altDans une période mouvementée pour l’accouchement à domicile, le CIANE, sollicité par nombre  de futurs parents et de professionnels, souhaite rappeler sa position sur ce choix d’accouchement.

Bien que minoritaire en France, l'accouchement à domicile est choisi par un nombre non négligeable de familles, et le serait davantage si cette offre était intégrée dans l’offre de soins comme chez certains de nos voisins européens. Il reste peu encouragé en France malgré son faible coût et sa sûreté. En effet, des études scientifiques récentes [1] mettent en évidence que pour les grossesses à bas risque, l'accouchement à domicile - lorsqu'il est assisté par une sagefemme qualifiée, est aussi sûr que l'accouchement en maternité.

Afin de pouvoir accompagner les parents dans leurs choix, les sages-femmes libérales pratiquant l'accouchement à domicile doivent souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle.

Le montant de la prime demandé par les assureurs est de 19 000 € par an; elle est calculée sur la base des risques encourus par les obstétriciens qui gèrent une patientèle présentant beaucoup plus de risques en moyenne que celle des sages-femmes. Avec un salaire annuel moyen de 24 000 €, aucune sage-femme n'est actuellement en mesure de s'assurer [2]. C'est donc sans assurance que certaines sages-femmes françaises pratiquent l'accouchement à domicile. Cette situation perdure depuis une dizaine d’années et ni les actions conjointes du CIANE et d’autres associations d’usagers, ni celles des associations de sages-femmes n’ont abouti à un résultat tangible [3].

Alerté par la Cour des comptes, le ministère des Affaires sociales et de la Santé a décidé de saisir l’Ordre des sages-femmes sur les risques encourus du fait d’un défaut de souscription d’assurance en responsabilité civile professionnelle par les sages-femmes libérales pratiquant des accouchements à domicile, rappelant que le manquement à cette obligation d’assurance est passible de sanctions disciplinaires telles que l'interdiction d’exercice prononcée par l’Ordre des sages-femmes, et qu'il peut également faire l’objet de sanctions pénales pouvant aller jusqu’à 45 000 € d’amende (article L.1142-25 du code de la santé publique).

L'application stricte de l'article L.1142-25, légitime en soi mais rendue impossible du fait des tarifs d’assurance prohibitifs, interdit aux sages-femmes libérales de pratiquer leur art, privant les parents du droit de choisir librement le lieu de naissance de leur enfant et le praticien qui les accompagnera. Ce rappel à l'ordre de l'État, sans concertation avec les intéressés ni recherche d'une solution efficace à cette difficulté déjà ancienne, est vécu par les parents ayant fait le projet d’un accouchement à domicile comme une mesure de répression. Nous ne pouvons que nous étonner de la soudaine prise en considération de ce problème  assurantiel, pour lequel aucune solution n’a été proposée depuis 2002.

En 2010, la Cour européenne des droits de l'homme [4] a reconnu que “la “vie privée” englobe (...) le droit de choisir les circonstances dans lesquelles devenir parent.”. La Hongrie a été condamnée pour violation du droit au respect de la vie privée (Art. 8) dans le cas de la plainte d'une femme n'ayant pu accoucher à son domicile accompagnée par une sage-femme, les professionnels étant dissuadés de pratiquer les accouchements à domicile par la menace de poursuites. En France, des femmes sont confrontées à la même impossibilité de faire respecter leurs droits, alors même que dans d’autres pays d’Europe, la prime d’assurance demandée aux sages-femmes est d’un montant raisonnable (moins de 1 000 € dans la plupart des pays européens) ce qui leur permet d'accompagner les femmes désirant accoucher chez elles. Or, comme l’a rappelé une décision de la Cour de cassation, la France, en tant que pays adhérent à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales « est tenue de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, sans attendre d’être attaquée devant elle ni d’avoir modifié [sa] législation. » [5]

Afin de permettre aux familles qui le désirent de pouvoir choisir en toute sécurité leur domicile comme lieu de naissance de leur enfant, nous demandons que l’État français se mette en conformité avec le droit : l'accouchement à domicile doit être intégré au système de soins français, et une solution au problème assurantiel rencontré par les sages-femmes libérales pratiquant cet acte trouvée rapidement.

Références
[1] http://www.ordre-sages-femmes.fr/NET/img/upload/2/1347_CONTACT30.pdf (p 20)
[2] page UNSSF 24 697 € en 2012, source UNASA
[3] Site ANSFL : http://www.ansfl.org/fr/journal/actualite/lire/rcp-et-aad/
Et travail sur le risque assurantiel du CIANE :
http://ciane.net/blog/wp-content/uploads/2013/01/AssurancesAAD-Ciane2013.pdf
[4] CDEH http://www.echr.coe.int/Documents/FS_Reproductive_FRA.pdf (p.7)
[5] Arrêt n° 592 du 15 avril 2011 (10-30.316) - Cour de cassation - Assemblée plénière


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