18 Janvier 2016
|Monsieur le président de la Société de réanimation de langue française,
Monsieur le président de la Société française de médecine d’urgence,
Monsieur le président de la Société française d’anesthésie réanimation,
Monsieur le directeur du SAMU de Paris,
Monsieur le directeur général de la Santé,
Mesdames et messieurs,
La France aborde cette nouvelle année, encore marquée par la barbarie terroriste qui a frappé en janvier et en novembre derniers. L’année 2015 a été particulièrement éprouvante pour les Français, et pour les professionnels de santé mobilisés dès les premiers instants qui ont suivi les attentats. Cette mobilisation, j’ai pu la mesurer dans la nuit du 13 novembre dernier encore. Au moment où le pays tout entier retenait son souffle et où le temps paraissait suspendu, vous avez su faire preuve d’un professionnalisme sans faille, d’une réactivité exemplaire pour porter assistance aux blessés, vous avez tout bravé : la peur, l’effroi, la colère aussi, face à l’injustice de voir notre jeunesse frappée au coeur.
C’est la raison pour laquelle je tenais à être parmi vous aujourd’hui. Pour vous adresser une nouvelle fois mes remerciements, pour vous dire ma gratitude, celle de l’ensemble du Gouvernement, celle de tous les Français. Je souhaitais aussi vous dire mon attachement au développement d’échanges structurés entre les pouvoirs publics et les sociétés savantes, entre les pouvoirs publics et les conseils nationaux professionnels de spécialité, avec la société de réanimation de langue française, avec la société française de médecine d’urgence et la société française d’anesthésie réanimation. Il y a là une façon de travailler ensemble à l’amélioration permanente de la qualité et de la sécurité de notre système de santé.
I. Notre système de santé, en alerte continue, a su réagir dès les instants qui ont suivi les attaques.
Dès la réception de l’alerte, j’ai activé le centre de crise sanitaire du ministère de la Santé. Les services d’aide médicale d’urgence (SAMU), les services mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR) et les unités mobiles hospitalières, en lien avec les services de secours de la sécurité civile, sont immédiatement intervenus sur place. Grâce à la régulation opérée par le SAMU de Paris, les victimes ont pu être rapidement orientées vers les différents hôpitaux franciliens selon leurs capacités d’accueil.
En quelques heures à peine, plus de 40 établissements de l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (APHP), ainsi que d’autres hôpitaux franciliens et les hôpitaux d’instruction des armées, ont mobilisé leurs équipes pour prendre en charge l’ensemble des victimes et anticiper de potentielles nouvelles attaques. Les plans blancs ont immédiatement été activés, entrainant la mobilisation d’effectifs supplémentaires, l’ouverture de blocs opératoires et de lits supplémentaires.
Grâce à l’ensemble de ces mesures, la prise en charge des blessés a été d’une très grande efficacité. Sur le terrain, la mobilisation et la réactivité des professionnels de santé des urgences, des services de réanimation et des blocs opératoires ont été irréprochables. Et unanimement saluées, par les victimes elles-mêmes.
Plus de 400 victimes ont été hospitalisées, dont près d’une cinquantaine en services de réanimation. 51 personnes sont encore hospitalisées aujourd’hui, 25 d’entre elles sont suivies dans des services de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR) et 3 d’entre elles sont toujours hospitalisées en réanimation.
Pour garantir une prise en charge optimale des victimes sur le long terme, j’ai décidé dès le mois de novembre dernier d’anticiper les dispositions qui étaient prévues dans la loi de financement pour la sécurité sociale (LFSS) pour 2016 concernant la gratuité des soins pour les victimes d’actes terroristes. Jusqu’à présent, les victimes d’actes terroristes devaient s’adresser à la Caisse nationale militaire de Sécurité sociale et ne bénéficiaient de la gratuité des soins qu’après l’ouverture du droit à une pension d’invalidité. Désormais, les victimes sont exonérées de toute participation financière en s’adressant directement à leur caisse d’assurance maladie habituelle.
II. Il a fallu aussi prendre en charge celles et ceux qui, tout en ayant échappé aux balles, ont été blessés par ce qu’ils ont vécu, vu, entendu.
Les cellules d’urgence médico-psychologiques (CUMP), associant des personnels et des professionnels spécialistes ou compétents en santé mentale (psychiatres, psychologues, infirmiers) ont immédiatement été mises en place pour apporter un soutien d’urgence aux victimes et à leurs familles.
