altUne part importante (entre 35 % et 49 %) de migrants d’Afrique subsaharienne séropositifs pour le VIH et résidant en Ile-de-France ont été infectés après leur arrivée en France. Tel est le résultat principal de l’étude ANRS PARCOURS, coordonnée par Annabel Desgrées du Loû (Institut de recherche pour le développement/IRD) et financée par l’ANRS (France REcherche Nord&sud Sida-hiv Hépatites). Ces résultats ont fait l’objet de publications dans les revues Eurosurveillance et AIDS, et viennent de paraître dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) du 1er décembre.

En 2013, environ un tiers des découvertes de séropositivité en France concernait des personnes nées en Afrique subsaharienne. Cette région est particulièrement touchée par le VIH, avec près de 25,8 millions de personnes infectées en 2014 et 70 % des nouvelles infections par le VIH. Jusqu’à présent, les conditions épidémiologiques de l’Afrique subsaharienne pouvaient laisser supposer que les migrants subsahariens séropositifs pour le VIH avaient contracté le virus avant leur arrivée en France.

L’étude ANRS « Parcours de vie, VIH et hépatite B chez les migrants sub-Sahariens vivant en Ile-de-France » ( ANRS PARCOURS), menée par Annabel Desgrées du Loû (CEPED, UMR IRD-Université Paris Descartes, Paris, France) et coll., financée par l’ANRS (France REcherche Nord&sud Sida-hiv Hépatites) avec le soutien de la Direction générale de la santé, suggère au contraire que, pour une part importante des migrants - entre 35 % et 49 % selon les scénarii -, l’infection par le VIH s’est faite en France. Les résultats de cette enquête ont fait l’objet de publications dans les revues Eurosurveillance et AIDS, et viennent de paraître dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) édité par l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) le 1er décembre.

ANRS PARCOURS : contexte et méthodologie

ANRS PARCOURS est une enquête réalisée entre février 2012 et mai 2013 auprès de migrants venant d’Afrique subsaharienne, afin de déterminer leurs besoins de santé et d’améliorer les stratégies de prévention, de dépistage et de prise en charge de l’infection par le VIH et l’hépatite B. Conduite en Ile-de-France, région accueillant le plus grand nombre de migrants d’Afrique subsaharienne, au sein de 74 services de santé, dont 24 services hospitaliers de suivi du VIH, ANRS PARCOURS a été réalisée en collaboration entre des équipes de l’IRD, de l’Inserm et de l’INPES, ainsi qu’avec le soutien d’associations de migrants et de malades[1].

898 patients suivis pour un VIH, dont 550 femmes, ont participé à cette enquête. En moyenne, ils étaient âgés de 43 ans et séjournaient en France depuis 12 ans.

La proportion de migrants ayant été infectés par le VIH après leur arrivée en France a été estimée à partir de données biographiques (histoire migratoire, activité sexuelle et tests de dépistage réalisés en France) et cliniques (nombre de cellules CD4 au moment du diagnostic de l’infection par le VIH).

Ainsi, l’infection VIH a été considérée postérieure à l’arrivée en France dans plusieurs cas : lorsque la personne était diagnostiquée VIH plus de 11 ans après son arrivée en  France ; lorsqu’elle avait eu au moins un dépistage négatif en France ; lorsqu’elle avait commencé sa vie sexuelle en France.

Dans les autres cas, les chercheurs ont modélisé le déclin des cellules CD4, afin d’estimer le nombre d’années écoulées entre l’infection par le VIH et la première mesure des CD4 et dater l’infection.

Entre 35 % et 49 % des migrants infectés après leur arrivée en France

Sur les 898 personnes suivies dans le cadre de l’étude ANRS PARCOURS, 133 avaient été diagnostiquées infectées par le VIH avant l’arrivée en France.

Sur la base des éléments biographiques, 228 ont pu être classées comme infectées après l’arrivée en France.

Pour les 537 autres patients, la modélisation à partir du déclin des CD4 conduit à estimer que 69 à 197, selon l’application plus ou moins stricte des critères de classement des individus, ont été infectés en France. C’est donc au total, 35% à 49%  des migrants d’origine subsaharienne qui ont été infectés par le VIH après leur arrivée en France.

Ces résultats confortent ceux de plusieurs autres études :

-       l’étude de Rice et al[2]., réalisée au Royaume-Uni en se basant uniquement sur l’estimation du déclin des cellules CD4 à partir des données de surveillance du VIH au Royaume Uni et publiés en 2012 dans la revue AIDS. Ils ont montré que près de 31 % des migrants subsahariens diagnostiqués séropositifs entre 2004 et 2010 avaient été infectés après l’arrivée au Royaume Uni.

-       L’enquête aMASE (Amélioration de l’accès des émigrés aux services de la santé en Europe), réalisée en 2013 selon laquelle en Europe, 31 % des migrants originaires d’Afrique subsaharienne infectés par le VIH l’ont été après leur arrivée dans leur nouveau pays de résidence.

Renforcer la prévention

« Ces résultats remettent en cause l’idée selon laquelle la prise en charge des migrants réside surtout dans le dépistage et la mise sous traitement. Il est bien sûr important de dépister et de traiter mais il faut aussi prévenir l’infection », souligne Annabel Desgrées du Loû. « Une étude complémentaire, réalisée au sein d’ANRS PARCOURS et dont les résultats sont publiés ce mois-ci dans la revue AIDS, montre que durant les premières années qui suivent leur arrivée en France, les migrants font face à des grandes difficultés pour obtenir des papiers ou un logement. Durant cette période très difficile, les migrants, et en particulier les femmes, ont plus de rapports sexuels à risque, souvent dans le but d’avoir un lieu où dormir, ou la protection de quelqu’un qui, lui, a des papiers», précise la chercheuse.

« Les migrants arrivant en France font souvent face à une très grande précarité. Cette recherche attire notre attention sur la nécessité de mettre en place des mesures d’accompagnement et de prévention du VIH spécifiques pour cette population», ajoute le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS.

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