Les nouveaux référentiels de formation des métiers et professions de santé abordent souvent le thème des droits des usagers. Les initiatives pédagogiques se multiplient au sein des instituts ou organismes de formation. Ces évolutions favorables et positives restent toutefois hétérogènes, souvent dispersées.
Aussi, les recommandations du présent rapport visent-elles à aider à la généralisation et à l’optimisation de ces pratiques dans une approche globale, cohérente et renforcée au sein de l’ensemble du système de formation des professionnels de santé.
Mais l’ambition de ce rapport ne s’arrête pas là. Car au-delà de la conception individuelle du parcours de santé, doit se développer l’idée que les professionnels de santé – tout autant que les usagers – portent une responsabilité collective vis-à-vis de la société et de notre système de santé solidaire. Si cette notion de contrat entre les professionnels et la société est très présente dans le monde anglo-saxon, elle demeure relativement peu explicite et partagée en France (même si les évènements dramatiques survenus le 13 novembre ont montré par leur mobilisation combien les professionnels de santé se sentent engagés vis-à-vis de la société). Le rapport de la C.N.S. a donc pour objectif d’engager une réflexion sur la nature de ce contrat et les formes, implicites ou explicites, qu’il pourrait prendre.
Plus qu’une série de recommandations, ce rapport est un plaidoyer pour l’établissement ou, tout du moins, la généralisation d’une véritable relation partenariale, tant à niveau individuel que collectif. Pour que l’usager et le professionnel de santé dialoguent, se trouvent en situation de compréhension réciproque, se reconnaissent des droits, en somme, co-construisent une santé individuelle et collective dans le respect du rôle de chacun.
Emmanuel RUSCH Président de la Commission spécialisée « droits des usagers » - Bernadette DEVICTOR Présidente de la C.N.S.