altGérard Dubois et Roger Nordmann au nom de la Commission VI (Addictions)
Depuis le vote de la loi du 10 janvier 1991, dite loi Evin, de nombreux reculs législatifs et réglementaires ont conduit à la situation défavorable constatée dans le rapport 2011 de la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES) du Ministère de la santé sur l’état de santé de la population en France [1] : ralentissement de la baisse de consommation, augmentation des usages à risque et des ivresses répétées chez les jeunes.

Ce rapport estime à 12,4 litres d’alcool pur par habitant de 15 ans et plus la consommation des Français en 2009, soit plus de 40 g par jour pour les hommes et un peu moins de 20 g pour les femmes. Malgré une diminution de 14% entre 1999 et 2009 (2 litres), l’objectif de la loi de santé publique d’une baisse de 20% entre 1999 et 2008 n’a pas été atteint. Pire, « depuis 2005 le rythme s’est nettement ralenti ».

Le même rapport « observe chez les plus jeunes un accroissement des usages à risques, chez les hommes comme chez les femmes, en particulier chez les femmes jeunes entre 18 et 24 ans ». Il faut ajouter à ce constat le bond des ivresses répétées (au moins 3 dans l’année) à l’âge de 17 ans entre 2003 et 2005, de 26 à 33% pour les garçons, de 12 à 18% pour les filles. Ces niveaux élevés sont encore observés en 2008 et subissent une nouvelle augmentation en 2011[2], ainsi que les ivresses régulières (au moins 10 dans l’année), et même les usages réguliers progressent de 18%. Déjà en 2007, l’Académie avait fait part de
son inquiétude sur l’évolution de l’alcoolisation des jeunes [3].

La loi du 10 janvier 1991 avait pour principes originels d’interdire la publicité sur les supports qui s’imposent à tous et d’en limiter la forme sur les supports autorisés. On peut noter que la proposition d’une exception pour les enseignes dans les zones de production a conduit à remplacer « enseignes » par « affiches », puis à décider que toute la France était zone de production, rétablissant ainsi l’affichage, une des formes les plus visibles de publicité.

Les « buvettes » en milieu sportif ont été progressivement rétablies, puis totalement libéralisées. Enfin, la publicité pour l’alcool a été autorisée en 2009 sur Internet, bien que ce soit un support médiatique particulièrement affectionné des jeunes. Ces nombreux reculs législatifs et réglementaires ont dorénavant des conséquences visibles.

Considérant que :
- les objectifs de la loi de santé publique de 2004 ne sont pas atteints en ce qui concerne l’alcoolisation des Français ;
- la consommation baisse plus lentement et reste à un niveau élevé ;
- les ivresses répétées ont augmenté chez les jeunes depuis 2003 et que cette situation s’aggrave ;

l’Académie nationale de médecine recommande :
1. L'interdiction de la publicité des boissons alcooliques sur les supports qui s’imposent à tous (l’affichage sur la voie publique et les transports en commun, la télévision, la radio, le cinéma et l’internet),
2. la limitation des messages publicitaires à la seule description du produit (nature, contenu en alcool),
3. une meilleure mise en évidence par sa taille, son contraste et sa visibilité du logo ou de l’avertissement recommandant de s’abstenir de toute consommation d’alcool pendant la grossesse.

1[] L'état de santé de la population en France. Suivi des objectifs annexés à la loi de santé publique.
Rapport 2011, Paris : Ministère de la Santé, 2011/11, 340p.
http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Etat_sante-population_2011.pdf
2[] Estimations 2011 des consommations de produits psychoactifs à 17 ans. OFDT. Note confidentielle à l’attention du Président de la MILDT. 25 novembre 2011, 8p.
http://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/eisxstra.pdf

3[] Nordmann R. (au nom de la Commission VI) - inquiétude et propositions d’action. Bull. Acad.Natle Méd.., 2007,191, n°6, 1175-1184

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