altLa SFAR a pris connaissance de l’amendement déposé par le Professeur Jean-Louis Touraine, puis voté par l’assemblée nationale le 19 mars avec le soutien du gouvernement, selon lequel toute personne n’ayant pas au préalable inscrit son nom sur un registre informatisé national des refus de don d’organes, pourrait être prélevée de ses organes en cas de mort encéphalique sans concertation avec les proches. Cette modification législative voudrait servir le but de faciliter le don d’organes et ainsi augmenter le nombre de greffons, tant sont nombreux les patients en attente de greffes.

Cette intention, aussi sensée puisse-­t-­elle sembler de prime abord, apparaît pourtant inopportune et irréaliste pour qui connaît la réalité du terrain. Plus encore, cette modification législative, mise en place en dehors des principes fondateurs des révisions des lois de bioéthique, est dangereuse à plusieurs égards. Elle heurte de front le principe éthique selon lequel le don volontaire et affirmé comme tel, demeure une valeur cardinale tant pour les prélèvements de sang que le don d’organes. Remplacer ce consensus par un consentement implicite au don (du seul fait de ne pas avoir formalisé une opposition de son vivant) n’augmentera pas le nombre de donneurs mais uniquement les conflits. Penser que les proches qui pour une raison ou une autre témoigneront de leur connaissance du refus du don exprimé par le patient ou exprimeront leur propre refus du principe d’un prélèvement sur le patient, accepteront aisément l’application d’une telle loi, est illusoire. Il est plausible qu’ils interprèteront cette loi comme un don réalisé contre leur volonté et/ou celle du défunt, dans une sorte de « nationalisation des corps ». Ne nous leurrons pas, beaucoup ignoreront l’existence du registre et ils seront fondés de le considérer, le moment venu de la question du don, comme une supercherie. Croire que les médecins prélèveront dans une telle situation est tout autant illusoire. Ils ne le font pas actuellement malgré le principe du consentement présumé déjà inscrit dans la loi dès lors qu’il y a oppositions des proches, fussent-elles ou pas l’expression de la réelle volonté du défunt. Fort de ce constat de terrain, les médecins ne modifieront pas leur attitude au vu de l’amendement. La SFAR enjoint les anesthésistes réanimateurs confrontés à une telle situation à préserver la mémoire du défunt, la cohésion familiale et des relations médecins-­famille sereines. La SFAR ne souhaite en aucun cas encourager le prélèvement d’organes en situation conflictuelle.

Conscients de la gravité de la pénurie de greffons et de la raréfaction du don, les professionnels via leurs sociétés savantes, dont la SFAR, ont depuis longtemps proposé des mesures positives pour encourager le don d’organes. Notamment, le fait de susciter une réflexion approfondie au niveau de la société en général autour du don et de la greffe. Las, on s’est limité à des campagnes de « publicité » sans effet, qui ont manqué leur objectif.

L’approche du contre-­don, telle que la prise en charge des frais d’inhumation, souvent évoquée par les professionnels comme pouvant favoriser le don, heurterait le principe du don, nous a-­t-­on dit. Une telle mesure, qui se conçoit simplement comme un geste de gratitude de la société envers ceux qui donnent, a toujours été rejetée de façon dogmatique. C’est regrettable.

Enfin, dans les conditions de cette modification législative, le registre national du refus pourrait éventuellement se trouver saturé d’une masse de refus si les réseaux sociaux s’en emparent, ne serait-ce que pour exprimer leur opposition à cet amendement.

En conclusion, nous pensons que cette mesure est plus qu’inutile. Ceci d’autant qu’elle intervient à une période où la France expérimente le principe du don d’organes après limitation thérapeutique. En outre, cet amendement heurte frontalement le rôle dévolu à la personne de confiance et à défaut aux proches, en cas d’absence de directives anticipées ; situation assimilable à l’absence de déclaration d’un refus sur le registre d’opposition au don d’organes. La mise en application de cet amendement, prévue le premier janvier 2018 accroît le doute sur la démarche. Elle ne constitue en rien une réponse attendue à la pénurie de greffons. Elle heurte les fondements éthiques du don et s’avère inapplicable en pratique. On attendait une démarche construite, bâtie sur une communication réelle entre les politiques, les acteurs de soin et la société sur ce sujet. Le dogme de la nécessité du don d’organes n’est pas une telle évidence éthique si on se rappelle que toutes les sociétés partagent dans leurs valeurs le respect du corps des défunts. Le prélèvement tel qu’il est actuellement pratiqué constitue une exception à cette sacralité qui ne se justifie que par son acceptation sociale, qu’on sait fragile et qui n’est rendue acceptable pour le plus grand nombre qu’à la condition d’un consentement du défunt ou à défaut des proches. Passer outre ce consentement ouvre une brèche éthique propice à attiser les tensions et les rancoeurs. C’est bien la communication autour du principe du don qui devait être nourrie par un débat de fond.

En conséquence, la SFAR sollicite le retrait de cet amendement.

Professeur Claude Ecoffey 
Président de la SFAR

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