23 Juin 2011
|• Traitements ciblés : avancées et limites Professeur Michel MARTY Hôpital Saint-Louis, Paris
• Radiothérapie Cancers de la tête et du cou Professeur Eric DEUTSCH Institut Gustave Roussy, Villejuif
• Environnement et cancer Docteur Isabelle STÜCKER et Docteur Pascal GUENEL Inserm (UMR 1018), Villejuif
• Jeunes et cancer : une vision en changement Monsieur Damien DUBOIS Président Fondateur de Jeunes Solidarité Cancer Monsieur Frédéric SCAEROU Ligue Nationale contre le Cancer, Paris
• Douleur et cancer Docteur Brigitte GEORGE Hôpital Saint-Louis, Paris
• Journée de recherche fondamentale et de recherche clinique Les multiples facettes du gène suppresseur de tumeur p53 : retentissement sur la thérapeutique Professeur Christian-Jacques LARSEN Ligue Nationale contre le Cancer, Paris
• Cancérologie urologique Comment vaincre les résistances dans le cancer de la prostate ? Professeur Stéphane CULINE Hôpital Saint-Louis, Paris
• Cancers des transplantés d’organes Professeur Didier SAMUEL Hôpital Paul Brousse, Centre Hépato-Biliaire Univ Paris-Sud, UMR-S 785 Inserm, Unité 785 - Villejuif
• Cancérologie dermatologique Les carcinomes cutanés Professeur Nicole BASSET-SEGUIN Hôpital Saint-Louis, Paris
• Les cancers du sein luminaux / cancers RH+ Docteur Marc ESPIÉ Hôpital Saint-Louis, Paris
• Les cancers bronchiques : Nouvelles problématiques ou situations particulières en 2011 Docteur Bernard MILLERON Intergroupe Francophone de Cancérologie Thoracique (IFCT), Paris
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Traitement ciblés : avancées et limites
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Professeur Michel MARTY
Hôpital Saint-Louis, Paris
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Introduction
L’exploration moléculaire des cancers et hémopathies malignes humains a connu une révolution continue depuis les années 1960. La caractérisation des anomalies cytogénétiques, fonctionnelles et de certaines molécules de la cellule normale aux cancers a abouti à la notion de gènes oncogènes –dont la mutation conduit à la cancérisation et à la progression de la malignité de la cellule concernée– et de gènes suppresseurs de tumeurs, s’opposant à l’état normal à la cancérisation, et dont l’inactivation par mutation conduit à un risque accru de cancer.
Les progrès de nos connaissances ont permis de caractériser largement dans les cancers humains des anomalies essentielles à la survie et à la prolifération de cellules cancéreuses, présentes seulement dans certains sous-groupes d’un cancer donné, et conduisant à sous-diviser ce cancer en plusieurs voire en dizaines de sous-groupes.
Ces derniers guident les traitements de façon personnalisée. La mutation d’un seul gène peut mener à la carcinogenèse et à la progression tumorale ; la caractérisation des anomalies du produit de ces gènes essentiellement oncogènes a conduit à rechercher des médicaments, nouvelles entités chimiques ou anticorps monoclonaux humanisés ou humains capables d’inhiber l’activité de ces cibles : ce sont les traitements moléculaires ciblés.
Traitements moléculaires ciblés
Ainsi, depuis 1990, sur les 44 médicaments anticancéreux bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché européenne, 24 sont des agents ciblés : 10 anticorps monoclonaux humanisés ou humains utilisés dans le traitement des hémopathies malignes (rituximab, alemtuzumab, ibritumomab, ofatumumab), ou de cancers (bevacizumab, catumaxomab, cetuximab, ipilimumab, panitumumab, trastuzumab) ; 9 molécules chimiques inhibant la fonction protéine tyrosine kinase, initiatrice des signaux intracellulaires menant à la multiplication cellulaire, à la résistance à la mort cellulaire, à l’invasion et à la formation de métastases (erlotinib, gefitinib, imatinib, lapatinib, nilotinib, dasatinib, pazopanib, sorafenib, sunitinib) et/ou à la constitution des vaisseaux des tumeurs ; 2 molécules inhibitrices de mTOR, un de ces relais intracellulaires ; 1 molécule s’opposant au système de dégradation intracellulaire de protéines normales. On peut en rapprocher 2 molécules à activité complexe mais probablement fortement immunomodulatrice, le thalidomide et le leniladomide employés dans le traitement des myélomes.
Autant les anticorps monoclonaux se lient tout à fait spécifiquement à la molécule de surface ou à un facteur de croissance extracellulaire, autant cette même spécificité est plus rare avec les inhibiteurs de protéine tyrosine kinase, qui peuvent inhiber jusqu’à 15 récepteurs différents. Il est désormais possible d’établir un bilan de l’apport et des limites des traitements ciblés en cancérologie :
- Utilisés seuls, il ne sont actifs que quand leur cible ou une des cibles atteintes est le produit des anomalies d’un gène maître, déterminant à lui seul la cancérisation cellulaire : c’est le cas de l’imatinib, du nilotinib, du dasatinib par exemple qui inhibent la protéine ABL activée lors des translocations BCR-ABL caractéristiques des leucémies myéloïdes chroniques : le traitement permet d’obtenir un taux élevé de rémissions hématologiques, cytogénétiques et même moléculaires ; une exposition continue est nécessaire pour maintenir ces réponses ; malgré cela des échappements liés à d’autres mutations le plus souvent du même gène surviennent et entraînent une progression ou une rechute. L’emploi d’agents ciblés de deuxième ou troisième génération permet alors l’obtention d’une deuxième réponse qui a les mêmes caractéristiques. Des résultats similaires sont obtenus avec l’imatinib dans le traitement de tumeurs digestives rares, les GIST. Employé après résection d’un GIST à risque de rechute, celle-ci peut être prévenue dès lors que le traitement est maintenu, avec également des phénomènes d’échappement par survenue de mutations résistantes. De même des agents à activité antiangiogénique (sorafenib, sunitinib, pazopanib, bevacizumab) ou inhibiteurs de la signalisation intracellulaire permettent un taux élevé de réponses et stabilisations dans les cancers du rein jusque là résistants à pratiquement tout l’arsenal dont nous disposions. Les inhibiteurs du récepteur du facteur de croissance épithéliale constitutionnellement actif –gefinib et erlotinib– permettent eux aussi l’obtention d’un taux de réponses élevé dans les adénocarcinomes bronchiques porteurs de cette cible activée. Dans tous ces exemples, l’association aux agents cytotoxiques doués d’activité n’augmente pas l’effet de ces petites molécules. L’association de ces agents ciblés entre eux ne se révèle pas plus active et est beaucoup plus toxique.
- Dans d’autres cas, en particulier avec les anticorps monoclonaux, d’activité inconstamment élevée quand ils sont employés seuls, ces associations sont possibles et ont un caractère additif ou synergique : ainsi le rituximab associé à une polychimiothérapie efficace pour les lymphomes B, le trastuzumab associé simultanément puis poursuivi dans le traitement adjuvant des cancers du sein qui surexpriment le récepteur HER2 : ici de très longues rémissions ou des guérisons sont obtenues près de deux fois plus souvent qu’avec une chimiothérapie. L’association à un inhibiteur de protéine kinase (lapatinib et trastuzumab par exemple) est possible et additive en terme d’efficacité.
- D’autres mécanismes de résistance, ne touchant pas la cible elle-même mais ses relais de signalisation dans la cellule sont possibles : l’inhibition du récepteur membranaire est alors inefficace et conserve sa toxicité. Ainsi la caractérisation des cibles visées et/ou des mécanismes de résistances par la recherche de ces anomalies moléculaires devient-elle une nécessité, voire une obligation pour l’utilisation d’un nombre croissant d’agents ciblés : ces tests sont réalisés en France dans les plates-formes de génétique moléculaire somatique des cancers fortement soutenues par l’INCa.
- En effet et contrairement à ce qu’on espérait, ces agents ciblés sont toxiques. Les toxicités dépendent de la ou des cibles atteintes ; elles peuvent être d’apparition rapide (toxicité cutanée) ou retardée (toxicité cardiaque, neurologique par exemple). Tous agents confondus, les toxicités les plus fréquentes sont cutanées, digestives, vasculaires, neurologiques, cardiaques, voire oculaires. Le maniement de ces agents nécessite une expérience aussi importante que l’emploi de la majorité des chimiothérapies, et bien sûr une surveillance fréquente et prolongée pendant au moins toute la durée du traitement.
