Fentanyl transmuqueux : Rappel de ses effets indésirables et de la nécessité de bien respecter ses indications
26 Septembre 2013
|Le fentanyl est un antalgique opioïde indiqué dans le traitement des accès douloureux paroxystiques chez les patients adultes déjà traités par des morphiniques pour des douleurs chroniques d’origine cancéreuse. Du fait de leurs risques d’effets indésirables et de mésusage, les spécialités de fentanyl par voie transmuqueuse à action rapide sont soumises à un suivi national de pharmacovigilance et d’addictovigilance.
Des données récentes issues du suivi de pharmacovigilance font toujours état d’effets secondaires liés aux opioïdes mais aussi de réactions au niveau du site d’administration (buccal ou nasal). Une augmentation des cas de mésusage est également constatée (utilisations hors indication cancéreuse, traitement de fond inexistant ou insuffisant, doses prescrites excessives, abus et pharmacodépendance).
Antalgique opioïde de palier III, le fentanyl est classé sur la liste des stupéfiants[1]. Utilisé par voie intraveineuse dans le cadre d’une anesthésie générale[2], il est également utilisé pour ses propriétés antalgiques par voie transdermique (patchs de Durogésic) et par voie transmuqueuse (forme à action rapide). Six spécialités de fentanyl par voie transmuqueuse sont disponibles en France, dont quatre reposent sur une administration buccale (Abstral, Actiq, Breakyl et Effentora) et deux sur une administration nasale (Instanyl et Pecfent).
Les spécialités de fentanyl par voie transmuqueuse à action rapide sont indiquées dans le traitement des accès douloureux paroxystiques chez des patients adultes[3] recevant déjà un traitement de fond morphinique pour des douleurs chroniques d'origine cancéreuse. Un accès douloureux paroxystique correspond à une exacerbation transitoire et spontanée d’une douleur chronique d'origine cancéreuse par ailleurs contrôlée par un traitement de fond à posologie stable.
Afin de réduire au minimum les risques d’effets indésirables en déterminant la dose minimale efficace pour chaque patient, il est indispensable que le patient soit étroitement surveillé pendant la période de titration du traitement. Par ailleurs, ces spécialités ne sont pas équivalentes entre elles. En cas de remplacement de l’une par une autre, il est nécessaire de recommencer la procédure de titration.
En tant que stupéfiant, le fentanyl est prescrit pour une durée maximale de 28 jours, avec une délivrance limitée à 7 jours.
L’ANSM met en garde les professionnels de santé sur les effets indésirables et les risques de mésusage du fentanyl transmuqueux
Compte tenu des effets indésirables liés aux opioïdes mais aussi de leurs risques de mésusage, ces cinq spécialités à base de fentanyl transmuqueux sont soumises, depuis leur commercialisation, à un suivi national de pharmacovigilance et d’addictovigilance.
Un bilan de ce suivi a été présenté en avril 2013 à la Commission des stupéfiants et des psychotropes (CSP) de l’Agence. Les données présentées couvraient une période de 16 mois (du 1er août 2011 au 31 décembre 2012).
Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés étaient liés à la voie d’administration et étaient plus fréquents que les effets indésirables classiquement observés avec les opioïdes :
- en cas d’administration par voie buccale : douleurs et irritations de la muqueuse buccale, ulcère, détérioration de l’état dentaire (caries, perte de dents partielle voire totale)[4] ;
- en cas d’administration par voie nasale : sensation de gêne nasale, rhinorrhée (écoulement nasal), épistaxis (saignement de nez), perforation de la cloison nasale.
Les effets indésirables généraux et classiquement rapportés sont :
- des effets cardiorespiratoires : dépression respiratoire, dépression circulatoire, hypotension, voire état de choc ;
- des troubles digestifs : nausées, vomissements, douleurs abdominales, constipation ;
- des troubles neurologiques : somnolence, étourdissements, perte de connaissance, convulsions.
Ces effets indésirables généraux et locaux sont déjà mentionnés dans le RCP et listés dans le plan de gestion des risques des spécialités à base de fentanyl transmuqueux. L’ANSM tient toutefois à les rappeler aux professionnels de santé, en particulier les réactions locales dont certaines peuvent être très invalidantes.
L’actualisation des données de suivi a également mis en évidence une augmentation du mésusage importante des spécialités à base de fentanyl transmuqueux.
Les principaux mésusages observés sont une utilisation du fentanyl transmuqueux pour des douleurs non cancéreuses, une utilisation chez des patients ayant un traitement de fond opioïde insuffisant ou inexistant, et une prescription de doses excessives de fentanyl. Des cas d’abus et de pharmacodépendance ont également été rapportés, en particulier chez des patients n’ayant pas d’indication cancéreuse.
Cette augmentation du mésusage est préoccupante car elle expose des patients à un risque important d’effets indésirables liés au fentanyl.
Si les données de pharmacovigilance n’ont pas mis en évidence de cas d’intoxication pédiatrique, quelques cas ont été rapportés par le réseau de toxicovigilance.
Des cas de décès ont été rapportés et font apparaître des circonstances suspectes notamment des contextes de mésusages ou de contre-indications.
Au vu de ces données, l’ANSM souhaite rappeler aux professionnels de santé la nécessité de prendre en compte ces effets indésirables en particulier les réactions locales et de bien respecter le RCP des spécialités à base de fentanyl par voie transmuqueuse en cas de prescription. Elle les met également en garde sur les risques de mésusages liés à ces spécialités en augmentation par rapport au précédent bilan de suivi national. |
Devant ce constat, les membres de la CSP ont proposé de modifier les conditions de prescription et de délivrance (CPD) des spécialités à base de fentanyl à action rapide (transmuqueux) pour en limiter le mésusage. Une fois que les sociétés savantes (d’algologie et d’oncologie notamment) ainsi que les laboratoires concernés auront été consultés, la Commission sera à nouveau saisie pour proposer des modifications des CPD à envisager.
L’ANSM rappelle que les professionnels de santé doivent déclarer immédiatement tout effet indésirable suspecté d’être dû à un médicament dont ils ont connaissance au Centre régional de Pharmacovigilance dont ils dépendent géographiquement. Les patients et les associations agréées de patients peuvent également signaler tout effet indésirable à leur centre régional de pharmacovigilance. Tout cas d’abus ou de pharmacodépendance grave doit d’autre part être signalé au Centre d’Evaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance (CEIP) dont les professionnels de santé dépendent. |
Lire aussi
- Compte rendu de la séance du 25 avril 2013 de la Commission des Stupéfiants et des Psychotropes : Résultats du suivi national de pharmacovigilance et d’addictovigilance des spécialités à base de fentanyl transmuqueux - 14/05/2013
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[1] Il s’agit d’un analgésique classé stupéfiant dont les propriétés sont au moins 80 fois plus puissantes que celles de la morphine.
[2] Analgésique central réservé à l'anesthésie de courte, moyenne ou longue durée. Il peut également être administré par voie péridurale, de façon isolée ou en association aux anesthésiques locaux.
[3] La sécurité et l’efficacité du fentanyl chez les patients de moins de 16 ans n’ont pas été établies ; son utilisation dans cette population n’est donc pas recommandée.
[4] Les effets dentaires sont particulièrement graves pour la spécialité Actiq selon les dernières données de suivi.