altMonsieur le Président de la Mutualité française, cher Etienne CANIARD,

Mesdames et Messieurs les parlementaires et les élus,

Mesdames, Messieurs, les délégués d’organismes mutualistes,

« Utilité sociale, justice, efficacité » : c’est le triptyque que vous avez choisi pour ce 41ème Congrès de la Mutualité Française.

Il y a trois ans, je vous disais combien la Mutualité avait besoin de stabilité et d’engagements sur son rôle. L’enjeu que j’avais exprimé était de taille : permettre un accès aux soins plus juste, plus efficace, permettre aux mutuelles de jouer pleinement leur rôle et accompagner le mouvement mutualiste vers une utilité sociale mieux identifiée. Aujourd’hui, ce congrès est l’occasion de dresser un état des lieux. Où en sommes-nous ?

Depuis trois ans, je fais de l’égalité dans l’accès aux soins, de la justice, le fil rouge de mon action. Vous êtes un partenaire privilégié car vous portez des valeurs que nous partageons. Elles fondent l’identité mutualiste. C’est la solidarité : permettre d’être couvert en fonction de ses besoins, sans cotiser en fonction de son état de santé. C’est l’égalité : défendre l’accès aux soins pour tous nos concitoyens, sans distinction. C’est aussi l’économie sociale et solidaire : agir pour l’intérêt général, sans visée lucrative. C’est pour garantir que l’action des mutuelles pourra continuer à s’inscrire dans ce cadre que le Gouvernement agit et continuera à agir.

95% des Français ont aujourd’hui une couverture complémentaire, pour six Français sur dix c’est une mutuelle. Dans notre pays, la santé reste un bien commun, protégé du marché, protégé des aspirations lucratives. C’est une fierté que  nous devons à notre action commune de solidarité.

1.         Ces trois dernières années, le Gouvernement et le mouvement mutualiste ont agi ensemble et des mesures concrètes ont été prises pour garantir l’accès aux soins de nos concitoyens. Elles étaient urgentes.

Le Président de la République s’est engagé à renouer avec la justice sociale.

1.         Ensemble, nous avons commencé par l’encadrement des dépassements d’honoraires.

La majorité précédente avait laissé filer les dépassements. Elle avait même envisagé de les consacrer en imposant leur prise en charge.

Nous avons mis fin à cette dérive insidieuse et ô combien dangereuse. Collectivement, autour de l’assurance maladie, nous nous sommes mis d’accord avec l’avenant 8 à la convention médicale. Ce ne fut pas sans difficulté et je veux saluer ici la détermination de la Mutualité qui s’est engagée sans arrière-pensée.

Aujourd’hui, les résultats sont là. L’avenant 8, c’est du concret pour nos concitoyens, notamment pour les classes moyennes. Les résultats que nous avons observés entre 2012 et 2014 sont très parlants :

•          la part des actes pratiqués au tarif de la sécurité sociale par les médecins de secteur 2 a progressé (de 32,9 à 34,7%) ;

•          et parallèlement, le niveau moyen des dépassements des médecins en secteur 2 a diminué jusqu’à 10 points pour certaines spécialités.

Ce résultat est d’autant plus remarquable si on le rapporte à la progression que les dépassements avaient connue au cours de la décennie précédente.

Ces résultats ne doivent pas nous empêcher de voir les difficultés qui persistent, avec des dépassements qui demeurent élevés à Paris et dans certaines grandes villes. Mais les difficultés parisiennes ne doivent pas occulter les résultats ailleurs.

2.         Ensuite, nous avons agi pour plus d’efficacité avec la mise en place des contrats responsables.

A votre initiative.

Le mouvement mutualiste demandait depuis des années cette réforme. Là aussi, nous avons agi. La réforme des « contrats responsables » a été votée en loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, après de longs échanges avec vous.

Certains, parmi vous, auraient voulu que ces contrats soient plus contraignants. Il fallait convaincre : les professionnels de santé se sont inquiétés pour leur rémunération, les assurés pour leurs remboursements, des fabricants pour leur activité et des partenaires sociaux pour leur autonomie en tant que négociateurs des accords collectifs. Nous nous sommes donc interrogés sur la meilleure mise en œuvre possible en tenant bon sur l’objectif. J’ai la conviction que cette réforme permettra de soutenir l’accès aux soins en brisant progressivement les spirales inflationnistes. Je souhaite donc dire à ceux qui considèrent que nous aurions pu être plus restrictifs qu’il aurait été beaucoup plus simple de ne rien faire.