L’avenir des traitements moléculaires ciblés
- Il est clair que parmi les 800 à 900 molécules en développement, quelques dizaines vont être progressivement disponibles touchant des cibles nouvelles : mutation de RAF dans les mélanomes à priori en 2012, activation de ALK dans certains cancers bronchiques en 2011-2012, inhibiteurs de protéines de stress, de PI3 kinases possiblement en 2013. Et ce n’est là qu’un petit nombre d’exemples.
- Au-delà, et au vu des multiples anomalies moléculaires présentes souvent dans le même cancer, il va falloir étudier l’inhibition associée de plusieurs d’entre elles, études plus complexes, mais pas plus longues, soit à l’aide d’agents atteignant plusieurs cibles, soit par des associations d’agents ciblés.
- Est-ce à dire que la chimiothérapie a vécu : pas encore. Elle constitue le socle sur lequel le traitement des cancers les plus fréquents continuera de s’appuyer. Elle aussi d’ailleurs s’enrichit de nouveaux agents.
- Tout cela pour gagner encore et peut être pas à pas.
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Radiothérapie Cancers de la tête et du cou
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Professeur Eric DEUTSCH
Institut Gustave-Roussy, Villejuif
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Une proportion de plus en plus importante de cancers ORL, principalement de l'oropharynx (amygdale, voile du palais, base de la langue, vallécule), est liée à une infection à HPV, en l'absence d'intoxication tabagique. Les virus HPV en cause sont les mêmes que ceux qui colonisent le col utérin, transmis par voie sexuelle. L'HPV est un facteur de risque de cancers oropharyngés indépendant de l'intoxication alcoolotabagique.
Aux Etats-Unis, 30 % des cancers ORL seraient associés à l'infection HPV et cette prévalence est en constante augmentation ; en France, on observe des données épidémiologiques comparables. Leur pronostic est moins grave que les cancers des VADS (voies aérodigestives supérieures) liés au tabac. Leur recherche devrait être systématique face à tout cancer ORL et a fortiori de l'oropharynx.
Réduire les séquelles liées aux traitements
L'objectif aujourd'hui est de réduire les séquelles secondaires aux traitements (radiothérapie).
De nouvelles stratégies thérapeutiques se dessinent dans la prise en charge spécifique de ces patients.
La radiothérapie conformationnelle avec modulation d'intensité (RCMI) Le développement de nouvelles technologies radiothérapiques, de nouvelles techniques d'irradiation plus précises permettent de mieux cibler le volume tumoral.
C'est le cas de la RCMI qui permet d'augmenter la dose au volume cible tout en
respectant l'irradiation des organes critiques et les tissus sains. Son efficacité et ses
résultats sont désormais bien établis pour la préservation salivaire des malades irradiés
pour les cancers de la tête et du cou.
L'amifostine, radioprotecteur
Une méta-analyse1 réalisée par une équipe de l'IGR a montré que l'amifostine (Ethyol), radioprotecteur, capteur de radicaux libres, permettait une irradiation avec moins de séquelles salivaires et n'engendrait pas d'effet délétère de la réponse tumorale.
Chimiothérapie néoadjuvante
La chimiothérapie permet d'améliorer la survie lorsqu'elle est appliquée en association avec la radiothérapie (6,5 % de bénéfice absolu en survie globale) dans les maladies localement avancées. La chimiothérapie d'induction ou néoadjuvante a fait l'objet de nombreuses études, mais n'a jamais clairement montré de bénéfice excepté dans le but d'une préservation laryngée. Les nouveaux schémas de chimiothérapie comprenant un taxane ont fait renaître un intérêt pour le traitement d'induction. Quelques études randomisées ont montré un bénéfice en termes de taux de réponse, survie sans maladie ou survie globale lorsque le docetaxel est associé au cisplatine-5FU.
Récemment, c'est une méta-analyse (IGR) qui révèle l'intérêt de la chimiothérapie néoadjuvante à base de docetaxel, cisplatine et 5FU dans la réduction de l'incidence des métastases2.
1. Bourhis J, et al. Effect of Amifostine on Survival Among Patients Treated With Radiotherapy: A Meta-Analysis of Individual Patient Data. J Clin Oncol. 2011
May 16. [Epub ahead of print].
2. Blanchard Pierre, présentation orale à l’INTERNATIONAL CONFERENCE ON INNOVATIVE APPROACHES IN HEAD AND NECK ONCOLOGY 24-26 February,
2011, Barcelona (article soumis à publication).
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Environnement et cancer
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Dr. Isabelle STÜCKER
Inserm (UMR 1018), Villejuif
Dr. Pascal GUÉNEL
Inserm (UMR 1018), Villejuif
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Les sujets abordés dans la session « Environnement et cancer » traitent de questions concernant des préoccupations environnementales actuelles.
Cancer et pesticides
« Cancer et pesticides » est un sujet présenté par le Dr Isabelle Baldi (Université de Bordeaux 2). Les expositions aux pesticides ont été incriminées dans certains types de cancers, notamment dans des études épidémiologiques menées chez des agriculteurs pour lesquels certaines localisations tumorales sont régulièrement retrouvées en excès. En France, la cohorte « AGRICAN » (www.grecan.org) permet d’étudier l’incidence et la mortalité par cancer des professions agricoles en rapport avec l’exposition aux pesticides (1).
Le Centre International de Recherche sur le Cancer synthétise les données toxicologiques et épidémiologiques disponibles et classe les pesticides en fonction de leur cancérogénicité. Site Internet: http://www.iarc.fr/
1. Lebailly et al., Données épidémiologiques sur le lien entre cancers et pesticides, Oncologie (2007) – 9 : 1-9.
Perturbateurs endocriniens et cancers
Sujet présenté par le Pr Patrick Fénichel. Certaines affections, comme l’altération des fonctions de reproduction et les cancers hormonaux-dépendants sont suspectées d’être la conséquence de l’exposition aux perturbateurs endocriniens. Ces composés chimiques regroupent une large variété de substances retrouvées dans l’environnement général ou en milieu professionnel, et qui interfèrent avec le fonctionnement normal du système endocrinien. Il peut s’agir de composés organochlorés persistants dans l’environnement tels que le DDT (Dichlorodiphényltrichloroéthane), les PCB (polychlorobiphényls), les dioxines, ainsi que de solvants, de métaux lourds, de composés utilisés comme plastifiants.... Les effets de ces composés étudiés au niveau expérimental ont également fait l’objet d’études épidémiologiques1.
1. Afsset : Perturbateurs endocriniens, janvier 2006.
Travail de nuit et cancer
Sujet de recherche présenté par le Dr Florence Menegaux (Inserm U1018, Villejuif). Le travail de nuit a été récemment classé par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) comme cancérigène probable, mais ce lien reste à établir de façon définitive. Les hypothèses étiopathogéniques avancées impliquent des perturbations du cycle circadien induisant des modifications hormonales. Plusieurs études épidémiologiques ont montré un lien entre le travail de nuit et le risque de cancers hormonodépendants (cancers du sein et de la prostate) ou de lymphomes. Une étude cas-témoins récente réalisée en France (étude CECILE), tend à confirmer l’association entre travail de nuit et cancer du sein.
Cancer et pollution atmosphérique
Cette thématique est présentée par le Pr Jean Trédaniel (Hôpital Saint-Joseph, Paris).
Parmi les différents polluants atmosphériques, les particules fines (PM), constituent l’un des principaux facteurs de risque sanitaire lié à la pollution de l’air en milieu urbain. Les installations de chauffage et le transport routier et, en particulier, les polluants émis par les véhicules diesel sont les principaux émetteurs de particules fines (1) qui peuvent provenir également de transformations chimiques dans l’atmosphère (2).
Plusieurs études de cohortes américaines et européennes suggèrent une augmentation du risque de cancer du poumon avec la pollution, toutefois bien inférieure à celle causée par le tabac (3-8). Un accroissement de la pollution particulaire de 10 μg/m3 est associé à un risque relatif significatif de 1,1 à 1,5. Les effluents diesel sont particulièrement suspects et le Centre international de recherche sur le cancer les considère « probablement cancérigènes » (groupe 2A).
Une méta-analyse a quantifié les risques de cancer liés au diesel en milieu professionnel (8).
Chez les travailleurs exposés, le risque relatif après prise en compte de l'exposition au tabac est de 1,3 et ce risque s’accroît avec la durée d’exposition. La diversité des méthodes utilisées par plusieurs équipes dans des lieux différents et la cohérence générale de ces observations montrent que les effets à long terme de l’exposition aux polluants urbains restent décelables, mais relativement faibles.
