08 Mars 2013
|39 000 filles se marient chaque jour. Plus de 140 millions de filles se seront mariées entre 2011 et 2020
NEW YORK ¦ 7 mars 2013 – Selon le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), plus de 140 millions de filles se seront mariées entre 2011 et 2020. Si la tendance actuelle se poursuit, 14,2 millions de filles par an, soit 39 000 par jour, se seront mariées trop jeunes.
En outre, sur les 140 millions de filles qui se seront mariées avant l’âge de 18 ans, 50 millions auront moins de 15 ans.
Malgré les sévices et la discrimination constante infligés aux jeunes filles, peu a été fait pour mettre un terme aux mariages d’enfants. Ce problème risque même de s’aggraver avec l’accroissement de la population jeune dans les pays en développement.
« Le mariage d’enfants est une violation épouvantable des droits de l’homme qui prive les jeunes filles de leur éducation, de leur santé et de leur avenir », dit le Dr Babatunde Osotimehin, Directeur exécutif de l’UNFPA. « Une enfant qui se marie ne pourra pas s’épanouir. Puisque beaucoup de parents et de communautés souhaitent ce qu’il y a de mieux pour leurs filles, nous devons œuvrer ensemble pour mettre un terme aux mariages d’enfants. »
Les filles qui se marient jeunes sont plus exposées que les autres à la violence de leur partenaire et aux abus sexuels.
« Les complications de la grossesse et de l’accouchement sont la principale cause de décès chez les jeunes filles âgées de 15 à 19 ans. Les femmes qui se marient plus tard et qui sont enceintes après l’adolescence ont plus de chances de rester en bonne santé et d’être mieux instruites, et peuvent envisager une vie meilleure pour elles et pour leur famille », dit le Dr Flavia Bustreo, Sous‑Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé chargé de la Santé de la famille, de la femme et de l’enfant. « Nous disposons de moyens qui nous permettent de collaborer pour mettre un terme aux mariages d’enfants. »
Le 7 mars, une session extraordinaire de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies sera consacrée aux mariages d’enfants, avec l’appui des Gouvernements du Bangladesh, du Malawi et du Canada. Cette session est organisée pour soutenir le mouvement Toutes les femmes, tous les enfants, dirigé par le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, Ban Ki-moon, qui vise à sauver 16 millions de femmes et d’enfants d’ici 2015.
Les participants à la session aborderont les problèmes posés par les mariages précoces et les moyens de les éviter. Mereso Kiluso, Tanzanienne, mère de cinq enfants et âgée d’une vingtaine d’années, qui a été mariée à l’âge de 14 ans à un homme violent qui en avait plus de 70, apportera son témoignage.
Si on ne prend pas les mesures voulues pour combattre les mariages d’enfants, les objectifs du Millénaire pour le développement 4 et 5 (réduire de deux tiers, entre 1990 et 2015, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans et réduire de trois quarts, entre 1990 et 2015, le taux de mortalité maternelle d’ici 2015) ne seront pas atteints.
Le mariage d’enfants – c’est-à-dire de personnes de moins de 18 ans – concerne tant les garçons que les filles mais il est beaucoup plus courant parmi ces dernières.
Il s’agit d’un problème mondial mais les taux varient considérablement entre les pays et à l’intérieur de chaque pays. Proportionnellement et en chiffres absolus, c’est en Afrique subsaharienne et en Asie du sud que la plupart des mariages d’enfants ont lieu.
Le mariage avant l’âge de 18 ans concerne près de la moitié des jeunes filles en Asie du sud, et plus du tiers des jeunes filles en Afrique subsaharienne.
Les dix pays où le taux de mariage d’enfants est le plus élevé sont : le Niger (75 %), le Tchad et la République centrafricaine (68 %), le Bangladesh (66 %), la Guinée (63 %), le Mozambique (56 %), le Mali (55 %), le Burkina Faso et le Soudan du Sud (52 %), et le Malawi (50 %).
En chiffres absolus, en raison de la taille de la population, c’est en Inde que l’on constate le plus de mariages d’enfants et, dans ce pays, la mariée est une enfant dans 47 % des cas.
Les progrès accomplis pour mettre fin à cette pratique l’ont été en milieu urbain, où les familles estiment que les jeunes filles ont de meilleures perspectives d’éducation et d’emploi.
Une violation des droits des filles
« Aucune fille ne devrait être privée de son enfance, de son éducation, de sa santé et de ses aspirations. Pourtant, aujourd’hui, des millions de filles, chaque année, se marient avant leur majorité et ne peuvent donc pas exercer leurs droits », dit le Dr Michelle Bachelet, Directrice exécutive d’ONU-Femmes.
Le mariage d’enfants est de plus en plus souvent considéré comme une violation des droits des filles car :
- il met un terme à l’éducation ;
- il empêche d’acquérir des compétences professionnelles ou pour la vie courante ;
- il crée un risque de grossesse et de maternité précoces avant même que la fille n’y soit physiquement et psychologiquement prête ;
- il augmente le risque de violence sexuelle de la part du partenaire et d’infection à VIH.
