11 Février 2016
|Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président du Conseil économique social et environnemental (CESE),
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les représentants des professionnels de santé,
Mesdames et Messieurs les représentants des patients,
Mesdames et Messieurs les représentants des associations,
Mesdames et Messieurs les Directeurs et directeurs généraux,
Mesdames, Messieurs,
Si un mot, un seul mot, peut illustrer notre système de santé, c’est bien « l’excellence ». Cette excellence est évidemment thérapeutique, technologique, organisationnelle. Mais elle est aussi et avant tout humaine. Elle réside dans la magnifique relation qu’entretiennent les professionnels de santé avec leurs patients, dans leur capacité à entendre et à comprendre des inquiétudes, des attentes, des souffrances. L’excellence humaine, c’est aussi le caractère exceptionnel au quotidien de ces femmes, de ces hommes, qui ont choisi de consacrer leur vie à sauver celles des autres. L’engagement des professionnels de santé mobilisés dans la suite des attentats de janvier et novembre 2015 a été unanimement et mondialement salué. Mais derrière cela c’est bien l’héroïsme du quotidien qui a été reconnu. Parce que pour être exceptionnel dans des circonstances exceptionnelles, il faut être exceptionnel au quotidien.
Cette excellence, cette relation humaine, elles se déclinent en confiance. Dans toutes les enquêtes d’opinion, les Français disent leurs attentes à l’égard de notre système de santé, leur volonté qu’il demeure animé des valeurs de solidarité et d’accessibilité qui en font le rayonnement. Mais ils expriment massivement leur confiance dans l’excellence, le professionnalisme, l’engagement, de celles et ceux qui le font vivre. Depuis quelques années, ce sont les professionnels eux-mêmes qui expriment des craintes, des inquiétudes, sur l’avenir de leur métier. Elles sont évidemment légitimes. La société évolue, et avec elle la place et le rôle des médecins. Le rôle des pouvoirs publics, ma mission de Ministre de la Santé, c’est d’entendre ces doutes et de faire évoluer les conditions d’exercice et la formation des professionnels de santé pour y répondre.
C’est le sens de cette Grande conférence de la Santé : entendre les attentes, et y répondre, en s’appuyant sur l’engagement et les initiatives de chacun pour avancer ensemble.
I- Les défis auxquels fait face notre système de santé sont considérables.
Il est aujourd’hui à un tournant de son histoire, confronté à de multiples mutations.
Une mutation démographique, d’abord, avec le vieillissement de la population. Ce bouleversement accentue la prévalence des maladies chroniques, première cause de mortalité dans notre pays, également liées à notre environnement, à nos modes de vie, et aux progrès médicaux. L’accroissement des maladies neuro-dégénératives et l’augmentation du nombre de personnes dépendantes imposent aussi de parvenir à une plus grande coopération entre professionnels pour prendre en charge des pathologies complexes.
Cette mutation, elle est ensuite organisationnelle, accélérée par une pression économique et budgétaire réelle. Contrôler l’augmentation de nos dépenses de santé est une nécessité, mais elle doit être saisie comme l’opportunité d’une réflexion sur la manière de faire évoluer notre système de santé pour plus d’efficacité.
Cette mutation, c’est aussi celle qui découle de l’accélération croissante des progrès scientifiques et technologiques. Les innovations dans tous les domaines, la révolution du numérique, transforment profondément les pratiques médicales et l’organisation des soins. Elles nous promettent une médecine personnalisée, une médecine à distance, une médecine s’appuyant sur l’interaction d’une multitude de professionnels et de compétences. Les professionnels eux-mêmes sont directement concernés, parce que tout le paysage sanitaire est amené à changer. Le renforcement de l’offre de soins extrahospitalière, un hôpital davantage tourné vers la ville, ce sont des missions nouvelles pour le premier recours.
Cette mutation, elle est liée enfin aux nouveaux comportements et aux nouvelles exigences d’information, de participation, de partage, que nos concitoyens portent à l’égard de leurs professionnels de santé.
Toutes ces mutations peuvent provoquer des inquiétudes, des craintes parfois, chez les professionnels. Elles portent en tout cas des attentes. Elles imposent de faire bouger les textes et les règles pour adapter notre système de santé à ces grandes évolutions. C’est le sens de la loi de modernisation de notre système de santé. En faisant de la prévention un pilier de notre politique de santé. En mettant en place de nouvelles organisations dans chacun de nos territoires, de nouvelles coopérations entre les libéraux et l’hôpital, et entre les établissements hospitaliers. En imposant aussi de mieux reconnaître les aspirations des patients à être davantage impliqués.
Mais ces bouleversements nous imposent aussi de réfléchir à l’évolution des formations et des conditions d’exercice. Bref, de penser les métiers de la santé de demain.
II- C’est cette ambition qui a conduit le Premier ministre à proposer cette Grande conférence de la santé.
Chacun est et sera concerné par ces bouleversements, le dialogue et la confrontation des points de vue étaient donc nécessaires. La transformation des conditions de formation et d’exercice ne peut se dessiner verticalement, elle doit être nourrie par l’expérience du terrain. Cette conférence, c’est votre conférence.