1. Institut français de l’environnement (ifen): juillet 2007– Indicateurs de performance environnementale - Emissions de particules fines du transport routier.
2. Expertise collective Inserm : cancer et environnement – octobre 2008.
3. Cohen AJ. Outdoor air pollution and lung cancer. Environ Health Perspect 2000 ; 108 : 743-50.
4. Pope CA, Burnett RT, Thun MJ, et al. Lung cancer, cardiopulmonary mortality, and long-term exposure to fine particulate air pollution. JAMA 2002 ; 287 : 1132-41.
5. Filleul L, Rondeau V, Vandentorren S, et al. Twenty five year mortality and air pollution : results from the French PAARC survey. Occup Environ Med 2005 ; 62 : 453-60.
6. Krewski D, Burnett R, Jerret M, et al. Mortality and long term exposure to ambient air pollution : ongoing analyses based on the American cancer society cohort. J Toxicol Environ Health 2005 ; 68 : 1093-109.
7. Nerriere E, Zmirou-Navier D, Desqueyroux P, et al. Lung cancer risk assessment in relation with personal exposure to airbone particles in four french metropolitan areas. J Occup Environ Med 2005 ; 47 : 1211-7.
8. Bhatia R. Diesel exhaust exposure and lung cancer. Epidemiology 1998 ; 9 : 84-91.
Fibres minérales artificielles de substitution à l'amiante
Les fibres minérales artificielles (laines de verre, de roche et de laitier, fibres de verre à filament continu, microfibres de verre, fibres céramiques réfractaires) sont utilisées en remplacement de l'amiante.
Même si elles n'ont pas le même diamètre ni la même longueur que les fibres d'amiante, les fibres minérales artificielles ressemblent aux fibres d'amiante. Compte-tenu du rôle de l’exposition à l'amiante dans la survenue de cancer bronchique, il était nécessaire d'étudier le risque de cancer du poumon chez les utilisateurs de fibres minérales artificielles.
Des travaux de recherche sont en cours. Isabelle Stücker (U1018 Inserm) a mis en place une étude épidémiologique dont un des objectifs est de rechercher si l’exposition professionnelle aux laines minérales entraîne une augmentation du risque de cancer du poumon.
Plusieurs études ont été réalisées dans le secteur de la production de ces fibres et les résultats n’ont pas mis en évidence d’excès de cancers du poumon associés à cette exposition. A ce jour le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer) les a classé dans le groupe 3, ce qui signifie que les études menées jusqu'à présent ne permettent pas de se prononcer ni dans un sens ni dans l'autre.
1/Rapport final relatif aux fibres céramiques réfractaires et aux fibres de verre à usage spécial. Janvier 2007.
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Jeunes et cancer : une vision en changement
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Monsieur Damien DUBOIS
Président Fondateur de Jeunes Solidarité Cancer, Paris
Monsieur Frédéric SCAEROU
Ligue Nationale Contre le Cancer, Paris
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Chaque année en France, 2 000 nouveaux cas de cancers sont diagnostiqués chez les adolescents et les jeunes adultes de 12 à 25 ans (AJA), principalement des leucémies, lymphomes et cancers des os. Au-delà de l’épreuve physique associée au suivi de soins lourds, les autres répercussions de la maladie interviennent à un moment critique où le corps et l’esprit sont confrontés à des transformations majeures.
La place particulière des AJA dans le système de soin a été exprimée à haute voix lors des 1ers Etats-Généraux des Malades atteints de cancer en novembre 1998 par quatre jeunes qui seront ensuite les initiateurs de l’association Jeunes Solidarité Cancer (J.S.C.). Les initiatives de prise en charge spécifique des AJA en France en sont alors à leurs débuts. Les particularités épidémiologiques (types de cancers concernés, taux d’incidence, etc.), médicales (les protocoles de soin sont-ils adaptés aux jeunes patients et à leur cancer ? Faut-il les traiter plutôt comme des enfants ou comme des adultes ?) et psychologiques (les jeunes patients sont en pleine phase de construction de leur identité, de leur vie sociale, amoureuse, voire professionnelle) de l’adolescent malade ne sont pas encore suffisamment prises en compte par notre système de santé. Au Royaume-Uni, des structures de soins dédiées et une prise en charge spécifique à cette population existe depuis de nombreuses années. En France, l’accompagnement médical et psycho-social de ces jeunes nécessite donc une meilleure prise en compte de ces répercussions spécifiques.
Ecoutée lors de la préparation du premier plan cancer, JSC a été entendue lors du second : La mesure 23.5 vise à « Améliorer la prise en charge des enfants atteints de cancer et lancer un programme d’actions spécifiques vis-à-vis des adolescents atteints de cancer. » Inscrite dans le plan Cancer 2009-2013, la structuration d’une offre de soins spécifiques pour les adolescents atteints de cancer reste donc à réaliser. Service pédiatrique ou service adulte, service dédié aux AJA ou service mobile transversal…
la solution idéale n’est pas définie : mais, aujourd’hui, la plupart des grands services de cancérologie ont mené –ou mènent– une réflexion sur la prise en charge la plus adaptée pour cette tranche d’âge.
Acteur de santé publique et force de propositions, la Ligue Nationale contre le Cancer a mis sur pied « Adolescents et Cancer » dès 2003, un programme dédié à l’amélioration de la prise en charge médicale et psychologique des adolescents et des jeunes adultes atteints d’un cancer. Ce programme se concrétise par un appel à projets de recherche annuel. Afin de répondre à certains des objectifs à plus long terme de cette action, la Ligue a également initié en 2010 un projet pilote destiné à la mise en place dans certains établissements de soins de lieux de vie dédiés aux jeunes de 12-20 ans atteints de cancer.
Ces Espaces Jeunes visent à réunir dans un local existant, volontairement dédié aux 12-20 ans, tout ce qui peut améliorer la qualité de la prise en charge non médicale (accès internet, coin détente, coin repas, accueil des intervenants psycho-sociaux et d’anciens patients, etc.). L’aménagement et l’ouverture d’un nombre restreint de ces lieux est prévu pour la fin de l’année 2011 [deux initialement dans l’est (Strasbourg) et l’ouest (Nantes) de la France]. Il est anticipé que ces lieux participent à la création de structures mieux adaptées à la prise en charge des jeunes patients. La Ligue incitera les communautés des chercheurs et des professionnels de santé à évaluer l’apport qualitatif de ces lieux pilotes avant d’envisager un éventuel déploiement sur le territoire national.
Le travail conjoint des associations de patients (J.S.C., la Ligue, l’UNAPECLE, Cheer Up), des professionnels de la cancérologie et des institutionnels avec l’Institut National du Cancer ont fait évoluer la vision du cancer des jeunes et de sa prise en charge mais également de l’accompagnement après la phase aiguë de la maladie : le retour à la vie étudiante ou de jeune travailleur, la prise en compte des effets secondaires comme la stérilité…
Il est évident pour tous aujourd’hui que la préparation de « l’après » doit se faire de façon précoce. Les initiatives hospitalières et associatives sur cette nouvelle approche de l’accompagnement à moyen et long terme des AJA se multiplient. Là encore, sans présager du modèle idéal, la collaboration entre univers associatif, médical et institutionnel sera la clé de la réussite.
Historique du programme « Adolescents et Cancer » de la Ligue
Le financement de ce programme a fait l’objet d’une opération de collecte de fonds organisée dans le cadre d’un partenariat entre les Comités Départementaux de la Ligue et les Centres E. Leclerc.
La première année de travail a consisté à établir un état des lieux global de la question afin de recenser les données épidémiologiques, les données cliniques, les données psycho-sociales et les moyens d’information disponibles sur la population des 12-25 ans atteints de cancer. Les résultats de ces études ont été publiés dans un numéro spécial de Bulletin du Cancer en 2007 (vol 94, n°4 p331-380). Cet état des lieux a mis en évidence les conditions de la prise en charge des 12-25 ans atteints de cancer en France. Il a en outre permis de déterminer les axes de recherche sur lesquels mobiliser des équipes de recherche. Parmi ces axes, la qualité de la prise en charge et la
préservation de la fertilité ont été considérées comme prioritaires.
Depuis 2005, l’appel d’offres de la Ligue « Adolescents et Cancer » permet, chaque année, de sélectionner et soutenir des programmes de recherche sur ces thèmes. Les connaissances ainsi collectées serviront à améliorer la prise en charge des adolescents et jeunes adultes atteints de cancer, en leur offrant un traitement et un suivi psychologique adaptés.
