altLes plaquettes sanguines

Introduction par Jacques CAEN (Membre de l’Académie nationale de médecine)
Grâce à l’étude des thrombopathies constitutionnelles, des progrès notables ont été obtenus dans la compréhension de la physiologie plaquettaire permettant le développement d’agents antiplaquettaires utilisés à grande échelle au cours des maladies vasculaires. Le traitement des anomalies quantitatives des plaquettes comme les thrombopénies a aussi bénéficié des nouvelles avancées sur la connaissance de la mégacaryocytopoièse avec en particulier le développement de molécules analogues de la thrombopoiétine

Glycoprotéines, maladies héréditaires des plaquettes, rôle des plaquettes dans la réparation tissulaire par Alan NURDEN (CNRS - Université de Bordeaux 2 - CHU de Bordeaux)

La description de la présence sur les plaquettes d’un “glycocalyx” riche en glycoprotéines membranaires a permis de découvrir, en France, que des syndromes hémorragiques héréditaires liés à des anomalies de l’adhésion et de l’agrégation plaquettaire résultaient d'un déficit en récepteurs essentiels de la surface plaquettaire. L’identification de l’intégrine IIb3 a été suivie par la mise en place de puissants médicaments anti-thrombotiques utilisés sur le plan mondial. Depuis ces découvertes, l’origine génétique d’un grand nombre de défauts de la fonction et de la production plaquettaire a été décrite, comme l’identification d’un récepteur de l’ADP, P2Y12, actuellement cible majeure des drogues anti-thrombotiques. La découverte récente de la base moléculaire d’une maladie rare du stockage des protéines biologiquement active dans les granules- des plaquettes, est associée à l’identification de nouveaux rôles des plaquettes dans l’inflammation, le système immunitaire et dans la réparation tissulaire, découvertes qui ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques.

Les mécanismes moléculaires de l’activation plaquettaire par Christian GACHET (Inserm U949 – Université de Strasbourg – Établissement français du sang Alsace)

Le rôle majeur des plaquettes sanguines est d’assurer l’intégrité des vaisseaux et l’hémostase primaire, c’est-à-dire l’arrêt du saignement, en cas de brèche vasculaire. Les propriétés mises en jeu dans ces processus physiologiques sont également à l’œuvre lors de la formation des thromboses artérielles, complications redoutables de l’athérosclérose qui peuvent mener à l’occlusion vasculaire. Il s’agit principalement de leur capacité à adhérer à la paroi vasculaire lésée, à s’activer au contact de divers substrats et activateurs solubles et à former des agrégats stabilisés par un réseau de fibrine. Les plaquettes sont également impliquées dans la dissémination métastatique, dans certains processus inflammatoires, dans la défense immunitaire innée et adaptative ainsi que dans le développement embryonnaire. Ces différents rôles des plaquettes sanguines sont assurés par de nombreux mécanismes moléculaires. Certains sont communs à plusieurs fonctions, d’autres sont distincts et les défauts qui peuvent exister sur l’un ou l’autre de ces mécanismes ne perturbent pas nécessairement l’ensemble des fonctions des plaquettes.

Pharmacologie des plaquettes et athérothrombose par Gabriel STEG (Inserm U698, Hôpital Bichat-Claude Bernard, Paris)

L'athérothrombose demeure un problème majeur de santé publique. La maladie est souvent asymptomatique et peut toucher plusieurs lits artériels simultanéments. Lorsqu'elle se complique de thrombose, elle est source de syndrômes coronaires aigus, d'accidents vasculaires cérébraux, transitoires ou pas, et d'ischémie critique des membres inférieurs. Les plaquettes jouent une rôle majeur dans le développement de l'athérosclérose et surtout dans le déclenchement des évènements cliniques.