Les travaux ont été intenses, plus de 300 personnes y ont participé. Loin de la vision désenchantée entretenue par certains, c'est la vitalité et l’optimisme qui s’y sont exprimés.
Je veux rendre hommage aux animateurs de cette conférence, Anne-Marie BROCAS et Lionel COLLET, et aux membres du comité de pilotage, qui m'ont dit avoir été frappés – conquis, même - par l'enthousiasme des participants, qui se retrouve dans la richesse des 90 contributions institutionnelles déposées.
III- Les travaux issus de cette Grande conférence de la santé vont donner de nouvelles perspectives aux professionnels de santé et compléter les politiques engagées depuis 2012.
Il faut innover dans la formation d’abord. J’ai voulu que le numerus clausus soit fixé à partir de la densité des médecins, au plus près des territoires. Nous avons ciblé les 10 régions dont la densité médicale est la plus faible et déterminé, avec les doyens et les étudiants, une augmentation ciblée des formations répondant aux besoins et aux capacités. Il faut aller plus loin. Cette Grande conférence doit nous permettre de progresser vers une adaptation plus réaliste et plus pragmatique du numerus clausus.
Innover pour mieux former, c’est entendre les étudiants des formations paramédicales dire, comme beaucoup de représentants professionnels, leur envie de l'Université. Avec Thierry MANDON, nous voulons répondre à cette demande de conjuguer proximité et qualité des lieux de formation, de se professionnaliser tout en échangeant avec les étudiants d’autres spécialités pour se préparer à un exercice collectif. Les étudiants paramédicaux veulent des filières complètes de formation et de recherche, comme chez la plupart de nos voisins. Là aussi, cette journée doit nous permettre d’avancer.
Innover pour mieux former, enfin, c’est permettre aux étudiants ou aux médecins d’accéder à des stages extrahospitaliers. Création d’un forfait de transport, d’une indemnité pour les internes de médecine générale effectuant un stage de mise en autonomie supervisée, harmonisation des stages hospitaliers pour les externes, clarification du temps de travail des internes en sanctuarisant leur temps de formation universitaire : nous avons agi pour la qualité de la formation. Je souhaite que nous allions encore plus loin dans l’amélioration du caractère professionnalisant de la formation qui est, pour l’étudiant, le déterminant principal du choix de sa future spécialité et de son mode d’exercice.
Et nous devrons aussi revoir l’encadrement. Vous savez mon attachement à la filière universitaire de médecine générale, qui m’a amenée à sanctuariser, au sein du DPC, la formation des maîtres de stage, en la maintenant hors quota. L’enjeu, c’est de faire en sorte que les médecins n’aient pas à choisir entre se former à encadrer leurs jeunes confrères et s’engager dans d’autres formations. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a intégré le financement de 40 nouveaux postes de chefs de clinique. Il nous faut poursuivre, et je souhaite que les débats d’aujourd’hui nous permettent là aussi d’avancer pour pleinement valoriser la filière universitaire de médecine générale.
Nous voulons mieux former, mais aussi améliorer les conditions d’exercice des professionnels. C’est l’un des axes majeurs de cette Grande conférence. Le Pacte Territoire-Santé que j’ai présenté dès 2012 et qui s’est enrichi fin 2015, a engagé des mesures importantes pour inciter les jeunes professionnels à exercer dans les territoires sous-dotés. Nos discussions aujourd’hui doivent permettre d’amplifier cette dynamique et d’innover pour améliorer les conditions d’exercice sur l’ensemble du territoire. Je pense en particulier à la protection sociale des médecins.
Médecins, paramédicaux, salariés, libéraux, hospitaliers, nombreux sont ceux qui me le disent : vous voulez rompre avec la seule perspective de carrières linéaires. C’est en ce sens que nous avons reconnu les missions d’enseignement et de recherche des praticiens hospitaliers dans le plan pour l’attractivité de l’exercice médical à l’hôpital. Les nombreuses contributions élaborées dans le cadre de cette Grande conférence montrent la richesse des idées en la matière.
Elles seront au coeur de vos débats aujourd’hui et alimenteront la feuille de route que le Premier ministre dessinera en fin de journée.
Mesdames, Messieurs,
Les travaux préparatoires de cette Grande conférence de la santé ont été riches, chacun a pu faire valoir ses opinions, ses attentes, ses espoirs. Les différentes tables rondes de cette journée permettront de restituer ces travaux et de les formaliser grâce à vos échanges. Ils donneront lieu à une feuille de route qui vous sera présentée tout à l’heure par le Premier ministre et qui nous permettra de suivre, ensemble, la bonne application des décisions prises.
Je souhaite que la dynamique engagée se poursuive dans les mois à venir, pour que nos décisions se mettent très rapidement et très concrètement en oeuvre. Pour que le système de santé de demain, que nous dessinons ensemble, garantisse à nos concitoyens l’excellence médicale qui fait la fierté et le rayonnement de notre pays.
Je vous remercie.
Seul le prononcé fait foi