altMesdames, Messieurs,

Le 10 janvier dernier et dans les jours qui ont suivi, un accident s’est produit dans le cadre d’un essai clinique de Phase 1 réalisé dans et par la société Biotrial à Rennes. Cet évènement, dont je redis qu’il a été d’une exceptionnelle gravité, sans précédent dans notre pays, a entraîné le décès d’un homme, et l’hospitalisation de cinq autres volontaires.

Dès que j’ai eu connaissance de cet accident, je me suis rendue sur place pour rencontrer les victimes et leurs familles, et leur témoigner du soutien total des pouvoirs publics face à cette situation dramatique. J’ai immédiatement saisi l’inspection générale des affaires sociales (IGAS). Je m’étais engagée à la transparence la plus totale. Une première note d’étape vient de m’être remise, j’ai donc tenu à vous présenter un premier point de situation.

I- Je veux d’abord revenir sur l’état de santé des volontaires hospitalisés à la suite de cet essai clinique.

6 volontaires ont été hospitalisés entre le 10 et le 14 janvier. L’un d’entre eux est décédé. Mes pensées sont évidemment tournées vers sa famille et ses proches.

L’état de santé des cinq autres volontaires qui avaient été hospitalisés, continue de s’améliorer. Ils ont tous pu rentrer chez eux. Ils bénéficieront d’une réévaluation complète de leur état de santé à la fin du mois de février, par le service de neurologie du CHU de Rennes. A ce stade, les médecins estiment prématuré de se prononcer quant à leur guérison définitive.

S’agissant des 90 personnes qui ont participé à cette étude depuis son lancement, toutes ont été contactées. 75 d’entre elles ont été vues en consultation médicale et ont eu une IRM. Les examens se poursuivent pour les autres, mais à ce stade, les anomalies cliniques et radiologiques présentes chez les patients hospitalisés n’ont été retrouvées chez aucun autre volontaire.

II- J’en viens maintenant à la mission de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), qui vient de me remettre une note d’étape.

Cette note d’étape ne permet pas d’identifier les causes directes de l’accident. Les analyses, notamment pharmacologiques, se poursuivent. Les travaux de l’IGAS donneront lieu à un rapport définitif qui me sera remis avant la fin du mois de mars.

Ce pré-rapport traite trois principaux sujets : l’autorisation de lieu donnée au laboratoire BIOTRIAL pour conduire des essais cliniques, les conditions d’autorisation de l’essai qui a conduit à l’accident, et enfin la conduite pratique de cet essai.

L’IGAS constate d’abord que l’Agence régionale de santé de Bretagne avait bien accordé à la société BIOTRIAL une autorisation de lieu répondant aux exigences requises.

La note d’étape relève ensuite que les conditions dans lesquelles l’essai a été autorisé ne contreviennent pas à la réglementation dans son état actuel mais formule trois remarques.

La première porte sur la nature des informations à fournir à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dans le cadre du dossier pré-clinique. La mission constate que la réglementation actuelle ne prévoit pas que l’ensemble des informations disponibles soit transmises. Il y a donc ici, selon l’Inspection, une piste d’amélioration sur la transparence des données disponibles préalablement à l’autorisation d’un essai sur l’homme.

Deuxième remarque, s’agissant du protocole : la mission ne remet pas en cause sa conformité globale à la réglementation et aux recommandations actuelles. Elle souligne toutefois que certaines de ses dispositions manquent de précision.

Enfin, la troisième remarque porte sur les échanges entre le Comité de protection des personnes (CPP) et le laboratoire. L’Inspection constate que les analyses du CPP ont permis d’améliorer le protocole. Toutefois, elle considère que la clarification des critères d’éligibilité des volontaires sains dans l’essai aurait pu être plus approfondie, notamment s’agissant des habitudes de consommation de substances psychoactives. La mission poursuivra ses investigations concernant les deux remarques qu’elle a formulées.

Je le répète, donc : l’IGAS fait des remarques sur les conditions dans lesquelles l’essai a été autorisé mais conclue que la réglementation actuelle est respectée.

