Pilules de 3ème et 4ème générations : Marisol Touraine réaffirme l’importance de la contraception dans les meilleures conditions de sécurité - Discours de Marisol Touraine
11 Janvier 2013
|Marisol Touraine, Ministre des Affaires sociales et de la Santé, a décidé de saisir l’Agence européenne du médicament (EMA) pour que les autorisations de mise sur le marché (AMM) des pilules contraceptives de 3ème et 4ème générations soient modifiées : l’objectif est que ces pilules ne soient plus prescrites aux femmes en première intention.
La Ministre vient également de demander à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) de rendre systématiquement publiques les données de pharmacovigilance (suivi et surveillance des effets indésirables). Elle souhaite que le dispositif de pharmacovigilance soit amélioré et simplifié, afin que les professionnels de santé et les patients puissent plus facilement déclarer les effets indésirables des médicaments, et notamment de tous les contraceptifs oraux.
Enfin, la Ministre souhaite que les comportements collectifs de prescriptions fassent l’objet d’une analyse en continu afin de garantir leur bon usage. Elle confie au Directeur Général de la Santé une mission sur ce sujet, qui devra être menée en concertation étroite avec les professionnels de santé concernés.
Ces mesures complètent celles déjà annoncées par la ministre depuis l’automne dernier. Marisol Touraine avait en effet demandé :
- à l’ANSM de mener une campagne d’information auprès des professionnels de santé (médecins, sages-femmes, pharmaciens) afin que la pilule de 2ème génération soit systématiquement privilégiée. L’usage des pilules de 3ème et 4ème générations doit être l’exception, et non pas la règle.
- à l’ANSM également de procéder à une nouvelle évaluation du rapport bénéfices / risques des pilules de 3ème et 4ème générations.
- à la HAS d’élaborer un référentiel de bonnes pratiques pour les professionnels de santé, afin que la contraception soit adaptée à la situation de chaque femme.
Par ailleurs, la Ministre avait pris, dès le mois de septembre 2012, la décision de dérembourser les pilules de 3ème génération. Il s’agissait de donner suite à l’avis de la HAS qui considérait que « le service médical rendu par ces spécialités doit être qualifié d’insuffisant pour une prise en charge par la solidarité nationale ».
La confiance des femmes dans la contraception est un enjeu majeur de santé publique. Le débat actuel ne doit en aucun cas jeter le discrédit sur les méthodes contraceptives.
Marisol Touraine rappelle que la pilule est avant tout ce qui permet à des millions de femmes d’exercer librement leur droit à la contraception. Le gouvernement avait ainsi pris la décision, dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale 2013 de prendre en charge à 100% les contraceptifs remboursables (pilule, stérilet et implant contraceptif) pour les mineures de 15 à 18 ans.
Intervention de Marisol Touraine
Ministre des affaires sociales et de la santé
Conférence de presse – Pilules 3G et 4G
Vendredi 11 janvier 2013
Seul le prononcé fait foi.
Mesdames et messieurs,
Je tiens à vous remercier de votre présence et d’avoir accepté mon invitation. Cette conférence est l’occasion de faire un point détaillé sur la pilule. J’ai souhaité que soient présents, à mes côtés, Jean-Yves Grall, directeur général de la santé, Dominique Maraninchi, directeur général de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé et Jean Luc Harousseau, président du collège de la Haute Autorité de Santé. Nous répondrons ensemble à toutes vos questions.
Comme ministre des affaires sociales et de la santé, je mesure bien évidement les attentes des Français en matière de sécurité des médicaments. Permettez moi de vous dire, non pas comme ministre, mais comme mère de trois enfants dont deux jeunes femmes, que je mesure aussi les interrogations légitimes de nos concitoyens et de nos concitoyennes sur l’usage des pilules de 3ème et 4ème génération. Je comprends donc particulièrement la douleur des familles et de leurs proches, confrontés à un incident grave lié à la prise de la pilule. Je veux leur dire mon soutien dans l’épreuve qu’ils traversent et je vais d’ailleurs les recevoir très prochainement.
Je voudrais commencer par un bref point sur la situation qui nous réunit aujourd’hui.
Les pilules sont sur le marché depuis plus de 25 ans. En 2007, la Haute Autorité de Santé a rendu un avis qui concluait que « les contraceptifs oraux de 3ème génération sont des traitements de deuxième intention ». Certaines d’entre elles sont remboursables depuis 2009.
