09 Janvier 2015
|Plus de 80 % des mauvais traitements sur un enfant sont infligés au sein de la famille. La maltraitance est caractérisée par son début précoce et sa chronicité. Lorsqu’un professionnel de santé suspecte une maltraitance chez un enfant, pour le protéger, il peut être amené à le faire hospitaliser immédiatement. La HAS a réalisé un travail pour aider le médecin à repérer et à prendre en charge les enfants victimes de violence. Explications du Dr Muriel Dhénain*, du service des bonnes pratiques professionnelles.
Vous avez réalisé une fiche mémo intitulée « Maltraitance chez l’enfant : repérage et conduite à tenir ». Quels sont les professionnels concernés ?
Cette fiche s’adresse aux médecins et à tous les professionnels de santé en situation d’observation clinique de l’enfant. Elle concerne donc les médecins libéraux généralistes, pédiatres et psychiatres ; les médecins et les puéricultrices de PMI ; les médecins et infirmières scolaires ; les médecins et paramédicaux hospitaliers (notamment des services d’urgences, de pédiatrie et de radiologie) ; les sages-femmes ; les médecins et paramédicaux des structures d’accueil de la petite enfance et des services médico-sociaux.
Comment peut-on définir la maltraitance ?
La maltraitance est définie par le non-respect des droits et des besoins fondamentaux des enfants (santé ; sécurité ; moralité ; éducation ; développement physique, affectif, intellectuel et social) (article 375 du Code civil). La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a remplacé la notion de maltraitance par celle de danger (qui inclut la maltraitance). La fiche mémo « Maltraitance chez l’enfant : repérage et conduite à tenir » concerne les enfants maltraités et ceux en risque de l’être.
Quel est le contenu de cette fiche ?
La fiche mémo comporte trois parties :
• le repérage de la maltraitance et les décisions qui lui font suite ;
• les documents élaborés par la HAS sur trois situations particulières : la mort inattendue du nourrisson, le syndrome du bébé secoué, les maltraitances sexuelles intrafamiliales ;
• deux annexes : l’une sur les aspects législatifs et réglementaires ; la seconde sur le modèle de signalement établi par l’Ordre des médecins, le ministère de la Justice, le ministère de la Santé et de la Famille et les associations de protection de l’enfance.
Quels sont les principaux messages de cette fiche ?
La maltraitance chez l’enfant existe dans toutes les classes sociales. Elle est plus fréquente qu’on ne le croit. C’est pourquoi, lors des consultations, il faut y penser même devant des signes non spécifiques. Le professionnel de santé n'a pas à être certain de la maltraitance, ni à en apporter la preuve pour alerter l’autorité compétente. Il doit fonder sa suspicion sur un faisceau d’arguments. Et devant une situation de maltraitance, il est essentiel qu’il ne reste pas seul.
Devant une suspicion de maltraitance, que convient-il de faire en premier lieu ?
Il faut protéger l’enfant. Le médecin sera parfois contraint de procéder à l’hospitalisation immédiate de l’enfant s’il estime que sa mise à l’abri est nécessaire, s’il s’agit d’un nourrisson ou s’il existe un risque médical important. Il pourra aussi être amené à rédiger un certificat médical initial (ITT). Ce document ouvre droits à réparation.
Quelle est la conduite à tenir en situation d’urgence ?
En cas d’urgence vitale, il faut appeler le Samu centre 15 pour le transfert de l'enfant à l'hôpital qui doit faire le signalement. En cas de danger important (forte suspicion de maltraitance avec auteur présumé au domicile de l'enfant), il faut organiser l’hospitalisation et le signalement au procureur de la République. Le médecin prévient le senior des urgences et s’assure de l’arrivée effective de l’enfant.
Après concertation, le médecin ou l’hôpital informe le procureur de la République par téléphone et adresse le signalement par fax et courrier (en gardant une copie du signalement).
Et quelles sont les préconisations en dehors des situations d’urgence ?
Compte tenu de la complexité des situations d’enfants en danger et en risque de danger, il est essentiel que les réflexions se fassent de façon collégiale (travail en réseau incluant les médecins scolaire et de PMI). Ces situations relèvent de la compétence du conseil général et doivent faire l’objet d’une « information préoccupante » transmise à la Cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (Crip) par téléphone et fax et/ou courrier. La Crip a également un rôle de conseil pour les professionnels.
Lorsqu’il y a suspicion de maltraitance, que faut-il rechercher et comment ?
• Examen clinique complet. Lorsque le médecin suspecte un état de maltraitance, un examen clinique complet de l’enfant dévêtu est réalisé : mesure des paramètres de croissance, évaluation du développement psychomoteur et des capacités de l’enfant, examen cutané (recherche de traces de violence sur l'ensemble du corps), examen des muqueuses, palpation généralisée (recherche de signes de fractures ou d’hémorragie interne par atteinte viscérale [défense abdominale, douleur, masse]…), observation du comportement de l’enfant et de son entourage durant l’examen clinique.
• Entretien avec l’entourage de l’enfant. Des questions ouvertes sont posées. L’objectif est de recueillir des informations concernant les antécédents médicaux personnels et familiaux, les événements de vie qui ont pu affecter l’enfant, le comportement habituel de l’enfant, l’environnement familial et la relation parents-enfant. Lors de l’entretien, il faut garder à l’esprit que l’accompagnateur peut être l’auteur des faits ou leur témoin passif.
• Entretien seul avec l’enfant dès que son âge le permet (et avec son accord). L’entretien commencera par des questions d’ordre général (relatives à l’école, à ses conditions de vie à la maison, ses loisirs, ses relations avec sa famille, ses copains). Il est recommandé de laisser l’enfant s’exprimer spontanément en privilégiant les questions ouvertes et en lui montrant qu’on croit sa parole. L’objectif est de préciser l’origine des lésions observées, tout en recherchant d’éventuelles discordances entre ces lésions et les explications données.
Enfin, un examen radiologique pourra être nécessaire, certaines caractéristiques des fractures étant évocatrices de maltraitance.