3.         Nous avons également agi pour conforter l’offre de soins mutualiste.

Trop souvent, on réduit les mutuelles à des organismes de complémentaire santé. La Mutualité c’est avant tout un projet pour la santé de femmes et d’hommes, qui se ne limite pas à rembourser des soins mais qui propose aussi une offre de santé cohérente. Vous le faites dans des établissements hospitaliers, des centres de santé, des centres dentaires et d’optique, des établissements pour la petite enfance, des services aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap.

Vous l’avez rappelé, monsieur le Président, cette offre de santé est un instrument privilégié de solidarité, qui manie exigence de qualité et innovation. Vous y développez des projets globaux en faveur de la santé, articulant autour du parcours du patient la prévention et l’éducation thérapeutique, des prises en charge coordonnées par les différents professionnels et un accompagnement médico-social.

Le rétablissement du service public hospitalier dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé (qui avait été supprimé en 2009) permet de redéfinir les missions des établissements de santé assurant ce service public, au rang desquels figurent bien sûr les établissements mutualistes.

Nous avons également revalorisé le rôle des centres de santé dans les soins de premier recours. Tout d’abord en sécurisant les conditions de financement de ces centres par l'assurance maladie. Ensuite, en garantissant que les avancées obtenues pour les professionnels libéraux puissent être transposées à ces centres. La rémunération des centres de santé a connu par ailleurs cette année une nouvelle étape avec la généralisation de la rémunération des équipes pluri-professionnelles. Je me réjouis que la négociation entre l’assurance maladie et les représentants des centres de santé s’achemine vers un accord, à la fin du mois, permettant de moderniser les financements apportés à ces centres.

Les centres de santé ne sont pas tous mutualistes, mais la Mutualité a particulièrement mis en avant ce modèle et ces pratiques.

Le Gouvernement donne ainsi à la Mutualité les instruments permettant la modernisation de son offre de soins.

4.         Enfin, depuis trois ans nous partageons la même ambition pour consolider la couverture maladie par l’assurance maladie obligatoire.

Votre position, comme la mienne, est claire, connue et constante. Comme vous le dites parfois, Monsieur le Président, la Mutualité est un « assureur paradoxal ». Paradoxal, car, à la différence de tout assureur, vous ne souhaitez pas que l’assurance maladie obligatoire augmente votre chiffre d’affaires en transférant des charges vers les complémentaires. Parce que vous ne voulez pas de ces transferts, abondamment utilisés par la majorité précédente, qui reviennent à faire payer davantage vos adhérents. Le Gouvernement a résolument tourné le dos à ces pratiques. Les économies que nous faisons bénéficient aussi aux mutuelles et à leurs adhérents : quand on baisse le prix des médicaments, quand on lutte contre les prescriptions inutiles, ce sont des dépenses en moins pour eux aussi.

Vous savez que j’ai fait du refus des déremboursements, des forfaits et des franchises un cap constant de ma politique. Je l’ai maintenu malgré une contrainte accrue sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie. Je le maintiendrai encore, car cela permet de réduire la part des dépenses à la charge de ménages. Entre 2011 et 2013, la part des dépenses de santé à la charge des ménages a reculé, celle à la charge des complémentaires est restée stable et celle prise en charge par l’assurance maladie a progressé.

C’est pourquoi, monsieur le Président, j’ai mis un terme à cette politique qui, comme vous l’écriviez il y a quelques jours avec Laurent BERGER, Luc BERILLE, Danièle DESCLER-DULAC, faisait des complémentaires « des variables d'ajustement permettant de pallier le désengagement de l'assurance maladie ».

Et c’est pourquoi je pense qu’il serait dans notre intérêt collectif de sortir de cette antienne du « désengagement de l’assurance maladie ». Parce qu’elle ne correspond pas à la réalité de la politique que nous menons – vous m’en avez donné acte -; parce qu’elle peut être comprise comme un discours nostalgique sur l’air du « c’était mieux avant », que vous avez écarté à juste titre : ni en 1945, ni après, la Sécurité sociale n’a connu d’âge d’or où les soins auraient été pris en charge de façon plus généreuse. C’est prendre le risque de fragiliser le consentement dans notre système en opposant les patients qui consomment des soins courants et ceux qui ont des soins lourds, et sont à ce titre pris en charge à 100% par l’assurance maladie, en méconnaissant que les individus, au cours de leur vie, connaissent en général ces différentes situations.