Pour plus d’informations sur les questions de recherche déjà abordées par la Ligue Nationale contre le cancer, consultez le lien suivant :
http://www.ligue-cancer.net/article/la-recherche/adolescents-et-cancer
Les recherches financées à ce jour ont notamment abouti aux productions suivantes :
- un état des lieux de la question des adolescents et du cancer incluant notamment des données de nature épidémiologiques, cliniques et psychosociales. Cet état des lieux a été publié en 2007 dans six articles regroupés dans un numéro thématique du Bulletin du Cancer.
- l’ouvrage « L’Adolescent atteint de cancer et les siens » de Sarah Dauchy et ses collaborateurs. Le livre aborde les besoins spécifiques des adolescents (et de leurs proches) qui doivent être intégrés dans le cadre d’une prise en charge psychosociale adaptée. Il se conçoit comme une aide dédiée aux acteurs de cette prise en charge.
- Le fascicule, « Le CECOS c’est quoi ? » qui constitue un exemple de support d’information destiné aux jeunes patients confrontés à un traitement pouvant atteindre leur fertilité.
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Douleur et cancer
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Docteur Brigitte GEORGE
Hôpital Saint-Louis, Paris
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La douleur affecte fréquemment les patients atteints de cancer tout au long de l’évolution de la maladie, allant de 20-50 % au moment du diagnostic à 55-95 % dans les phases avancées [1]. Elle prend des formes et des caractéristiques variables d’un patient à l’autre et au cours du temps pour un même patient. Non prise en compte, elle altère considérablement la qualité de vie des patients.
La plupart du temps, il existe une composante douloureuse de fond stable et persistante dans le temps traitée par des opioïdes à libération prolongée, sur laquelle surviennent en moins de 3 minutes, des accès douloureux transitoires spontanés ou induits, de durée variable, moins de 30 minutes pour 72 % des patients [2], et d’intensité modérée à sévère. Ces accès sont présents chez 60-65 % à 81% des patients [3-4]. Ils ont un impact important sur la diminution de la qualité de vie des patients atteints de cancer [5]. Ces accès doivent être traités séparément par des opioïdes à libération immédiate dont la pharmacocinétique doit être la plus proche possible de la cinétique des accès douloureux.
Récemment ont été mis sur le marché des nouvelles formes galéniques de citrate de fentanyl à libération immédiate que l’on peut utiliser par voie transmuqueuse, sublinguale, gingivale ou transnasale. Ces nouvelles formes galéniques, de par leurs propriétés pharmacocinétiques, répondent mieux à ces exacerbations transitoires douloureuses de courte durée et de forte intensité survenant sur une douleur de fond contrôlée par des opioïdes à libération prolongée.
Cependant leur utilisation doit respecter certaines règles précises :
- Ne pas utiliser chez les naïfs d’opioïde
- Titration obligatoire en démarrant par les plus petites doses disponibles
- Ne pas substituer une forme par une autre en raison de l’absence de concordance de dose entre ces différentes formes
Le traitement de la douleur considéré comme optimal est, selon les SOR [6], défini par plusieurs conditions :
- La douleur de fond est absente ou d’intensité faible
- Le sommeil est respecté
- Il existe moins de 4 accès douloureux par jour
- Les activités habituelles, qui peuvent être limitées par l’évolution du cancer, sont possibles ou peu limitées par la douleur
- Les effets indésirables des traitements sont mineurs ou absents
La tumeur, son extension locorégionale et ses métastases sont responsables d’environ 70 % des douleurs. Cependant, les actes et les soins réalisés en cancérologie, souvent répétitifs, induisent également des douleurs. La douleur induite par ces actes diagnostiques ou thérapeutiques, les soins ou le transport des patients, doivent être prévenus systématiquement par une stratégie thérapeutique utilisant différents moyens à notre disposition (MEOPA, Anesthésiques locaux, interdose d’opioïde à libération immédiate, voire sédation anxiolytique). Cette stratégie impose une organisation des soins rigoureuse, ne serait ce que pour réaliser le geste au pic d’effet thérapeutique des agents utilisés.
Enfin les traitements chirurgicaux, la radiothérapie ou la chimiothérapie sont potentiellement source de douleurs séquellaires. Certaines sont de mieux en mieux connues, en particulier dans le traitement du cancer du sein. La prévalence des syndromes douloureux post mastectomie ou tumorectomie associée à un curage axillaire varie selon les études de 20 à 65 %, ce qui correspond à un nombre potentiellement phénoménal de femmes souffrant de douleurs chroniques post chirurgie mammaire avec curage axillaire. Ces douleurs seraient, en partie, en rapport avec une atteinte du nerf intercostobrachial. Actuellement, beaucoup d’équipes ont pris conscience de l’existence de ces douleurs chroniques post-chirurgicales et essayent de prévenir leur apparition. L’utilisation de la technique du ganglion sentinelle semble limiter la survenue de ces douleurs [7], la maîtrise de la douleur post-opératoire également [8].
Bibliographie
1. Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer. Recommandations pour la pratique clinique : Standards, Options et recommandations pour l’évaluation de la douleur chez l’adulte et l’enfant atteints d’un cancer (mise à jour septembre 2003)
2. Zeppetella G et al. Prevalence and characteristics of breakthrough pain in cancer patients admitted to a hospice. J Pain Symptom Manage 2000 ;20 :87-92
3. Caraceni A et al. Working group of an IASP Task Force on Cancer Pain. Breakthrough pain characteristics and syndromes in patients with cancer pain. An international survey.Palliat. Med. 2004 ; 18 :177-183
4. Di Palma M et al. Evaluation et caractéristiques des accès douloureux paroxystiques chez les patients souffrant de douleurs d’origine cancéreuse. Douleurs 2005 ;6 :75-80
5. Portenoy RK et al. Breakthrough pain: characteristics and impact in patients with cancer pain. Pain 1999 ;81 :129-134
6. Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer. Standards, Options et recommandations 2002 sur les traitements antalgiques médicamenteux des douleurs cancéreuses par excès de nociception chez l’adulte
7. Shrenk P et al. Morbidity following sentinel nodes biopsy versus axillary lymph node dissection for patients with breast carcinoma. Cancer 2000;88:608-614
8. Kehlet H. Perioperative analgesia to prevent chronic postmastectomy pain. Anesth Analg 2006;103:494
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Journée de recherche fondamentale et de recherche clinique
Les multiples facettes du gène suppresseur de tumeur p53 :
retentissement sur la thérapeutique
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Professeur Christian-Jacques LARSEN
Ligue Nationale Contre le Cancer, Paris
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EUROCANCER 2011 - Présentation des interventions de la Journée Recherche fondamentale et Recherche clinique : 21 juin 2011
Le gène p53 (ou TP53), dont on a célébré en juillet 2010 le trentième anniversaire de sa découverte, est devenu la référence incontournable des gènes suppresseurs de tumeur.
Classiquement on définit ces gènes en fonction de leur capacité à contrôler les fonctions cellulaires (prolifération, différenciation, réparation du génome, apoptose) qui sont dévoyées par des anomalies génétiques affectant telle ou telle protéine de ces voies et qui débouchent sur un processus oncogénique. De fait, p53 a été très vite reconnu comme un acteur essentiel de la biologie des cancers : 50 % des tumeurs humaines (toutes pathologies cancéreuses confondues) sont porteuses de mutations et autres anomalies qui inactivent la protéine ; c’est le gène le plus fréquemment muté dans les tumeurs ; les individus souffrant du syndrome de Li-Fraumeni qui les prédispose à développer des tumeurs variées portent dans leurs gamètes une mutation de p53. De même, des souris où le gène p53 a été délété développent un spectre varié de tumeurs.
Dans les lignes qui suivent, sont présentés brièvement quelques points significatifs des interventions au cours de la journée.
Dr. Jean-Christophe Bourdon : « Tout ce que vous désirez savoir sur p53 et sa famille mais que vous n’avez osé demander », le titre de la présentation dit bien ce qu’il veut dire.
Longtemps orpheline, la protéine p53 a été rejointe au début des années 90 par deux protéines de structure similaire et exhibant des fonctions biologiques similaires, p73 et p63, qui définissent la famille p53. Leur structure moléculaire a montré la présence de plusieurs domaines dont l’un des plus remarquables, le domaine de liaison à l’ADN est positionné dans la partie centrale de la protéine (qui porte la majorité des mutations de p53 dans les cancers).
