26 Juin 2012
|DECISION du 14 juin 2012 portant retrait et interdiction de la fabrication, de l’importation, de l’exportation, de la distribution en gros, de la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, de la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit et de l’utilisation de produits cosmétiques contenant la substance chloroacetamide (CAS : 79-07-2)
Le directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ;
Vu la cinquième partie du code de la santé publique, et notamment les articles L. 5131-1, L. 5131-4, L. 5311-1, L. 5312-1et L. 5312-3 ;
Vu la directive du Conseil des Communautés européennes 76/768/CEE du 27 juillet 1976 modifiée concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux produits cosmétiques, et notamment son article 12 ;
Vu l’avis du Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (CSSC) adopté en séance plénière le 22 mars 2011 concernant le chloroacetamide (SCCS/1360/10) ;
Vu le règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/2006, et notamment son annexe VI ;
Vu les courriers en date du 09 mai 2012 adressés aux organisations professionnelles, Fédération des entreprises de la beauté et Cosmed, leur notifiant le projet de la présente décision de l’ANSM et les invitant à présenter leurs observations ;
Vu les courriers en date du 30 mai 2012 de la Fédération des entreprises de la beauté et en date du 24 mai 2012 de Cosmed en réponse à ce projet de décision ;
Considérant que la dixième directive 88/233/CEE de la Commission du 2 mars 1988 portant adaptation au progrès technique des annexes II, III, IV et VI de la directive 76/768/CEE du Conseil concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques, a procédé à l’inscription de la substance chloroacetamide (CAS : 79-07-2) en annexe VI de la directive 76/768/CEE modifiée, à l’entrée 41 ; qu’au terme de cette inscription, ladite substance est admise en tant que conservateur dans les produits cosmétiques, à la concentration de 0,3 % ;
Considérant que le chloroacetamide a fait l’objet d’un avis du CSSC (SCCS/1360/10) en raison de sa classification dans le règlement (CE) n° 1272/2008 précité, en tant que substance reprotoxique de catégorie 2, H321f, c’est-à-dire comme susceptible de nuire à la fertilité ;
Considérant que l’avis du CSSC précité résume les données de la caractérisation du danger et précise que :
- la biodisponiblité systémique (c’est-à-dire la quantité arrivant dans la circulation générale) du chloroacetamide est de 56 % après application cutanée sur la base d’une étude de toxicocinétique chez le rat ;
- une diminution de l’index de fertilité et du nombre de foetus est observée dans un test de dominant létal chez les souris mâles traitées par voie intraperitonéale par du chloroacetamide puis accouplées à des souris femelles non traitées ;
- une diminution du poids corporel des mères et des malformations squelettiques des foetus sont relevées dans une étude de tératogenèse chez le rat traité par du chloroacetamide ;
- une dose sans effets néfastes (No observed adverse effect level : NOAEL) de 50 mg/kg de poids corporel/jour peut être retenue sur la base d’une étude de toxicité subaiguë sur 30 jours menée chez le lapin par voie cutanée ; qu’au-delà de cette dose, le chloroacetamide est susceptible d’induire des effets cutanés tels qu’un épaississement de la peau et des effets systémiques tels que des changements histopathologiques au niveau du foie, du coeur et de la rate ;
- une dose sans effets néfastes (NOAEL) de 10 mg/kg de poids corporel/jour peut être retenue sur la base de deux études de toxicité subchronique sur 90 jours menées chez le rat par voie orale ; qu’à partir de la dose de 12,5 mg/kg de poids corporel/jour, le chloroacetamide est susceptible de provoquer des effets systémiques tels qu’un élargissement de la thyroïde et une diminution du poids du foie chez les femelles, une diminution du poids des testicules, des altérations de la spermatogenèse et une prolifération des cellules de Leydig chez les mâles permettant de conclure que le chloroacétamide est susceptible d’altérer la fertilité ;
Considérant que l’avis du CSSC (SCCS/1360/10) conclut d’après les données précitées que :
- une marge de sécurité de 21 peut être calculée sur la base de la NOAEL de 50 mg/kg de poids corporel/jour susmentionnée, d’un facteur de sécurité supplémentaire de 3 afin de tenir compte de la durée courte de 30 jours de l’étude retenue et d’un taux d’absorption cutanée de 56 % ;
- une marge de sécurité de 19 peut être calculée sur la base de la NOAEL de 10 mg/kg de poids corporel/jour précitée et d’un taux d’absorption cutanée de 56 % ;
Considérant, que dès lors que la marge de sécurité est inférieure à 100, l’utilisation d’une substance dans un produit cosmétique n’est pas considérée comme sûre pour la santé des consommateurs ;
Considérant que l’utilisation du chloroacetamide dans les produits cosmétiques est susceptible de nuire à la fertilité et que sa présence dans les produits cosmétiques est donc susceptible de présenter un danger grave pour la santé humaine au sens de l’article L.5312-1 du code de la santé publique ;
DÉCIDE
Article 1er : La fabrication, l’importation, l’exportation, la distribution en gros, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit et l’utilisation de produits cosmétiques contenant la substance chloroacetamide (CAS : 79-07-2), sont interdites, à titre conservatoire, dans l’attente, soit des mesures appropriées prises par la Commission européenne conformément aux dispositions de l’article 12 point 2 de la directive 76/768/CEE susvisée, soit de l’entrée en vigueur, le cas échéant, des adaptations techniques à cette directive prises conformément aux dispositions de son article 12 point 3.
Article 2 : Les fabricants, importateurs, responsables de la mise sur le marché et les distributeurs de ces produits cosmétiques doivent prendre toutes mesures utiles notamment auprès des détenteurs de stocks, pour faire cesser la distribution de ces produits et procéder à leur retrait sans délai, en tout lieu où ils se trouvent.
Article 3 : La directrice de l’évaluation de la publicité, des produits cosmétiques et biocides et le directeur de l’inspection et des établissements sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.
Fait à Saint-Denis, le 14 juin 2012
Le Directeur Général de l’ANSM
Pr Dominique MARANINCHI