Réaffirmer le rôle de l’assurance maladie obligatoire comme le socle, la colonne vertébrale de notre système de prise en charge des soins, ce n’est pas, dans mon esprit, nier le rôle des mutuelles.

Vous avez rappelé, monsieur le Président, dans votre tribune récente, que la place des mutuelles doit s’accompagner d’une reconnaissance de leur rôle, que le pilotage des politiques de santé ne peut les exclure, pas plus que les associations de patients et les partenaires sociaux.

Telle a été notre volonté : nous avons souhaité instaurer un nouveau mode de relation entre assurance maladie obligatoire et assurance maladie complémentaire, donner aux complémentaires une place dans la régulation du système. Mais en gardant à l’esprit que les complémentaires ne sont pas l’assurance maladie obligatoire et qu’elles ne peuvent jouer le même rôle.

C’est ce que nous avons fait avec l’avenant 8, qui constitue une œuvre commune, je l’ai rappelé. C’est ce que nous souhaitons faire avec la mise en place du tiers payant – j’y reviendrai – où vous jouerez un rôle clé. C’est pour vous à la fois une reconnaissance de votre place, et ce sont aussi des responsabilités à l’égard de la collectivité nationale.

Donner aux mutuelles une place à côté de l’assurance maladie obligatoire mais sans les confondre avec cette dernière, c’est aussi ce que nous faisons avec les données de santé.

J’ai fait le choix de l’ouverture des données de santé détenues par les pouvoirs publics. C’est le sens de l’article « open data » du projet de loi de modernisation de notre système de santé qui a repris nombre de vos propositions.

2.         Le secteur mutualiste fait face à d’importantes mutations. Pour s’adapter à un monde de plus en plus concurrentiel, vous avez fait des choix que nous soutenons.

Je n’ai pas besoin de détailler ces évolutions, qu’elles relèvent de la fiscalité, de l’évolution du cadre réglementaire ou de celle du marché. Depuis trois ans, le Gouvernement s’est mobilisé pour vous accompagner dans ce changement, avec deux objectifs : donner au mouvement mutualiste les conditions d’une égale concurrence et tenir compte de ses spécificités historiques.

Donner aux mutuelles les mêmes instruments que les autres organismes, cela a été mon but avec la loi sur les réseaux. Elle a placé les mutuelles sur un pied d’égalité avec les autres organismes sur le sujet des réseaux de soins. Vous l’avez rappelé, les réseaux de soins permettent de faciliter l’accès aux soins en réduisant le reste à charge, notamment sur les dépenses d’optique où l’intervention des mutuelles est déterminante. Et je me réjouis que ces réseaux se développent et qu’ils soient efficaces. La loi réseaux constitue un équilibre.

Permettre aux mutuelles de jouer avec les mêmes armes que d’autres, c’est aussi ce que nous avons fait avec la loi sur l’économie sociale et solidaire. Elle a permis l’extension de la coassurance, un outil particulièrement adapté au nombre de « petites » mutuelles. C’est ce qui a permis à plusieurs mutuelles de présenter des candidatures groupées pour l’appel d’offres relatif à l’aide à la complémentaire santé (ACS).

Egalité de conditions entre organismes complémentaires, donc, mais pas uniformité : c’est la raison pour laquelle nous avons pris en compte les spécificités mutualistes en transposant la directive Solvabilité II, en tenant compte de vos règles de gouvernance et en aménageant les règles pour les plus petits organismes.

Aujourd’hui, vous souhaitez aller plus loin pour vous adapter à un environnement en constante évolution. Vous ouvrez un important chantier pour la refonte du code de la mutualité. Le Gouvernement soutient cette initiative. Je vous l’annonce aujourd’hui : un texte interviendra en 2016 pour refondre le code de la mutualité. Je ne doute pas qu’il donnera lieu à des échanges nourris avec vous.

3.         Les mois et les années à venir seront décisifs pour la Mutualité et l’accès aux soins. Deux chantiers communs nous attendent : la généralisation du tiers-payant et la généralisation de la couverture complémentaire santé des salariés en entreprise d’ici 2016.

1.         La généralisation du tiers-payant est une mesure de progrès, une mesure de justice pour lutter contre le renoncement aux soins. Mais c’est aussi, pour vous comme pour les autres organismes complémentaires, un défi.

Je sais l’engagement qui a été le vôtre en faveur du projet de loi de modernisation de notre système de santé et en faveur du tiers payant : je ne l’oublierai pas. Et je vous en remercie publiquement.