Je voudrais tout d’abord revenir sur la décision que j’ai prise de dérembourser la pilule de troisième génération. Ce déremboursement n’a pas été et n’est en aucun cas une réponse à un risque sanitaire.
En septembre dernier, il s’agissait de donner suite à l’avis de la Haute Autorité de Santé qui considérait, je cite, que « le service médical rendu par ces spécialités doit être qualifié d’insuffisant pour une prise en charge par la solidarité nationale ».
J’ai donc pris cette décision de déremboursement à compter du 30 septembre 2013. Il s’agissait pour moi de laisser une période d’adaptation aux femmes, afin qu’elles puissent, avec leur médecin, et au moment du renouvellement de leur prescription, choisir un autre mode de contraception.
Par ailleurs, indépendamment de l’avis de l’HAS et de la décision de déremboursement induite par cet avis et compte tenu des risques connus attachés à ces médicaments, j’ai souhaité un renforcement de l’information des médecins et des utilisatrices.
J’ai, pour la même raison, saisi en décembre dernier l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament pour qu’elle réévalue le bénéfice/risque de ces pilules de 3ème et 4ème génération : cette réévaluation pourra aboutir, le cas échéant, à la modification des autorisations de mise sur le marché.
J’ai estimé que l’information avait été largement diffusée, j’ai donc pris dernièrement la décision d’avancer le déremboursement au 31 mars prochain, que j’ai fait connaître dans un communiqué le 2 janvier dernier.
Je veux aujourd’hui apporter les réponses aux questions que se posent des millions de Françaises et de Français sur l’usage des pilules de 3ème et 4ème génération.
La première des questions à se poser est simple : ces pilules sont-elles dangereuses ?
Je veux rappeler une évidence : les pilules sont des médicaments.
Un médicament n’est pas un produit de consommation comme les autres : il présente des bénéfices mais aussi des effets indésirables, mentionnés d’ailleurs dans les notices figurant dans les boites.
Les bénéfices, tout le monde les connait : la pilule représente un moyen contraceptif efficace et je veux rappeler qu’il n’y a pas de différence d’efficacité entre les différentes générations de pilule.
Les complications vasculaires des pilules sont connues depuis leur mise sur le marché et il appartient aux médecins de rechercher, lors de la consultation, les facteurs de risque comme des problèmes vasculaires préexistants, le tabagisme, les contre indications, et les besoins de surveillance particulière.
Le rôle du médecin, c’est donc d’être au plus près du patient : la bonne contraception, pour la bonne personne, au bon moment. Je rappelle, parce qu’on a parfois tendance à l’oublier en France, que la pilule n’est pas le seul contraceptif efficace et que d’autres dispositifs existent et pourraient être plus largement prescrits, comme c’est le cas dans d’autres pays.
Le rôle des pouvoirs publics, c’est d’informer, d’apporter toutes les garanties de sécurité à nos concitoyens et de s’assurer que les médicaments soient utilisés à bon escient. Mon objectif est clair : les femmes doivent avoir confiance dans la contraception et dans le moyen contraceptif qu’elles utilisent.
A l’automne dernier, j’ai demandé à la HAS d’évaluer la place des pilules de 3ème et 4ème génération et notamment le profil des femmes pour lesquelles elles seraient utiles.
Sans attendre cette évaluation, j’ai dès aujourd’hui souhaité aller plus loin.
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En premier lieu, je demande à l’ANSM de saisir les instances européennes pour que les indications des autorisations de mise sur le marché (AMM) soient révisées dans un sens restrictif.
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En deuxième lieu, je l’ai chargée de mettre en place un dispositif qui permettra en France de limiter la prescription de ces pilules, aux seules situations dans lesquelles elles sont médicalement requises, en associant tous les professionnels de santé. Je le répète, chaque femme doit pouvoir bénéficier de la contraception qui lui est adaptée. L’usage des pilules de 3ème et 4ème génération doit être l’exception, et non pas la règle.
