Actualités de la CROI
Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes
Montréal 8-11 février 2009

La 16ème conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI 2009) vient de s’achever à Montréal. Les experts du monde entier se sont une nouvelle fois réunis pour débattre et partager leurs travaux fondamentaux, cliniques ou épidémiologiques. Plusieurs études sur le sida soutenues par l’ANRS y ont été présentées. Nous en avons sélectionné cinq.

1. L’immunothérapie par IL-2 n’apporte pas de bénéfice sur l’évolution de l’infection par le VIH chez les patients recevant en parallèle des antirétroviraux
Les résultats de deux grands essais internationaux
Deux grands essais internationaux coordonnés par les NIH1, dont l’ANRS était promoteur pour la France, montrent qu’une immunothérapie par interleukine-2 (IL-2) chez les patients infectés par le VIH sous multithérapie antirétrovirale ne permet pas de diminuer le risque d’infections opportunistes et de décès. Tels sont les résultats des essais, ANRS 101 ESPRIT
(Investigateur principal : Pr Marcelo H. Losso, Hôpital J.M. Ramos, Mejia, Buenos Aires, Argentine) et ANRS 122 SILCAAT (Investigateur principal : Pr Yves Levy, Hôpital Henri Mondor, Créteil), auxquels ont participé plus de 5800 patients dans le monde.
L’interleukine-2 est une protéine naturelle qui joue un rôle important dans la régulation de la production des lymphocytes CD4, la cible principale du VIH. Il est démontré depuis de nombreuses années que l’administration d’une IL-2 de synthèse permet d’obtenir chez les patients infectés par le VIH une remontée, souvent substantielle, du nombre de lymphocytes CD4. Les essais ANRS 101 ESPRIT et ANRS 122 SILCAAT ont dès lors été conçus pour déterminer si l’augmentation des CD4 ainsi obtenue se traduit par une réduction du risque de survenue d’infections opportunistes et de décès. Ces essais ont comparé l’évolution clinique de deux groupes de patients recevant soit une multithérapie antirétrovirale associée à des injections répétées d’IL-2 à faibles doses, soit une multithérapie antirétrovirale seule. Il s’agissait de patients à un stade précoce de l’infection dans le cadre de l’essai ANRS 101 ESPRIT (CD4 ≥ 300/mm3) ou à un stade plus avancé pour l’essai ANRS 122 SILCAAT (CD4 compris entre 50 et 299/mm3).
Les résultats des deux essais montrent que le nombre de lymphocytes CD4 est effectivement plus élevé chez les patients ayant reçu l’immunothérapie en plus des antirétroviraux par rapport à ceux ayant pris uniquement les antirétroviraux (+153 CD4/mm3 en moyenne dans ANRS 101 ESPRIT, +56 CD4/mm3 dans ANRS 122 SILCAAT). Toutefois, il ne ressort pas de bénéfice clinique associé à cette augmentation des CD4. Le nombre d’infections opportunistes et de décès observés parmi les deux groupes de patients (avec ou sans IL-2) est ainsi similaire dans chacun des deux essais.
Les raisons de cette absence de bénéfice clinique de l’immunothérapie par IL-2 ne sont pas connues pour le moment. Il est possible que les lymphocytes CD4 induits par l’IL-2 ne soient pas ou pas suffisamment fonctionnels. Des analyses complémentaires sont en cours pour tenter de le déterminer.

1 National Institutes of Health

« Les résultats de ces essais montrent clairement que l’immunothérapie par IL-2 ne présente pas d’intérêt pour les patients infectés par le VIH, explique le Pr Yves Lévy. Pour autant, cela ne remet pas en question ce type d’approche pour le traitement de l’infection par le VIH. D’autres produits d’immunothérapie font actuellement l’objet d’évaluation car ils sont susceptibles d’induire une réponse immunitaire pouvant favoriser un meilleur contrôle de l’infection. Nous allons poursuivre ces évaluations, en tenant compte des enseignements apportés par ces deux essais. »
« Bien que négatifs, les essais ANRS 101 ESPRIT et ANRS 122 SILCAAT démontrent toute la pertinence de la recherche clinique et des essais de phase III de grande ampleur : ces essais ont apporté une réponse claire et précise à une question importante pour les patients et les médecins, explique de son côté le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS. Il faut en cela remercier et saluer l’implication des milliers de patients et des investigateurs qui ont contribué à ces essais. Aujourd’hui, à la lumière de ces résultats, il nous est possible de réorienter nos recherches, à la fois fondamentales et cliniques, sur l’immunothérapie pour la prise en charge de l’infection par le VIH ».

