Un traitement pris au moment des rapports sexuels permet de diminuer de près de 90% le risque d'être infecté par le VIH
02 Décembre 2015
|Paris, le 1er décembre 2015 - Les résultats publiés aujourd’hui en ligne dans le New England Journal of Medicine à l’occasion de la Journée Mondiale de lutte contre le SIDA, par le Professeur Jean Michel Molina, de l’Hôpital Saint-Louis, ASSISTANCE PUBLIQUE – HOPITAUX DE PARIS – AP-HP, et de l’Université de Paris Diderot, et par l’équipe ANRS IPERGAY, soulignent le très haut niveau d'efficacité d'une stratégie de prévention du VIH (PrEP) chez des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes très exposés au risque de cette infection (HSH). Pris au moment des périodes d'activité sexuelle, ce traitement diminue de 86 % le risque d'être infecté par le VIH.
Cette étude est publiée alors que vient d'être rendue publique la décision du ministère en charge de la santé sur l'utilisation de ce nouvel outil de prévention en France.
Le préservatif reste la pierre angulaire de la prévention contre les infections sexuellement transmissibles. Mais celui-ci peut ne pas être utilisé tout le temps, dans toutes les circonstances. Avec plus de 2 millions de personnes nouvellement infectées par le VIH en 2014 dans le monde, et plus de 6000 découvertes d’infections par le VIH chaque année en France, il devient urgent de pouvoir proposer de nouveaux moyens de prévention. La prophylaxie pré-exposition, encore appelée PrEP, qui consiste à proposer en prévention, chez des personnes qui ne pas sont infectées par le VIH, un traitement antirétroviral, représente un piste sérieuse de recherche depuis les années 2010.
Dans les pays développés, les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) représentent la population la plus touchée par le VIH. Ainsi en France, ils représentent 43 % des cas nouvellement diagnostiqués. Le premier essai randomisé en double aveugle (un groupe de volontaires reçoit un médicament actif, l'autre un placebo) ayant démontré l'efficacité de cette approche chez des HSH est l'essai Iprex : en prenant chaque jour un comprimé antirétroviral TDF-FTC (Truvada®), il a été démontré en 2010 qu'il était possible de diminuer le risque d'infection par le VIH de 42 %. La plupart des essais menés depuis dans le monde chez des hommes et femmes hétérosexuels, et chez des usagers de drogues ont révélé que l'observance à ce traitement journalier qui conditionnait son efficacité, n’était pas sans poser problème. En d'autres termes, les personnes qui ne prenaient pas leur traitement tous les jours, ne bénéficiaient pas de l’effet préventif du traitement.
Les résultats publiés aujourd'hui dans le New England Journal of Medicine par le Professeur Jean-Michel Molina, de l’Hôpital Saint Louis, ASSISTANCE PUBLIQUE – HOPITAUX DE PARIS – AP-HP et de l’Université de Paris Diderot, et par l’équipe ANRS IPERGAY montrent le plus haut niveau d'efficacité de la PrEP jamais observé dans un essai randomisé.
L’étude ANRS IPERGAY apporte en effet la première démonstration scientifique qu'un traitement préventif à la demande, pris au moment des périodes d'activité sexuelle, diminue de 86 % le risque d'être infecté par le VIH chez des HSH ayant des rapports sexuels non régulièrement protégés par un préservatif.
Coordonnée et financée par l’ANRS, l’étude ANRS IPERGAY repose sur l'hypothèse qu'un traitement pris au moment de l'exposition au risque, « à la demande » donc, pourrait favoriser l'observance. Un tel schéma de traitement pourrait aussi réduire les possibles effets secondaires du médicament, et limiter le coût du traitement.
