L’ANSM impose des précautions d’emploi pour 5 spécialités contenant des phtalates en quantité supérieure au seuil recommandé par l’Agence Européenne
24 Juillet 2013
|L’Agence européenne du médicament (EMA) a récemment publié un projet de recommandations pour encadrer l’utilisation des phtalates en tant qu’excipients dans les médicaments[1] . Ces derniers sont autorisés, à défaut de solution alternative, dans des conditions bien définies (durée de traitement, population, rapport bénéfice/risque de l’indication thérapeutique).
En attendant le remplacement des phtalates contenus dans ces spécialités pharmaceutiques par d’autres excipients, et par mesure de précaution, l’ANSM recommande aux professionnels de santé :
- de limiter la dose et la durée de traitement par les spécialités concernées, en l’absence d’alternative thérapeutique
- d’en déconseiller l’utilisation chez les enfants, les femmes enceintes ou allaitantes, en cas d’alternative thérapeutique existante (autres spécialités contenant le même principe actif et ne comportant pas de phtalates, ou autres spécialités contenant un principe actif différent mais ayant la même indication thérapeutique).
L’ANSM a identifié que les phtalates entrant dans la composition d’environ 150 spécialités pharmaceutiques sont : le phtalate de dibutyle (DBP), le phtalate de diéthyle (DEP), l’acétate phtalate de polyvinyle (PVAP), le phtalate d’hypromellose (HPMCP) et l’acétate phtalate de cellulose (CAP).
Parmi ces 5 phtalates, seuls 3 (DBP, DEP, PVAP) pourraient être toxiques pour l’homme, selon les données disponibles. L’EMA a ainsi déterminé des seuils pour ces 3 composés.
En l’état actuel des connaissances, les spécialités suivantes ont été identifiées comme contenant un phtalate potentiellement toxique pour l’espèce humaine, en l’occurrence le DBP, en quantités supérieures à celles recommandées par l’EMA :
Spécialité | Dénomination commune internationale | Dosage concerné | Forme pharmaceutique concernée | Coordonnées du laboratoire |
ACADIONE | tiopronine | 250 mg | Comprimé dragéifié |
Sanofi Aventis France Tél : 01 57 63 33 33 |
ATRICAN* | ténonitrozole | 250 mg | Capsule molle gastrorésistante |
Innotech International Tél : 01 45 46 40 15 |
PROKINYL | métoclopramide | 15 mg | Gélule à libération prolongée |
Techni-Pharma Tél : 00 377 92 05 77 10 |
ROWASA | mésalazine | 250 mg | Comprimé enrobé gastrorésistant |
Abbott Products Tél : 01 46 25 85 00 |
ROWASA** | mésalazine | 500 mg | Comprimé enrobé gastrorésistant |
Abbott Products Tél : 01 46 25 85 00 |
* spécialité en arrêt de commercialisation depuis le 31/03/2012
** une demande de modification de l’autorisation de mise sur le marché pour remplacer le phtalate entrant dans la composition de cette spécialité est en cours d'instruction.
La famille chimique des phtalates est particulièrement vaste et ces composés sont très utilisés dans de nombreux secteurs de l’industrie dont l’industrie pharmaceutique où ils sont principalement utilisés comme plastifiant pour enrobage (enrobage gastro-résistant des comprimés notamment ou enrobage des formes à libération prolongée). Chez l’animal, certains phtalates ont été reconnus nocifs pour la santé en raison de leur toxicité sur la reproduction. Les données cliniques disponibles concernant les effets potentiels des phtalates chez l’Homme ne permettent pas d’exclure un risque, en particulier pour les populations sensibles comme les enfants exposés in utero , les nouveau-nés exposés via l’allaitement et les enfants exposés directement.
L’ANSM a donc demandé aux laboratoires titulaires des Autorisations de Mise sur le Marché de ces 5 spécialités pharmaceutiques de les reformuler afin de mettre à disposition, dans un délai de 18 mois, des formes pharmaceutiques dépourvues de DBP. Dans cette attente et par mesure de précaution, l’utilisation de ces spécialités doit être limitée dans la mesure du possible pour les populations sensibles :
- la femme enceinte, afin de limiter l’exposition in utero aux phtalates
- la femme allaitante, afin de limiter l’exposition de l’enfant via l’allaitement
- les enfants, afin de limiter l’exposition directe.
Ainsi, le résumé des caractéristiques du produit et la notice des spécialités concernées sont en cours de modification pour informer les professionnels de santé et les patients traités de la présence de phtalates parmi les excipients et permettre ainsi de limiter l’exposition des personnes les plus sensibles aux effets potentiels des phtalates (femmes enceintes et allaitantes, enfants) durant cette période transitoire.
L’Agence demande aux professionnels de santé, pour les populations à risque (femmes enceintes et allaitantes, enfants) :
- de favoriser quand cela est possible les alternatives thérapeutiques dépourvues de phtalates (autres spécialités contenant le même principe actif et ne comportant pas de phtalates parmi ses excipients, ou autres spécialités contenant un principe actif différent mais ayant la même indication thérapeutique).
- de limiter, en l’absence d’alternative, le traitement par les spécialités concernées (voir tableau ci-avant) à la durée la plus courte possible et à la dose efficace minimale.
L’ANSM recommande aux patients traités par ces 5 spécialités de prendre avis auprès de leur pharmacien ou de leur médecin.
Lire aussi
- Phtalates et médicaments - Questions/ Réponses (23/07/2013) (40 ko)
- Compte-rendu de la séance n°1 du 25 avril 2013 de la Commission prévention des risques liés à l'utilisation des catégories de produits de santé (23/07/2013) (177 ko)
- Recommandations sur les phtalates dans les dispositifs médicaux (28/06/2011)
[1] EMA, Draft guideline on the use of phthalates as excipients in human medicinal products (EMA/CHMP/SWP/362974/2012) – http://www.ema.europa.eu/docs/en_GB/document_library/Scientific_guideline/2013/05/WC500143140.pdf