_______________
L’essai ANRS 101 ESPRIT a débuté en mars 2000 et a pris fin en novembre 2008. Il a été réalisé dans le cadre d’une collaboration internationale appelée International Network for Strategic Initiatives in Global HIV Trials (INSIGHT), dont l’ANRS est partie prenante. Cet essai a inclus 4111 patients dans 25 pays et 252 centres investigateurs. Tous les patients recevaient une multithérapie antirétrovirale. La moitié d’entre eux a reçu une dose de 7,5 millions d’unités internationales d’IL-2, deux fois par jour, pendant cinq jours consécutifs, toutes les huit semaines, pendant au moins six mois. Au-delà, d’autres cycles d’IL-2 pouvaient être proposés aux patients par les investigateurs pour maintenir le nombre de lymphocytes CD4 (à deux fois leur valeur initiale ou supérieur à 1000 cellules/mm3) le plus longtemps possible. Les patients ont été suivis en moyenne pendant sept ans.
L’essai ANRS 122 SILCAAT a été lancé en avril 1999 et s’est terminé lui aussi en novembre 2008. 1695 patients ont participé à cet essai, dans 11 pays et 114 centres investigateurs. Tous les patients recevaient une multithérapie antirétrovirale. Ceux randomisés dans le groupe IL-2 ont reçu une dose de 4,5 millions d’unités internationales d’IL-2, deux fois par jour, pendant cinq jours consécutifs, toutes les huit semaines, pendant un an. Au-delà, d’autres cycles d’IL-2 pouvaient être proposés aux patients par les investigateurs pour maintenir un nombre moyen de lymphocytes CD4 supérieur de 150 cellules/mm3 à leur nombre initial. Les patients ont été suivis en moyenne pendant sept ans. Ces deux essais ont été soutenus par Chiron/Novartis.

Références
Effect of Interleukin-2 on Clinical Outcomes in Patients with a CD4+ Cell Count of 300/mm3 : Primary Results of the ESPRIT Study

Auteurs
Marcelo Losso1, D Abrams², et INSIGHT ESPRIT Study Group
1 Hôpital JM Ramos Mejia, Spain
² San Francisco Gen Hosp, Université de California, San Francisco, US.
Effect of Interleukin-2 on Clinical Outcomes in Patients with CD4+ Cell Count 50 to 299/mm3: Primary Results of the SILCAAT Study
Auteurs
Yves Levy et SILCAAT Sci Committee
Hôpital Henri Mondor, France.

2. Le contrôle spontané de l’infection par le VIH peut  s’instaurer peu après la contamination
Une nouvelle étape dans la compréhension des mécanismes du contrôle viral naturel des patients « HIV controllers »
Le suivi de patients issus de la cohorte ANRS PRIMO CO 06 montre que, chez des patients non traités par des antirétroviraux, il est possible d’observer un contrôle spontané de la réplication virale peu après la primo-infection (c’est-à-dire la période qui suit immédiatement la contamination et qui se caractérise généralement par une réplication virale très importante). Ces premiers résultats, qui permettront peut-être à l’avenir de définir un profil prédictif des « HIV controllers », ont fait l’objet d’une communication présentée par le Pr Cécile Goujard (Faculté de Médecine Paris-Sud, Inserm U 802, Le Kremlin Bicêtre).
Le phénomène de contrôle viral spontané du VIH, observé chez de rares patients appelés « HIV controllers », a été décrit chez des patients infectés de longue date. Leur évolution depuis la phase précoce de l’infection, la primo-infection, reste cependant méconnue. La cohorte ANRS PRIMO CO 06, composée de patients dont l’infection par le VIH est récente (le délai d’inclusion médian dans la cohorte est de 1,5 mois après la contamination), permet, entre autres, de rechercher si le contrôle spontané de la réplication virale peut être observé de façon précoce. Parmi les 211 patients non traités de la cohorte, huit se sont avérés avoir une charge virale plasmatique faible ou indétectable (< 400 copies/ml) pendant plus de 12 mois (4,1 ans en médiane). Chez ces 8 patients, le contrôle spontané de la réplication virale est survenu six mois en médiane après la contamination.
Le suivi de ces 8 patients montre que :
- un d’entre eux présente toujours une charge virale indétectable ;
- trois patients ont une charge virale détectable mais faible et qui se maintient à ce niveau depuis plus de trois ans ;
- quatre patients ont présenté un contrôle viral prolongé, mais leur charge virale a augmenté au cours du temps. Il ne s’agit donc pas de « HIV controllers ».
L’étude de ces patients indique que, au moment de la primo-infection, par rapport aux patients n’ayant pas présenté un contrôle de la réplication :
- Leur charge virale était plus faible ;
- Leur nombre de lymphocytes CD4 était plus élevé ;
- Leur réservoir viral (quantification de l’ADN VIH) était relativement bas.
- Par ailleurs, chez quatre de ces huit patients, il a été retrouvé des marqueurs génétiques HLA associés à une progression lente de l’infection par le VIH (voir note de presse de l’ANRS « SIDA : trois régions du génome identifiées dans le contrôle de la maladie » du 13 janvier 2009.
(http://www.anrs.fr/index.php/anrs/vih_sida/recherche_fondamentale/actualites/sida_trois_regions_du_genome_identifiees_dans_le_controle_de_la_maladie)
Ces résultats montrent qu’un contrôle spontané de la réplication virale peut s’instaurer de façon précoce après la contamination par le VIH. Ce phénomène semble durable pour la moitié des huit patients de la cohorte ANRS PRIMO présentant un tel contrôle.
Le suivi à plus long terme de ces patients, associé à des études immunologiques et virologiques plus approfondies, devraient permettre de préciser les mécanismes de ce contrôle spontané précoce de l’infection par le VIH.