De nombreux essais ont examiné le rôle des agents antiplaquettaires en prévention primaire et secondaire et de multiples agents sont en développement. En prévention secondaire, il y a des preuves solides du bénéfice d'une monothérapie, et , dans certains cas, une bithérapie dans la prévention des récidives d'évènement cardiaque. La bithérapie antiplaquettaire a émergé comme le traitement optimal des syndrômes coronaires aigus, avec le plus souvent une combinaison d'aspirine et d'un agent anti ADP tel que le clopidogrel, ou, plus récemment un des nouveaux inhibiteurs des récepteurs à l'ADP, le ticagrelor ou le prasugrel. A l'inverse, dans la maladie coronaire stable, il n'y a pas, pour l'instant, de bénéfice établi à une bithérapie. En prévention primaire, les preuves en faveur d'une utilisation de routine de l'aspirine (ou de tout autre agent antiplaquettaire) sont encore mitigées et suggèrent que l'aspirine ne devrait être utililsée que sur une base individuelle chez les patients à risque suffisamment élevé pour que le risque de thrombose excède le risque de complication hémorragique.

Invitée discutante : Marie-Germaine BOUSSER (membre correspondant de l'Académie)

Thrombopoïèse, TPO, formation et naissance des plaquettes sanguines par William VAINCHENKER (Inserm U790, Université Paris 7, Hôpital Saint-Louis)

Chaque jour 2x1011 plaquettes sont produites chez l’homme par un mécanisme hautement régulé et unique en biologie cellulaire. En effet les plaquettes sanguines proviennent de la fragmentation du cytoplasme de leur précurseur, le mégacaryocyte, cellule médullaire géante. Cette taille est liée à la polyploidisation du mégacaryocyte par un mécanisme appelé endomitose qui aboutit à un contenu en ADN de 2xN (habituellement 16N). Cette augmentation de la taille permet à chaque mégacaryocyte de libérer plusieurs milliers de plaquettes. La fragmentation du cytoplasme s’effectue par un mécanisme très coordonné passant par l’extension de  pseudopodes appelés proplaquettes qui vont ensuite se fragmenter en plaquettes, cette fragmentation ayant lieu dans le sang sous l’effet du flux. La thrombopoïétine est un facteur de croissance qui régule l’ensemble de la mégacaryopoïèse  depuis les cellules souches hématopoïétiques jusqu’à la maturation des mégacaryocytes, à l’exception de la formation des plaquettes. Elle est essentiellement synthétisée par le foie et son taux est régulé essentiellement, mais non uniquement, par sa clearance plaquettaire ou mégacaryocytaire via son récepteur MPL. MPL est un récepteur de cytokine homodimérique  dont la signalisation dépend de la kinase JAK2. MPL et JAK2 sont impliqués dans de nombreuses pathologies héréditaires ou malignes aboutissant soit à des thrombopénies voire des aplasies médullaires soit à des thrombocytoses. Le ciblage de ces deux molécules est devenu un objectif crucial dans plusieurs  pathologies.

Les thrombopénies immunes : physiopathologie et traitements par Bertrand GODEAU (Centre de référence des cytopénies auto immunes de l’adulte, Hôpital Henri Mondor, Créteil, e-mail : Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. )

Le purpura thrombopénique immunologique est caractérisé par une destruction des plaquettes d’origine immunologique et par une production médullaire inadaptée. Le traitement de première ligne repose sur une courte cure de corticoïdes et dans les formes les plus sévères sur l’utilisation des immunoglobulines intraveineuses. Le traitement des formes chronique repose en théorie sur la splénectomie. Le développement de nouvelles voies thérapeutiques et notamment des agonistes du récepteur de la thrombopoïétine qui stimulent la production médullaire de plaquettes et des anticorps anti CD20 qui agissent spécifiquement sur les lymphocytes B a profondément modifié la prise en charge thérapeutique. Ces traitements sont en effet efficaces et bien tolérés  ce qui les fait désormais préférer à la splénectomie par de nombreuses équipes. La poursuite de travaux de recherche est indispensable pour mieux cerner la place de ces différents traitements et leur tolérance à long terme.

Conclusion par Jean-Pierre CAZENAVE (Membre de l’Académie nationale de médecine)


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