09 Mars 2015
Tout commence avec une petite tâche dans les yeux, une tâche qui grossit et finit par devenir gênante. Le 7 octobre 2014, David C. prend rendez vous avec son médecin, le docteur A. qui le reçoit dès le lendemain. |Le généraliste recommande la consultation d'un ophtalmologue, le docteur F. à Albi. Le spécialiste diagnostique une inflammation liée à la résurgence d'une toxoplasmose contractée dans l'enfance. Il prescrit un arrêt de travail et un traitement comprenant un antibiotique, de la cortisone, des vitamines et du Malocide contre la toxoplasmose.
De retour chez lui, David se rend chez son pharmacien qui doit effectuer une commande pour fournir toute la prescription, sans doute à cause de la dose importante de Malocide : deux comprimés quatre fois par jour. En consultant la notice, David s'aperçoit que la dose habituelle n'est que de 2 comprimés par jour. Il s'étonne mais prend son médicament en confiance: le pharmacien n'a-t-il pas validé l'ordonnance de l'ophtalmologue ?
Dès ce premier soir, David ne se sent pas bien, vaguement nauséeux et fatigué. Le lendemain, alors qu'il fête ses trente quatre ans avec sa compagne, son état s'aggrave et le samedi matin, les premiers vomissements apparaissent. David décide de diminuer la dose de Malocide et envoie un SMS à son généraliste. Le docteur A. se contente de le renvoyer chez son ophtalmologue dès le lundi.
Le week-end est très éprouvant. David vomit trois fois par jour mais suit scrupuleusement l'ordonnance, persuadé que, sans traitement, il risque de perdre son œil. Il lui faut du courage, le lundi matin, pour reprendre la route pour Albi. Là, le docteur F. ne semble avoir aucun doute : il ne s'agit que d'effet secondaires. Il faut se reposer et continuer le traitement.
Au retour, David va faire part de son inquiétude à son généraliste. Ce dernier relit l'ordonnance, trouve la posologie du Malocide un peu lourde, consulte son Vidal et conclut que l'ophtalmologue doit savoir ce qu'il fait.
Le soir même, David est pris de convulsions. Il est hospitalisé dans un état critique à Albi puis à Castre où il meurt deux jours plus tard.
Les mines consternées des médecins d'Albi devant l'ordonnance du docteur F. Les explications embarrassées de ce dernier expliquant qu'il a confondu la posologie des vitamines avec celles du Malocide ne laissent aucun doute sur l'origine du drame. La compagne de David dépose plainte dès le lendemain mais le procureur d'Albi laisse l'affaire sans suites.
Je suis désolée d'être en désaccord avec ce magistrat : cet enchaînement d'irresponsabilités me semble bien plus préoccupant qu'une simple erreur médicale. Admettons l'erreur de prescription initiale bien qu'elle soit énorme. Pourquoi le docteur F. n'a-t-il pas pris la peine de vérifier son ordonnance, à la deuxième consultation, devant les symptômes alarmants de son patient ?
Comment le pharmacien a-t-il pu délivrer les médicaments sans sourciller, sans téléphoner au médecin ? ( Et, remarque subsidiaire, si ce praticien fait si peu ce cas de ses devoirs de conseil et de vigilance, que valent les arguments de cette profession devant la commercialisation des médicaments en grande surface ?).
Pourquoi le médecin généraliste, alerté sur l'état de son patient se contente-t-il de renvoyer David vers le spécialiste sans l'examiner en urgence ?
Comment peut-il, deux jours plus tard, entériner l'ordonnance du docteur F. après l'avoir enfin consultée ?
Cette succession de démissions signe l'arrêt de mort d'un système de santé fondée sur le contrôle réciproque et la responsabilité de chaque praticien. N'est-ce pas suffisamment grave pour interpeller un procureur de la République, garant de l'ordre public ?