Grâce à ce domaine, p53 ou plus exactement un tétramère p53, reconnaît des séquences consensus dans les promoteurs d’une multitude de gènes cibles. Il est devenu clair que la spécificité de liaison ne résulte pas seulement de cette séquence et que d’autres événements sont requis.
Sous certaines conditions (en particulier les lésions frappant l’ADN cellulaire, ce qui justifie son surnom de gardien du génome), p53 stoppe la prolifération cellulaire et induit l’apoptose au cas où le programme de réparation de l’ADN n’est pas efficace. Ces caractéristiques expliquent à elles seules le statut de gène suppresseur de tumeur de p53.
Mais l’intervention de p53 dans d’autres processus cellulaires est apparue récemment :
autophagie, sénescence, métabolisme énergétique, angiogenèse. Ces activités peuvent aussi justifier le rôle suppresseur de tumeur de p53.
Une grande partie de la perte de la fonction suppresseur de p53 est expliquée par les mutations touchant la protéine elle-même. Mais des anomalies de la régulation de l’expression de p53 sont également responsables. La détermination de la structure complète de la protéine est décisive pour comprendre les fonctions cellulaires mais aussi pour concevoir des molécules affectant ces fonctions.
Sir Alan R. Fersht : Puisque la perte de l’activité suppresseur de tumeur est une caractéristique commune à la plupart des tumeurs humaines, une restauration pharmacologique de ce statut peut être envisagée puisqu’elle permettrait de bloquer et même de régresser les tumeurs. Des approches sont engagées dans ce sens ; elles seront exposées dans la Keynote conférence. Parmi les recherches actuelles, deux grandes voies : l’inhibition de MDM2 et MDMX, deux enzymes qui, par leur activité ubiquitine-ligase permettent la dégradation de la protéine p53 sauvage et sont activées dans les tumeurs ; le ciblage des protéines p53 mutées pour supprimer la liaison à l’ADN et inhiber leurs fonctions transcriptionnelles dévoyées (activation/ inhibition d’autres gènes effecteurs).
Dr. Marie P. Khoury et Dr. Virginie Marcel : Une autre source de complexité de p53 (et des deux autres membres de la famille : p63 et p73) est la structure duelle du gène comprenant deux promoteurs qui peuvent générer deux types de transcrits (ARN pré-messagers) euxmêmes soumis à un épissage alternatif générant une variété d’isoformes. L’expression de ces isoformes dans un contexte physiologique et pathologique est essentielle pour comprendre le rôle de chacune d’entre elles dans les processus oncogéniques. De fait, une expression anormale d’isoformes a été démontrée dans plusieurs pathologies cancéreuses humaines.
Dr. Gareth L. Bond : Plusieurs polymorphismes nucléotidiques ont été recensés chez p53 (rappelons que les SNP ou single nucleotide polymorphism représentent la variation génétique la plus fréquente du génome humain). La présence de ces SNP en des sites critiques du gène (par exemple, régions codantes ou conditionnant l’épissage) peuvent avoir des conséquences fonctionnelles importantes sur l’expression du gène et des propriétés de la protéine, qu’il s’agisse de l’activité suppresseur de tumeur et de la réponse aux traitements thérapeutiques. Les techniques de criblage à grande échelle des SNP de p53 et des gènes qui affectent sa régulation ouvrent la voie à la définition de SNP corrélés à un risque accru de développer une tumeur et à une réponse aux traitements visant à léser l’ADN des cellules tumorales.
Dr. Lorenzo Galluzi : Les variations du métabolisme énergétique dans les tumeurs humaines ont été d’abord mises en évidence par les travaux pionniers de Warburg qui a démontré que les cellules tumorales incorporaient davantage de glucose que la plupart des tissus normaux et que la persistance d’une glycolyse sous des conditions aérobiques pouvait expliquer le développement des tumeurs. Ce concept a été mis en veilleuse à la suite des découvertes des oncogènes et des gènes suppresseurs de tumeur. De nouvelles données montrent que la « transformation métabolique » est un élément essentiel du maintien de l’état tumoral. p53 intervient dans ces événements métaboliques de plusieurs manières. Sa capacité à supprimer la glycolyse et à promouvoir la phosphorylation oxydative peut contribuer à sa fonction suppresseur de tumeur. Toutefois, p53 peut aussi contribuer à favoriser la biosynthèse de macromolécules nécessaires à la croissance des cellules tumorales par blocage de la voie des pentoses phosphates, et en ce sens serait pro-tumorigène. Il reste que la compréhension fine des mécanismes par lesquels p53 joue sur la transformation métabolique offre de nouvelles possibilités thérapeutiques. Il sera crucial de comprendre le rôle des mutations de p53 dans ces phénomènes.
Pr. Franck Toledo : Les micro-RNAS ou miRs sont de petits acides ribonucléiques non codants qui ont pour fonctions premières, une fois leur maturation achevée à partir d’un prémiR, de stimuler la dégradation d’ARN messagers auxquels ils se sont liés spécifiquement par leur séquence complémentaire, et/ou d’inhiber la traduction de ces mRNAs. En biologie du cancer, ils ont acquis une importance croissante depuis qu’on a identifié en leur sein des miRs stimulant la croissance tumorale (oncogènes) et d’autres l’inhibant (suppresseurs de tumeur), ce qui ouvre la voie d’une thérapeutique constituée par des nanoparticules porteuses de miRs inhibiteurs de tumeurs. Récemment, il a été montré que p53 active la transcription d’une famille de miRs (miR-34) qui activent la sénescence et l’apoptose cellulaire. Cette stimulation requiert l’association de p53 sauvage à Drosha, l’une des protéines nécessaires à la maturation des précurseurs de miRs, par le biais de son domaine de liaison à l’ADN. Des mutants de p53 dans le domaine de liaison à l’ADN interfèrent avec cette liaison. Au-delà de ces effets, il semble clair que ce mode de régulation ouvert par les miRs aura des conséquences dans d’autres pathologies que les cancers, tant les domaines d’intervention de p53 sont multiples.
Comment transférer ces connaissances en permanente progression à la clinique et à la thérapeutique?
Tous les acquis actuels ou à venir de la biologie de p53 suggèrent à l’envi de très nombreuses pistes pour le diagnostic, le pronostic et les approches thérapeutiques. Certaines ne seront pas explicitement abordées au cours de la journée mais on a désormais des arguments qui montrent l’intervention de p53 dans les domaines de l’immunologie, de la biologie des cellules souches et du micro-environnement tumoral dont on s’accorde à dire qu’ils jouent un rôle essentiel dans la genèse et la récurrence de certaines tumeurs. Quoi qu’il en soit, actuellement deux axes sont principalement explorés :
1) L’aide à la classification au sein d’une pathologie tumorale en sous-catégories de manière à affiner le diagnostic, le suivi et le pronostic. Ces aspects seront examinés dans les communications sur les cancers du sein, les sarcomes (Pr. Hervé Bonnefoi, MF Chibon/G Perot).
2) La prise en compte du statut moléculaire de p53 (mutations, SNP du gène et des composants de sa régulation pour la réponse aux traitements) (Pr. Thierry Frebourg, Pr.Hugues de Thé, Dr. Jacqueline Lehmann-Che).
Il va de soi que l’analyse du statut de p53 dans les tumeurs humaines nécessite des technologies qui évoluent perpétuellement vers plus de finesse, de manière à proposer au clinicien une palette complète des différents états de p53 et son cortège d’acteurs qui interagissent avec elles tout au long de l’évolution d’une tumeur (Jacqueline Lehmann-Che).
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Cancérologie urologique Comment vaincre les résistances dans le cancer de la prostate ?
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Professeur Stéphane CULINE
Hôpital Saint-Louis, Paris
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Les résistances à la radiothérapie
Pour les patients présentant une récidive locale, intra-prostatique, après traitement de première intention par radiothérapie, l’hormonothérapie est souvent le traitement retenu.
Dans la mesure où il n’a pas de vertu curatrice, des traitements locaux sont envisageables chez certains patients : prostatectomie radicale, ultrasons focalisés, ou encore cryothérapie.
Les conséquences fonctionnelles prévisibles nécessitent d’en peser les indications de manière très rigoureuse.
Les résistances à l’hormonothérapie
La mise en place d’une suppression androgénique est inexorablement suivie, après plusieurs mois ou années, d’une résistance à la castration, définie par une remontée des dosages sériques du PSA, associée éventuellement à l’apparition de symptômes liés à la maladie, localement ou à distance, alors que la testostéronémie demeure effondrée.
