27 Janvier 2012
|SYNTHESE par le Pr Florent SOUBRIER
La révolution de la biologie à haut débit (BHD) (« omique »), qui permet d’analyser l’ensemble des molécules présentes dans le milieu biologique, est déjà bien visible par ses applications en biologie fondamentale et dans le domaine médical.
De la biologie fondamentale à la modélisation de la maladie
Les résultats issus de la BHD permettent d’aborder le fonctionnement de la cellule dans sa globalité, puisque l’on dispose de tous les paramètres biologiques simultanément et de leurs modifications lors d’une exposition à des conditions différentes. Il est ainsi possible, en intégrant l’ensemble de ces résultats, de modéliser mathématiquement le fonctionnement de la cellule, et cette discipline nouvelle appelée « biologie de systèmes » (traduction de « systems biology ») se développe grâce à l’interaction entre biologistes, biostatisticiens, et biomathématiciens, avec des promesses de retombées médicales considérables puisque, après le stade de la modélisation de la cellule, on pourra passer au stade de l’organisme entier et à ses dérèglements pathologiques.
Des retombées médicales immédiates majeures dans trois domaines :
Les biomarqueurs des maladies. Il est en effet essentiel de pouvoir dépister une maladie de façon précoce, suivre son évolution et sa réponse au traitement. Les « omiques » permettent de rechercher des biomarqueurs sans a priori, dans une stratégie conduite par la technologie (technology-driven), par l’analyse, dans les échantillons biologiques de patients et de sujets contrôles, des protéines, des peptides, ou de quelques autres types de métabolites.
La génétique des maladies monogéniques et complexes. La révolution récente du séquençage à ultra-haut débit (UHD), qualifié aussi de « séquençage de nouvelle génération », permet la détermination de la séquence d’un génome humain entier (3 Gb) en 24heures, ou des régions codantes du génome (environ 50Mb) de 50 sujets également en 24 heures. Il est possible d’analyser directement la séquence du génome de sujets pour lesquels l’origine de la maladie génétique n’était pas élucidée. Depuis 2009, plusieurs gènes de maladies monogéniques ont été ainsi identifiés. Des centaines restent à trouver, et beaucoup le seront par cette méthode. Le séquençage UHD permet également la recherche de variants génétiques responsables de la susceptibilité aux maladies complexes, en déterminant la séquence génomique de centaines de sujets, sur une région désignée par des études d’association génétique réalisées sur des puces à ADN à haute densité permettant de typer des centaines de milliers de marqueurs génétiques.
La cancérologie. Le séquençage du génome tumoral identifie les mutations responsables des anomalies de croissance de la cellule tumorale sur des gènes qui deviennent des cibles pour des thérapies très efficaces. Le séquençage permet aussi d’identifier, dans la cellule tumorale, les remaniements chromosomiques, les modifications épigénétiques, et les anomalies d’expression du génome, que ce soit le transcriptome ou le protéome. L’ensemble de ces données permet de classer les tumeurs, de prédire leur potentiel évolutif et métastatique, leur réponse au traitement. Les retombées thérapeutiques de ces études sont déjà majeures pour certains cancers, et des consortium internationaux se répartissent la tâche pour analyser les génomes de tumeurs de différents organes.
A partir de la description précise de l’ensemble de ces méthodes, illustrée par des exemples des résultats obtenus, l’Académie nationale de médecine émet des recommandations pour favoriser leur application dans les meilleurs délais et de la façon la plus efficace.
L’Académie rappelle de nouveau que les examens génétiques proposés sur Internet ne sauraient entrer dans le cadre rigoureux, scientifique et éthique, de cette vision globale. Or, les progrès dans l’analyse complète du génome vont rendre ces études de moins en moins coûteuses, et d’ici quelques mois, l’étude complète des gènes de notre génome sera proposée pour quelques milliers d’euros. Même si les examens génétiques sont réglementés en France, ils pourront être effectués à la demande dans de nombreux autres pays. Il convient donc de mettre en garde le public, non pas tant à cause de la qualité des résultats fournis, mais surtout du fait de la difficulté de leur interprétation, parce que la connaissance des risques liés aux gènes n’est aujourd’hui que partielle, et que seule une analyse globale aurait de l’intérêt. La recherche des maladies à venir fondée sur l’examen du génome est donc à considérer avec la plus grande prudence.