Au total, ce sont 300 professionnels de toute la France qui ont accompagné plus de 5 000 personnes dans les semaines qui ont suivi les attentats, dans les hôpitaux, mais aussi dans des lieux dédiés, comme à l’Ecole militaire, à l’institut médico-légal ou encore dans les mairies des 10ème et 11ème arrondissements de Paris.
Je veux ici aborder un point essentiel : chaque personne qui en ressent le besoin doit pouvoir bénéficier d’un soutien, les professionnels de santé aussi. Au cours de mes visites dans les hôpitaux, j’ai entendu de nombreux témoignages. Impliqués en première ligne, vous avez subi de plein fouet la souffrance et le désarroi des victimes. Personne n’est préparé, en France, à intervenir sur des scènes de guerre.
III. Nous sommes encore, toutes et tous, profondément marqués par ces évènements tragiques. Mais nous devons dès à présent nous appuyer sur cette expérience pour renforcer, encore, notre réponse sanitaire en cas d’urgence ou d’attentat.
C’est la raison pour laquelle j’ai demandé au directeur général de la Santé de travailler avec l’ensemble des acteurs mobilisés. L’objectif, c’est d’établir un retour d’expérience global sur l’intervention du système de santé lors des attentats. Ce travail a associé les sociétés savantes, le SAMU de Paris, la brigade de sapeurs-pompiers, le service de santé des armées, les services de mon ministère et les opérateurs qui y sont rattachés, notamment l’EPRUS. Les conclusions me seront remises le 20 janvier prochain. Je souhaite d’ores et déjà que nous avancions dans 4 directions.
D’abord, j’ai demandé une analyse détaillée de l’efficacité de l’intervention médicale urgente – c’est-à-dire de la prise en charge depuis le site de l’attentat jusqu’à l’établissement de santé -. Ce travail devra notamment permettre d’identifier les adaptations nécessaires à réaliser pour améliorer encore la prise en charge massive de personnes victimes d’armes à feu ou d’explosions, en un point ou en plusieurs points du territoire.
Deuxième sujet : nous devons travailler à une identification plus rapide des victimes, du lieu de leur prise en charge et des coordonnées de leur famille. Vous l’avez vécu directement sur le terrain : des familles inquiètes, désespérées, traumatisées, qui cherchent à obtenir des réponses. Comment ne pas le comprendre ? Même si l’enregistrement des victimes a été assez remarquable compte tenu du caractère inédit de cette tragédie, nous devons mieux identifier les données utiles. Une réflexion est actuellement en cours avec l’InVS, la future agence nationale de santé publique (ANSP) et les établissements de santé. Avec les ministres de l’Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères, nous entendons avancer très rapidement sur ce sujet.
Troisième point : les cellules d’urgence médicopsychologiques (CUMP). Elles ont été déterminantes dans la prise en charge des victimes des attentats du 13 novembre. Pour autant, le dispositif doit être mieux adapté à la gestion d’évènements d’une telle ampleur. Il nous faut repenser la coordination des équipes nationales, l’enregistrement des consultations via des formulaires uniformisés ou encore l’orientation des victimes vers les dispositifs adéquats. C’est notamment de cette manière que nous garantirons la continuité de la prise en charge.
Enfin, quatrième et dernier point : le système de prise en charge sanitaire d’urgence doit être renforcé sur l’ensemble du territoire national et pour des populations différentes. Cette réflexion sera notamment menée par les agences régionales de santé (ARS). Je leur ai demandé de garantir que l’ensemble de leurs établissements de santé soient capables de mettre en place une prise en charge des victimes aussi exemplaire qu’en Ile-de-France. Nous devons réfléchir à la spécificité de la prise en charge d’enfants.
Mesdames, messieurs,
Il y a quelques semaines, alors que j’assistais à une conférence sur la santé organisée dans le cadre de la COP21, de nombreuses personnalités étrangères ont tenu à me faire part de leur admiration pour notre système de santé face aux attentats. Margaret CHAN, la directrice de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et Richard Horton, éditeur en chef de la prestigieuse revue médicale Lancet ont publiquement tenu à féliciter la France, et à vous qualifier de héros.
L’excellence de notre système de santé, les Français la mesurent quotidiennement. Alors qu’il a été confronté à la pire des situations, ils ont tenu à brandir à nouveau leur fierté et leur gratitude aux femmes et aux hommes qui le font vivre. Vous n’avez pas seulement sauvé des vies, vous avez incarné la force de nos institutions et le caractère inatteignable de la solidarité dans notre pays. C’est cela que les terroristes ont cherché à briser. Ils n’y parviendront jamais.
Je vous remercie.
Seul le prononcé fait foi