Organisation du retour d’expérience (RETEX) sur les attentats du 13 novembre 2015 Intervention de Marisol Touraine
20 Janvier 2016
|Mercredi 20 janvier 2016
Madame et Monsieur les représentants des victimes, Chère Madame RUDETZKI, Cher Monsieur SALINES,
Mesdames et messieurs les directeurs et leurs représentants,
Mesdames et messieurs les professionnels de santé,
C’est la raison pour laquelle je tiens avant toute chose, au nom du Gouvernement, à vous remercier une nouvelle fois toutes et tous pour votre engagement. Professionnels de santé, sociétés savantes, SAMU de Paris, sapeurs-pompiers, service de santé des armées… La mobilisation n’a connu aucune faille, aucun relâchement. Je pense aussi, bien sûr, aux services du Ministère de la Santé et aux opérateurs qui y sont rattachés, notamment l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) et l’Etablissement Français du Sang (EFS), aux services dépendant d’autres ministères et de la Ville de Paris.
Plus de 40 établissements de l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (APHP), d’Ile-de-France, ainsi que les hôpitaux d’instruction des armées, ont su mobiliser leurs équipes en quelques heures à peine. Les plans blancs ont immédiatement été activés, entrainant la mobilisation d’effectifs supplémentaires, l’ouverture de blocs opératoires et de lits supplémentaires.
Ces mesures d’urgence n’auraient pu fonctionner sans une mobilisation collective. Plus de 600 personnes ont pu être prises en charge. 400 victimes ont été hospitalisées, dont près d’une soixantaine en services de réanimation. Les cellules d’urgence médico-psychologiques ont permis à 300 professionnels de toute la France d’accompagner plus de 5 000 personnes dans les semaines qui ont suivi les attentats.
Très rapidement après les attentats, j’ai demandé au Directeur général de la Santé de travailler avec vous à la tenue d’un retour d’expérience nous permettant d’évaluer la gestion des évènements. Parce qu’il est toujours utile, toujours nécessaire, de réunir l’ensemble des acteurs mobilisés. L’enjeu, c’est d’anticiper, c’est de dessiner ensemble les actions de demain. Les menaces évoluent, notre réponse sanitaire doit évoluer aussi. Aucune brèche, aucune faille, ne doit être laissée à la barbarie.
Votre travail est essentiel. Vous avez su le conduire très rapidement après le choc, et dans un moment où notre pays entrait dans la période des fêtes, où chacun – et cette année plus que les autres – aspire avant tout à retrouver ses proches. Les réflexions que vous avez menées me permettent aujourd’hui de partager avec vous une feuille de route visant à renforcer notre réponse sanitaire aux attentats. Trois axes sont prioritaires.
I- D’abord, nous devons être en capacité de faire face aux nouvelles menaces sur l’ensemble du territoire.
La nuit du 13 novembre, c’est à une forme de terrorisme nouvelle que notre pays a fait face. Plusieurs attaques simultanées, sur plusieurs lieux, avec l’objectif de faire un maximum de victimes en pariant sur la désorganisation des services d’urgence.
Sur ce point là, les terroristes ont échoué. Notre réponse sanitaire s’est déployée immédiatement sur les lieux de chacune des attaques. L’exercice qui avait été organisé le matin même a très certainement contribué à la qualité de cette réponse. Mais il nous faut aujourd’hui garantir qu’une telle réaction pourra avoir lieu en tout point du territoire national.
D’abord, il nous faut renforcer la préparation globale du système de santé aux menaces terroristes et tout particulièrement aux attentats collectifs utilisant des armes de guerre. L’ensemble des hôpitaux devront actualiser leur dispositif « plan blanc » en anticipant l’accueil massif de blessés par armes de guerre. Il s’agit ici d’intégrer le principe du « damage control » : tri hospitalier, identification des victimes et organisation de la prise en charge médicale urgente.
Pour y parvenir, j’ai saisi le Centre National de l’Urgence Hospitalière et le Service de Santé des Armées pour qu’ils élaborent un dispositif de formation spécifique des professionnels de santé.
Il nous faudra également, dans chaque région, identifier le niveau à partir duquel les capacités en transports sanitaires, plateaux techniques et personnels médico-chirurgicaux, sont susceptibles d’être dépassées. Les capacités de prise en charge pédiatriques et d’accueil dans les blocs opératoires devront particulièrement être évaluées, en tout point du territoire.
Enfin, la mobilisation de l’ensemble des Agences régionales de santé (ARS) est impérative. Je souhaite que soit confortée la formation des ARS à la préparation et à la gestion de crise et formaliser l’appui en situation de crise. J’adresserai prochainement une instruction en ce sens aux Directeurs généraux d’ARS. Je compte sur tous les directeurs pour veiller à sa mise en oeuvre.
II- Deuxième axe de cette feuille de route : renforcer l’accompagnement et le soutien de l’Etat aux victimes et à leur famille.