Référence
Early Spontaneous Control of Viral Replication in Patients Enrolled during Primary- HIV-1 Infection in the French ANRS PRIMO Cohort: Can we Predict the "HIV Controller" Status ?

Cécile Goujard1,2, Marie-Laure Chaix3, Olivier Lambotte1,2, Christiane Deveau4, Laurent Tran3, Martine Sinet2, Christine Rouzioux3, Jean-François Delfraissy1,2, Alain Venet2, Laurence Meyer4, pour la cohorte ANRS CO 06-PRIMO.
1 INSERM U 802, Faculté de Médecine Paris-Sud 11, Le Kremlin Bicêtre
2 Service de médecine interne, Hôpital Bicêtre, AP-HP
3 EA 3620, Université Paris Descartes, Laboratoire de virologie, Hôpital Necker, AP-HP, Paris, France
4 INSERM U 822, Faculté de Médecine Paris-Sud 11, Hôpital Bicêtre, AP-HP, Le Kremlin Bicêtre

3. Abacavir et risque d’infarctus du myocarde : un surrisque ?
Plusieurs études avaient déjà montré que la prise d’inhibiteur de la protéase accroissait le risque de survenue d’infarctus du myocarde chez les patients. Le même risque était également suspecté pour l’abacavir, un inhibiteur de la transcriptase inverse. Une nouvelle étude issue des données de la Base de données hospitalières françaises sur l’infection à VIH (la cohorte ANRS CO4) et menée par le Pr Dominique Costagliola (Directeure de l'U943 INSERM et Université Pierre et Marie Curie) et ses collègues, permet de faire le point sur ces différents risques en évaluant l’effet de six inhibiteurs de la protéase (indinavir, saquinavir, nelfinavir, lopinavir, amprénavir et fosamprenavir) et huit inhibiteurs de la transcriptase inverse (zidovudine, didanosine, stavudine, lamivudine, zalcitabine, emtricitabine, abacavir, et ténofovir).
Plus de 1150 patients séropositifs traités entre 2000 et 2006 ont été analysés : 289 d’entre eux ont fait un infarctus du myocarde. Cette cohorte était composée à 89 % d’hommes, âgés en moyenne de 47 ans. Les auteurs ont évalué l’exposition cumulée dans le temps aux différentes molécules pour chaque patient, en tenant compte de la proximité de la prise (en cours ou dans les six mois précédant l’étude) ou au contraire de son ancienneté (plus de six mois avant l’étude).
Les résultats ajustés sur les facteurs de risque cardiovasculaires et sur les paramètres liés à l’infection à VIH, montrent que la prise prolongée d’inhibiteur de la protéase, excepté le saquinavir, est associée à un risque moyen d’infarctus du myocarde de 1,16 par année d’exposition. Sur une période de 10 ans d’exposition, le risque d’infarctus est multiplié par 4,4.
L’abacavir multiplie également le risque par 1.97 mais, contrairement à ce qui a été décrit précédemment, uniquement la première année suivant le début du traitement. Les autres inhibiteurs de la transcriptase inverse n’ont pas montré de surrisque significatif d’infarctus du myocarde malgré une tendance à l’augmentation du risque par année cumulée d’exposition avec la zidovudine et la stavudine.
« Pour les inhibiteurs de la protéase, l’association observée est presque certainement causale mais le débat reste ouvert pour l’abacavir. Ces résultats ne remettent pas en cause l’intérêt de ces molécules, indispensables et efficaces pour le traitement des patients séropositifs. Cependant, ces données permettent d’évaluer plus précisément la balance bénéfice/risque de ces médicaments, notamment lors de l’instauration d’un premier traitement qui, s’il est efficace, sera poursuivi plusieurs années », clarifie Dominique Costagliola.