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Enfin, nous devons tout mettre en œuvre pour améliorer la pharmacovigilance. En premier lieu, je souhaite qu’une étude rétrospective pharmaco-épidémiologique soit réalisée pour évaluer le nombre de complications vasculaires chez les femmes sous contraceptif oral. Je rappelle que les déclarations de complications vasculaires par les professionnels de santé sont obligatoires. J’ai demandé à l’ANSM de renforcer le suivi de la pharmacovigilance et de publier les données correspondantes. Au-delà, je suis consciente de la nécessité de développer des moyens pertinents pour analyser en continu les comportements collectifs de prescription. Il ne s’agit pas de remettre en cause la liberté de prescription de chaque médecin pris individuellement, mais d’analyser le bon usage des prescriptions. Je demande donc à la Direction Générale de la Santé d’ouvrir ce chantier en concertation étroite avec les médecins et leurs représentants.
La deuxième question que se posent les Français : pourquoi ne pas simplement les interdire ?
Je rappelle que les pilules de 3ème et 4ème génération sont autorisées dans tous les pays. Les récentes études internationales n’ont pas changé les indications et aucune demande de retrait n’a été formulée. Je constate que, comme en France, les agences publiques de certains pays ont choisi de renforcer l’information sur les sur-risques liés à la prise de ces contraceptifs oraux et c’est don c la même démarche que celle qui est engagée ici.
Par ailleurs, il faut redire que certaines femmes ne supportent pas physiquement les pilules de 1ère et 2ème génération. Pour elles, il est donc nécessaire d’utiliser d’autres moyens contraceptifs, parmi lesquels peuvent figurer des pilules de 3ème et 4ème génération. Mais je le rappelle : contraception ne veut pas dire pilule, il existe d’autres moyens. Toutefois, ces dernières sont des traitements de deuxième intention et doivent toujours faire l’objet d’une vérification d’éventuelles contre-indications : cette indication doit absolument être appliquée.
Les Françaises ont également raison de s’interroger sur la réaction à avoir dans le cas où elles utiliseraient une pilule 3ème ou 4ème génération.
Ca a l’air tout bête mais elles ne le savent pas nécessairement et l’information ne leur a pas forcément été donnée. D’abord, il faut que les femmes sachent quelle génération de pilule elles utilisent. Pour répondre à cette exigence d’information, la liste de l’ensemble des pilules disponibles sur le marché français, classée par type de génération, est déjà en accès libre sur le site internet santé du ministère des affaires sociales et de la santé, de la HAS et l’ANSM. Surtout, les femmes ne doivent pas hésiter à demander conseil à leur pharmacien.
Ensuite, s’il s’agit d’une pilule de 3ème ou de 4ème génération, il n’y a pas lieu de céder à un quelconque affolement.
Il faut revoir, avec le médecin traitant à l’occasion d’une consultation, ou bien avec une sage femme ou dans un centre de planning familial, le choix du moyen de contraception adapté à sa situation personnelle.
La question de la confiance de nos concitoyens dans la contraception est un enjeu majeur de santé publique. Le débat qui nous rassemble aujourd’hui et qui occupe l’opinion publique à juste titre ne doit en aucun cas jeter le discrédit sur les méthodes contraceptives.
Je veux rappeler que la pilule est avant tout ce qui permet à des millions de femmes d’exercer librement leur droit à la contraception. C’est un facteur d’autonomie, de liberté et d’émancipation. Ce droit a été acquis de haute lutte, contre tous les conservatismes, il y a 45 ans (loi Neuwirth du 28 décembre 1967) et j’y suis, comme toutes les femmes, particulièrement attachée. Il représente une avancée essentielle pour l’émancipation des femmes, mais aussi pour la société tout entière.
Cet attachement justifie à lui seul, depuis mon entrée au gouvernement, les actions que j’ai conduites pour rendre pleinement effectif l’accès à ce droit fondamental. Pour cela, il était nécessaire de lever certaines barrières.
Je pense en particulier aux barrières financières et au coût de la contraception. Nous avons donc instauré la gratuité des moyens contraceptifs prévus au remboursement pour les jeunes filles de 15 à 18 ans.
Tout sera mis en œuvre pour éviter que les inquiétudes actuelles ne se traduisent pas une diminution de la contraception et par une augmentation du nombre de grossesses non désirées. Je serai très vigilante sur ce point et suivrai l’évolution de ces pratiques.
Mesdames, Messieurs, c’est un débat très sensible, il faut y répondre avec détermination et sans affolement parce que rien ne serait pire que de voir des femmes renoncer à toute contraception. J’invite donc les femmes à rencontrer leurs médecins afin qu’ils répondent à toutes leurs questions.
Je vous remercie.