« Le mariage d’enfants est un grand problème dans nos communautés » dit Nyaradzayi Gumbonzvanda, Secrétaire général de l’Alliance mondiale des unions chrétiennes féminines. « Le mariage précoce et le mariage d’enfants anéantit l’avenir des jeunes filles. Elles ne peuvent plus étudier. Elles n’ont plus la possibilité de choisir leur partenaire et doivent supporter cette frustration tout le reste de leur vie. »
L’Alliance mondiale des unions chrétiennes féminines présentera une pétition à la Commission de la condition de la femme afin que le groupe adopte une résolution spéciale demandant qu’il soit mis fin aux mariages d’enfants. Les signataires pensent qu’en collaborant, les États Membres et les groupes concernés peuvent faire disparaître les mariages d’enfants d’ici 2030.
Bien que l’âge légal minimum pour se marier soit fixé à 18 ans dans 158 pays, les lois sont rarement appliquées car les mariages d’enfants sont consacrés par la tradition et les normes sociales.
Les effets néfastes des mariages précoces
« Un mariage précoce expose beaucoup plus les filles à de graves risques pour leur santé liés à la grossesse et à l’accouchement – et leurs enfants sont plus exposés aux complications liées à un accouchement prématuré » remarque Anthony Lake, Directeur général de l’UNICEF.
Selon les Nations Unies, les complications de la grossesse et de l’accouchement sont les principales causes de décès chez les filles âgées de 15 à 19 ans dans les pays en développement. 90 % des 16 millions d’adolescentes qui accouchent chaque année sont déjà mariées et l’UNICEF estime que 50 000 environ en meurent, presque toutes dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. Le nombre de mortinaissances et de décès de nouveau-nés est plus élevé de 50 % chez les mères âgées de moins de 20 ans que chez les femmes enceintes entre 20 ans et 29 ans.
Dans de nombreux pays pauvres, la plupart des jeunes filles, quel que soit leur âge, sont contraintes de prouver leur fécondité une fois qu’elles sont mariées.
« On dissuade ces enfants – car c’est bel et bien d’enfants qu’il s’agit – d’utiliser des contraceptifs. Parfois, elles doivent demander l’autorisation de leur mari ou ne savent pas du tout ce dont elles ont besoin ou comment y accéder » dit le Dr Carole Presern, Directeur exécutif du Partenariat pour la santé de la mère, du nouveau-né et de l’enfant et sage-femme.
Les mariages d’enfants sont très souvent source de violence
La sortie brutale de l’enfance et les problèmes de santé liés aux grossesses précoces ne sont pas les seuls dangers qui menacent les jeunes filles mariées.
Bien que certains parents croient qu’un mariage précoce protègera leur fille de la violence sexuelle, selon des études menées par les Nations Unies, c’est souvent l’inverse qui se produit.
Les filles mariées avant l’âge de 18 ans risquent davantage que les autres d’être victimes d’actes violents de la part de leur partenaire, notamment en cas de différence d’âge importante entre les époux.
« Le mariage d’enfants marque une initiation abrupte et souvent violente aux relations sexuelles », dit le Dr Claudia García Moreno, expert de l’OMS spécialiste de la violence à l’encontre des femmes. “Les jeunes filles sont dans l’incapacité de refuser les rapports sexuels et ne disposent pas de ressources, de moyens juridiques ou d’appui social leur permettant de se séparer de leur conjoint violent. »
Un problème complexe aux racines profondes
Le mariage d’enfants, qui existe depuis des siècles, est problème complexe profondément enraciné, qui tient à l’inégalité des sexes, à la tradition et à la pauvreté. Il est surtout courant dans les régions rurales et pauvres, où les perspectives des filles sont limitées. Dans bien des cas, il s’agit de mariages arrangés par les parents, que les jeunes filles n’ont pas leur mot à dire.
Les familles pauvres marient leurs filles à un jeune âge afin d’avoir moins d’enfants à nourrir, à habiller et à éduquer. Dans certaines cultures, le prix que le mari potentiel est disposé à payer pour avoir une jeune épouse constitue une incitation importante pour les parents.
Les familles peuvent être amenées à marier leurs jeunes enfants sous la pression sociale de la communauté. Par exemple, dans certaines cultures, on croit que marier les filles avant la puberté amènera une bénédiction à la famille. Dans certaines sociétés, les familles pensent que le mariage précoce protègera les jeunes filles des agressions et de la violence sexuelles et permettra de garantir qu’elles ne seront pas déshonorées par une grossesse hors mariage.
En outre, beaucoup de familles marient leurs filles précocement parce que c’est la seule possibilité qu’elles connaissent.
« De nombreux chefs religieux et leurs communautés s’emploient déjà à mettre un terme aux mariages d’enfants et aux autres formes de violence à l’encontre des enfants. Il est extrêmement difficile de modifier des comportements profondément ancrés, donc nous devons aller plus loin pour influer positivement sur les croyances et les agissements », dit Tim Costello, Directeur général de World Vision Australia.