Référence
Impact of Specific NRTI and PI Exposure on the Risk of Myocardial Infarction: A Case- Control Study Nested within FHDH ANRS CO4

Auteurs
Sylvie Lang1, Murielle Mary-Krause1, Laurent Cotte², Jacques Gilquin3, Maria Partisani4, Anne Simon5, Franck Boccara6, Dominique Costagliola1, et the Clinical Epidemiology Group of the French Hospital Database on HIV 1 U 943 INSERM et Université Pierre et Marie Curie, Paris, France
² Hôpital Hôtel Dieu, Lyon, France
3 Hôpital Saint-Joseph, Paris, France
4 CHRU Strasbourg, Strasbourg, France
5 APHP, Hôpital Pitié-Salpètrière, Paris, France
6 APHP, Hôpital Saint-Antoine, Paris, France

4. Le mécanisme d’intégration de l’ADN viral dans l’ADN de l’hôte enfin disséqué
Le mode d’action de l’intégrase, protéine clé de l’intégration de l’ADN du VIH dans l’ADN de l’hôte restait jusque là mal compris. Or, il s’agit d’une étape indispensable à la réplication du virus.
De précédentes études avaient montré qu’elle agit toujours en dimères mais ce complexe étant très peu stable, aucune observation n’était possible. Ces dimères d’intégrases bénéficient en fait d’un complice à l’intérieur du noyau de la cellule hôte qui les stabilisent et leur permet d’exécuter leur travail d’intégration. Ce complice est la protéine LEDGF (Lens Epithelial Derived Growth Factor).
Des chercheurs de l’Institut de Génétique et de Biologie Moléculaire et Cellulaire, ULP, Inserm U 596, UMR 7104 CNRS et leurs collègues ont réussi à purifier ce complexe et à l’observer en microscopie électronique. Il est composé de deux dimères d’intégrases et de deux cofacteurs LEDGF qui se lient ensemble à l’ADN de l’hôte. Après avoir identifié ce complexe et les sites d’interactions entre les six protéines, les auteurs l’ont mis en présence de séquences d’ADN viral et d’ADN hôte. Ils ont ainsi observé la façon dont le complexe se lie aux deux brins d’ADN et la mécanique exacte d’intégration de l’ADN viral dans l’ADN hôte.
Cette étude a permis d’identifier avec précision les séquences protéiques impliquées dans l’interaction entre les intégrases et le cofacteur et également entre les intégrases et l’ADN de l’hôte. Chacune de ces séquences constitue une nouvelle cible thérapeutique. Des anticorps ou même de petites molécules qui interféreraient avec ces séquences permettraient d’une part d’empêcher la formation du complexe nécessaire au processus d’intégration, d’autre part, sa fixation à l’ADN de l’hôte, bloquant alors le processus infectieux. Ces travaux ont bénéficié du soutien de l’ANRS et de Sidaction et sont sous presse dans EMBO Journal.

Référence
Structural basis for HIV-1 DNA integration in the human genome

Auteurs
Fabrice Michel1, Sylvia Eiler1, Jean-François Mouscadet2, Marina Gottikh3, Alexis Nazabal4, Stéphane Emiliani5, Richard Benarous5,6, Dino Moras1, Patrick Schultz1 et Marc Ruff1.
1 IGBMC (Institut de Génétique et de Biologie Moléculaire et Cellulaire), ULP, U 596 Inserm, UMR7104 CNRS, Illkirch; France
2 Laboratoire de Biotechnologie et Pharmacologie Génétique Appliquée, CNRS, UMR8113, ENS-Cachan, 94235 Cachan, France
3 Belozersky Institute of Physico-Chemical Biology, Moscow State University, 119992 Moscow, Russia 4 CovalX, Technoparkstrasse, 1, CH-8005, Zürich, Zwitzerland
5 Institut Cochin, Université Paris Descartes, CNRS (UMR8104), Inserm, U 567, Paris, France
6 CellVir SAS, Evry, France.

