altMarie-Christine MOUREN, Michel LEJOYEUX, Marie-France LE HEUZEY
Les technologies modernes (ordinateurs, tablettes, consoles, téléphones ….) mettent à la disposition de chacun de nouveaux modes de jeux: essentiellement jeux vidéo chez l’enfant et l’adolescent, auxquels s’ajoutent chez l’adulte les jeux d’argent en ligne. L’accès à ces jeux suscite des craintes du fait du risque de pratique excessive. Certains utilisent même le terme d’addiction, définie comme la perte de contrôle et la poursuite du comportement malgré ses conséquences négatives Cette définition très large a l’avantage de regrouper les consommations pathologiques de substances psychoactives (drogues, tabac, alcool) et les addictions comportementales (« addictions sans drogue ») où le comportement à visée hédonique (jeux pathologiques, achats compulsifs etc.) remplace la consommation du produit. Ces « nouvelles addictions », fait de société, impliquant des populations de tous âges, constituent un problème de santé publique, justifiant ce communiqué qui fait suite à la séance dédiée aux nouvelles addictions tenue à l’Académie de médecine le 10 janvier 2012 et résume ses conclusions.

Il convient de traiter séparément la problématique de l'enfant de de l'adolescent et celle de l'adulte, en attendant d'avoir le recul nécessaire pour évaluer la continuité/dicontinuité des comportements à travers les
différents âges de la vie.

Chez l’enfant et l’adolescent
– Il n’y a pas de consensus scientifique sur l’existence de réelles addictions aux jeux vidéo. En l’absence d’études précisant leurs critères, il est préférable d’utiliser le terme de pratiques excessives, moins stigmatisant ;
– Le terme de pratique excessive (et a fortiori d’addiction) fait intervenir la notion de retentissement durable sur la vie du sujet : perturbations du sommeil, troubles du comportement alimentaire (surpoids, grignotage), absentéisme et/ou échec scolaire, retrait social, diminution des autres activités (familiales, sportives et culturelles). Ces manifestations doivent inciter à une évaluation systématique de la part des médecins auprès des familles après avoir posé au moins deux questions :

1/ de quel équipement l’enfant dispose-t-il dans sa chambre ?

2/ combien de temps passe-t-il chaque jour devant un écran ?

– Les familles doivent s’informer sur le contenu et les types de jeux en fonction de l’âge de l’enfant ou de l’adolescent, et réguler le temps passé en préservant leurs autres activités. Le rôle éducatif des parents
est primordial. Les parents doivent aussi être des modèles et ne pas passer eux-mêmes un temps excessif devant leurs propres écrans.

Chez l’adulte
Les jeux d’argent en ligne font l’objet d’une importante promotion et d’une publicité consumériste. Comme tous les autres jeux d’argent, ils exposent au risque d'abus et de dépendance. Les dommages sont financiers
(dépenses disproportionnées) et psychologiques (temps passé excessif, abandon d’autres intérêts ou activités). En terme de dépendance, une étude conduite sur une cohorte d’étudiants en médecine de l’hôpital Bichat (Paris) en 2010, présentée pour la première fois à l’Académie nationale de médecine par son auteur, le Professeur Michel Lejoyeux, a retrouvé une prévalence des jeux d'argent en ligne de 7,24%, dont 34 % de
joueurs en ligne dépendants avec une corrélation à la consommation d’alcool et de tabac.

Considérant qu’il faut distinguer les comportements des enfants de ceux des adultes vis-à-vis des jeux sur écran dans la mesure, notamment, où les jeux d’argent sont en principe interdits aux mineurs et où les
comportements à l’adolescence ne peuvent pas laisser préjuger de leur évolution à l’âge adulte ;
Considérant que nous ne disposons pas des données nécessaires à une évaluation scientifique validée ;

l’Académie de médecine recommande :
- une sensibilisation plus forte des parents, premiers éducateurs et exemples en la matière, portant sur le contrôle des jeux et du temps qui leur est consacré ;
- une meilleure information des médecins sur le risque addictif des jeux d’argent en ligne et leurs conséquences néfastes ;
- une modification des messages publicitaires afin que la promotion de ces jeux ne soit pas « ciblée» directement sur l’univers des adolescents (sport, musique, mode…) ;
- une vrai politique d’information, de prévention et de soins face à cette nouvelle toxicomanie sans drogue à laquelle sont exposés en priorité les adolescents et qui doit dépasser la simple mention, en bas
d’une publicité, des dangers potentiels des jeux en ligne.

Références
BAVELIER D., GREEN CS., DYE MWG. - Children, wired-for better and for worse. Neuron 2010, 67(5) : 692-701.
CHAN PA., RABINOWITZ T. - A cross-sectional analysis of videogames and attention deficit hyperactivity disorder symptoms in adolescents. Ann Gen Psychiatry 2006, 5 : 16.
GENTILE DA., CHOO H., LIAU A., SIM T., LI D., FUNG D., KHOO A. - Pathological videogame use among youths : a two year longitudinal study. Pediatrics 2011, 127(2).
Textes de la Séance du 10 janvier 2012 dédiée aux « nouvelles addictions ».

Ce communiqué fait suite à la séance dédiée aux « nouvelles addictions » du 10 janvier 2012

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