27 Mai 2014
| Le Dolutégravir est un nouvel antirétroviral pour traiter l'infection par le VIH/SIDA. Des données récentes présentées la semaine dernière au congrès ISHEID suggèrent qu'il pourrait aussi mettre la maladie en rémission durable.Un nouvel inhibiteur d'intégrase
Le Dolutégravir est un nouvel inhibiteur d'intégrase, l'enzyme qui permet au Virus de l'Immunodéficience Humaine (VIH) responsable du SIDA de s'inclure dans les chromosomes de nos cellules. Ainsi, il constitue un réservoir qui fait que la maladie n'est pas curable car chaque fois que la trithérapie est arrêtée, ce réservoir se réveille et le VIH se remet à se multiplier.
La seule parade trouvée à ce jour est de poursuivre la trithérapie à vie.
En effet, tous les médicaments antiviraux utilisés à ce jour ont favorisé une évolution darwinienne du VIH: le virus développe au cours du temps des mutations qui le rendent résistant aux molécules et il peut ainsi échapper à leur action. Ces mutations ont toujours été jusqu'à présent favorables au virus.
Dolutégravir : première molécule antirétrovirale semblant stopper l'évolution darwinienne du VIH
Le Dolutégravir s'avère être la première molécule antirétrovirale entraînant l'inverse: si des mutations sont sélectionnées, elles défavorisent le VIH dont la capacité réplicative (appelée fitness) est diminuée de 80%.
"Les mutations induites In vitro par le Dolutégravir sont la R263K et la H51Y" déclare le Pr Mark Wainberg de l'Université McGill de Montréal. De plus, "Il semblerait qu'une mutation compensatrice soit très difficile à faire émerger" ajoute-t-il.
Des essais cliniques désormais nécessaires pour confirmer cette hypothèse
Si un tel fait était confirmé in vivo chez les patients non pré-traités par inhibiteur d'intégrase, ceci permettrait de nouvelles hypothèses sur la mutagenèse dirigée. "Si l'on obtient ces deux mutations il est possible que le virus ne puisse se multiplier qu'à minima ou même plus du tout" déclare Pierre Dellamonica, Professeur de Maladies Infectieuses au Centre Hospitalier Universitaire de Nice.
On se trouverait ainsi dans une situation qui pourrait être comparable à celle des rétrovirus ancestraux déjà présents dans notre génome et qui ne font plus parler d'eux. Cette voie de recherche est très peu investie alors que dans des temps très anciens la nature l'a réussie. Actuellement la recherche est focalisée sur le vaccin et les tentatives d'éradication du virus. Pour le vaccin pour l'instant ni l'immunité humorale ni l'immunité cellulaire n'ont pu être stimulées de façon efficace. Quant aux tentatives d'éradication, les résultats sont décevants et risqués. "Il paraît bien utopique vu les technologies disponibles de vouloir éradiquer un virus intègré..." ajoute Pierre Dellamonica.
Il est donc légitime d'explorer cette nouvelle hypothèse en constituant une cohorte de patients traités par Dolutégravir et en mettant en place un essai clinique de traitement précoce par Dolutégravir.
Cette dernière approche permettrait de mettre le VIH hors d'état de nuire tout en préservant l'immunité cellulaire (CTL) développée contre lui, qui serait alors capable par la suite de contrôler le VIH à la place des antirétroviraux...et donc d'arrêter ceux-ci.
NB: aucun des auteurs cités n'a de conflit d'intérêt en rapport avec ce sujet.