07 Février 2013
|Le réseau des registres des cancers Francim, le service de biostatistique des Hospices Civils de Lyon (HCL), l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Institut national du cancer (INCa) publient le second rapport sur la survie des personnes atteintes de cancer en France. Une étude portant sur 427 000 personnes et 47 localisations de cancers.
La survie fait partie des indicateurs de santé fondamentaux dans le domaine de la cancérologie, avec la mortalité, l’incidence et la prévalence. Sa mesure est essentielle en santé publique et en épidémiologie pour juger de l’efficacité des actions mises en œuvre dans toutes les dimensions de la lutte contre le cancer, préventives ou curatives.
Réalisée à partir des données des registres des cancers du réseau Francim, cette étude porte sur 427 000 personnes soit tous les nouveaux cas de cancer diagnostiqués entre 1989 et 2007 chez les patients âgés de plus de 15 ans, recensés dans 12 départements couverts par les registres participants à l’étude . Ce rapport fournit pour 47 localisations de cancers -tous stades confondus- des estimations actualisées de survie à 1, 3, 5 et 10 ans après un diagnostic de cancer .
Sur le plan méthodologique, c’est le concept de survie nette qui est mis en avant dans cette étude. La survie nette est la survie que l’on observerait si la seule cause de décès des patients atteints de cancer était le cancer, contrairement à la survie globale (ou brute) 1 pour laquelle toutes les causes de décès sont prises en compte. Cet indicateur de santé publique constitue un indicateur épidémiologique important. Il permet, des comparaisons entre pays et entre différentes périodes à l’échelle d’une population, car il ne dépend pas de la mortalité liée aux autres causes de décès (mortalité pouvant être différente d’un pays à l’autre ou d’une période à l’autre).
1 Pour une interprétation clinique il est préférable d’utiliser la survie brute ou globale
> Les principaux résultats :
- Des variations considérables selon les localisations cancéreuses :
L’étude confirme que la survie des personnes atteintes de cancers varie considérablement selon la localisation cancéreuse : la survie à 10 ans varie ainsi de 1% à 93%.
Les cancers de mauvais pronostic (survie à 10 ans inférieure à 33%) représentent 40% des cancers chez l’homme et seulement 16% chez les femmes.
Les cancers de bon pronostic (survie à 10 ans supérieure ou égale à 66%) représentent 52 % des cancers chez la femme et seulement 28% chez les hommes.
Ces résultats s’expliquent en grande partie par une fréquence plus élevée de cancers de mauvais pronostic chez les hommes (cancers du poumon, des voies aéro-digestives supérieures, du foie). Chez les femmes, le cancer du sein, cancer le plus fréquent, est de bon pronostic. Par ailleurs, pour un même cancer, les femmes ont souvent une survie supérieure à celle des hommes
- Une amélioration de la survie pour la plupart des cancers
Une amélioration de la survie à 5 ans est observée pour la plupart des cancers étudiés. Cette amélioration peut être attribuée au progrès dû aux traitements pour certains cancers mais aussi, pour une grande part, à un diagnostic plus précoce facilitant souvent la prise en charge
> Focus sur les cancers les plus fréquents et les cancers accessibles au dépistage et à la prévention
- Cancer de la prostate
Nombre de nouveaux cas estimés en 2011 : 71 000*
Survie nette à 5 ans : 84 %, à 10 ans : 70 %
Évolution de la survie netteà 5 ans : en 1990 : 70 %, en 2002 : 90 %
La survie du cancer de la prostate s’est améliorée de façon spectaculaire. Elle est passée de 70% pour les cas diagnostiqués en 1990 à 90% en 2002. Cette amélioration est due à la fois à une avance au diagnostic du fait du développement du dépistage individuel par le dosage du PSA et à une prise en charge plus efficace car plus précoce.
- Cancer du sein
Nombre de nouveaux cas estimés en 2011 : 53 000*.
Survie nette à 5 ans : 86 %, à 10 ans : 76 %
Évolution de la survienette à 5 ans : en 1990: 81 %, en 2002: 89 %
L’augmentation de la survie est attribuée aux progrès thérapeutiques majeurs réalisés au début des années 2000 et à une augmentation de la proportion des cancers découverts à un stade précoce en lien avec le développement des pratiques de dépistage. Les cancers du sein se situent parmi les cancers de bon pronostic. Ces bons chiffres de survie ne doivent pas faire oublier que, du fait de sa fréquence, le cancer du sein reste la première cause de décès par cancer chez la femme.
- Cancer colorectal
Nombre de nouveaux cas estimés en 2011 = 40 500* (21 500 hommes et 19 000 femmes).