Une administration discontinue de l’hormonothérapie a été proposée pour retarder la résistance à la castration. Cette approche s’est avérée décevante vis-à-vis de cet objectif.
Néanmoins, elle permet d’améliorer la qualité de vie des patients et de limiter les complications, en particulier osseuses et métaboliques, engendrées par la suppression androgénique.
Sur le plan biologique, la résistance à la castration correspond à la mise en place par la cellule cancéreuse prostatique de mécanismes adaptatifs qui lui permettent de survivre
malgré la pression hormonale. Ils incluent principalement une augmentation de la concentration intra-cellulaire du récepteur aux androgènes et de ses ligands. Il en résulte une remise en marche de la machinerie nucléaire, avec un changement de programme transcriptionnel, orienté vers les gènes de la prolifération cellulaire.
Deux nouvelles thérapies ciblées ayant pour objectif de s’opposer à ces mécanismes de résistance ont été développées au cours des dernières années. L’abiratérone est un inhibiteur enzymatique des voies de synthèse de la testostérone et des androgènes. Cette molécule diminue ainsi la quantité de ligands disponibles pour le récepteur aux androgènes. Le MDV3100 est un nouvel anti-androgène qui se lie au récepteur des androgènes et inhibe sa migration vers le noyau de la cellule. Ces deux molécules ont démontré une efficacité sous forme d’une réduction des taux de PSA chez plus de la moitié des patients traités. De plus, l’abiratérone a permis d’obtenir un gain de survie, avec une diminution du risque de décès de 35 %. Les résultats concernant l’impact sur la survie du MDV3100 sont en attente.
Les résistances au docétaxel
Lorsque les molécules d’hormonothérapie ne sont plus efficaces, le traitement de référence est la chimiothérapie par docétaxel. Les mécanismes de résistance au docétaxel sont mal connus. Une nouvelle chimiothérapie, le cabazitaxel, a cependant été développée pour traiter les patients en échec de docétaxel. Un gain de survie a été là aussi obtenu, avec une réduction du risque de décès de 30 % par rapport à une molécule de chimiothérapie plus ancienne, la mitoxantrone.
Au total
Le développement de nouvelles molécules d’hormonothérapie ou de chimiothérapie adaptées aux mécanismes de résistance mis en place par les cellules cancéreuses prostatiques a permis d’augmenter la survie des patients lors de la phase métastatique de la maladie.
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Cancers des transplantés d’organes
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Professeur Didier SAMUEL
1. Hôpital Paul Brousse, Centre Hépato-Biliaire
2. Univ Paris-Sud, UMR-S 785
3. Inserm, Unité 785- Villejuif
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Le nombre des patients transplantés d’organes devient très important avec à peu près 4000 transplantations réalisées par an. La transplantation rénale a commencé depuis maintenant plus de 40 ans. La transplantation hépatique se développe de façon très importante depuis 1985 de même que la transplantation cardiaque. Actuellement chaque année, plus de 2500 transplantations rénales et plus de 1100 greffes hépatiques sont réalisées par an.
Avec l’allongement de la durée de vie et du recul post-transplantation, parmi les complications à moyen et long terme qui surviennent sont les cancers survenant chez les transplantés.
Une prévalence de certains cancers très augmentée par rapport à la population générale
Il apparaît clair que le risque de survenue d’un cancer chez un transplanté est supérieur à une population identique non transplantée.
La prévalence de certains cancers est très augmentée par rapport à la population générale, c’est le cas des lymphomes ou lymphoprolifération, des cancers cutanés dont le risque est multiplié par 10 ou par 100 et des autres cancers d’organes dont le risque est augmenté par un facteur de 2 à 4 par rapport à la population générale. La cause de la prévalence des cancers chez les transplantés n’est pas très claire mais le rôle de l’immunosuppression paraît majeur. Il peut donc être discuté de mettre en place un dépistage de cancers d’organes chez les patients à risque (tabagisme, alcool : cancer des voies ORL, cancer du poumon, cancer de la vessie…). Concernant les cancers cutanés chez les patients transplantés le risque augmente avec le temps post transplantation, il s’agit essentiellement de carcinomes basocellulaires ou de carcinomes spinocellulaires.
Le pronostic de ces cancers est plutôt bon si une surveillance dermatologique est effectuée régulièrement et il est donc recommandé chez les patients transplantés d’une part d’éviter une exposition trop forte au soleil et d’autre part d’avoir un suivi dermatologique au moins annuel. Le risque de mélanome ne paraît pas augmenté par rapport à la population générale.
Survenue de lymphomes ou de lympho-proliférations
Concernant les lymphomes et les lympho-proliférations, ceux ci survenant dans les premières années post transplantation, ils sont souvent liés à l’Epstein Barr virus et il y a un risque tout particulier lors des cas de primo infection EBV survenant lors de la transplantation (donneur sérologiquement EBV (+), receveur sérologiquement EBV (-).
Cette dernière situation étant fréquente chez les enfants receveurs d’organes. Ces lymphoproliférations ou lymphomes liés à l’EBV peuvent dans certains cas régresser après réduction de l’immuno suppression mais souvent nécessiteront une chimiothérapie associant un protocole de type CHOP et le rituxumab.
La prévalence des lymphomes plus tardive liée ou non à l’EBV est également augmentée par rapport à la population générale. Le lien avec le déficit immunitaire et la survenue de cancers reste à établir et sera discuté. Cependant on sait que certaines immuno suppressions très fortes, notamment utilisant les globulines anti thymocytes ou sérum anti lymphocytaire peuvent favoriser l’émergence de lymphoprolifération. Plus récemment, les inhibiteurs de mTOR ont été décrits comme ayant des capacités anti prolifératives et anticancéreuses, cela a été montré dans le sarcome de Kaposi par exemple mais cela nécessite encore d’être démontré dans d’autres cancers.
Au total, avec l’augmentation de la survie des patients après transplantation d’organes, la survenue d’un cancer de novo est une problématique majeure qui nécessite une prise en charge spécifique, une prévention et des programmes de dépistage.
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Cancérologie dermatologique
Les carcinomes cutanés
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Professeur Nicole BASSET-SEGUIN
Hôpital Saint-Louis, Paris
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Thérapies ciblées et carcinomes basocellulaires
C'est une actualité onco-dermatologique extrêmement importante, présentée par le Pr Alexander J.Stratigos (Université d'Athènes, Grèce). En effet, depuis 1996, on a démontré que les carcinomes basocellulaires étaient liés à une anomalie génétique responsable de l'altération d'une voie de signalisation cellulaire Patch-Sonic-Hedgehog aboutissant à l'activation d'une protéine dite SMO. Ce mécanisme oncogénétique des carcinomes basocellulaires a sous-tendu le développement d'inhibiteurs de SMO : des essais de phase I, notamment un essai publié récemment dans le New England Journal of Medicine, ont été dirigés dans des carcinomes basocellulaires avancés ou métastatiques avec des effets spectaculaires ; d'autres essais ont été menés chez des sujets à haut risque présentant une naevomatose génétique ou syndrome de Gorlin. Des phases II sont en cours et des essais à des phases plus précoces vont être débutés. Des formes topiques sont en développement, ainsi que d'autres inhibiteurs de SMO.
Cellules souches et carcinomes basocellulaires
Afin d’identifier précisément quelle était l’origine cellulaire du carcinome basocellulaire, des chercheurs dont le Dr Cédric Blanpain (Université Libre de Bruxelles, Belgique) ont utilisé une méthode génétique sur modèle murin permettant d’activer le gène responsable de ce cancer dans des cellules épidermiques isolées et de suivre leur devenir au cours du temps.
Les cellules du carcinome basocellulaire ressemblant beaucoup aux cellules des follicules pileux, d'un point de vue morphologique et biochimique, les chercheurs et médecins s'attendaient donc à ce que le cancer se déclenche dans les cellules souches des follicules pileux.
À leur grande surprise, les gènes d'activation cancéreuse n'ont pas produit de formation tumorale dans les cellules souches des follicules pileux mais dans les cellules souches de l’épiderme interfolliculaire.
Cette étude ouvre de nouvelles perspectives pour comprendre les mécanismes sousjacents à la progression cancéreuse et pour améliorer dans le futur le traitement des patients atteints par ce cancer. Cette découverte est également importante pour les autres cancers car elle démontre clairement que les caractéristiques de différenciation d’une tumeur ne signent pas nécessairement leur origine cellulaire. Ces travaux ont été publiés dans la revue Nature Cell Biology1.