5. La prise en charge du sida n’offre pas encore les mêmes chances de survie en Afrique Sub-saharienne que dans les pays du Nord
Les personnes séropositives traitées par antirétroviraux en Afrique Sub-saharienne présentent un risque de décès supérieur à celui de la population générale dans les deux ans qui suivent la mise sous traitement. Ce risque reste également supérieur à ce qui est observé chez les patients traités dans les pays du nord. La majorité des patients africains sont pris en charge à un stade avancé de la maladie, ce qui diminue considérablement leur espérance de vie. Ce bilan est issu d’une étude financée par l'ANRS et les NIH (National Institutes of Health) américains dans quatre pays d’Afrique sub-saharienne : la Côte d’Ivoire, le Malawi, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe dont les résultats ont été présentés à la CROI par le Pr Martin W.G. Brinkhof (Université de Bern, Suisse).
Près de 13 250 patients séropositifs* débutant un traitement antirétroviral ont été suivis pendant deux ans dont 67 % de femmes. L’âge moyen était de 34 ans. Au début du traitement, 85 % des personnes étaient à un stade clinique avancé de la maladie avec un taux de CD4 inférieur à 100 / μL. Parmi ces patients, ceux dont le niveau était inférieur à 25 / μL présentaient un taux de mortalité de 17,5 % par an en moyenne au cours des deux premières années de traitement, correspondant à un risque de décès multiplié par 47,1 par rapport à la population générale de ces pays. En revanche, les patients dont le taux de CD4 était d’au moins 200 / μL à la mise sous traitement présentaient un risque relatif de décès beaucoup plus faible, multiplié par 3,4 seulement par rapport à la population générale. Leur taux de mortalité de 1 % par an restait malgré tout supérieur au taux correspondant de 7‰ ** observé dans les pays du nord***.
« Nous constatons ainsi un décalage très substantiel entre l’espérance de vie en Afrique Sub-saharienne et dans les pays du Nord en début de traitement. Les conditions de vie, l’environnement microbien, mais surtout probablement les difficultés d’organisation de prise en charge globale, ont une part de responsabilité importante dans ces différences. Mais cette étude montre avant tout que la prise en charge est trop tardive pour la majorité des patients sur le continent africain. La plupart des patients initient le traitement bien en dessous du seuil de 200 CD4 / μL fixé par l’OMS et il faudrait sans attendre remonter celui-ci au niveau des pays du Nord où les patients sont traités dès 350 / μL », explique François  Dabis, (Inserm U 897, ISPED, Université V. Ségalen, Bordeaux), co-responsable de l’étude. Un essai (ANRS 12136 TEMPRANO) est en cours en Côte d’Ivoire pour évaluer le bénéfice d’une prise en charge précoce à des seuils compris entre 250 et 500 / μL, par une trithérapie  antiretrovirale accompagnée ou pas d’une prévention antibiotique de la tuberculose.

* Patients issus de cinq centres de prise en charge participant dans les quatre pays de l’étude à la collaboration ART-LINC of IeDEA.
** Patients traités selon la collaboration ART-CC dont les données sont obtenues de façon relativement comparable à cette étude.
*** Life expectancy of individuals on combination antiretroviral therapy in high-income countries: a collaborative analysis of 14 cohort studies. The Lancet July 2008, Vol 372, Issue 9635, p : 293 – 299.

Référence
Mortality of HIV-infected Patients starting Antiretroviral Therapy: Comparisons with the General Population in Southern Africa

Auteurs
Martin Brinkhof1, A Boulle², R Weigel3, E Messou4, C Mathers5, C Orrell², M Pascoe6, F Dabis6, M Egger1, et the Intl Epi Databases to Evaluate AIDS
1 Université de Bern, Switzerland
² Université de Cape Town, South Africa
3 Lighthouse, Lilongwe, Malawi
4 CEPREF, Abidjan, Côte d`Ivoire
5 WHO, Geneva, Switzerland
6 Connaught Clinic, Harare, Zimbabwe

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