14 Mai 2013
|Publication au Journal of Clinical Oncology
Démonstration du potentiel des cellules tumorales circulantes
Cancer du poumon non à petites cellules
Une prise de sang permet d'identifier les patients qui bénéficieront d'un traitement cibléCertains cancers du poumon sont caractérisés par une anomalie moléculaire affectant le gène ALK. Les patients atteints de ce type de tumeur peuvent bénéficier d'un nouveau médicament, le crizotinib. Il est donc essentiel de les identifier. Actuellement, la recherche du remaniement ALK se fait sur un fragment de tumeur, classiquement sur la biopsie initiale qui a permis de porter le diagnostic. Parfois, le matériel tumoral est épuisé et il faut recourir à une nouvelle biopsie de la tumeur. L'équipe de Françoise Farace, du laboratoire de recherche translationnelle Gustave Roussy INSERM U981, en collaboration avec les médecins du comité de pathologie thoracique (Benjamin Besse, Jean Charles Soria) ont mis au point une technique permettant de détecter cette anomalie sur un échantillon de sang.
Un système de filtration combiné à une nouvelle approche d'hybridation in situ de l'ADN (FA-FISH pour filter-adapted fluorescence in situ hybridization dont la demande de brevet est en cours) permet de détecter les remaniements ALK dans les cellules tumorales qui circulent dans le sang. Cette technique est d'autant plus intéressante que les cellules tumorales isolées dans le sang permettent de réaliser l'examen dans de bonnes conditions techniques alors que la qualité des fragments de tumeur est parfois insuffisante. Ces travaux sont publiés ce jour dans Journal of Clinical Oncology[1].
L'atout des cellules tumorales circulantes
Les résultats publiés aujourd'hui suggèrent que les cellules tumorales circulantes (CTC) pourraient à l'avenir être utilisées en remplacement de la biopsie tumorale, constituant ainsi une « biopsie liquide » accessible de manière non invasive pour diagnostiquer et suivre l'efficacité d'un traitement ciblé. Ce travail constitue l'une des premières démonstrations de l'intérêt des CTC en tant que biopsie liquide.
Le travail réalisé dans le laboratoire de Françoise Farace avait pour objectif d'évaluer dans quelle mesure les CTC pouvaient être utilisées pour réaliser le diagnostic d'un remaniement ALK. Les CTC sont présentes à une fréquence extrêmement faible dans le sang périphérique (environ 1 CTC pour 10 millions de globules blancs) et les méthodes permettant de les caractériser au niveau moléculaire font appel à des technologies très complexes, utilisées ici avec succès. Les CTC sont considérées comme les vecteurs de la dissémination métastatique et la technique proposée pourrait aussi aider à explorer leur rôle dans la progression tumorale.
Les détails de l'étude
Le laboratoire a analysé les CTC de 32 patients atteints d'un cancer du poumon non à petites cellules, dont 18 présentant un remaniement ALK établi à partir d'un prélèvement tumoral (dits ALK+) et 14 ne présentant pas de remaniement ALK (dits ALK-).Tous les patients ALK+ « dans la tumeur » se sont révélés être positifs « dans les CTC » alors que tous les patients ALK- « dans la tumeur » étaient eux aussi négatifs « dans les CTC ».
Ce travail a aussi permis de montrer que les CTC porteurs du remaniement ALK exprimaient des marqueurs d'agressivité tumorale suggérant un rôle important de ces cellules dans la progression de la maladie métastatique.
Les perspectives
- Le laboratoire de Gustave Roussy est le seul à utiliser cette technologie
- 2 demandes de brevets ont été déposés (GR propriétaire)
- Le laboratoire poursuit ses travaux pour identifier dans les CTC des patients ALK positifs les mécanismes de résistance au crizotinib. Ces recherches pourraient aboutir à combiner plusieurs thérapies ciblées et à un traitement encore plus efficace.
- Cette technique pourrait être appliquée à d'autres anomalies du cancer bronchique qui sont autant de cibles thérapeutiques (remaniement de ROS1, de RET...)
- Des travaux sont en cours pour utiliser cette technologie dans d'autres tumeurs (sein, prostate)
ENCART 1
Le cancer du poumon
- Dans le monde : 1,61 million de nouveaux cas par an, 1,38 million de décès par an[2],
- 300.000 nouveaux cas par an en Europe dont près de 40.000 en France,
- 250.000 décès en Europe dont près de 30.000 en France[3] .
- Taux de survie à 5 ans de 15 %[4].
- Principaux types : carcinome à petites cellules (15%) et carcinome non à petites cellules représentant environ 85 % des cancers du poumon. (Distinction importante, parce que le traitement en dépend)
- Ces cancers sont pris en charge à Gustave Roussy dans le cadre de l'Institut d'Oncologie Thoracique (Structure transversale entre Gustave Roussy et le centre chirurgical Marie Lannelongue).
ENCART 2
La Recherche Translationnelle à Gustave Roussy : un booster d'innovations
La Recherche Translationnelle est le chaînon manquant entre la Recherche Fondamentale et la Recherche Clinique. Elle permet :
- d'accélérer l'application des recherches les plus récentes au bénéfice du patient.
- d'assurer le continuum entre la recherche et les soins et permettre aux patients de bénéficier plus rapidement des innovations diagnostiques et thérapeutiques.
Aujourd'hui, les grands progrès en cancérologie sont en partie, dus à une meilleure connaissance de la génomique et de la biologie des tumeurs. Ceci permet une meilleure classification des pathologies cancéreuses et le développement de traitements mieux ciblés pour le patient.
A propos de Gustave Roussy
Gustave Roussy, premier centre de lutte contre le cancer en Europe, constitue un pôle d'expertise global contre le cancer entièrement dédié aux patients. Il réunit sur un même site 2 600 professionnels dont les missions sont le soin, la recherche et l'enseignement. En consacrant près de 20% de son budget à la recherche, l'Institut Gustave Roussy affiche clairement sa volonté de promouvoir la recherche comme moteur de l'innovation au bénéfice des patients.
2
[1].Pailler, E., Adam, J., Barthélémy, A., Oulhen, M., Auger, N., Valent, A., Borget, I, Planchard, D., Taylor, M., André, F., Soria, J.C., Vielh, P., Besse, B. and Farace, F. Detection of Circulating Tumor Cells Harboring a Unique ALK Rearrangement in ALK-Positive Non-Small-Cell Lung Cancer, J Clin Oncol. In Press
[2] International Agency for Research on Cancer (IARC) / Globocan: chiffres monde 2008.
[3] International Agency for Research on Cancer (IARC) / European Cancer Observatory: chiffres Europe 2008. Institut Nationale de Veille Sanitaire : chiffres France estimations 2011.
[4] Survie des personnes atteintes de cancer en France, 1989-2007. Étude collaborative à partir des registres des cancers du réseau Francim, Service de biostatistique des Hospices civils de Lyon (HCL), Institut de veille sanitaire (InVS), et l'Institut national du cancer (INCa) - Février 2013