altDans le cadre du plan d’actions mis en place par l’ANSM pour sécuriser l’utilisation des anticoagulants oraux, les résultats de deux études de pharmaco-épidémiologie menées par la CNAMTS et l’ANSM sont rendus publics. Ils ne montrent pas d’augmentation du risque d’événement hémorragique sévère avec les anticoagulants oraux directs[1] (AOD) comparés aux traitements de référence, les antivitamines K (AVK). De même, le passage d’un traitement par AVK à un traitement par AOD n’augmente pas le risque hémorragique sévère. Il n’est pas non plus montré d’augmentation du risque d’AVC ischémique, embolie systémique ou d’infarctus du myocarde avec les AOD comparés aux AVK.

Ces études portent sur une très courte période de suivi et la surveillance renforcée doit être poursuivie.

Les anticoagulants oraux sont des médicaments largement utilisés[2] et indispensables dans le traitement et la prévention d’accidents thromboemboliques (accident vasculaire cérébral ischémique, embolie pulmonaire,...), pathologies graves qui mettent en jeu le pronostic vital. Prescrits pour fluidifier le sang, ces produits présentent un risque hémorragique et leur prescription doit respecter strictement le cadre de leur autorisation de mise sur le marché (AMM).

Ces médicaments comprennent les antivitamines K (AVK) qui sont les médicaments de référence et, depuis 2012, les anticoagulants oraux directs (AOD) dont la nature, le mécanisme d’action et le type de surveillance nécessitent un suivi renforcé. Un plan d’actions destiné à sécuriser l’utilisation des anticoagulants oraux, a été mis en place en 2013 par les pouvoirs publics dans cet objectif. Il prévoit une surveillance particulière de ces produits, le partage de l’information disponible avec les professionnels et les patients et le rappel des bonnes pratiques d’utilisation.

C’est dans ce cadre que la CNAMTS et l’ANSM ont mené conjointement deux études de pharmaco-épidémiologie en vie réelle, comparant les risques observés avec les deux classes d’anticoagulants (AVK et AOD). Ces deux études ont été réalisées à partir des données du SNIIRAM[3] et des données d’hospitalisation du PMSI[4]. Les résultats des deux études ont été présentés et discutés hier lors de la séance de la Commission de suivi du rapport bénéfice/risque des produits de santé de l’ANSM.

L’étude réalisée par la CNAMTS a pour objectif principal d’évaluer le risque d’hémorragie majeure entre les nouveaux utilisateurs d’AOD (Rivaroxaban et Dabigatran[5]) et les nouveaux utilisateurs d’AVK. Cette étude explore ce risque chez des patients exempts jusqu’alors de tout traitement d’anticoagulant oral (dits « naïfs ») au cours des 90 premiers jours de traitement, et ce, quelle que soit l’indication visée (fibrillation auriculaire non valvulaire, fibrillation auriculaire ou après thrombose veineuse profonde ou embolie pulmonaire).

Les résultats de cette étude, qui porte sur 71 589 patients, sont rassurants quant aux risques encourus par des patients sous AOD, tels qu’observés à court terme. Ils ne montrent pas d’excès de risques hémorragique ou thrombotique artériel chez les patients débutant un traitement par AOD (Dabigatran et Rivaroxaban) versus AVK dans les 90 premiers jours de traitement, et ce dans le contexte français de montée en charge de ces médicaments.

Les résultats de cette étude de cohorte indiquent par ailleurs une prescription différente en termes de dosages selon les caractéristiques des patients, et notamment leur risque hémorragique de base. Ainsi, les patients débutant un traitement par faibles dosages d’AOD sont plus âgés (> 80 ans) et globalement plus à risques (hémorragique ou thrombotique artériel) que ceux débutant leur traitement avec de forts dosages.

Pour sa part, l’étude réalisée par l’ANSM a pour objectif de comparer, chez les personnes nécessitant un traitement anticoagulant pour une fibrillation auriculaire non valvulaire ou une thrombose veineuse profonde/embolie pulmonaire, le risque d’hémorragie majeure entre les patients qui changent de traitement anticoagulant (passant d’un AVK à un AOD) et ceux qui restent sous AVK. L’étude porte sur une population de 24 820 patients suivis pendant quatre mois.

Les résultats de cette étude sont également rassurants et ne montrent pas d’augmentation du risque d’événement hémorragique majeur chez les personnes qui passent d’un traitement AVK vers un AOD par rapport aux personnes qui restent sous AVK, quel que soit l’AOD. Par ailleurs, l’étude ne montre pas non plus, entre les différents groupes de patients, d’augmentation à quatre mois du risque d’AVC ischémique/embolie systémique ou d’infarctus du myocarde.

Ces études en vie réelle, dont les résultats sont cohérents avec les publications internationales récentes constituent la première contribution française sur l’existence ou non d’un sur-risque hémorragique sous AOD versus AVK. Toutefois, il est important de souligner qu’elles ne permettent pas de conclure aujourd’hui positivement ou négativement dans le cadre d’un usage prolongé de ces traitements. En effet, ces études portent sur une période très courte, de 3 à 4 mois de suivi, et sont à prendre avec précaution en raison du nombre d’événements relativement faible.

Plusieurs études sont d’ores et déjà prévues afin de mieux cerner l’observance en vie réelle de ces traitements sur une durée plus longue et d’approfondir la connaissance des conditions de prescription, de leur efficacité et de leur profil de sécurité, notamment dans leur usage préventif.

Il est donc important de poursuivre la surveillance des risques liés à l’utilisation des AOD, d’observer l’évolution des comportements de prescription et d’utilisation des AOD au cours du temps. L’utilisation des anticoagulants oraux et les risques qui leur sont associés continueront donc à faire l’objet d’une surveillance étroite dans le cadre du plan d’actions de l’ANSM, en collaboration avec la CNAMTS, la HAS et sous la coordination du ministère chargé de la santé.


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