altMesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs les Représentants du FMI, de l’OCDE, de la Banque Mondiale, des Instituts de Recherche et des Universités,

Permettez-moi tout d’abord de vous remercier de votre invitation à venir m’exprimer devant vous, à l’occasion de cette conférence organisée par le Fonds Monétaire International, sur les défis et les leçons pour l’Europe développée et l’Europe émergente de la réforme des soins de santé publique.

Le FMI s’investit beaucoup sur ce défi de la santé et de la réforme des soins, notamment en Europe, et je lui en suis très reconnaissante. Je sais notamment que, depuis la crise, il a appuyé plusieurs programmes pour maintenir les dépenses sociales et de santé dans les pays, tout en veillant à ce que celles-ci ne menacent pas la viabilité de leurs finances publiques.

En mettant les questions sociales et de santé au coeur de la réflexion mondiale, et notamment européenne, nous tirons les enseignements de la crise d’une ampleur sans précédent que nous avons traversée. Cette crise a eu des conséquences dramatiques partout dans le monde. Elle n’a pas été un accident de parcours. Elle a joué un rôle de révélateur. C’est la crise d’une mondialisation déséquilibrée, non régulée, c’est la crise d’une mondialisation qui n’était pas viable sur le long terme.

Que les choses soient claires, je pense que la mondialisation est un progrès : c’est la création de richesses, c’est la réduction considérable de la pauvreté, c’est notamment l’accès à la santé. Mais ces progrès sont inégalement répartis. Et cette mondialisation n’a pas épargné le tissu social des pays européens. La crise a éprouvé nos systèmes de santé et de protection sociale, même si globalement, en Europe, ceux-ci ont joué un rôle d’amortisseur, en permettant de maintenir la demande, et donc de limiter les effets négatifs de la crise sur l’économie.

Dans nos pays européens confrontés au vieillissement de la population, nous voyons bien, par exemple, que l’urgence est autant d’améliorer l’accompagnement médical et social des personnes jusqu’à un âge avancé, que d’assurer la pérennité de nos systèmes de retraite.

Il ne s’agit pas de créer le même modèle de protection sociale, d’assurance maladie, ou de système de soins partout en Europe : cela serait absurde. En revanche, développer un « socle de protection sociale » au niveau international, comme l’a souhaité la Présidence française du G20, me paraît un objectif essentiel. Car, quand un pays investit dans la santé, l’éducation et la formation, il investit dans la croissance et le développement de son pays dans le long terme.

Le droit à la santé, par définition, n’a pas de prix, en termes d’éthique et d’humanité. Car la solidarité est précisément une valeur qui n’a pas de prix. C’est pourquoi nous ne pouvons réduire le droit à la santé à une logique de coûts.

Cela dit, la santé en a un. Et comment faire valoir le droit à la santé de chacun, dans des pays fragilisés par la crise, qui n’offrent pas, ou peu de système de protection sociale ?

Dans les pays développés, la maîtrise des coûts des dépenses de santé constitue une préoccupation majeure. Elle est justifiée, car ceux-ci ne peuvent augmenter continuellement sans compromettre la pérennité des systèmes de protection sociale.

Dépenser des milliards de plus, cela veut-il dire qu’on aura pour autant une meilleure santé ? La surconsommation coûteuse de médicaments observée chez les Français n’est pas, par exemple, synonyme de meilleure santé. Que ce soit dans les pays européens développés ou émergents, nous devons donc faire face à des défis semblables, et à des besoins de plus en plus grandissants, alors même que les ressources se font de plus en plus rares : c’est cette prise de conscience qui doit motiver le renforcement de notre coopération et de notre solidarité à l’échelon européen et mondial.

Cependant, cessons de considérer seulement le secteur de la santé comme une source de dépense et de coûts. Car la santé, et c’est le cas en France comme dans de nombreux pays, peut être aussi le premier pourvoyeur d’emplois, et un secteur créateur de richesses.

Elle n’est pas qu’un critère de qualité de vie. C’est aussi un facteur de croissance.
C’est pourquoi une économie dynamique de la santé est une condition essentielle du progrès médical de l’ensemble du monde.

Solidarités, économie et croissance, pour et grâce à la santé, peuvent être étroitement liées, pour peu qu’elles soient animées par une volonté politique forte : celle de les réunir dans les valeurs de l’économie sociale, et dans une philosophie de progrès partagé à l’échelle de l’Europe et à l’échelle du monde.

En mettant cette dimension sociale au coeur de la régulation de la mondialisation et de ses priorités nationales et européennes, la France a fait le choix de la responsabilité dans la solidarité.