Ce défi, vous l’avez relevé. Je salue les travaux que vous avez engagés avec l’assurance maladie obligatoire et les autres familles d’organismes complémentaires pour présenter dans un rapport au gouvernement des solutions techniques simples, tant pour les professionnels de santé que pour les patients. Le projet de loi fixe la date de remise de ce rapport au 31 octobre 2015. Je viens de signer un courrier aux présidents des différentes familles de complémentaires pour préciser les attentes de l'Etat. L'implication de toutes les complémentaires sera essentielle pour répondre aux attentes des professionnels de santé en matière de sécurité et de rapidité des paiements, mais aussi pour observer de manière vigilante les conditions de sa mise en œuvre. La Mutualité a un rôle clé à jouer.

2.         La généralisation de la couverture complémentaire santé est le second chantier engagé.

La généralisation de la couverture des salariés en entreprise, qui sera achevée en 2016, est un jalon important de l’histoire sociale de notre pays. Cette généralisation, le Président de la République et les partenaires sociaux, en particulier la CFDT, l’ont voulue, afin que davantage de salariés puissent bénéficier des garanties apportées par les contrats collectifs en entreprises.

Mais je n’ignore pas que cette réforme, en faisant passer de nombreux assurés de la couverture individuelle aux contrats collectifs, peut entraîner des effets de bord auxquels il convient d’être attentif. Il est pour moi inenvisageable que cela se fasse au détriment des populations qui resteront couvertes par des contrats individuels – les jeunes, les retraités, les chômeurs, mais aussi les fonctionnaires ou les indépendants. La couverture complémentaire de ces populations, qui sont en dehors de l’ANI de 2013 ou dont la couverture par l’ANI est mal assurée, est le défi qui se présente à nous et nous rassemble.

Je souhaite que nous avancions dans deux directions :

•          d’abord, en garantissant la couverture en entreprise et sa portabilité pour les salariés dans les situations qui sont aujourd’hui mal couvertes : je pense aux situations de travail précaire, aux cas de défaillance de l’entreprise : c’est le sens de la mission sur la couverture collective et la mutualisation des risques que j’ai confiée à Dominique LIBAULT ;

•          ensuite, nous devons garantir l’accessibilité et la qualité de la couverture complémentaire pour les populations qui sont en couverture individuelle. Il y a les jeunes, et notamment les étudiants. Je souhaite à cette occasion rappeler les efforts qui ont été les miens, à la fois pour accompagner l’évolution de la LMDE vers une solution garantissant sa viabilité économique et pour assurer l’amélioration de la qualité du service rendu aux étudiants. Je salue les décisions récentes de la LMDE, d’Intériale et de la CNAMTS qui permettront des améliorations rapides.

Mais je pense aussi et surtout aux retraités. C’est pour eux que la mutuelle risque de peser trop lourd. La fin de la vie active, ce sont des revenus qui baissent, des besoins de santé qui s’accroissent. Cela suppose plus de solidarité entre les types de couverture. Nous devons travailler ensemble pour définir les voies et moyens d’organiser cette transition et cette couverture. Donner plus d’effectivité au droit au maintien du contrat prévu par la loi Evin de 1989 constitue une des pistes. Je souhaite que nous y travaillions.

***

Mesdames, Messieurs les mutualistes,

Vous confirmez, jour après jour, action après action, votre ambition de vous adapter aux évolutions du monde pour garantir votre mission originelle : la solidarité. Alors que nous fêtons les 70 ans de la Sécurité sociale, il est important de nous retrouver autour de cette valeur fondamentale pour « faire société ».  Comme vous l’avez dit, monsieur le Président, cette valeur est particulièrement nécessaire dans des temps où nos concitoyens souffrent de la crise économique et où nous devons réaffirmer les valeurs de la République.

La transformation de notre société, c’est aussi l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. C’est pourquoi je souhaite que l’ordonnance prévue par la loi du 4 août sur la parité dans les instances des organismes mutualistes soit adoptée rapidement. Et je salue, monsieur le Président, le souhait que vous avez exprimé que les instances mutualistes suivent ce mouvement.

Mesdames et Messieurs, notre Gouvernement agit pour garantir une protection sociale à tous les Français. Il est porteur d’une ambition réformatrice pour mieux les protéger. La Mutualité est l’un de nos partenaires privilégiés et elle le restera pour continuer de relever demain le défi de l’égalité en santé. Vous avez appelé, monsieur le Président, à élever notre niveau d’exigence pour notre système de santé, y compris si cela suppose de bouger les lignes. C’est le mouvement que nous avons engagé et que nous poursuivrons.


Je vous remercie.

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