L'étude s'est déroulée dans plusieurs centres cliniques en France et au Canada (Paris : Hôpital Saint-Louis et Hôpital Tenon, ASSISTANCE PUBLIQUE – HOPITAUX DE PARIS – AP-HP. Lyon : Hôpital de la Croix-Rousse. Nantes : CHU Hôtel Dieu. Nice : Hôpital de l'Archet. Tourcoing : Hôpital Gustave Dron. Canada : CHUM de Montréal), avec la participation active de l'association AIDES en France, et de l’organisme communautaire RÉZO, au Canada, des services de l'ANRS, et d'Unités de recherche ainsi que du SC 10 de l'Inserm. Le promoteur et le financeur principal de cette étude est l'ANRS. Les autres financeurs sont la Fondation Bill et Melinda Gates, le Fonds de dotation Pierre Bergé pour la prévention, le réseau des essais cliniques canadien (Réseau/CTN) et le laboratoire Gilead.
Cet essai randomisé, qui a débuté en 2012, a été mené chez 400 HSH très exposés au risque d'infection par le VIH. La moitié du groupe étudié était invitée à prendre l’antirétroviral TDF/FTC au moment des rapports sexuels, l'autre moitié un placebo. L'ensemble des participants recevait des conseils personnalisés de prévention à chaque visite grâce à l’accompagnement communautaire réalisé par les militants de l’association Aides et de l’organisme montréalais RÉZO, ainsi que des préservatifs et du gel, et bénéficiaient de dépistages répétés du VIH ainsi que des autres infections sexuellement transmissibles, suivis si besoin d’un traitement. La vaccination contre les hépatites B et A était systématiquement proposée aux participants et le traitement post exposition du VIH mis à disposition.
Seize infections par le VIH sont survenues durant les 9,3 mois de suivi moyen des participants : 2 infections dans le groupe TDF/FTC, et 14 dans le groupe placebo. Les auteurs font remarquer que les deux personnes infectées dans le groupe TDF/FTC avaient interrompu le traitement plusieurs semaines avant leur infection. Les hommes ayant participé à cette étude ont consommé en médiane 15 comprimés (TDF/FTC ou placebo) par mois. Le taux d'évènements indésirables était similaire dans les deux groupes.
Au moment de la communication des premiers résultats de cette étude à la Conférence internationale sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI), le 24 février 2015, le Professeur Jean-François Delfraissy, directeur de l'ANRS, déclarait : « L’étude ANRS IPERGAY est un pas indéniable vers une meilleure stratégie globale de prévention où coexistent différents outils permettant de limiter ses risques d'infection en fonction de son niveau d'exposition ». Avec la parution en septembre 2015, dans The Lancet, de l'étude britannique Proud (essai randomisé en ouvert d'un traitement prophylactique en prise continue journalière), qui aboutit au même niveau d'efficacité, c'est une nouvelle page de l'histoire de la lutte contre le sida qui s'ouvre.
Pour le Professeur Jean-Michel Molina, de l’Hôpital Saint-Louis, ASSISTANCE PUBLIQUE – HOPITAUX DE PARIS – AP-HP, et de l’Université de Paris Diderot, « Les résultats de cette étude nous montrent d’une part que le risque d’infection par le VIH est très élevé en France et au Canada dans ces populations à risque, et d’autre part que la PrEP à la demande permet une réduction majeure de ce risque justifiant sa mise en place comme un moyen additionnel de prévention contre le VIH ».
La portée de ces travaux scientifiques est reconnue par l'OMS qui, dans ses dernières Directives de Septembre 2015, recommande pour la première fois que la PrEP soit proposée « comme un moyen de prévention additionnel pour les personnes à risque substantiel d'être infectées par le VIH, dans le cadre d'une combinaison d'approches préventives ». En France, le ministère en charge de la santé vient d'autoriser son utilisation et son remboursement pour les personnes exposées à l'infection. Un nouvel outil de prévention va désormais être disponible. Il appartient maintenant aux chercheurs d'évaluer son efficacité et son impact sur l'épidémie dans la « vraie vie ».
Un programme de recherche multidisciplinaire se met en place à l'ANRS pour accompagner la mise à disposition de la PrEP. L'étude ANRS IPERGAY, qui se poursuivra en 2016, devrait de son côté continuer d’apporter des données essentielles sur l’efficacité à long terme de cette stratégie de prévention, son observance, et son impact sur les comportements sexuels des volontaires qui, pour certains, sont suivis depuis 2012.