Recommandations pour la prise en charge des carcinomes épidermoïdes cutanés
Il existait déjà des recommandations sur les carcinomes basocellulaires et les mélanomes. En revanche, rien sur les carcinomes épidermoïdes cutanés. Une mise au point basée sur une réflexion commune d’experts à l'initiative des Drs Ludovic Martin (Angers) et de Jean-Jacques Bonerandi (Marseille) s'imposait face au peu d'études permettant de juger de la supériorité de tel ou tel traitement dans ces cancers. Ce travail a permis une nouvelle classification des lésions précancéreuses et cancéreuses épidermoïdes et, surtout, de définir 2 groupes pronostiques en fonction de différents critères tels que la localisation, la taille, l'histologie, des marqueurs évolutifs de la tumeur.
Cette classification permet une meilleure standardisation de la prise en charge de ces tumeurs.
Thérapies ciblées dans les carcinomes épidermoïdes cutanés
L'efficacité de la chimiothérapie classique, cisplatine et/ou 5FU, est très variable en termes de réponse complète ou réponse partielle, de 17 % à 50 % de taux de réponse, avec des effets toxiques notamment rénaux chez des patients souvent âgés.
Les thérapies ciblées pourraient à l'avenir devenir de nouvelles options thérapeutiques.
C'est ce que présentera le Dr Eve Maubec (Hôpital-Bichat, Claude-Bernard, Paris). Un anti-EGFR est en cours de développement avec des résultats intéressants en monothérapie chez des patients présentant des carcinomes épidermoïdes cutanés au stade métastatique, avec un taux de réponse de 69 %. Le profil de tolérance est correct. Cette thérapie ciblée est intéressante en monothérapie chez les sujets âgés et pourrait être également associée à une radiothérapie ou une chimiothérapie.
Kérato-acanthomes induits par les inhibiteurs de B-RAF
Il s'agit de la communication présentée par Lise Boussemart, assistante (Institut Gustave Roussy, Villejuif). Les inhibiteurs de B-RAF sont évalués dans le traitement des mélanomes ; on observe l'apparition de kérato-acanthomes, carcinomes épidermoïdes généralement peu agressifs secondaires à cette thérapie ciblée. Le mécanisme qui sous-tend l'apparition de ce deuxième cancer chimio-induit n'est pas encore connu.
Classification des lésions précancéreuses et cancéreuses génitales
Le Dr Catherine Vilmer (Hôpital Saint-Louis, Paris) présentera cette thématique. Ce sont en général des cancers rares mais très agressifs. De nombreuses classifications existent. La classification « up to date » présentée à Eurocancer définit les modalités de prise en charge de ces cancers.
Mécanismes de carcinogenèse UV-induite
L'ultraviolet est le carcinogène majeur de la peau entraînant des mutations génétiques soit directement (via les UVB), soit indirectement (via les UVA). Le Dr Ouidad Zehou, interne en dermatologie (Paris), décrira également les mécanismes d'immunosuppression observés via l'exposition aux UV intervenant dans la carcinogenèse et, les altérations des phénomènes apoptotiques induisant la pérennité de lésions qui auraient dû disparaître.
Champ de cancérisation
Cette thématique est présentée par le Dr Claas Ulrich (Université de Berlin, Allemagne).
Le champ de cancérisation est un concept basé sur le fait qu'autour d'une lésion cancéreuse il existe des anomalies infracliniques liées à l'exposition à des carcinogènes. Ces anomalies peuvent être révélées moléculairement notamment par la mise en évidence de mutations telles que la mutation p53 dans le carcinome spinocellulaire. Les méthodes de microscopie confocale permettent de mettre en évidence des lésions infracliniques au niveau du derme et de l'épiderme. Ces zones photoexposées définissant un champ de cancérisation où des anomalies moléculaires sous-jacentes ont été objectivées, peuvent bénéficier d'un traitement. Ainsi, pour les lésions précancéreuses on peut utiliser un traitement ciblant les lésions quand elles ne sont pas nombreuses comme la cryothérapie à l'azote liquide ou un curetage de lésions précancéreuses, mais si elles sont plus nombreuses un traitement du champ de cancérisation est plus indiqué comme l'imiquimod ou la photothérapie dynamique [crème à base d'une substance photosensibilisante ou d'un précurseur (protoporphyrine de type IX)] qui va s'accumuler dans le tissu cible, l'exposition de ce dernier à une source lumineuse d'une longueur d'onde correspondant à la longueur d'onde d'activation du photosensibilisant utilisé entraîne la destruction des zones anormales qui ont absorbé le produit. Le résultat cosmétique obtenu par l'utilisation de la photothérapie dynamique ou de l’imiquimod est optimal et traite l’ensemble de la zone.
1Kass Youseff K., Van Keymeulen A., Lapouge G., Beck B., Achouri Y., Michaux C., Sotiropoulou P. and Blanpain C.
Identification of the cell lineage at the origin of basocellular carcinoma.
Nature Cell Biology, 2010 Mar;12(3):299-305. Epub 2010 Feb 14.
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Les cancers du sein luminaux / Cancers RH+
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Docteur Marc Espié
Hôpital Saint-Louis, Paris
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Selon la classification moléculaire des cancers du sein, on distingue les cancers du sein luminaux des autres cancers mammaires. Ces cancers du sein sont dits hormonodépendants exprimant les récepteurs aux estrogènes et à la progestérone. On distingue deux sous-groupes : les cancers luminaux A et B.
Les cancers luminaux A sont les cancers les plus hormonosensibles, les moins proliférants dits de bas grade et donc de meilleur pronostic. Les types B expriment moins les récepteurs hormonaux notamment ceux à la progestérone, certains d'entre eux surexpriment les récepteurs HER2 et sont donc plus agressifs et de moins bon pronostic que les cancers luminaux A. Quelques cancers rares expriment les récepteurs hormonaux et HER2.
Le degré de prolifération est déterminé par le marqueur biologique Ki-67, anticorps monoclonal spécifique d'un antigène nucléaire exprimé par les cellules en prolifération. On admet qu'un Ki-67 15 %. Le Ki-67 est très fortement corrélé au grade de la tumeur.
Cliniquement, il n'y a pas de différence entre les luminaux A et B. Ils sont dépistés le plus souvent lors de la mammographie systématique réalisée chez les femmes de 50 ans et plus mettant en évidence des opacités voire des microcalcifications.
La conduite thérapeutique est de réaliser une tumorectomie ou une exérèse sous repérage radiologique, suivi le plus fréquemment d'une exérèse du ganglion sentinelle. En cas d'envahissement du ganglion sentinelle, un curage de la chaîne ganglionnaire est réalisé afin d'adapter secondairement la thérapeutique en fonction de la diffusion locorégionale du cancer du sein.
Se pose aujourd'hui la question d'éviter ce curage ganglionnaire chez certaines femmes, plutôt âgées, présentant des cancers du sein luminaux A, très hormonosensibles et donc répondant très bien à l'hormonothérapie. Dans ce cas, le curage ganglionnaire est réalisé à visée pronostique car il n'est pas toujours curateur.
La décision d'une désescalade thérapeutique est difficile à prendre car il plane toujours le risque de la récidive locale ou générale.
De même se pose la question de continuer à associer toujours la chimiothérapie adjuvante (protocole séquentiel d'antracyclines +/- de taxanes) à l'hormonothérapie lorsqu'il existe un envahissement ganglionnaire, notamment pour les cancers du sein luminaux A très hormonosensibles ? Pouvons-nous nous passer de la chimiothérapie adjuvante pour ces cancers ? L'analyse des données cliniques révèle que l'association chimiothérapie adjuvante + hormonothérapie donne des taux de guérison supérieurs à ceux de l'hormonothérapie seule mais cela n’est peut-être pas vrai pour les cancers luminaux A avec une très faible prolifération. Il faut cependant définir le plus précisément le profil patient qui pourrait bénéficier de cette seule hormonothérapie :
Ki-67 15 %, de grade 2 par exemple, exprimant faiblement les récepteurs hormonaux doivent toujours bénéficier de l'association chimiothérapie adjuvante et de l'hormonothérapie.
On peut de même se poser la question s’il faut traiter toutes les tumeurs surexprimant HER2 par le trastuzumab ou si pour ces cancers luminaux on doit ne le proposer qu’au-delà d’une certaine taille tumorale.
La désescalade thérapeutique en ce qui concerne la radiothérapie se pose également.
