| 10 Décembre 2012
Dans cette interview, le professeur Gilles Bouvenot nous parle de la prescription médicamenteuse à destination des personnes âgées. C'est nous dit-il, une préoccupation constante de l'Académie Nationale de Médecine qui a déjà beaucoup publié et communiqué sur le sujet
Du point de vue de la thérapeutique, une personne âgée est une personne qui a plus de 75 ans ou plus de 65 ans et atteinte d'une polypatologie. Actuellement entre 6 et 11 millions de françaises et de français répondent à ces critères. L'age ne constitue pas une contre indication à la thérapeutique médicamenteuse, selon l'Académie Nationale de Médecine, mais il en modifie les objectifs et les modalités.
Les personnes âgées sont souvent atteintes de polypathologies, elles vont donc recevoir plusieurs médicaments, et ceci de manière chronique. Ce sont aussi des personnes dont les fonctions rénales ne sont pas forcément optimales, et qui sont plus exposées que les jeunes aux effets indésirables des médicaments. Il va donc falloir ne prescrire qu'à bon escient, raisonnablement, en limitant et hiérarchisant, et en ne donnant que des médicaments essentiels et indispensables. Toutes les interactions médicamenteuses qui peuvent se produire devront être prises en compte de façon rigoureuse. Les désidératas des patients et leurs souhaits de qualité de vie seront également des paramètres importants dont il faudra tenir compte.
Actuellement une prise de conscience s'effectue, à savoir les effets délétères de la rupture dans la continuité des soins chez les personnes âgées, quand elles sont hospitalisées. Une personne âgée, stabilisée tant bien que mal par un certain nombre de médicaments est reçue aux urgences d'un hôpital, et immédiatement le danger de la rupture dans la continuité des soins apparait. Il en est de même lors de la remise d'une ordonnance de sortie qui ne prendrait pas en compte son état antérieur à l'hospitalisation.
Sur ce sujet, l'Académie Nationale de Médecine a émis un certain nombre de recommandations de bon sens. Mais au delà de ces simples recommandations, l'Académie attache une grande importance dans le fait qu'il faut que celles-ci soient suivit.
Recommandations aux institutions et aux pouvoirs publics
L'Académie recommande que des référentiels de prescriptions de médicaments à l'usage des personnes âgées soient enseignés dans le cursus universitaire, que la prescription de médicaments à l'usage des personnes âgées soit le thème du Développement Professionnel Continue. Que les recommandations actuellement existantes focalisent sur les personnes âgées et pas seulement sur la population générale. Que les logiciels d'aide à la prescription concernent aussi les personnes âgées. Que les essais thérapeutiques qui ont conduit à la mise sur le marché d'un certain nombre de nouveaux médicaments aient inclus un nombre significatif de personnes âgées, pour savoir comment le médicament se comporte auprès de ces patients. La galénique doit elle aussi s'adapter aux personnes âgées, pour éviter par exemple de continuer à traiter les personnes âgées en écrasant des comprimés destinés à l'adulte jeune.
Recommandations aux prescripteurs
Avant de prescrire un médicament aux personnes âgées il convient de bien connaitre leurs propriétés pharmacocinétiques, mais aussi il faut identifier le terrain que représente la personne âgée. A savoir les différentes pathologies, l'état somatique, l'état nutritionnel, la fonction rénale, etc. Tous ces facteurs ont un rôle important pour adapter la posologie. L'état cognitif du patient, mais aussi son environnement familial (est-il isolé ou pas), la connaissance exhaustive de la liste de tous les médicaments qu'il prend, y compris en automédication. Tout cela doit se passer avant de prescrire. Lors de la prescription, il va falloir limiter celle-ci aux médicaments qui vont servir, c'est à dire choisir ceux qui auront le meilleur rapport bénéfice risque dans l'éventail de choix à disposition du prescripteur. Prescrire en gardant à l'esprit que cette prescription sera limité dans le temps, et que la réévaluation de la prescription devra être faite lors de la visite suivante, ne pas faire la reconduction systématique de l'ancienne ordonnance. S'intéresser aux objectifs thérapeutiques de la personne âgée, qui ne sera pas celle du patient jeune. Avoir le réflexe iatrogène, en ne rapportant pas systématiquement un évènement symptomatique à la maladie, mais penser que cela peut être du à la prise d'un médicament. Eviter les ruptures dans la continuité des soins.
Ce sont des considérants de bon sens, mais, qui auprès des personnes âgées, ne sont actuellement pas suffisamment pris en compte.
Interview du Professeur Gilles Bouvenot