Survie nette à 5 ans : 56 %, à 10 ans : 50 %
Évolution de la survie nette à 5 ans: en 1990 : 53 %; en 2002 : 57 %
Le pronostic des cancers du côlon et du rectum s’est amélioré au cours du temps en France. Cette amélioration de la survie s’explique par une plus grande précocité des diagnostics du fait d’une consultation plus rapide en cas de symptômes, la mise en place progressive d’un dépistage organisé du cancer colorectal mais aussi par une amélioration des prises en charge.
- Cancer du poumon
Nombre de nouveaux cas estimés en 2011 = 39 500* (27 500 hommes et 12 000 femmes).
Survie nette à 5 ans : 14 % (homme : 13%, femme : 18%) ; à 10 ans : 9 % (homme : 9%, femme : 12%)
Évolution de la survie nette à 5 ans: en 1990 : 14 % (homme : 12%, femme : 17%) ;
en 2002 : 15 % (homme: 14%, femme : 18%)
Le pronostic du cancer du poumon est parmi les plus sombres des cancers. Malgré l’amélioration récente des prises en charge diagnostique et thérapeutique, aucune amélioration franche de la survie n’a été observée au cours du temps.
A l’heure actuelle, la meilleure arme pour lutter contre la mortalité liée à ce cancer, en forte augmentation chez la femme, reste toujours la lutte contre le tabagisme qui augmente chez les jeunes et les femmes.
- Cancer du col de l’utérus
Nombre de nouveaux cas estimés en 2011 = 2 810*.
Survie nette à 5 ans : 66 %, à 10 ans : 59 %
Évolution de la survie nette à 5 ans : en 1990 : 68 % ; en 2002 : 64 %
La survie du cancer du col de l’utérus (forme invasive) a légèrement diminué. Cette tendance est paradoxalement le résultat « positif » du dépistage par frottis qui existe en France depuis 25 ans. En effet, le dépistage permet de repérer des lésions précancéreuses et à un stade précoce (non invasif). Les cancers diagnostiqués au stade invasif sont donc moins nombreux, mais ils comportent une proportion plus importante de cancers de mauvais pronostic, d’où la diminution de la survie au cours de la période d’étude. Il faut rappeler ici que le dépistage du cancer du col utérin est très efficace car il a entrainé en France une baisse importante de l’incidence et de la mortalité pour ce cancer.
- Mélanome cutané
Nombre de nouveaux cas estimés en 2011 = 9 780*
Survie nette à 5 ans : 85 % ; à 10 ans : 80 %
Évolution de la survie nette à 5 ans: en 1990 : 84% ; en 2002 : 87%
Le mélanome de la peau est une tumeur de bon pronostic, s’il est diagnostiqué précocement. La survie a peu augmenté au cours du temps. L’amélioration de la survie reste liée à un diagnostic le plus précoce possible. Des progrès devraient pouvoir être obtenus, d’une part grâce à un examen clinique complet et régulier lors des consultations médicales et d’autre part grâce aux campagnes de détection précoce mises en place par les dermatologues.
* ces chiffres sont des projections, faisant l’objet d’une réévaluation régulière en fonctions des nouvelles données disponibles
Malgré les progrès de la survie mis en évidence dans cette étude, il reste toutefois des cancers de mauvais pronostic. C’est en particulier le cas des cancers associés au tabac et à l’alcool (cancers du poumon, des voies aéro-digestives supérieures) qui renvoient à l’importance des actions de prévention primaire afin de diminuer l’incidence de ces cancers.
Ce travail bénéficie d’un recul plus important que celui publié en 2007 (la survie ayant pu être mesurée à 10 ans) ainsi que d’une nouvelle méthode d’estimation de la survie nette. En effet, l’équipe des HCL a mis en œuvre une méthode qui permet de fournir des estimations de survie (survie nette) plus proches de la réalité que les méthodes classiques utilisées précédemment (survie relative). Cette nouvelle méthode, validée par la communauté scientifique internationale, constitue dorénavant la référence dans le domaine. La France est le premier pays à l’utiliser pour fournir ces estimations de survie. De ce fait, il convient d’être prudent dans les comparaisons internationales entre les résultats issus de cette étude et ceux fournis par d’autres études internationales.
Cette étude fait partie d’un programme de travail partenarial qui vise à optimiser l’utilisation des données des registres dans le but d’améliorer la prise en charge en cancérologie. Comme inscrit dans le Plan Cancer 2009-2013, ce type d’étude doit être reconduit régulièrement.
> Accéder au rapport et à la synthèse