Les professionnels de santé mobilisés dans la suite des attentats me l’ont dit : ils ont parfois été démunis face à des familles inquiètes, désespérées, traumatisées, cherchant à obtenir des réponses. Comment ne pas le comprendre ? Même si l’enregistrement des victimes a été assez remarquable compte tenu du caractère inédit de cette tragédie, nous devons mieux identifier les données utiles. L’identification est une étape essentielle, parce que la souffrance des familles liée à l’incertitude et à l’attente est insupportable.
L’identification des victimes prises en charge dans chaque établissement de santé doit être la plus rapide possible, en respectant évidemment la sécurité de l’information. Chaque directeur doit avoir pour préoccupation immédiate, outre les soins, d’établir et d’actualiser la liste des victimes qu’il prend en charge et de la transmettre aux autorités sanitaires. Pour avancer dans cette voie, un système d’information unique et commun permettant le suivi des victimes dans les établissements de santé sera mis en place.
L’identification rapide et actualisée est une exigence vis-à-vis des familles, mais elle est aussi une nécessité pour notre système d’urgence sanitaire. Les secours doivent être en mesure d’identifier les victimes dès leur prise en charge sur le site d’un attentat, en renseignant un maximum d’informations sur leur état, informations qui seront immédiatement partagées et actualisées par les services de secours hospitalier, de la sécurité civile avec les établissements de santé et les autorités sanitaires. Les nouvelles technologies vont nous permettre d’adopter rapidement un tel système. Nous y travaillons d’ores et déjà avec le Ministère de l’Intérieur.
Accompagnement des victimes et de leurs familles, toujours, avec la prise en charge médico-psychologique, qui doit être renforcée dans la durée tout au long du parcours de soins. L’expérience du service de santé des armées, qui vous sera présentée cet après-midi, est riche d’enseignements.
Des travaux se sont tenus début janvier sur ce sujet, ils ont associé l’ensemble des acteurs de l’urgence médico-psychologique. A partir de leurs conclusions, je souhaite que nous avancions dans 3 directions :
• D’abord, actualiser le cadre réglementaire de l’urgence médico-psychologique notamment sur le plan de la gouvernance et de l’organisation du réseau. L’objectif est ici de mieux coordonner les acteurs aux différents échelons territoriaux ;
• Ensuite, développer des outils nationaux communs de prise en charge des personnes impliquées ;
• Enfin, renforcer la prise en charge médico-psychologique des professionnels de santé et des personnels des CUMP. Ils sont eux-aussi confrontés à des situations traumatisantes et beaucoup m’ont dit avoir ressenti le besoin d’un suivi particulier.
III. Le troisième axe de cette feuille de route, c’est la poursuite et l’amplification des exercices préparatoires.
Je l’ai dit : nous devons anticiper pour être en mesure de répondre à des attaques en tout point du territoire.
Sans attendre, un exercice santé sera organisé dès le mois de février pour tester la chaîne de commandement et le caractère opérationnel des plans blancs.
Ensuite, j’ai demandé à ce que des exercices régionaux soient organisés très rapidement. Ils se tiendront entre le mois de mars et le mois de mai et devront associer les ARS et les acteurs de santé régionaux. Ceux-ci seront thématisés pour pouvoir travailler sur toutes les cibles possibles d’attaques terroristes (attaque chimique, attaque dans un train, etc…).
Par ailleurs, un exercice commun avec tous les ministères concernés est par ailleurs d’ores et déjà programmé à la demande du Premier ministre, le 17 mars prochain à Nîmes.
Enfin, un exercice national « santé » de grande ampleur sera organisé d’ici le mois de mai prochain. Il permettra de tester l’organisation et la coordination nationale du système de santé dans le cadre d’un attentat qui surviendrait en un point du territoire, et d’une ampleur telle qu’il mobiliserait plusieurs établissements de santé des régions limitrophes et de zones de défense différentes. Une composante pédiatrique sera intégrée au scénario de cet exercice, qui s’articulera avec la préparation de l’Euro 2016.
Je serai évidemment très attentive aux retours d’expérience de ces exercices, et vigilante à ce que toutes les améliorations nécessaires pour garantir la prise en charge de nos concitoyens soient mises en oeuvre.
Mesdames, Messieurs,
Je tiens à vous remercier une nouvelle fois pour le travail, l’engagement, la mobilisation, que vous avez montrés lors des attentats du 13 novembre.
La sécurité est une condition de l’égalité. Nos concitoyens, où qu’ils vivent, doivent savoir qu’ils pourront, en cas d’attentat, bénéficier de la prise en charge d’excellence qui s’est déployée à Paris dans la nuit du 13 novembre. Vous pouvez compter sur ma détermination, comme je sais pouvoir compter sur la vôtre, pour avancer dans cette voie.
Je vous remercie.
Seul le prononcé fait foi