C’est pourquoi elle s’est appliquée à engager des réformes pour pérenniser un système de santé auquel les Français sont attachés, qui repose sur le principe de la couverture universelle du risque maladie.

Notre modèle présentait en effet des imperfections et des insuffisances pour des raisons à la fois liées au vieillissement de la population, aux évolutions de plus en plus rapides du progrès médical, de son coût sans cesse croissant. Il avait privilégié le curatif, au détriment du préventif, en négligeant l’éducation pour la santé.

Nous vivons, en outre, en France, un paradoxe concernant la démographie médicale. Il existe en effet une densité médicale supérieure à la moyenne des pays de l’OCDE (308 médecins pour 100 000 habitants contre 262 en moyenne) alors que, dans le même temps, de véritables déserts médicaux sont observés dans nos zones rurales ou dans certains quartiers périurbains.

La loi « Hôpital Santé Patient Territoire » du 21 juillet 2009 constitue sans doute la réforme la plus ambitieuse depuis la mise en place de notre système de santé et de protection sociale en 1947. Elle a voulu en sauvegarder l’esprit, et l’éthique, celle du droit de chacun à pouvoir être bien soigné.

 Mais il était nécessaire d’en renforcer la cohérence et la performance.
- elle a érigé l’éducation thérapeutique, et donc la prévention, en politique nationale, car la prévention est aussi bien un facteur de mieux vivre qu’un principe de saine gestion de la santé.
- l’une de ses idées maîtresses, c’est également la régionalisation des soins, pour aller vers la simplification des procédures, et la mise en synergie des différents services rendus à la population sur un territoire donné. Cette régionalisation a été matérialisée par la création, dans chaque région française, d’une Agence Régionale de Santé, pour mieux organiser l’offre de soins ambulatoire en fonction des besoins locaux de santé, et faire évoluer les modalités d’exercice de la médecine vers plus de coordination et de collaboration entre les professionnels. C’est dans cette perspective que nous avons fait le choix de développer également la télémédecine, dont les atouts sont les mêmes pour l’ensemble des pays de l’Europe.

Je suis convaincue, Mesdames et Messieurs, que cette régionalisation des systèmes de soins que nous avons mise en place en France peut constituer un exemple de pratique pour les pays européens qui se trouvent dans une démarche de décentralisation. Et nous avons sans doute beaucoup à apprendre les uns des autres en ce domaine.

Des politiques de prévention mieux ciblées, une offre de soins mieux répartie, des parcours de soins plus pertinents et simplifiés : toutes ces actions doivent permettre non seulement de garantir une meilleure prise en charge de chaque citoyen, où qu’il se trouve, mais aussi d’améliorer l’efficience de nos dépenses de santé.

Ces avancées en termes de soins de santé publique ne sont pas contradictoires avec une gestion maîtrisée des coûts. Pour la première fois depuis sa création en 1997, notre Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) a été respecté en 2010, grâce notamment à une consommation mieux maîtrisée des soins de ville, mais aussi des établissements de santé et des établissements médico-sociaux.

L’économie de la santé ne va donc pas à l’encontre de la solidarité.
C’est pourquoi la coopération entre les pays développés et les pays émergents en matière médicale ne permet pas seulement la globalisation nécessaire des connaissances sur la santé. Elle capitalise sur le savoir de certains pays, pour faire progresser la santé au bénéfice d’autres pays.

Parce que le progrès médical est indissociable de la notion de partage.

Il apparaît ainsi indispensable de renforcer les échanges de bonnes pratiques de prise en charge, le transfert de technologies et, bien entendu mettre en commun, le fruit des
recherches, pour le bénéfice du plus grand nombre.

Ce doit être l’esprit de notre coopération intra-européenne en matière de santé. Et celle-ci nous appelle à une coopération plus large à l’échelle mondiale, sous le signe de la solidarité internationale.

Le droit à la santé transcende en effet les frontières.
C’est pourquoi la coopération et les échanges internationaux en matière de santé publique sont la seule voie pour assurer le respect à la santé.

A l’heure où les enjeux de santé publique se globalisent, qu’il s’agisse de maladies transmissibles liées à la mobilité des personnes, ou de maladies non transmissibles liées au vieillissement des populations, l’Europe ne peut pas faire cavalier seul.

Cette mission, nous avons la chance de pouvoir la réaliser, grâce à l’appui des institutions internationales que vous représentez, auxquelles je veux rendre hommage pour leurs actions. Réussir en Europe nos réformes des soins de santé publique, c’est bien plus qu’un enjeu européen, c’est un enjeu mondial, un enjeu d’organisation de la solidarité universelle.

Je vous remercie.


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