Actuellement, la radiothérapie adjuvante est systématique après une chirurgie conservatrice : elle vise tout le sein avec un surdosage sur la zone de tumorectomie et les aires ganglionnaires en cas d'envahissement. Il semble qu'une irradiation partielle et un traitement plus court ciblant la zone de tumorectomie puissent être proposés aux femmes plus âgées. Cette stratégie se base sur le fait que la majorité des rechutes survient dans la zone de tumorectomie initiale, l'irradiation partielle semble aussi efficace pour les cancers peu agressifs luminaux chez les femmes de plus de 60 ans.
La radiothérapie a bénéficié des avancées technologiques limitant les doses d'irradiation et préservant les tissus sains. Cependant, de rares cas de deuxième cancer peut apparaître 15 à 20 ans après l'irradiation du sein, parfois sur le sein controlatéral.
Un risque rare mais non nul existe de voir apparaître un cancer du poumon, de l'oesophage ou un sarcome.
Les résultats d'une grande étude internationale, MAP-3 (Mammary Prevention Trial-3), présentés à l'ASCO 2011, montrent que chez les femmes ménopausées à risque élevé de cancer du sein, l'exemestane (Aromasine, Pfizer), inhibiteur d'aromatase, réduit le risque de cancer du sein de 65 % par rapport au placebo.
Cette étude a été coordonnée par le NCIC (National Cancer Institute of Canada) et présentée par le Pr Paul Goss de l'université de Harvard (Etats-Unis). Que pensez-vous de cette étude et partagez-vous le même enthousiasme que ces protagonistes ?
Cette étude de phase III, en double aveugle, a randomisé plus de 4500 femmes à haut risque de cancer du sein dans deux bras thérapeutiques : exemestane versus placebo.
L'incidence annuelle des lésions infiltrantes et non infiltrantes était de 0,37 % sous exemestane et de 0,77 % sous placebo. En effet, au cours du suivi médian de 35 mois, sont apparus 11 cancers infiltrants dans le groupe de femmes recevant l'exemestane contre 32 dans le groupe placebo.
Les résultats observés concernant la qualité de vie sont surprenants puisqu'elle est équivalente dans les deux bras de traitements. Or, les effets indésirables des antiaromatases sont bien connus : les femmes se plaignent de sécheresse vaginale, douleurs musculaires et articulaires, une réduction de la DMO (densité minérale osseuse) est observée avec un risque d'ostéoporose et un risque fracturaire.
La population randomisée est hétérogène : les patientes ont soit plus de 60 ans, soit présentent ou ont présenté des hyperplasies atypiques canalaires ou lobulaires, soit des
carcinomes in situ traités par mastectomie. Il convient de regarder pour chaque sousgroupe, l'efficacité préventive d'un tel traitement. La médiane de suivi est trop courte pour pouvoir d'emblée en tirer des conclusions générales, même si ces premiers résultats ne sont pas inintéressants. Toutefois, le traitement par anti-aromatases n'est pas anodin : se pose alors la question de traiter des femmes en bonne santé !
Car les anti-aromatases pourraient éventuellement induire des effets indésirables à plus long terme comme des effets cardiovasculaires et notamment des coronaropathies ou
des troubles cognitifs.
D'autres essais sont en cours : l'essai LIBER, similaire à l'essai MAP.3 avec un autre inhibiteur d'aromatase, le letrozole, et l'essai IBIS2, essai préventif anglais testant une troisième molécule de la même classe, l'anastrozole. L'objectif de ces études est de disposer, pour ces femmes, d'une alternative préventive à la chirurgie mammaire (mastectomie préventive).
Des études ont été dirigées avec le tamoxifène et le raloxifène à visée préventive. Mais le tamoxifène a des effets indésirables bien connus : risque thromboembolique et augmentation du cancer de l'endomètre. Pour l'instant, aucune hormonothérapie n'a l'indication dans la prévention du cancer du sein.
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Les cancers bronchiques :
Nouvelles problématiques ou situations particulières en 2011
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Docteur Bernard MILLERON
Intergroupe Francophone de Cancérologie Thoracique (IFCT), Paris
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Très fréquemment on entend dire que les cancers non à petites cellules qui représentent la très grande majorité des cancers broncho-pulmonaires restent une maladie constamment fatale dans laquelle aucune nouveauté n’est observée. Cette réputation est totalement fausse et de profonds changements ont été observés dans ces toutes dernières années.
- L’épidémiologie s’est beaucoup modifiée :
o les formes liées au tabac ont suivi avec retard mais de façon parallèle les courbes de consommation tabagique qui en France ont atteint leur point culminant chez l’homme en 1980 et chez la femme en 1991 : ainsi le pic de fréquence est derrière nous chez l’homme mais continue à augmenter chez la femme. Il est à prévoir que la mortalité féminine par cancer du poumon poursuivra sa croissance au moins encore pendant 15 ans.
o Mais le tabac ne résume pas tout. En Asie notamment, on assiste à une importante épidémie du cancer du poumon chez les femmes non fumeuses dont les causes ne se résument pas au seul tabagisme passif ; d’autres causes environnementales sont probablement impliquées comme certains moyens de cuisson. Cette « nouvelle maladie » dont nous observons aussi un certain nombre de cas en Europe est responsable de formes moins graves qui sont sensibles à des traitements différents.
- Des résultats préliminaires mais très prometteurs d’une grande étude randomisée laissent à penser que le dépistage scanographique est susceptible de sauver un nombre important de fumeurs.
- L’imagerie métabolique et l’endoscopie sont en plein développement. La tomographie par émission de positons au 18-FDG couplée au scanner est maintenant bien implantée en France et doit être réalisée dans la plupart des cas lors du bilan initial. L’échoendoscopie effectuée par voie bronchique (EBUS) ou oesophagienne (EUS) est en plein développement et est en train de s’implanter en France. Ces examens qui remplacent dans bien des cas la médiastinoscopie plus invasive, permettent de mieux explorer les ganglions du médiastin en apportant une certitude que ne permettent ni le scanner ni l’imagerie métabolique.
- La place des traitements combinés (chimiothérapie et chirurgie, chimiothérapie et radiothérapie) a été précisée dans ces dernières années et une recherche clinique très active cherche à mieux définir les malades qui en bénéficient.
- Le traitement des stades IV a aussi évolué.
o On sait maintenant que dans beaucoup de cas le choix de la chimiothérapie (Pemetrexed) ou d’un traitement anti-angiogénique (Bevacizumab) doit être guidée par l’histologie,
o Certains patients bénéficient après un traitement d’induction d’un traitement de « maintenance » par prolongation d’un composant du traitement initial ou introduction d’une autre drogue,
o Une grande étude de phase III menée par l’IFCT en cours de publication a défini un nouveau standard de traitement pour les sujets âgés, o Surtout l’existence de mutations spécifiques de certains gènes (EGFR, gènes de fusion EML4-ALK, permet de prédire pour certains patients l’action de thérapeutiques réellement ciblées très actives et moins toxiques que la chimiothérapie. La France grâce a la politique très active menée par l’INCa est très en pointe dans ce domaine car dès maintenant une grande partie des 28 plates-formes accréditées sont capables de rechercher, à côté des mutations de KRAS et EGFR réalisées en routine, plusieurs autres anomalies génétiques pour lesquelles des médicaments efficaces auront demain une AMM conditionnée à l’existence de cette mutation.
Parce que cette maladie se complexifie de plus en plus, il est fondamental que les patients soient adressés rapidement dans des centres de références travaillant en réseau capables d’effectuer dans un temps court une prise en charge adaptée.
N’oublions pas que tous ces progrès n’ont été possibles que par l’existence d’une recherche clinique très active menée à la fois par l’industrie pharmaceutique et par les groupes coopérateurs indépendants. Ceux-ci se sont en France structurés au sein de l’Intergroupe Francophone de Cancérologie Thoracique qui, créé il y a 12 ans, a pu mener une vingtaine d’études cliniques et translationnelles portant sur plusieurs milliers de malades dans tous les domaines de l’oncologie thoracique.
Si l’on peut dire maintenant qu’il n’y a plus un seul mais plusieurs cancers du poumon n’oublions pas que la cause principale reste le tabac et que la lutte contre ce fléau doit rester le principal objectif.
Tableau I : Résumé des progrès récents observés dans les Cancers non-à petites cellules
CT : Chimiothérapie, RT : Radiothérapie, MS : Médiane de survie,
TKI : Inhibiteurs de la tyrosine-kinase (erlotinib et gefitinib), SSP : survie sans progression
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