Une étude soutenue par l’Anrs et Sidaction ayant pour objet d’évaluer la faisabilité et l’intérêt en santé publique d’une stratégie de dépistage généralisé du VIH dans des services d’urgence d’Ile-de-France est publiée dans Archives of Internal Medicine le 24 octobre. Elle montre que ce type d’approche est faisable, bien acceptée et apporte des éléments nouveaux aux débats actuels sur l’opportunité de développer un dépistage généralisé ou, à l’inverse, de privilégier un dépistage ciblé, ce que suggèrent les auteurs de cette étude. Il faut souligner que l’ANRS finance sept projets dans le cadre de son programme de recherche sur le dépistage.

Faciliter le dépistage du VIH en population générale ou dans les groupes les plus exposés a pour premier objectif de faire bénéficier les personnes dépistées d’une prise en charge précoce et donc d’améliorer leur état de santé. De plus, le dépistage réduit le nombre de personnes ignorant leur statut sérologique et contribue à la prévention.

L’Anrs a mis en place un important programme de recherche sur le thème du dépistage. Le projet Anrs ComTest a abouti en 2010 à un arrêté autorisant une offre de dépistage communautaire non-médicalisée utilisant le test rapide. L’étude Anrs Drag, en cours d’analyse, permettra d’avoir des informations sur l’offre comparée du dépistage en centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) et par la communauté chez les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH). ANRS Web Test analyse les attitudes des HSH vis-à-vis des auto-tests de dépistage.

En population générale, deux études visent à comprendre les conditions d’accès au dépistage (cohorte SIRS d’une part, étude sur les opportunités manquées de dépistage d’autre part). Enfin, deux autres études ont cherché à tester la faisabilité et l’intérêt d’un dépistage généralisé dans les services des urgences hospitalières. L’une d’entre elles est publiée dans Archives of Internal Medicine du 24 octobre 2011. Cette étude a également été soutenue par Sidaction.

Les services des urgences sont fréquentés annuellement en France par 25 % de la population, pouvant ainsi apparaître comme des lieux supplémentaires où pratiquer le dépistage pour la population générale. L’étude publiée par Anne-Claude Crémieux (Hôpital Universitaire Raymond Poincaré, AP-HP, Université Versailles Saint-Quentin), France Lert (Inserm U 1018), Kayigan Wilson d’Almeida (Inserm U 1018) et leurs collègues (INVS, les services des Urgences AP-HP de l’Hôtel Dieu-Cochin, Saint-Antoine, et Henri-Mondor) a été menée entre 2009 et 2010 dans 29 services d’urgences adultes d’Ile-de-France pendant une durée de 6 semaines.

Elle avait comme objectif d’évaluer la faisabilité et l’impact en santé publique d’une proposition de dépistage par test rapide (prélèvement au doigt) de tous les patients en état de consentir, entre 18 et 64 ans, se présentant aux urgences. S’il se révélait positif, le test était confirmé par un test Elisa et les patients dirigés vers un service de soins spécialisés.

Sur 78 411 consultants, 20 962 personnes se sont vu proposer le test de dépistage. Les deux tiers (63 %) l’ont accepté et 12 754 ont été testés. Une infection par le VIH a été découverte chez 18 personnes. Parmi elles, sept (39 %) ont déclaré être des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), dix (55 %) étaient hétérosexuels originaires d’Afrique Sub-saharienne et une personne était hétérosexuelle née à l’étranger. Huit infections ont été découvertes à un stade avancé de la maladie et six patients dépistés séropositifs ne se sont pas présentés ensuite pour leur visite de suivi.

Les conclusions des chercheurs sont les suivantes : «La proportion de cas nouvellement dépistés s’est avérée être la plus élevée chez les HSH et les hétérosexuels originaires d’Afrique Sub-saharienne, particulièrement chez les femmes. Le taux des cas VIH nouvellement diagnostiqués (le patient ne connaissait pas son statut sérologique avant l’étude) est de 0.14%, légèrement inferieur au taux attendu en population générale. Par rapport aux estimations du rapport coût-efficacité obtenues par modélisation qui ont conduit en 2009 à proposer le dépistage en population générale, ce chiffre, à la limite du seuil coût-efficacité par année de vie gagnée (0.10%), tombe sous ce seuil si l’on prend en compte le fait que les patients se présentant pour des symptômes liés au VIH et hospitalisés auraient été testés de toute façon».

Les chercheurs concluent que le dépistage au niveau des urgences est faisable et bien accepté. En revanche, ils estiment que « Ces résultats n’apportent pas d’argument en faveur du dépistage en routine du VIH dans les urgences de la région Ile-de-France ». Ils soutiennent à l’inverse l’idée d’un renforcement des stratégies de dépistage ciblé sur les populations à forte prévalence.

Les conclusions de cette étude doivent être discutées en tenant compte des données préliminaires de l’étude Anrs URDEP menée par Enrique Casalino (Service des urgences, Hôpital Bichat), Dominique Costagliola (Inserm U 943) et leurs collègues, qui ont été présentées à la conférence de l’IAS à Rome, en juillet dernier. Réalisée pendant un an, cette étude a proposé un test rapide de dépistage à 13 921 personnes dans six services d’urgences de la région parisienne, 9 999 personnes l’ont accepté (72 %) et 9 072 ont été testées. Le total des patients nouvellement diagnostiqués séropositifs est de 63, soit une prévalence de 0.69%. Ce taux est similaire à celui observé dans les CDAG de la région parisienne. 81% sont des HSH et/ou originaires d’Afrique Sub-saharienne. Les auteurs de cette étude concluent également à la faisabilité et à la bonne acceptabilité du dépistage du VIH dans les services d’urgences. Ils estiment en revanche, en se basant sur les mêmes critères de coût-efficacité, que « Le dépistage basé sur un test rapide tel qu’on peut le réaliser dans le cadre du fonctionnement habituel des urgences est coût-efficace ».

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L’étude publiée dans Archives of Internal Medicine montre la faisabilité et l’acceptabilité du dépistage dans les services d’urgences et apporte des éléments scientifiques importants et nouveaux aux débats actuels sur l’opportunité de développer un dépistage généralisé du VIH ou, au contraire, de privilégier un dépistage ciblé. L’ANRS attend dans les prochains mois les résultats des autres études de son programme de recherche sur le dépistage en population générale qui permettront de nourrir les débats au sein de la communauté scientifique et d’éclairer les décisions des responsables de santé publique, en particulier de la Haute Autorité de Santé Publique.


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