Booster la radiothérapie grâce à des leurres : résultats de l'essai sur les molécules DBAIT, découvertes à l'Institut Curie
28 Mai 2015
|Fruit des recherches de l'équipe de Marie Dutreix à l'Institut Curie, les molécules DBAIT ont fait l'objet d'un essai clinique de phase 1 chez des patients atteints de mélanome de la peau. Les résultats très prometteurs de cet essai, coordonné par le Dr Christophe Le Tourneau à l'Institut Curie et financé par DNA Therapeutics, seront présentés à l'ASCO le 30 mai 2015. Le principe de ces molécules est de booster la radiothérapie pour en augmenter l'efficacité. Les DBAIT « trompent » les cellules tumorales qui meurent sans que le tissu sain ne soit endommagé. Certaines chimiothérapies pourraient également voir leur efficacité accrue grâce à ces molécules innovantes. De même, d'autres tumeurs que les mélanomes pourraient en bénéficier.
Les molécules DBAIT sont une nouvelle classe de médicaments issue de la recherche fondamentale de l'Institut Curie. Découvertes en 2002 par Marie Dutreix [1], ces molécules sont en réalité des fragments d'ADN qui agissent comme des « leurres ». Lorsque ces fragments arrivent dans la cellule tumorale, tous les mécanismes de réparation mis en œuvre par la cellule tumorale pour réparer les dommages de son ADN vont se focaliser sur ces fragments d'ADN en particulier et oublier de réparer l'ADN de la tumeur, ce qui conduit à la mort de la cellule cancéreuse. Une stratégie innovante pour contrer la résistance aux traitements Ces mécanismes de réparation de l'ADN sont particulièrement activés lorsque les cellules cancéreuses sont exposées à des agents cherchant à les détruire, comme les chimiothérapies et les rayonnements de la radiothérapie. L'une des limites actuelles à la chimiothérapie et la radiothérapie sont le développement de résistances. On constate que certains patients atteints de cancer ne sont parfois pas sensibles du tout à ces traitements et que d'autres deviennent résistants au bout d'un certain temps. Les molécules DBAIT sont donc particulièrement intéressantes pour le traitement du cancer, en particulier en association avec la chimiothérapie ou la radiothérapie afin d'en augmenter l'effet. Toutes ces hypothèses ont été vérifiées en préclinique sur des lignées tumorales et dans des modèles animaux. Ces molécules ont été développées dans un premier temps pour une administration locale, intra-tumorale et péri-tumorale. Les molécules DBAIT ont été évaluées pour la première fois chez des patients dans le cadre d'un essai thérapeutique multicentrique français de phase I (essai DRIIM) coordonné par Dr Christophe Le Tourneau [2]. Du fait de leur injection intra-tumorale et du rationnel de les associer avec la chimiothérapie ou la radiothérapie, il a été décidé de les évaluer chez des patients atteints de métastases cutanées de mélanomes. En effet, certains patients atteints de mélanome développent parfois des métastases cutanées que l'on peut traiter par radiothérapie. Mais on sait que ce traitement n'est pas très efficace, avec un taux de réponse complète de 9% seulement. Dans l'essai DRIIM, 23 patients ayant des métastases cutanées de mélanome ont ainsi été traités avec la radiothérapie et des injections de molécules DBAIT. Cet essai a montré que l'injection des molécules DBAIT ne produisait pas d'événements indésirables majeurs, ce qui confirme les travaux réalisés dans les organismes modèles. En termes d'efficacité, le taux de réponse complète (disparition des nodules tumoraux) était 4 fois supérieur (37%) à ce qui avait été rapporté par le passé dans la littérature (9%), ce qui est très encourageant. Enfin, cet essai a montré qu'une partie des molécules DBAIT passait dans la circulation sanguine et que l'efficacité était corrélée à l'intensité de ce passage. Le développement des molécules DBAIT sous forme intraveineuse est donc prévu très prochainement et cette stratégie sera évaluée avec la chimiothérapie cette fois. Les modèles précliniques suggèrent déjà que les DBAIT pourraient augmenter de façon importante l'efficacité des agents de chimiothérapie qui sont utilisés en routine en cancérologie. A l'avenir, d'autres tumeurs pourraient en bénéficier puisque cette stratégie innovante concerne un mécanisme commun à tous les types de cancers.