En revanche, s’agissant de la conduite de l’étude et la gestion de la crise, les inspecteurs ont relevé trois manquements majeurs de la part du laboratoire BIOTRIAL.
- D’abord, la mission constate que le laboratoire ne s’est pas suffisamment tenu informé de l’état de santé du premier volontaire hospitalisé. Elle remarque par ailleurs l’absence de procédures internes dans la gestion d’une telle situation. Elle confirme que le lundi 11 janvier, le laboratoire a procédé à une nouvelle administration de la molécule chez les autres volontaires. Elle conclue donc que le laboratoire ne s’est pas donné les moyens qui lui auraient permis de décider de la poursuite ou non de l’essai clinique. Celui-ci n’a été interrompu que le lundi après-midi.
- Un second manquement majeur découle directement du premier, les inspecteurs ayant constaté que le laboratoire n’a pas formellement informé les autres volontaires de l’évènement survenu la veille. Cela ne leur a pas permis de confirmer de manière éclairée leur consentement à la poursuite de l’essai clinique.
- Le troisième manquement majeur relevé par les inspecteurs concerne le signalement de cet accident. Selon les inspecteurs, la gravité de l’évènement survenu constitue un fait nouveau susceptible de compromettre la sécurité des volontaires. Par conséquent, cet accident aurait dû être déclaré sans délai à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Or, le laboratoire n’a procédé à une déclaration formelle que le jeudi 14 janvier, soit quatre jours après l’hospitalisation du premier volontaire, et trois jours après la décision d’interrompre l’essai.

Ces manquements étant constatés, l’inspection ne considère cependant pas qu’ils justifient la suspension, à titre conservatoire, de l’autorisation de conduire des essais accordée au laboratoire BIOTRIAL.

La mission confiée à l’IGAS et qui a donné lieu à cette première note d’étape poursuit ses travaux, notamment pour comprendre les mécanismes qui ont entrainé l’accident et qui demeurent aujourd’hui inconnus.

Je rappelle par ailleurs que d’autres investigations sont en cours : par le pôle de Santé publique du parquet de Paris et par l’ANSM.

III- Les investigations vont donc se poursuivre. Sans attendre leurs conclusions définitives, je veux mettre en avant trois points.

J’adresserai dans les prochains jours une instruction aux Directeurs généraux des Agences régionales de Santé. Ils devront rappeler, à tous les responsables de lieux d’essais cliniques de phase I, leurs obligations en matière de déclaration aux autorités sanitaires des évènements indésirables graves inattendus et des faits nouveaux survenus.

Par ailleurs, je demande solennellement à tous les promoteurs d’essais cliniques et investigateurs, que tout évènement entraînant, dans le cadre d’un essai sur volontaire sain, l’hospitalisation de celui-ci, soit qualifié de « fait nouveau » et fasse l’objet d’une déclaration sans délai aux autorités sanitaires. Cette qualification doit conduire à la suspension immédiate de l’étude jusqu’à ce que soit garantie la sécurité des volontaires. Ces mêmes volontaires doivent être clairement informés de la suspension de l’étude et des raisons de cette suspension. Je demande enfin que soit obtenu leur consentement éclairé et écrit avant toute reprise de l’étude. J’ai fait part aujourd’hui même de ces mesures à Vytenis ANDRYUKATIS, Commissaire européen en charge de la santé, et responsable à ce titre de la réforme du règlement européen sur les essais cliniques. De même, je lui adresserai ainsi qu’à mes homologues européens un courrier dans le même sens dans les tous prochains jours.

Enfin, je vais proposer à la Commission européenne la mise en place urgente d’un comité d’experts internationaux pour renforcer la protection des volontaires sains dans les essais cliniques.

Mesdames, Messieurs,
Voilà les premières informations et recommandations que je suis en mesure de vous annoncer aujourd’hui.

L’exigence de transparence que j’ai formulée et qui conduit à ce premier point d’étape continuera d’être respectée. A ce titre, avant la fin de l’après-midi la note d’étape de l’IGAS sera en ligne dans son intégralité. Car la transparence est une condition essentielle pour la confiance des Français dans notre système de santé.

Je vous remercie.

Seul le prononcé fait foi

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