Le Malawi s’efforce de mettre un terme aux mariages d’enfants
Au Malawi, l’un des pays les plus pauvres du monde, au moins la moitié des jeunes filles sont mariées avant l’âge de 18 ans. Le pays s’efforce de mettre un terme à une telle pratique « pour permettre aux filles de poursuivre leur éducation, de devenir des citoyennes instruites capables de contribuer au développement et à l’économie de leur pays », dit Mme Catherine Gotani Hara, Ministre de la Santé du Malawi.
Le taux élevé de grossesses chez les adolescentes et le fait que ces grossesses soient responsables de 20 % à 30 % des décès maternels dans le pays constituent l’autre raison pour laquelle le Malawi déploie de tels efforts. « En mettant fin aux mariages précoces, nous pourrons éviter jusqu’à 30 % des décès maternels et également réduire le taux de mortalité néonatale », précise-t-elle.
Le ministre indique que le Malawi a adopté une série de mesures visant à mettre fin à la pratique du mariage précoce. Elles consistent notamment à :
- offrir un accès gratuit à l’enseignement primaire pour tous ;
- travailler auprès des chefs locaux pour sensibiliser les communautés à l’importance de la scolarisation des enfants, et tout particulièrement des filles ;
- mettre en œuvre une politique qui permette aux jeunes filles qui tombent enceintes alors qu’elles sont scolarisées de retourner à l’école après l’accouchement pour poursuivre leur scolarité ;
- mobiliser les parlementaires pour que l’âge du mariage soit porté à 18 ans en 2014 ;
- fournir des services de santé adaptés aux jeunes. Ces services de proximité donnent aux jeunes les informations qui leur permettent de faire leurs choix en matière de santé génésique en toute connaissance de cause.
Les objectifs du Millénaire pour le développement des Nations Unies
Mettre fin aux mariages d’enfants est une cause étroitement liée à l’initiative « Chaque femme, chaque enfant » de Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, et aux efforts déployés pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) 3, 4 et 5, visant à promouvoir l’égalité des sexes, réduire la mortalité de l’enfant et améliorer la santé maternelle.
La persistance des mariages d’enfants a empêché la réalisation de ces objectifs, en particulier en Afrique subsaharienne et en Asie du sud.
« J’appelle les gouvernements, les chefs des communautés et les chefs religieux, la société civile, le secteur privé, et les familles – en particulier les hommes et les garçons – à jouer le rôle qui leur revient pour que les filles soient considérées comme des filles, et non comme de futures mariées » déclare le Secrétaire général.
Mettre fin au mariage des enfants aiderait aussi les pays à atteindre les autres OMD visant à éradiquer la pauvreté, assurer l’éducation pour tous et combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies, et devrait aussi faire partie d’un nouveau programme de développement.
« Dans les objectifs du Millénaire pour le développement, les besoins des adolescentes ont été négligés ; ils doivent désormais occuper une place centrale dans la nouvelle série d’objectifs qui sera fixée par la communauté internationale, » déclare Lakshmi Sundaram, coordonnateur au niveau mondial de l’initiative Girls Not Brides. « En utilisant le taux de mariages d’enfants comme indicateur pour suivre les progrès réalisés par rapport aux nouveaux objectifs, nous pouvons faire en sorte que les gouvernements luttent contre cette pratique et veillent à assurer le bien-être des filles de leur pays. »
Voici quelques-unes des stratégies pour mettre fin aux mariages d’enfants recommandées par la Commission de la condition de la femme :
- Soutenir et faire appliquer la législation visant à relever l’âge minimum du mariage pour les filles à 18 ans ;
- Fournir le même accès à un enseignement primaire et secondaire de qualité à la fois pour les filles et pour les garçons ;
- Mobiliser les filles, les garçons, les parents et les dirigeants politiques pour qu’ils modifient les pratiques qui sont source de discrimination à l’égard des filles et pour que des perspectives sociales, économiques et civiques soient offertes aux filles et aux jeunes femmes ;
- Fournir aux filles qui sont déjà mariées des possibilités de scolarisation, de formation professionnelle ou d’acquisition de compétences pour gagner leur vie, ainsi que des informations et des services sur la santé génésique (y compris la prévention de l’infection à VIH), et des possibilités de recours contre la violence domestique ;
- S’attaquer aux causes profondes du mariage des enfants, notamment la pauvreté, l’inégalité entre les sexes et la discrimination, la faible valeur qui est reconnue aux filles et la violence à leur encontre.
Parmi les participants à la session extraordinaire sur le mariage des enfants figureront notamment : le Dr Fahmida Mirza, porte-parole de l’Assemblée nationale pakistanaise ; le Dr Michelle Bachelet, Directrice exécutive d’ONU-Femmes ; le Dr Babatunde Osotimehin, Directeur exécutif de l’UNFPA, Lakshmi Sundaram, coordonnateur mondial de l’initiative Girls Not Brides ; et son excellence Marjon Kamara, Ambassadeur de la République du Libéria auprès des Nations Unies. Nyaradzayi Gumbonzvanda, Secrétaire général de l’Alliance mondiale des unions chrétiennes féminines, fera office de modérateur pendant la session.